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Fait partie de Natura Mosana. Année 2022. Tome 75. Nouvelle série
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P904020
BE ISSN 0028-0666

NATURA
MOSANA
Revue de sciences naturelles en Wallonie

75
nouvelle série

2022

Natura Mosana, nouvelle série, n° 75 (2022) : 1-2

Éditorial

La tradition veut que le 75e anniversaire d’un événement
(hormis les mariages, qui anticipent...) soit associé à la
pierre considérée comme la plus précieuse. Ce septantecinquième volume de Natura Mosana correspond donc à un
jubilé de diamant.
C’est en effet le 13 juillet 1947, à l’abbaye de Maredsous
(Denée) qu’est définie, à l’intiative de la Société des
Naturalistes de Namur-Luxembourg, créée en avril 1946 et
sous l’impulsion du père Paul HENRARD s.j., accompagné
d’Arthur CULOT, Fredi DARIMONT, Paul MANIL, Paul
MARÉCHAL et Armand MONOYER, une convention relative
à la création d’un organe de diffusion en association avec
la Société des Naturalistes de Charleroi, la Société
botanique de Liège et le Cercle des Entomologistes
liégeois. Le premier numéro paraît en janvier 1948, sous le
titre Natura mosana, plébiscité par l’assemblée, en relation
avec une Wallonie couverte, à quelques zones périphériques près, par le bassin mosan.
Cependant, le titre du périodique, malgré l’évocation de
la vallée éponyme, se voulait sans aucune exclusive et
nullement réducteur, avec un champ d’étude s’étendant
même au-delà de la seule Wallonie, visant finalement
l’information la plus large des membres des sociétés
affiliées.
Que de travail accompli, aussi bien par les amateurs que les
professionnels appartenant à diverses institutions
académiques : à côté de nombreux anonymes, on relevait
au bas des articles, dès les première années, les signatures
de noms qui ont marqué le naturalisme belge, comme dom
Félix ANCIAUX DE FAVEAUX o.s.b., Adrien BAUCHAU s.j.,
Albert DENOËL, J. DUVIGNEAUD, Paul DUVIGNEAUD, Paul
HENRARD s.j., André LAWALRÉE, Jacques LAMBINON, Jean
LECLERCQ, Arthur MONOYER, Paul MARÉCHAL, et bien
d’autres, pour consigner et commenter des milliers
d’observations.
Les conférences organisées dans les associations invitaient
des orateurs de renom, proposant des sujets parfois austères
mais toujours importants pour l’édification de leurs
membres et dont les textes étaient publiés dans la revue :
ainsi parmi d’autres, les vitamines et antivitamines chez les
plantes (Prof. SCHOPFER, université de Berne, à Liège en
1949), les Industries néolithiques du bassin de la Meuse (H.
ANGELROTH, Namur, 1956), la photosynthèse, progrès
récents et perspectives (Ch. LOMBART s.j., Namur, 1958).

Le père HENRARD décède en 1952, après avoir porté à bout
de bras la revue pendant cinq années. Il sera succédé par le
père ROBERT DENDAL s.j., professeur de géographie,
également aux Facultés N.-D. de la Paix. Durant les dix
premières années, le comité de rédaction s’étoffe
progressivement, avec la présence d’Henri ANGELROTH,
Arthur CULOT, Victor D’ANSEMBOURG, Fredi DARIMONT,
Robert DENDAL s.j., P. DEUSE, François HUNIN, Paul
MARÉCHAL. En 1962, R. DENDAL cède le poste de
secrétaire-trésorier à Jacques DUVIGNEAUD, qui sera suivi
par Jean MARGOT en 1994, passant lui-même le flambeau
au secrétaire actuel en 2012.
Initialement, la ligne éditoriale de Natura Mosana misait
beaucoup sur les comptes rendus d’activité des sociétés
affiliées qui ont, au fil du temps, minimisé ces rapports ou
ont privilégié leur propre canal d’information. Les renseignements bibliographiques publiés en Suppléments
bibliographiques, y tenaient une place considérable, à une
époque où ces pages représentaient la seule forme de
diffusion efficace de la littérature naturaliste. Ils ont été
progressivement remplacés par des comptes rendus de
lecture dont Jacques LAMBINON était devenu une référence
remarquée. Ces Suppléments disparurent définitivement à
la fin des années 1960, bien avant l’ère de la « Toile » qui
nous met en connexion immédiate avec toutes les
bibliothèques du monde. Une rubrique, également
appréciée, les Personalia, mettaient en valeur les
promotions ou les distinctions de certains membres des
associations.
Une autre époque... Le passé est un pays étranger, écrivait
RACINE, tout y est différent.
Progressivement, Natura Mosana s’est définie, surtout sous
l’impulsion de Jacques LAMBINON qui en devint
l’éminence grise durant des décennies, comme une revue
d’information naturaliste et scientifique, moins axée sur les
activités que sur des thèmes plus généraux quoique toujours
orientés vers les sciences naturelles, et surtout la floristique
portée haut par le tandem Jacqueline SAINTENOY-SIMON et
Jacques DUVIGNEAUD, jusqu’à la création d’une autre
revue à laquelle ils se consacrèrent exclusivement.
La revue, par cette ligne éditoriale de qualité, s’est
positionnée rapidement et avantageusement dans le
paysage du naturalisme francophone belge. Les échanges
nationaux et internationaux de premier ordre en ont été la

1

conséquence immédiate. Cette orientation et ce niveau sont
décriés par certains aujourd’hui, considérant les contenus
de la revue trop ardus, alors que des articles assez pointus
sont apparus très tôt dans Natura Mosana.

élément historique, et que la nostalgie seule pourrait en
justifier la lecture. Une visite du site en ligne de la revue
sur la plateforme en ligne NEPTUN, où tous les volumes
sont consultables jusqu’aux toutes dernières années, est
édifiante.

La mise en page a inévitablement évolué au cours du temps.
Les premiers numéros furent tirés par ronéotypie puis,
rapidement pris en charge par les éditions Lejeunia, en
travail d’imprimerie classique jusqu’en 1973, date à
laquelle l’impression a bénéficié de la technologie offset,
permettant l’insertion de photographies, tout d’abord en
noir et blanc, ensuite en couleurs, à partir de 2004. En 2014,
le format ‘Royal’ (16 × 24 cm) a été abandonné au profit
du format A4 actuel, plus avantageux, avec une mise en
page sur deux colonnes.

En ces temps où l’édition des revues périodiques dans la
sphère naturaliste s’affaiblit considérablement, Natura
Mosana résiste à l’immédiateté et l’évanescence de
beaucoup de canaux de communication actuels. Elle
s’adapte néanmoins, et depuis longtemps, de la même
manière que se sont adaptées les modalités d’excursions sur
le terrain (Fig. 1), et elle restera accueillante tout en
conservant sa ligne éditoriale qui en a fait un organe
d’information naturaliste de référence.

En trois quarts de siècle, le corpus édité par Natura Mosana
représente une somme considérable et indéniable, un
monument documentaire de toute première importance,
disait déjà André LAWALRÉE en 1973 (Natura Mosana, vol.
26, n° 3), et on aurait tort de la considérer comme un

Que tous collaborent pour continuer, tel est le souhait de
tous, concluait André LAWALRÉE, dans son évocation du
25e anniversaire de la publication de la revue. De quelquesuns, dirons-nous aujourd’hui, ce qui reste suffisant pour
garder le cap le plus longtemps possible.

Philippe MARTIN
secrétaire de rédaction

Fig. 1. – Départ d’une excursion naturaliste en vallée mosane, aux Facultés
N.-D. de la Paix, rue de Bruxelles, Namur. Vers 1930. Source : BUMP.

