Le jour qui se lève sur Bruxelles au matin du 16 août 1695 révèle les contours d’un paysage dévasté. La ville darde vers le ciel des pignons calcinés, des tours mutilées, des remparts bousculés.

En s’en prenant à la capitale des Pays-Bas espagnols, Louis XIV a voulu stupéfier les coalisés d’Augsbourg qui lui font la guerre en même temps que manœuvrer pour dégager sa garnison de Namur cernée par les troupes ennemies.

Durant deux jours et deux nuits, les canons et les mortiers du maréchal de Villeroy ont tonné sans presque discontinuer, allumant à travers la cité des brasiers qui, encouragés par un vent d’ouest, ont rapidement progressé dans un habitat dense, encore largement dominé par le bois.

Le bombardement, somme toute, a fait peu de morts mais les sans-abris se comptent par milliers. Parmi eux, le jeune Augustin Coppens.

Issu d’une courte mais honorable lignée de peintres, il a su de bonne heure se faire remarquer, en particulier par certains lissiers bruxellois et par des marchands de tapisseries d’Audenarde qui aiment sa manière de tourner les paysages et lui commandent fréquemment des cartons.

Dans les jours ou semaines suivant l’attaque, se mêlant aux bourgeois et aux ouvriers qui s’activent à déblayer les décombres, Coppens parcourt les quartiers ruinés du centre-ville et en croque le triste spectacle.

De ses dessins, il tirera une suite de douze gravures dont le succès sera immédiat, durable et international. Les dégâts occasionnés au Grand Marché – l’actuelle Grand-Place – y font l’objet de deux planches. Sur celle ici présentée, observée depuis l’angle de la rue de la Colline, on aperçoit une place bouleversée, littéralement labourée par les projectiles. Si l’Hôtel de Ville et la Maison du Roi ont à peu près tenu le choc, ne subsistent des édifices de la rue de la Tête d’Or que des pans de façade dont les croisées béent sur le vide. La reconstruction de l’ensemble sera rapide : engagés dès 1696, les travaux seront bouclés six ans plus tard.