C’est à la réédition d’un best-seller que s’attaque Plantin avec cet avatar des Emblèmes d’Andrea Alciato, dit Alciat (1492-1550). Recueil d’épigrammes latines en grande partie inspirées de modèles grecs fraîchement redécouverts en Occident et farcies de références à la culture antique (mythologie, histoire, philosophie), les Emblèmes (du grec ἔμβλημα, ornement) ne brillent pas seulement par leur qualité littéraire ; le succès vint de ce que, soit par la volonté d’Alciat, soit par la ruse d’un éditeur bien inspiré, ces poèmes parurent dans un format révolutionnaire, associant à chaque épigramme une gravure.

Cette forme nouvelle, voire ce genre nouveau (qu’on appela, d’après le recueil d’Alciat, l’« emblématique »), imposait un mode de lecture nouveau. Car de la combinaison texte-image naît un jeu complexe de résonances et de dissonances, bref une ambiguïté fondamentale, complexifiée de surcroît par le caractère hermétique des gravures, souvent chargées de figures allégoriques, et par le système de citations et de références cryptées aux realia antiques présents dans le texte. La lecture de l’emblème, pour cela, s’apparente à un exercice de détection d’indices, de décodage de signes d’où finit par se dégager une signification du titre de l’emblème, souvent à portée morale. L’Érudition, en somme, au service de la Sagesse : bienvenue chez les Humanistes.

Le recueil d’Alciat fit l’objet de nombreuses rééditions annotées, donnant au lecteur les clés nécessaires à leur élucidation. C’est dans cette ligne que s’inscrit le présent ouvrage, adossant aux Emblèmes le volumineux commentaire de Claude Mignault (1536-1606), alias Minos. Car il fallait bien les lumières d’un Minos pour nous guider dans ce labyrinthe des signes construit par Alciat.