2

Natura Mosana, nouvelle série, n° 75 (2022) : 3-14

Le chômage de la Meuse.
Compte rendu de l’excursion de la Société des Naturalistes de
Namur-Luxembourg, le 4 octobre 2022
Guy BOUXIN*1, ROBERT ISERENTANT **,
Philippe MARTIN***, Marie-Thérèse ROMAIN** & André SMOOS****
RÉSUMÉ
Le chômage de la Meuse est une opération technique qui rend possible la maintenance des ouvrages hydrauliques immergés par
abaissement du plan d’eau durant une période limitée, mais qui autorise ainsi l’observation d’organismes benthiques mis à découvert.
L’excursion du 4 octobre 2022 a permis de mettre en évidence des taxons nouveaux ou rares pour la flore et la faune du fleuve, tels Najas
marina, Spongilla lacustris ou Achnanthidium druartii.

ABSTRACT
The unemployment of the Meuse is a technical operation that makes it possible to maintain submerged hydraulic structures by lowering
the water body for a limited period, but which thus allows the observation of benthic organisms exposed. The excursion of October 4,
2022 highlighted new or rare taxa for the flora and fauna of the river, such as Najas marina, Spongilla lacustris or Achnanthidium
druartii.

* rue des Sorbiers 33, B-5101 Erpent, Belgique. Courriel : guy.bouxin@skynet.be
** avenue de Semur-en-Auxois 59, B-5590 Ciney. Courriel : isrob2009@gmail.com et leurquin.romain@skynet.be
*** département de Biologie, Université de Namur, Namur, Belgique. Courriel : philippe.martin@unamur.be
**** rue de la Chapelle Lessire, 63 B-5020 Malonne. Courriel : andre.smoos@skynet.be
____________________________________

INTRODUCTION
La Meuse est un fleuve qui prend sa source à Pouilly-enBassigny, dans le département français de la Haute-Marne.
Après un parcours d’environ 950 km – dont un tiers en
Belgique – elle se jette dans la mer du Nord aux Pays-Bas,
en formant un delta complexe avec le Rhin. Son bassin
versant s’étend sur près de 36 000 km² (Fig. 1) dont un tiers
en Belgique. Sa position géographique en a fait à la fois un
élément frontalier, séparant notamment le royaume de
France et le Saint-Empire romain germanique au 13e s.,
mais surtout une artère économique de premier plan avec
un important trafic fluvial dès le Moyen Âge, que l’on peut
comparer à celui de la Seine et du Rhin à la même époque
(SUTTOR, 2017). Le développement de la Principauté de
Liège et de ses satellites comme Huy, Andenne, Namur et
Dinant fut étroitement lié aux mouvements commerciaux
que permettait le fleuve, et tout particulièrement le transport du vin, qu’il provienne des vignobles locaux ou de
diverses régions européennes (SUTTOR, 2017).

Si le transport fluvial était déjà important au Moyen Âge
(Fig. 2) et à la Renaissance, où les capacités batelières
pouvaient atteindre 120 tonnes, les réalités industrielles
ultérieures ne pouvaient se contenter de ces faibles
tonnages, ce qui imposa des aménagements progressifs du
cours d’eau, de 1853 à 1880 pour la Belgique (SUTTOR,
2017), avec la canalisation des berges sur une bonne partie
de son cours, la création de barrages pour réguler un débit
assez inconstant2 et des crues parfois spectaculaires, et
d’écluses pour garantir la continuité de la navigation en
portant la capacité à 600 tonnes et un tirant d’eau à 2,2 m
minimum. Un siècle plus tard, un second aménagement du
fleuve a permis de relever la hauteur à 2,5 m par dragage,
amenant les moyens de transports à 1350 tonnes.
(Anonyme, 2017).
Tous ces ouvrages, en grande partie sous eau, doivent être
entretenus régulièrement. Pour éviter l’installation très
coûteuse de rideaux de palplanches avec pompage
complémentaire afin de maintenir exondée la zone de

1

Guy BOUXIN a assuré la guidance de cette excursion en proposant des sites particulièrement intéressants.

2

Le débit moyen à hauteur de l’écluse de Namèche est de 160 m3.s-1 ± 50 (source : Wikipédia).
3

travail, un abaissement du niveau de l’eau d’environ 2,5 m
est opéré tous les cinq ans, entre Hastière, le premier
barrage sur le territoire belge, et le barrage de La Plante à
Namur. Soit neuf ouvrages en tout, en amont de la
confluence avec la Sambre, sur une zone qui comprend le
plus d’ouvrages hydrauliques sur la portion belge de la
Meuse, en raison du dénivelé qui est le plus important du
parcours belge.

pesticides) ou organique (la mise en place de stations
d’épuration, bien que fortement développée, est encore
localement lacunaire) et son corollaire, l’eutrophisation.
Au-delà de la qualité intrinsèque de l’eau, les
aménagements hydrauliques (en dehors des passes non
navigables à hauteur des îles), le bétonnage quasiment total
dess berges du fleuve et les dragages réguliers pour
permettre un tirant d’eau suffisant ont drastiquement mis à
mal les communautés hélophytiques et benthiques de la
Meuse, à partir de la frontière franco-belge. Enfin, la
turbidité constante de l’eau, par l’agitation produite par le
trafic fluvial, particulièrement défavorable pour les
organismes photosynthétiques, complète ce tableau peu
favorable.

Fig. 2. – Dessin médiéval illustrant le trafic fluvial mosan à l’époque
(source : Archives de l’État à Liège, in SUTTOR, 2017).

Les stations visitées sont :
 Dave, en face de l’île de Dave, 50°24'53.5"N
4°53'05.0"’E
Fig. 1. – Le bassin versant de la Meuse (source : MPinvin,
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:BV_International_19
0222.jpg).

Cette opération, appelée chômage de la Meuse, en raison
de l’interruption du transport fluvial, est entreprise à la
toute fin de l’été, lorsque le débit est théoriquement le plus
faible, et elle dure environ trois semaines. Le spectacle est
insolite (Fig. 3), mais il permet des observations
naturalistes dans le lit de la Meuse qui ne seraient pas
possibles en temps normal3.

 Godinne, passe droite à hauteur des îles (50°21'01.1"N
4°52'11.0"E, 50°21'05.2"N 4°52'28.9"E et
50°21'08.1"N 4°52'28.4"E)
 Yvoir, rive droite à hauteur de la rue du Rivage
(50°24'53.8"N 4°53'04.9"E et 50°24'58.9"N
4°53'03.4"E)
 Wépion, rive gauche (50°24'12.3"N 4°52'54.7"E) et
noue à hauteur de l’écluse (50°24'02.4"N
4°52'51.8"E).

LES ALGUES MACROSCOPIQUES
Divers inventaires ont été réalisés lors du précédent
chômage en 2017 (BOUXIN & ABRAS, 2018), mais le fleuve
a fait l’objet, depuis une cinquantaine d’années, de
nombreuses analyses détaillées, par DESCY (1973, 1983),
PILETTE & MICHA (1988) et DESCY et al. (2022), ainsi que
dans le cadre du Contrat de rivière de la Haute-Meuse
(https://www.crhm.be/publications-crhm). Tous évoquent
les altérations importantes des divers écosystèmes du
fleuve en raison d’une importante pression anthropique.
Celle-ci se marque par une pollution considérable, qu’elle
soit chimique (métaux lourds, perturbateurs endocriniens,
Au-delà des interventions de génie civil, c’est aussi l’occasion
pour des équipes de bénévoles d’extraire plusieurs tonnes de
déchets et, pour les archéologues, de fouiller des vestiges anciens.
3

4

Les communautés algales de la Meuse ont fait l’objet de
plusieurs études approfondies (DESCY, 1973 et 1983 ;
DESCY & EMPAIN, 1974). Les observations du 4 octobre
2022 ont d’abord porté en grande partie sur les
macroalgues, bien visibles à l’œil nu. Deux espèces de
Chlorophytes étaient présentes : quelques thalles blanchis
d’Ulva flexuosa subsp. pilifera (= Enteromorpha flexuosa)
à Dave, sur la berge à hauteur du niveau le plus fréquent de
l’eau et quelques brins de Chara sp., sur le lit mineur à
proximité de l’île de Godinne.

