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Dans la nature, les couleurs ont été de tout temps un sujet d’étude passionnant pour le physicien. Avec le professeur Jean Pol Vigneron, j’ai eu la chance de mener des recherches sur plusieurs espèces de lépidoptères et coléoptères où se rencontrent des phénomènes fascinants relatifs aux couleurs dites structurales. D’emblée, j’ai été attiré par l’ouvrage trilingue (latin, français, néerlandais) de J. E. Voet publié en 1806, au titre évocateur « Catalogus systematicus coleopterorum ». Mon secret espoir était d’y retrouver décrites quelques espèces qui ont été le sujet de nos recherches, en particulier, Hoplia coerula et Dynastes hercules. Notre étude de la couleur bleue iridescente du mâle H. coerula s’est avérée, au fil des ans, très riche en découvertes, dont la dernière en date vient d’être publiée dans un journal édité par le groupe Nature (S. Mouchet et al., Scientific Reports, 2016). D. hercules, le plus grand et le plus célèbre des scarabées rhinocéros, ainsi dénommé en raison de sa corne qui lui permet de transporter une charge pesant jusqu’à une centaine de fois la masse de son corps, possède une propriété moins connue, celle de changer de couleur en fonction du taux d’humidité ambiant (M. Rassart et al., New Journal of Physics, 2008), ce qui a suscité non seulement l’intérêt des scientifiques mais aussi celui du monde industriel (matériaux hygrochromes). Par ailleurs, le supercalculateur de la Plateforme Technologique de Calcul Intensif de l’Université de Namur a été baptisé « Hercules » en hommage à Jean Pol Vigneron, décédé accidentellement en 2013.
De prime abord, ma recherche sur les noms d’espèces s’est avérée décevante (les règles de taxonomie m’ont cependant été utiles par la suite pour confirmer mes suppositions). Un examen attentif des planches d’illustrations m’a permis en revanche d’identifier deux suspects de choix pour H. coerula et D. hercules. Fort heureusement, je disposais d’indices visuels précieux : la petite taille et surtout la rareté de la couleur bleue chez les coléoptères dans le premier cas ; la grande taille, la couleur kaki et la corne caractéristique dans le second cas. La lecture des descriptions auxquelles me renvoyaient ces planches n’a ensuite plus laissé l’ombre d’un doute, nonobstant le fait que la première espèce est ici nommée « Venator coeruleus » en latin, traduit par « Le chasseur bleu », la seconde portant le nom latin « Hercules », traduit sans surprise par « Hercule ». La première se trouve répertoriée dans la rubrique « Scarabés d’arbres ». L’iridescence bleue y est mentionnée : « sa couleur bleue a l’éclat d’une pierre précieuse » ; la description est succincte du reste. Celle de la seconde est plus fournie. Répertoriée dans la rubrique « Hannetons terrestres », on y trouve une explication de la fonction de la « corne branchue » qui permet à l’insecte de « travailler dans les feuilles pourries, dans le bois vermoulu ». Ce dernier détail n’est pas sans évoquer une anecdote datant de l’époque où Jean Pol Vigneron hébergeait dans son bureau, à des fins de mesures optiques, un dynaste répondant au nom d’Hercule. Le régime alimentaire d’Hercule, à la base de fruits pourris, finit au bout de quelques semaines par produire une odeur qualifiée de … pestilentielle par les collègues ! Si cette recherche a dépassé de loin mon espérance de trouver les deux espèces en question dans le « Catalogus systematicus coleopterorum », il ne faut point trop s’en ébahir puisque l’identification de H. coerula et D. hercules est due, respectivement, à Drury (1773) et à Linnaeus (1758), ce qui rétrospectivement rendait possible leur trouvaille dans un ouvrage de 1806.
Olivier Deparis
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Provenance : Ex-libris manuscrit "[…] Maurissen" ; Cachets inventaire Bibl. Dom. S.I. Eegenhoven IHS.