Carl von Linné (1707-1778), médecin et botaniste suédois, est considéré comme le père de la taxinomie (comment classer) et de la nomenclature (comment nommer) : dans le dessein d’imposer un système descriptif rationnel et universel, il a mis au point la nomenclature binomiale des espèces qui reste à la base de la nomenclature scientifique moderne. Entièrement rédigé en latin, son Systema naturae est publié une première fois en 1735 et ne compte alors que onze pages. Pendant 35 ans, au fil de ses découvertes, le savant éditera des versions revues et augmentées, bientôt réparties en trois tomes (un par règne : le règne animal, le règne végétal et le règne minéral). Si bien que cette édition, de 1788, compte plus de 3.000 pages.

La classification de von Linné, véritable révolution dans l’histoire naturelle, repose sur une hiérarchie de catégories de plus en plus précises regroupant les espèces semblables. Elle s’est rapidement imposée comme un modèle pour plusieurs générations de naturalistes. Œuvre née à une époque résolument fixiste, elle n’établit toutefois aucun lien de parenté entre ces « créations divines », lesquelles étaient conçues comme permanentes. Von Linné ambitionnait d’ailleurs d’en faire un inventaire exhaustif de son vivant – prétention qu’aucun naturaliste, une fois la théorie de l’évolution imposée, n’a plus pu nourrir. De nombreux amendements ont évidemment été apportés à cette systématique depuis le XVIII^e siècle, mais ils n’enlèvent rien au caractère novateur de l’œuvre : pour la première fois, les êtres humains sont classés avec les primates.

Avec ses 6.000 espèces végétales et 4.400 espèces animales recensées, le Systema Naturae de von Linné est une œuvre collective. L’auteur, qui a beaucoup voyagé, a aussi rassemblé les descriptions faites par une cinquantaine d’autres naturalistes éparpillés dans le monde.