L'atlas curieux ou Le monde réprésenté dans des cartes générales et particulières du ciel et de la terre divisé tant en ses quatre principales parties que par états et provinces et orné par des plans et descriptions des villes capitales et principales, et des plus superbes édifices qui les embelissent : comme sont les Eglises, les Palais, les Maisons de Plaisance, les Jardins, les Fontaines &cc.
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Les premiers atlas apparaissent durant la seconde moitié du XVIe siècle, et c’est aux Flamands qu’en revient l’initiative. En 1570, Abraham Ortelius publie Theatrum Orbis Terrarum, une première « collection de cartes », au format d’un livre, facilement manipulable : le succès commercial, objectif avoué, est immédiat ! Un peu plus tard, c’est Mercator lui-même qui dénommera ce type d’ouvrages « Atlas ».
L’Atlas curieux, œuvre de Nicolas de Fer, cartographe de plusieurs monarques de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècle, s’inscrit dans cette mouvance : l’ouvrage, richement illustré, est également un succès commercial qui comptera plusieurs éditions.
La philosophie du siècle des Lumières impactera fortement la cartographie : on s’applique à contrôler les faits et les cartes gagnent en précision. Pour la première fois, les cartographes font preuve de prudence. Ainsi la planche 6, présentant une « mappemonde ou carte générale de la Terre », projetée sur deux hémisphères, est particulièrement évocatrice : on y constate que les contours est de l’Australie et ouest de l’Amérique du Nord y sont absents, car encore inexplorés ! Ceci contraste avec les atlas des siècles précédents, qui faisaient preuve d’une imagination débordante et fantasmaient sur des contrées imaginaires…
Au même titre, on constate sur la planche 7, qui offre une vision alternative de la Terre dans son ensemble, une indication de l’auteur par laquelle il avertit que « cette projection de la Terre et de l’eau, qui semble plus naturelle, approche moins de la vérité que les plans hémisphères ». Le cartographe prend l’initiative d’informer le lecteur des limites de sa carte, en particulier des déformations liées à la projection géographique utilisée ! Ou encore, à l’endroit vide qu’occupe en réalité l’Antarctique, jamais atteint à l’époque, il mentionne que « quelques géographes ont placé ici des grandes Terres et des Royaumes jusqu’à présent inconnus ». Dans ce dernier cas, l’avenir le prouvera, ces géographes n’avaient pourtant pas tort…
Cette prudence remarquable dont fait montre l’ouvrage semble particulièrement salutaire à notre époque, où l’accès aux outils cartographiques n’a jamais été aussi facile. Elle rappelle que toute carte, en tant que projection géographique, n’est qu’une représentation plus ou moins mensongère d’un espace donné. On aurait pu souhaiter que l’esprit précautionneux des représentations planisphériques du XVIIIe siècle prévaille encore aujourd’hui. Or, c’est un modèle du XVIe siècle qui continue à s’imposer : la représentation de la Terre possiblement la plus connue du grand public est basée sur la projection de Mercator, utilisée entre autres par Google® et son outil cartographique. Cette projection, si elle respecte les formes, exagère considérablement les surfaces. Le lecteur peu informé imaginera sans doute que le Groenland est plus grand que l’Afrique alors qu’il est en réalité près de quinze fois plus petit ! Pire, si l’on superpose les images satellites au planisphère Google®, les masses de glace arctiques et antarctiques y apparaissent considérables ! De là à remettre en cause le changement climatique ?
Pour conclure, si l’accès au plus grand nombre de l’outil cartographique est sans doute une avancée technologique remarquable, l’ouvrage de N. de Fer rappelle que l’éducation cartographique est ô combien essentielle, et la nécessité de garder un esprit critique face à toute carte en tant qu’approximation plus ou moins rigoureuse de la réalité.
Nicolas Dendoncker
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Notes
Notes : Tome II : page de titre entièrement gravée signée N. Guérard, représentant un port de mer.
Notes : Le tome I est publié chez le Sr Danet "Gendre de l'Auteur sur le Pont N.D. a la Sphere Royale avec Privilege du Roy et aprobation de Mr de la Hire Professeur Royal de l'Academie des Sciences 1723".
Le tome II est publié chez Benar "Gendre de l'auteur dans l'Isle du Palais a la Sphere Royal sur le Quay de l'orloge 1725".
Notes : Il est écrit "Tome Ier" sur la page de titre du tome II.
Provenance : Cachet inventaire Bibl. Dom. S.I. Eegenhoven IHS.
Ancienne cote d'Eegenhoven 3.626F.
"Ctesse de Villers" écrit au crayon dans le tome II.
Notes : La plupart des planches sont gravées par N. de Fer.
Notes : Détail de la pagination : Tome I : 118 planches gravées dont 8 dépliantes, et environ 59 grav. (texte dans un encadrement), interfoliées.
Tome II : 135 planches gravées dont 7 dépliantes et environ 76 grav. (texte dans un encadrement), interfoliées.
Pastoureau, pages 167 et suivantes.