Composé dans les dernières années du XVII^e siècle, ce traité de pharmacognosie – science appliquée qui traite des matières premières et substances biologiques à potentialité médicamenteuse – restera un classique de la littérature médicale durant tout le siècle suivant et fera l’objet de plusieurs traductions. Imprimé pour la première fois en 1698 pour le libraire parisien Laurent d’Houry, l’ouvrage fait suite à une Pharmacopée universelle qui était disponible à la même enseigne depuis l’année précédente.

En entreprenant la rédaction de ces deux volumes, Nicolas Lemery (1645-1715), médecin et apothicaire, fait le pari de rassembler les connaissances pharmaceutiques du temps, moissonnées sur toute la surface du monde connu, sélectionnant les remèdes jugés les plus efficaces. Pour son éditeur, c’est à peine si le risque d’un échec commercial est à prendre en compte : Lemery, grâce au Cours de chymie qu’il a fait paraître vingt ans plus tôt, s’est fait un nom dans l’Europe entière et, depuis qu’il a abjuré en 1686 l’hérésie calviniste, il a retrouvé la liberté d’officier dont le climat anti-huguenot l’avait été privé cinq ans plus tôt. Et la clientèle parisienne et versaillaise est au rendez-vous, qui s’arrache ses médicaments, ses drogues et autres préparations, notamment ce merveilleux blanc d’Espagne dont se tire le fard avec lequel les élégantes aiment à s’éclaircir le teint et dont il conserve jalousement le secret.

D’origine tantôt animale, tantôt minérale ou végétale, chaque élément possédant des propriétés bénéfiques pour la santé est, dans ce dictionnaire alphabétique, classé sous son appellation latine et donne lieu à une notice d’importance inégale. Une table des équivalents en langue française permet aux moins érudits de trouver rapidement l’information recherchée. Ces 600 pages d’un texte serré sont illustrées de 25 planches présentant chacune 16 figures en taille-douce qui furent abondamment copiées.

Le contemporain qui parcourt ce livre sera amusé de découvrir l’incroyable diversité des vertus identifiées à l’époque dans le chef de nombreuses substances. Ainsi de la vanille qui, ingrédient indispensable à la confection du chocolat, « attenue les humeurs visqueuses, (…) excite l’urine & les mois aux femmes ». La semence du chanvre « est estimée propre à ralentir les ardeurs de Venus, étant prise plusieurs jours de suite ; elle apaise aussi la toux ». La graisse d’émeu est « émolliente, nervale, résolutive, digestive ». Quant à celle du chien domestique, appliquée en pommade, elle soulagera efficacement sourds et goutteux…

Antony Smal