Fig. 3. – Passe droite à hauteur des îles En
de Godinne
(photo : globularis
Ph. MARTIN).Thuiller
2017, Chara

a été identifiée à

Ulva flexuosa subsp. pilifera (Fig. 4) est une algue verte
tubulaire, boursouflée
qui ressemble assez bien à
l’Entéromorphe (Enteromorpha intestinalis), espèce
exclusivement marine que l’on observe sur l’estran,
notamment dans les laisses de mer. Ulva flexuosa est un peu
plus grande et se distingue principalement par des
caractères microscopiques : cellules plus petites (10-12 µm
de large sur 10-13,5 de long), ordonnées longitudinalement
et transversalement dans les thalles les plus étroits et
chloroplastes avec 2 à 4 pyrénoïdes au lieu d’un seul. C’est
une espèce cosmopolite, marine ou dulçaquicole (JOHN et
al., 2011). En 2017, elle a aussi été vue dans la Meuse à
Heer et à Godinne, mais cette fois dans le lit mineur. Elle
tend à se répandre depuis les années 2000. Elle a été
récoltée dans la Molignée à Sosoye, dans les étangs de
Montaigle, alimentés par le Flavion et dans le Viroin à
Mazée ; elle prolifère aussi à la surface du lac de
Falemprise. Elle vit dans des lacs ou étangs mais aussi dans
les zones calmes des eaux courantes. L’eutrophisation des
eaux de surface et la répétition d’étés chauds et ensoleillés
semblent lui convenir, ainsi que probablement les
épandages de sels de déneigement qui augmentent la
minéralité de l’eau.

En 2017, Chara globularis a été identifiée à Godinne et
l’échantillon, récolté en mauvais état lors de l’excursion,
appartient probablement à cette espèce. D’après BAILLY &
SCHAEFER (2010), ce taxon montre un spectre écologique
très large, comprenant des eaux faiblement acides, neutres
à fortement carbonatées, avec une bonne tolérance à
l’eutrophisation. Il supporte les faibles luminosités, ce qui
explique sa présence dans la Meuse à plus d’un mètre de
profondeur.

Fig. 4. – Thalles d’Ulva flexuosa subsp. pilifera à Heer,
d’environ 5-6 mm de large (photo : G. BOUXIN).

Fig. 5. – Frange violette de Bangia atropurpurea en bord de
Meuse à Jambes, sur berge en moellons calcaires, au niveau du
clapotis du fleuve (photo : G. BOUXIN).

En plus de ces deux algues, il est opportun de rappeler
quelques
observations
récentes
de
plusieurs
Rhodophytes entre Heer-Agimont et Jambes : Bangia
atropurpurea, Hildenbrandia rivularis, Sheathia boryana
(= Batrachospermum boryanum) et Thorea hispida. Bangia
atropurpurea est une espèce benthique fixée sur des
substrats durs. Elle est facilement visible sur les moellons
des berges, juste sous le niveau habituel de l’eau (Fig. 5) où
elle forme de petites touffes pourpres de quelques
centimètres. Elle est commune en Haute-Meuse (DESCY,
1973).

5

Hildenbrandia rivularis forme des croûtes minces, couleur
rouge sang, bien visibles les journées bien ensoleillées, de
quelques centimètres carrés à beaucoup plus. Elle est assez
commune dans les ruisseaux aux eaux claires et elle a été
trouvée en plusieurs sites de la Haute-Meuse. Sheathia
boryana n’a été vue qu’à Waulsort (hors excursion), et
encore sous forme d’une très petite touffe de quelques
millimètres (stade gamétophyte) découverte en grattant sur
un caillou. Les spores de cette espèce donnent des filaments
microscopiques unisériés brun vert, constituant un stade du
cycle de reproduction appelé Chantransia (Fig. 6). Celui-ci
a par contre été observé en plusieurs endroits, toujours à la
surface de cailloux (BOUXIN & ABRAS, 2018). Il faut
signaler qu’il y a souvent eu une confusion entre le stade
Chantransia et le genre Audouinella. Selon VIS & NECCHI
Jr. (2021), les filaments de Chantransia sont brun vert,
tandis que les ceux d’Audouinella hermannii sont violacés.
Les
mentions
passées
d’Audouinella
chalybea
correspondent en fait à des Chantransia.

fluviatilis. La première espèce vit en épiphyte sur
Cladophora, sur Lemanea fluviatilis ou fixée sur un caillou,
voire un moellon. Elle forme de petites touffes violacées à
peine visibles à l’œil nu (Fig. 7) ; elle a été signalée en
Basse-Meuse (DESCY 1973). Lemanea fluviatilis a aussi
été vue dans la Haute-Meuse. Ces deux espèces ont été
récemment récoltées dans des affluents de la Meuse
(BOUXIN, 2013 et 2020) et méritent d’être à nouveau
recherchées dans le fleuve.

Fig. 7. – Audouinella hermannii, dans la résurgence du ruisseau de
Falmagne à 100 m de la Meuse, exemplaire de 5 mm de long
(photo : G. BOUXIN).

QUELQUES ORGANISMES MICROSCOPIQUES

Fig. 6. – Petite touffe caractéristique de Chantransia, d’environ
0,5 mm de diamètre (photo : G. BOUXIN).

Thorea hispida est une algue ramifiée, hirsute, pouvant
dépasser un mètre de long, pourpre noirâtre devenant
violacée à la dessiccation. Les axes principaux sont
constitués de nombreux filaments portant des ramifications
latérales perpendiculaires unisériées donnant aux axes un
aspect hirsute (COMPÈRE, 1991). Elle est assez répandue
dans la Sambre et la Meuse, souvent en aval des écluses et
à 10-30 centimètres sous le niveau moyen des eaux (DESCY
& EMPAIN, 1974). En fait, il s’agit surtout d’une espèce
rhéophile, qui trouve des conditions optimales dans les
zones non navigables de la Meuse où le courant est
important, comme c’est le cas à Heer-Agimont entre la rive
droite et une île ; l’algue développe des thalles robustes de
plusieurs dizaines de centimètres, fixés sur les cailloux du
lit mineur à plus de deux mètres de profondeur. Elle trouve
ainsi des sites de prédilection en aval de plusieurs écluses
et plus encore en aval des turbines des petites centrales
hydroélectriques notamment à Hastière ; dans ces
conditions, les thalles sont un peu plus petits.
Enfin, deux autres espèces sont susceptibles de se trouver
dans la Meuse : Audouinella hermannii et Lemanea
On peut signaler ici qu’une espèce proche, D. armatus, a été
incriminée dans des infections humaines après traumatisme sévère
et contact en eau douce (WESBLADE et al., 2015), incidence tout à
4

6

La microbiologie est un univers extrêmement vaste,
nécessitant des expertises spécifiques et un matériel
d’observation impossible à utiliser sur le terrain. Un
écosystème fluviatile, même avec une qualité de l’eau loin
d’être optimale, permet des observations intéressantes.
Consignées dans ces quelques lignes, elles pourraient peutêtre susciter des vocations parmi les naturalistes.
Les observations sur les algues microscopiques et les
Cyanobactéries ne portent cependant que sur les espèces
filamenteuses les plus communes, diatomées mises à part.
Des cailloux ont été récoltés dans le lit du fleuve. Ils sont
couverts d’une fine couche de sédiments et dès qu’on les
place dans l’eau à la lumière, ils reverdissent et l’on
retrouve la flore algale habituelle commune, à savoir
Cladophora, Oedogonium div. sp. etc. On peut citer aussi
Vaucheria sp., Hydrodictyon reticulatum et Rhizoclonium
hieroglyphicum (BOUXIN & ABRAS, 2018).
Le lit mineur de la Meuse est ainsi couvert d’un dense tapis
vert d’algues filamenteuses, qui fut particulièrement visible
pendant les journées ensoleillées du printemps 2020, lors
du confinement des personnes, accompagné d’un
ralentissement significatif des activités industrielles et de la
circulation automobile le long du fleuve. D’autres espèces
d’algues vertes ont également été récoltées à Godinne, ainsi
Chlorella sp., Closterium moniliforme, Desmodesmus
communis4 et Pediastrum boryanum.
fait exceptionnelle d’eucaryotes chlorophylliens chez des patients
immuno-compétents.

Les Cyanobactéries
Lors de l’excursion du 4 octobre, des touffes noirâtres de
quelques centimètres carrés ont été observées, flottantes ou
posées sur des cailloux. L’examen au microscope a révélé
la présence de deux espèces de Cyanobactéries filamenteuses qui s’entremêlent : Lyngbya nigra (Fig. 8) et
Oscillatoria princeps (Fig. 9).

Ces touffes se développent abondamment pendant les
périodes chaudes et ensoleillées, dérivant lentement dans
les zones calmes. Elles sont bien visibles en amont des
écluses lorsque celles-ci sont momentanément fermées, ce
qui intrigue parfois les passants.
Deux autres espèces de Cyanobactéries sont présentes au
milieu des sédiments et des cailloux : Lyngbya majuscula
et Lyngbya cincinnata. Geitlerinema amphibium, Lyngbya
martensiana, Merismopedia elegans (Fig. 10), Oscillatoria
limosa, O. tenuis, Planktothrix isothrix et Spirulina major
ont été vues également à Godinne. D’autres espèces sont
citées dans BOUXIN & ABRAS (2018).
Les Thécamoebiens
Quelques Thécamoebiens ont pu être relevés, dont une
dizaine sont déterminables. Ces organismes sont, comme
leur nom l’indique, des amibes à thèque.

Fig. 8. – Plusieurs filaments de Lyngbya nigra de 9 µm de large,
cellules de 3-4 µm de long (photo : G. BOUXIN).

Le terme amibe rassemble des organismes eucaryotes
unicellulaires, au sein du phylum des Rhizopodes,
considéré aujourd’hui comme un vaste ensemble
polyphylétique et dont les contours sont discutés. Les
amibes
sont caractérisées par la présence de
prolongements mobiles appelés pseudopodes, permettant
la phagocytose de leurs proies.
Les Thécamoebiens ont la particularité – qu’ils partagent
avec les Foraminifères – de sécréter un test protecteur
rigide (sécrétion organique propre ou/et incorporation de
particules extérieures de nature variable), appelé thèque,
dont la forme, la composition et l’ornementation sont à
l’origine de la classification. La thèque est munie d’une
ouverture (parfois deux) de structure et forme variables par
laquelle l’amibe proprement dite émet ses pseudopodes.

Fig. 9. – Filament d’Oscillatoria princeps, de 28 µm de large, avec à
droite un fin filament de Phormidium sp. (photo : G. BOUXIN).

Fig. 10. Merismopedia elegans (photo : R. ISERENTANT).

Les espèces relevées ici sont : Arcella catinus, Arcella
discoides (Fig. 11), Centropyxis aculeata, Cyclopyxis
arcelloides, Cyphoderia ampulla (Fig. 12), Difflugia cf.
lanceolata, Difflugia oblonga, Heleopera cf. petricola.

Fig. 11. – Arcella discoides : test en coupelle circulaire, ouverture
centrale à bord épais (photo : R. ISERENTANT).

7

dans les inventaires publiés pour la Haute-Meuse belge :
Bacillaria paxillifer est une espèce marine ; ses cellules
allongées forment des colonies rubanées mobiles, qui se
déplacent de façon très particulière, par glissement des
cellules l’une sur l’autre (Fig. 13).

Fig. 12. – Cyphoderia ampulla : test en poire, ouverture au
bout d’un cou incurvé (photo : R. ISERENTANT).

Les diatomées
Les Bacillariophytes, plus connues sous le nom de
diatomées, sont des organismes eucaryotes unicellulaires,
aquatiques ou subaériens, dont le squelette siliceux est
composé de deux moitiés emboîtées. Elles constituent sans
aucun doute le groupe le plus diversifié des algues d’eau
douce de nos régions. Le nombre d’espèces décrites
augmente d’ailleurs sans cesse du fait, d’une part, de
l’usage du microscope électronique à balayage, qui
débouche souvent sur un découpage des espèces connues,
mais surtout, d’autre part, de la multiplication des
inventaires dans l’estimation de la qualité des eaux. On
peut y voir, en effet, une influence directe d’une Directive
Cadre européenne (DCE, Directive 2000/60°CE), qui a
fixé des exigences quant à la bonne qualité des eaux ; et
celle-ci, dans beaucoup de cas, est basée sur des relevés de
diatomées comme bioindicateurs. Plus il y a d’observations
et plus augmentent les chances de trouver des formes non
encore décrites ; les diatomistes peuvent donc remercier les
institutions européennes !
À l’île de Godinne (Yvoir), dans les quelques échantillons
prélevés le 4 octobre, dans la vase et sur des cailloux de
petites flaques résiduelles accessibles du lit mineur de la
Meuse, c’est plus d’une centaine de taxons qui ont été
déterminés ! Leur liste n’a sans doute pas sa place ici. Un
inventaire des algues et Cyanophytes de la Haute-Meuse
belge a déjà, par ailleurs, été publié (DESCY, 1983) ; dans
cette étude, réalisée en 1981, les trois stations en amont de
Dinant – Hastière, Waulsort et Anseremme – y totalisent
101 taxons de diatomées dans le microphytobenthos
(organismes vivants au fond de l’eau) prélevé sur les murs
du fleuve, à 20 ou 30 cm de profondeur ; pour la station de
Anseremme – la plus proche du site de Godinne, à quelque
12 km – l’auteur en signale 77. Le seul prélèvement fait à
Godinne ne permet pas de tirer des conclusions précises
quant à la qualité des eaux de la Meuse ; son estimation par
l’Indice Biologique Diatomées (IBD) est une méthode
normalisée, qui comporte donc un protocole bien défini,
non respecté ici. Il permet cependant de constater que bon
nombre de taxons identifiés ont une préférence écologique
pour des eaux calcaires eutrophes et peuvent supporter une
pollution organique marquée. Quelques espèces méritent
d’être présentées, en raison de leur absence ou leur rareté

8

Fig. 13. – Bacillaria paxillifer. Colonie en déplacement par
glissement de ses cellules (photo R. ISERENTANT).

Campylodiscus hibernicus est une espèce peu commune
d’eaux douces, caractérisée par sa forme irrégulière
(incurvée comme une selle de cheval), ce qui, à l’état
vivant, n’est pas sans compliquer son observation au
microscope (Fig. 14).

Fig. 14. – Campylodiscus hibernicus. Vue
latérale (photo : R. ISERENTANT).

Pleurosira laevis : espèce des eaux saumâtres mais aussi
de certaines eaux fluviales chargées ; comme quelques
rares autres espèces, elle forme généralement des colonies
en zigzag , où les cellules sont attachées l’une à l’autre par
une sécrétion mucilagineuse locale, au niveau des ocelles.

A
Fig. 15A. – Pleurosira laevis. Colonie en zigzag, en vue connective
(photo : R. ISERENTANT).

En vue latérale (dite connective) leur forme est
quadrangulaire (Fig. 15A), mais en vue oblique ou de face
(dite valvaire) (Fig. 15B), elle est circulaire ou légèrement
elliptique.

Fig. 17. – Achnanthidium druartii, vue valvaire, à gauche
Fig. 18. – Surirella suecica, à droite (photos : R. ISERENTANT).

LES BRYOPHYTES
B
Fig. 15B. – Pleurosira laevis, vue valvaire
(photo : R. ISERENTANT).

Thalassiosira lacustris n’est pas rare dans nos échantillons
de la Meuse. Cette espèce est aussi connue pour préférer
les eaux modérément saumâtres, principalement côtières,
mais elle est de plus en plus souvent signalée dans des
habitats d’eaux douces continentales (SMUCKER et al.
2008) (Fig. 16).
Une petite espèce, de la famille des Achnanthacées (à
valves différentes : l’une avec raphé, l’autre sans),
identifiée comme Achnanthidium druartii, serait une
nouveauté pour la florule aquatique en Belgique.
Relativement fréquente dans les récoltes de Godinne, elle
est décrite comme une espèce invasive en expansion rapide
dans les eaux européennes. La description de cette nouvelle
espèce la signale d’ailleurs, en octobre 2006, dans la
Haute-Meuse à Givet (RIMET & al. 2010) ! (Fig. 17).

En parcourant le fond du lit du fleuve à Godinne, sur la rive
droite de l’île (divisée en deux parties), on réalise que toute
la surface est recouverte d’une couche d’argile enrobant
tout d’une couleur beige uniforme. La végétation semble
être absente. Pourtant quelques Bryophytes sont bien
observables une fois débarrassées de leur gangue argileuse.
Une des espèces les mieux représentées est Fontinalis
antipyretica. Avec Cinclidotus fontinalis, Fissidens
crassipes (non observée ce jour) et Platyhypnidium
riparoides, elle vit dans des eaux non acides et pas trop
polluées mais toutefois eutrophisées. L’espèce aquatique la
plus tolérante à la pollution organique en Wallonie est
Leptodictyum riparium (SOTIAUX & VANDERPOORTEN,
2015). Une mousse pleurocarpe, Fissidens fontanus (syn.
Octodiceras fontanum) a été observée sur une galet (Fig.
19). Appelé mousse fontaine (Phoenix moss), ce végétal est
originaire des États-Unis et introduit probablement par les
aquariophiles. Il peut être abondante localement, mais
l’espèce reste rare. Son amplitude écologique est pourtant
assez large, dans les grands cours d’eau lents, de type
eutrophe.

Fig. 16. – Thalassiosira lacustris, vue
valvaire (photo : R. ISERENTANT).

Pour terminer, comment ne pas avoir un petit coup de cœur
pour une petite espèce, Surirella suecica, rarement
observée et illustrée ici en valves dissociées (Fig. 18).

,

Fig. 19. – Fissidens
fontanus, habitus et détail
montrant les trois lames de la
feuille (photo : A. SMOOS).

9

À la noue de Tailfer qui se trouve en rive gauche juste à
l’aval du barrage de Wépion, la berge en pente douce est
couverte d’une belle station de l’hépatique à thalle Pellia
endiviifolia. C’est dans cette population dense que se
trouve une petite hépatique à feuilles : Jungermannia
atrovirens (Fig. 20) (déterm. : Alain VANDERPOORTEN).
Contrairement aux autres espèces connues en Wallonie, J.
atrovirens n’est ni acidiphile ni liée aux rochers siliceux.
On la trouve sur rochers calcaires et sols rocheux
calcarifères humides tout comme Pellia endiviifolia dont
elle partage le terrain. Elle est rare en Wallonie.

Fig. 20. – Jungermannia atrovirens (photo : A. SMOOS).

Par ailleurs, quelques espèces plus communes ont été
notées sur les berges de l’île de Godinne : d’une part les
hépatiques Conocephalum conicum, Lophocolea bidentata,
Marchantia polymorpha, et d’autre part, les mousses
Amblystegium serpens, Oxyrrhynchium hians, Plagiomnium rostratum, Rhynchostegium confertum et Syntrichia
latifolia.
QUELQUES PHANÉROGAMES REMARQUABLES
Acorus calamus L., l’Acore, appartient à la famille des
Aracées. C’est une archéophyte, son introduction en
Europe par les Tatares à partir du
sous-continent indien étant
attestée dès le 13e s. Elle a
conquis depuis toutes les grandes
voies d’eau d’Europe occidentale, mais aussi ailleurs en
Asie et en Amérique du Nord
(MARTIN, 1999). L’inflorescence en spadice est tout à fait
caractéristique, mais, fleurissant
rarement,
elle
peut
être
confondue à l’état stérile avec
l’Iris jaune (Iris pseudacorus)
qui partage son caractère
hélophytique, d’autant que les
populations sont souvent mélan- Fig. 21. – Acorus calamus
(photo : Ph. MARTIN).
gées. On la reconnaît facilement
à son limbe à marge ondulée (Fig. 21) et par sa fragrance
citronnée, bien perceptible au froissement.
Ceratophyllum demersum L., la Cornifle, est une hydrophyte immergée dulçaquicole (Fig. 22). L’étymologie du
genre et du nom vernaculaire est liée au terme grec keras,
10

corne, par allusion à la forme des segments foliaires et leur
consistance coriace. La famille, monogénérique, est
archaïque, avec des caractères très primitifs. Il n’y a pas de
racines, les feuilles sont verticillées et les fleurs,
unisexuées, sont solitaires et discrètes. Les fruits sont des
akènes présentant deux épines basales. Bien que tolérante
aux eaux eutrophes et turbides, cette espèce est en
régression mais sa présence dans la Meuse est bien
confirmée.

Fig. 22. – Rameau fructifié de Ceratophyllum demersum
(photo : Ph. MARTIN).

Les Lemnacées sont des plantes extrêmement réduites, se
limitant à une fronde ne dépassant pas quelques
millimètres. C’est d’ailleurs dans ce groupe qu’est décrite
la plus petite plante à fleurs existant sur la planète, Wolffia
arrhiza, dont la taille ne dépasse guère le millimètre (voir
Fig. 25). L’APG IV inclut les Lemnacées dans la famille
des Aracées. Plusieurs espèces ont été observées : Lemna
gibba, caractérisée par la présence de grosses cellules
aérifères à la face inférieure qui lui donnent un aspect
gibbeux (Fig. 24), L. minor, l’espèce la plus fréquente mais
pas toujours facile à distinguer d’une espèce proche, L.
minuta, non présente ici, et Spirodela polyrhiza, bien
reconnaissable par ses racines multiples et sa coloration
purpurine surtout à la face inférieure des frondes (Fig. 25).
Le genre Myriophyllum (Haloragacées) n’est représenté
dans cette portion mosane que par M. spicatum, espèce
mésotrophe des eaux stagnantes ou à courant lent, à quatre
feuilles par verticille (Fig. 23) (à ne pas confondre avec M.
verticillatum, à cinq ou six feuilles par verticille).

Fig. 23. – Myriophyllum spicatum (photo : Ph. MARTIN).

Fig. 24. – Lemna gibba, deux faces supérieures à gauche, deux
inférieures à droite (photo : Ph. MARTIN).

Fig. 25. – Spirodela polyrhiza, avec quelques frondes de Wolffia
arrhiza (photo : Ph. MARTIN, Calvados (F), juin 2022).

Najas marina, la grande Naïade, est une espèce immergée
des eaux mésotrophes à eutrophes, voire saumâtres, riches
en ions Ca2+ et HCO3- et d’une conductivité pouvant
atteindre 1250 µS.cm-1 (TRIEST, 1988). Les eaux dans
lesquelles elle croît sont profondes, stagnantes ou à
écoulement lent. Elle supporte une turbidité importante et
un certain niveau de pollution. Tous ces paramètres
correspondent bien à la situation de la Meuse. Le limbe est
formé de larges dents disposées en quinconce (Fig. 26).
Elle est dioïque mais sa floraison est rarement observée.

Fig. 27. – Distribution wallonne de N. marina
(source : http://observatoire.biodiversite.wallonie.be).

Le genre Potamogeton est présent dans la Meuse, avec
quelques espèces intéressantes, comme P. lucens (Fig. 28),
espèce de large amplitude écologique mais qui souffre de
l’artificialisation des cours d’eau, et qui se distingue par un
limbe très translucide.

Fig. 26. – Najas marina (photo : A. SMOOS).

Curieusement, malgré cette tolérance, N. marina est rare en
Belgique, et sa distribution en Région wallonne5 est quasi
nulle (Fig. 27). L’observation du jour est donc intéressante.
La plante est polymorphe, notamment en ce qui concerne
le caractère coriace et cassant des limbes, ce qui a conduit
à la description de divers taxons qui n’ont probablement
pas de valeur. On décrit cependant la subsp. intermedia
(Wolfg. ex Gorski) Casper, plus boréo-continentale, qui se
distingue du type par des feuilles plus étroites (< 1 mm
entre les dents), ce qui ne correspond pas aux exemplaires
remarqués ici, malgré leur aspect grêle et non coriace.

Fig. 28. – Forme atypique de P. lucens (photo : A. SMOOS).

L’espèce a été récemment observée au Ry Jaune (Barrages de
l’Eau d’Heure) à l’automne 2022 (obs. Ph. MARTIN & L.-M.
DELESCAILLE). Il est probable que sa présence soit sous-estimée.
5

11

Comme tous les potamots à larges feuilles, le
polymorphisme lié à la rhéophilie est important et...
troublant, en l’absence d’élément floraux : l’identification
de certains exemplaires présents dans la Meuse reste
incertaine. De même, l’hybridation est fréquente, ce qui ne
facilite pas l’identification de spécimens. Autre espèce
observée, P. perfoliatus compte parmi les potamots les plus
facilement reconnaissables par ses feuilles plutôt
amplexicaules. Il est en régression en Belgique, malgré son
écologie liée aux eaux eutrophes. Enfin, deux potamots à
feuilles graminiformes restent présents dans ce tronçon de
la Haute-Meuse, P. berchtoldii et P. pectinatus, grâce à
leur tolérance à la pollution.

eaux dont les caractéristiques sont très diverses. Sa
présence dans la Meuse, dont la qualité de l’eau n’est pas
optimale, suggère une tolérance à l’eutrophisation et à un
certain niveau de pollution organique, mais son statut est
globalement méconnu en Région wallonne. Desséchées,
les colonies en place (Fig. 30) sont réduites au squelette
composé de spicules siliceuses et de spongine déshydratée
(Fig. 31). Rappelons que cet organisme coloniaire est
constitué d’unités de type leucon, qui sont des cavités assez
complexes dans lesquelles l’eau, chargée des éléments
nutritifs (plancton, débris organiques), est mise en
mouvement par des cellules à cils vibratiles, les
choanocytes.

Une renoncule aquatique a été observée à l’état stérile,
situation qui rend toujours délicate l’identification des
espèces du sous-genre Batrachium. Elle a été rapportée à
Ranunculus trichophyllus, sur base d’observations
antérieures (BOUXIN & ABRAS, 2018).
Sparganium emersum est l’hydrophyte le plus présent à la
première halte, à Godinne. Les colonies montrent un
accommodat (écomorphose) à feuilles flottantes, nettement
différentes de la forme type (Fig. 29), d’une largeur
inférieure à 12 mm et à parenchyme aérifère
particulièrement développé à la base du limbe,
caractéristiques propres à cette espèce et qui les distinguent
de S. erectum à l’état stérile, et dont l’écologie est moins
tolérante vis-à-vis de l’eutrophisation (DETHIOUX, 1979).
Fig. 30 et 31. – Spongilla lacustris, habitus et vue rapprochée
(photos : Ph. MARTIN).

Les mollusques, et particulièrement les Bivalves, forment
une partie considérable de la biomasse animale dans le
fleuve, bien visible par les vastes dépôts coquillés
observables lors de cet étiage artificiel. La plupart des
espèces sont invasives, perturbant considérablement
l’écosystème mosan : le rôle épurateur, a priori favorable
de ces animaux filtrants, est compensé défavorablement
par une consommation préjudiciable du plancton. On
observe notamment des espèces du genre Corbicula, les
Corbicules ou Palourdes asiatiques (Fig. 32).
Fig. 29. – Spargnium emersum,
accommodat à feuilles flottantes et,
en médaillon forme type (photos :
A. SMOOS et Ph. MARTIN).

LES INVERTÉBRÉS
Les observations zoologiques de cette journée exploratoire
n’ont rien d’un inventaire exhaustif, mais elles ont mis en
évidence des organismes dignes d’intérêt. Ainsi, l’Éponge
d’eau douce, Spongilla lacustris, qui est rangée
aujourd’hui dans la classe des Demospongiae et
l’embranchement des Porifera. Organisme filtreur vivant
en eaux douces, S. lacustris est ubiquiste mais son écologie
est assez difficile à définir, car on la rencontre dans des
12

Fig. 32. – Corbicula sp. (source : https://fr.wikipedia.org).

Ces coquillages n’ont été signalés pour la première fois en
Belgique qu’en 1992 (SWINNEN et al, 1998), mais les
populations mosanes actuelles sont telles que les coquilles

libres forment des bancs considérables, avec plusieurs
milliers d’individus par mètre carré, les prédateurs
(notamment les silures, rats musqués et autres ratons
laveurs) n’étant pas en mesure d’endiguer le potentiel
reproducteur de ces espèces. L’impact écologique de cet
envahissement est évidemment néfaste (PIGNEUR, 2013).
On décrit dans la Meuse Corbicula fluminea et C.
fluminalis, espèces très proches au niveau de la
morphologie de la coquille.

dans le cours supérieur de la Meuse (Fig. 34), mais
probablement globalement en régression. La présence de
coquilles dans la Haute-Meuse belge ne signifie pas que sa
capacité de reproduction y est toujours réelle, car la
pollution avec une DBO7 élevée est néfaste surtout aux
juvéniles. Les populations en territoire français sont
toutefois un réservoir potentiel. La Mulette des peintres
(Fig. 35), qui doit son nom à son utilisation jadis par les
peintres pour mélanger les pigments et dont l’écologie est
sensiblement identique, connaît les mêmes déboires.

Le cas des moules Dreissenidées est sensiblement
identique à celui des Corbicules. Dreissena polymorpha, la
Moule zébrée (Fig. 33), est originaire du bassin de la Mer
Caspienne. Elle a conquis l’Europe dès la fin du 19 e s. Sa
capacité de reproduction et de fixation (grâce à son byssus,
comme les autres moules) lui a donné rapidement le statut
d’espèce invasive. Au-delà de l’impact écologique négatif
de la prolifération de cette espèce6, son accumulation dans
les tuyaux et structures hydrauliques pose aussi divers
problèmes techniques et économiques. Une autre espèce
proche, D. bugensis (syn. D. rostriformis subsp. bugensis),
la Moule quagga, dont la présence en Belgique est plus
récente, tend à supplanter très rapidement la première
(MARESCAUX et al., 2015). Sa croissance encore plus
rapide et une meilleure résistance au stress hivernal lui
donnent un avantage sur D. polymorpha dont les effectifs
sont en net recul.

Fig. 34. – Unio crassus, une valve
(photo : F. HELA, Observations.be).

Fig. 35. – Unio crassus, les deux valves
(photo : P. HINDRICK, Observations.be).

CONCLUSIONS
Fig. 33. – Dreissena polymorpha, la Moule zébrée
(source : https://fr.wikipedia.org).

Unio crassus, la Mulette épaisse, et Unio pictorum, la
Mulette des peintres sont présentes, du moins leurs
coquilles, en abondance. Ce sont des Bivalves de grande
taille et d’une longévité qui peut atteindre plusieurs
dizaines d’années. Leur rôle épurateur est important
puisque ces animaux peuvent filtrer jusqu’à 40 litres d’eau
par jour. La reproduction fait appel à un stade commensal
mais obligatoire sur les branchies de certaines espèces de
poissons comme le Rotengle ou le Gardon, espèces en
régression dans la Meuse. La Mulette épaisse est présente
L’augmentation des populations de Microcystis div. sp.
(Cyanobactéries toxigènes), conduisant à des « fleurs d’eau » très
préjudiciables, a été corrélée avec la présence de D. polymorpha,
généralement peu sensible à ces toxines. (Source : University of
Southern Denmark. "Invasive mussel not harmed by toxins,
invades freshwaters of Europe, North America." ScienceDaily.
ScienceDaily, 3 October 2013. <www.sciencedaily.com/
6

Il est difficile d’établir de façon exhaustive l’évolution de
la situation écologique de la Meuse, sur base d’une simple
excursion, même potentialisée par les nombreuses visites
préparatoires par le guide de la journée. Si les indicateurs
de pollutions chimique et organique semblent s’atténuer, le
niveau d’eutrophisation, par le développement bien utile
mais parfois encore insuffisant de l’épuration des eaux
usées au niveau du bassin versant et l’absence de
récupération des ions nitrates et phosphates, reste
préoccupant. La prolifération des Cyanobactéries et la
régression de plusieurs taxons indigènes en sont les
témoins bien visibles même lors d’un survol lors de cet
étiage artificiel
releases/2013/10/131003111155.htm).
7

La DBO, Demande Biologique en Oxygène, est un paramètre
global permettant d’évaluer la quantité d’oxygène nécessaire aux
micro-organismes aérobies présents dans l’eau pour y oxyder les
matières organiques.

13

BIBLIOGRAPHIE

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Natura Mosana, nouvelle série, n° 75 (2022) : 15-20

Le Montreur d’images :
une collection oubliée d’albums de l’Atelier du Père Castor
Régine FABRI *

RÉSUMÉ
De 1947 à 1958, l’Atelier du Père Castor a publié une série de dix albums documentaires illustrés sur les plantes et les animaux
remarquables pour leur conception innovante à l’époque, la qualité exceptionnelle des photos et la précision des commentaires. Le
contexte de leur publication est situé et une brève description de chaque album est fournie.
.
ABSTRACT
From 1947 to 1958, the Atelier du Père Castor published a series of ten illustrated documentary albums on plants and animals remarkable
for their innovative concept at the time, the exceptional quality of the photographs and the accuracy of the commentary. The context of
their publication is given and a brief description of each album is provided.

* Fédération Wallonie-Bruxelles, Jardin botanique de Meise, Domaine de Bouchout, Nieuwelaan 38, 1860 Meise, Belgique. Courriel :
regine.fabri@jardinbotaniquemeise.be

INTRODUCTION
À l’ère de la photographie numérique, dans un monde où
nous sommes submergés sous les images, une petite
collection d’albums illustrés de photographies naturalistes
en noir et blanc, réalisés au milieu du siècle passé par
l’Atelier du Père Castor et publiés chez Flammarion, mérite
d’être dépoussiérée.
En 1931, Paul FAUCHER (1898-1967), éditeur et pédagogue
français, développe un concept nouveau de livres illustrés
pour enfants, à vocation éducative, faisant dialoguer textes
et images indissociables les uns des autres (DEFOURNY &
LORTIC, 1997 ; TURIN, 1999). Les deux premiers albums,
axés sur des activités créatives, paraissent la même année.
Ils sont publiés chez Flammarion dans les éditions du Père
Castor. Suivent les huit albums de la collection « Le roman
des bêtes » qui mettent en scène avec réalisme des animaux
dans leur milieu naturel. Mais survient la Seconde Guerre
mondiale, la propagande nazie et son utilisation de l’image
laissent leur empreinte.
En France, après la Libération, s’élabore une loi sur les
publications destinées à la jeunesse (Loi n° 49-956 du 16
juillet 1949). Dénonçant les dangers d’une représentation
stéréotypée, elle spécifie que ces publications « ne doivent
comporter aucune illustration, aucun récit, aucune
chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant
sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol,

la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes
qualifiés crimes ou délits ou de nature à démoraliser
l'enfance ou la jeunesse, ou à inspirer ou entretenir des
préjugés ethniques ». Citant en première place
l’illustration, cette loi est, selon BEAU (2003), « à l’origine
d’un long malentendu sur le rôle de l’image qui devient
alors un instrument de restauration des valeurs morales. La
priorité est donnée à la mission éducative sur la finalité
esthétique. Les images doivent donner une vision
conformiste d’une réalité édulcorée. » (RENARD, 2016).

L’ATELIER DU PÈRE CASTOR
ET LES PHOTOS DE NOAILLES
C’est dans ce contexte qu’en 1946 Paul FAUCHER fonde
l’Atelier du Père Castor, éditeur et surtout laboratoire de
recherche pédagogique appliqué au livre et auquel est
associée l’École du Père Castor (DEFOURNY & LORTIC,
1997 ; BRANCHU, 1999). Peu après, FAUCHER et son
collaborateur Jean-Michel GUILCHER (1914-2017),
naturaliste de formation, surtout connu pour ses travaux sur
les danses traditionnelles (MARCHAT, 2015), découvrent
par hasard les photos d’un amateur, Robert-Henri
NOAILLES (1895-1968), dans de petits dépliants sur les
plantes sauvages, diffusés dans le milieu du scoutisme
(DEFOURNY & LORTIC, 1997 ; BARAT-PEYRAUD 1999).
NOAILLES est juriste de formation, passionné par la
photographie naturaliste, sans être naturaliste pour autant.
15

Les photographies en extérieur étant interdites pendant
l’occupation allemande (1940-1944), il a commencé à
prendre des clichés dans sa vaste propriété située aux
environs de Paris. Il photographie les arbres, les bourgeons,
les fleurs, les fruits, les petits animaux terrestres ou
aquatiques... (NOAILLES, 2001 ; ANONYME, 2012), souvent
en gros plan, en noir et blanc (N.B. la photographie en
couleur, procédé breveté respectivement par AGFA en 1935
et par KODAK en 1936, n’en était qu’à ses débuts).
À l’époque, pédagogues, critiques et bibliothécaires
considéraient que l’album photographique n’était guère
adapté aux jeunes lecteurs (DEFOURNY, 2019) et seuls
quelques livres montraient déjà des photos de détails
d’organes végétaux, images insolites, en quelque sorte
abstraites. FAUCHER et GUILCHER sont immédiatement
séduits par l’approche de NOAILLES qui, avec une image et
quelques lignes de commentaires, parvient à montrer la
beauté inattendue de formes toutes proches, parfois
fortement grossies, sans jamais laisser oublier que ces
formes sont bien celles d’un être vivant, reconnaissable
comme tel et dont on peut comprendre le fonctionnement.

légende à la photo, dont le grossissement est indiqué en bas
de la page. Ce premier livre inaugure la collection « Le
Montreur d’images », conçue pour les 13-16 ans. Il diffère
de la plupart des autres ouvrages contemporains publiés par
Le Père Castor, en ce sens qu’il ne s’adresse pas à de jeunes
enfants, mais à des adolescents, et plus largement à un vaste
public populaire, à qui il propose de regarder les plantes les
plus familières sous un jour nouveau. C’est là toute la
raison d’être du titre de la collection, qui rappelle les
montreurs d’images du passé (DEFOURNY & LORTIC,
1997) : contrairement aux autres mammifères qui sont des
olfactifs et perçoivent leur environnement d’abord par
l’odorat, l’homme regarde. Olfactif à la naissance, en
grandissant, l’enfant devient rapidement visuel ; il veut
voir, il veut qu’on lui montre, c’est un dévoreur d’images
(PRACHE, 2003). Le rôle essentiel du documentaire est donc
de montrer, de faire voir autrement.

Dans la ligne des nouveaux courants pédagogiques
(FREINET, MONTESSORI, etc.) qui acquièrent leur légitimité
au début des années 1950, FAUCHER et GUILCHER
cherchent à développer des outils innovants pour
accompagner l’enfant dans sa découverte du monde
(MARCHAT, 2015 ; RENARD, 2016). Accordant une
importance primordiale à l’image, ils se proposent de créer
des albums à partir de ces clichés (DEFOURNY & LORTIC
1997). Axée sur l’apprentissage de l’enfant, en réaction
contre le faux merveilleux et la niaiserie, la production de
l’Atelier du Père Castor constitue une riposte aux
collections commerciales à succès, mièvres et édulcorées
comme les séries « Martine » publiée chez Casterman ou
« Caroline » chez Hachette (BEAU, 2003 ; RENARD, 2016).

LA NAISSANCE DU MONTREUR D’IMAGES :
DÉCOUVERTES
Dans un premier temps, l’Atelier du Père Castor
sélectionne parmi les clichés de NOAILLES une quarantaine
de photos botaniques, pour les publier en 1947, année de
fondation de Natura Mosana, dans un livre intitulé
Découvertes. Chaque page de droite est illustrée d’une
photo de détail d’une plante, en pleine page, gros plan sur
une feuille, une fleur, un fruit…, en pleine lumière sur un
fond noir. Les photos, tirées sur gélatine argentique, sont
imprimées en héliogravure, ce qui leur confère un effet de
contraste très particulier et les met remarquablement en
valeur (Fig. 1). Les illustrations sont choisies parmi les plus
belles photos de NOAILLES, sans séquence logique ou préétablie ; une table alphabétique donne les noms français des
espèces représentées. Sur la page de gauche, un texte
empreint de poésie, dû à la plume de GUILCHER,
accompagne l’image qui fait appel tant à l’intelligence qu’à
la sensibilité. L’objectif de ce dernier est « de faire un texte
qui à la fois renvoie à l’image, qui s’efface même devant
l’image, mais qui la fasse comprendre sans la dépoétiser »
(DEFOURNY & LORTIC, 1997). Le titre du texte sert de

16

Fig. 1. – Coupe longitudinale d’un bouton de coquelicot
(photo R.H. Noailles, Découvertes, p. 35).

QUATRE NOUVEAUX VOLUMES
BOTANIQUES
Après la publication de Découvertes, le travail du Montreur
d’images s’oriente vers la production d’ouvrages plus
ciblés, s’adressant aux adolescents et aux enseignants.
FAUCHER charge GUILCHER d’établir un programme et de
rédiger les textes ; les clichés sont réalisés par NOAILLES,
sur commande cette fois, et généralement en atelier,
nécessitant souvent plusieurs saisons ou plusieurs années
pour obtenir les images recherchées (DEFOURNY & LORTIC,

1997). Quatre nouveaux volumes consacrés au monde
végétal sont publiés de 1950 à 1953, chacun des livres étant
dévolu à un thème précis, pour raconter « la naissance des
plantes » : La Vie cachée des fleurs (1950), De la fleur à
la graine (1951), Les bourgeons s’ouvrent (1952) et
Ramures (1953).
La conception et la mise en page sont très différentes de
celles du volume initial de la collection. Les illustrations
sont présentées en séquences à caractère cinématographique :
 séquences temporelles pour montrer le développement
de la fleur depuis le bouton fermé, la formation des
graines à partir de la pollinisation ou la germination de
la graine et le développement de la plantule
 séquences spatiales, pénétrant progressivement à
l’intérieur de la fleur ou du fruit à des grossissements de
plus en plus importants
 séquences comparatives pour illustrer la diversité des
formes d’organes homologues.

 sous les illustrations, un texte en petits caractères droits
donne la légende des photos et fournit des explications
complémentaires ;
l’approche
scientifique
est
rigoureuse, souvent même d’un niveau élevé (secondaire supérieur)
 un texte en italiques, à nouveau empreint de poésie mais
tout aussi rigoureux, décrit chaque séquence et fait le
lien entre les différentes séquences temporelles et
spatiales, apportant encore de nouvelles informations
répondant aux questions que se pose le lecteur qui est
en même temps spectateur (DEFOURNY, 2009).
La Vie cachée des fleurs détaille la fleur, ses organes et leur
fonction, en prenant comme premier exemple le coquelicot
des moissons. De superbes photos montrent une fleur
chiffonnée à l’éclosion, avant de lisser ses pétales, clin
d’œil à la rose du Petit Prince qui « ne voulait pas sortir
toute fripée comme les coquelicots », pour devenir ensuite
ballerine ou marionnette (Fig. 2), et finalement les perdre.
L’anatomie florale est montrée au travers de nombreux
exemples où des schémas complètent les photos et les
principaux modes de pollinisation sont expliqués.
De la fleur à la graine (Fig. 3) montre la transformation de
la fleur en fruit sur le cerisier, et expose, de manière simple
et avec de nombreuses images, la typologie des fruits :
drupes, baies, follicules, gousses, capsules (Fig. 4) et
akènes (Fig. 5). Deux pages, sans illustrations, décrivent et
classent « les fruits que nous mangeons ». Le volume
s’achève par une évocation poétique des modes de
dissémination des graines.

Fig. 2. – Coquelicot des moissons (photos R.-H. NOAILLES,
La Vie cachée des fleurs, p. 10-11 et 28-29).

Le texte est à plusieurs niveaux de lecture (Fig. 2) :
 tout en bas, une phrase très courte, en grands caractères
italiques, sert de fil conducteur d’une photo à la
suivante; ces phrases destinées à « raconter » l’image
peuvent aussi être lues par les jeunes enfants d’école
primaire qui découvrent la lecture

Fig. 3. – De la fleur à la graine, troisième volume de la série
« Le Montreur d’images » (page de couverture).

17

Les bourgeons s’ouvrent, dont le titre initialement prévu
était Un marron a germé, illustre le cycle des arbres, de
l’ouverture des bourgeons (Fig. 6) et des fleurs (Fig. 7), au
développement du fruit et à la germination des graines,
chez le marronnier, le chêne, le noyer et le pin. À partir de
ce volume, les mentions des auteurs s’inversent sur la page
de titre : GUILCHER, auteur du texte, est cité avant
NOAILLES, auteur des photos, ce qui dénote l’importance
croissante du texte par rapport aux illustrations.

Rencontres rassemble des photos animalières et un texte du
Belge Jean-Pierre VANDEN EECKHOUDT (1919-2000),
docteur en sciences naturelles, enseignant, photographe
amateur et auteur de divers ouvrages de vulgarisation et
manuels scolaires. Ce volume est conçu un peu à l’image
de Découvertes : de remarquables clichés, réalisés au
hasard des rencontres du photographe, sont présentés sans
fil conducteur. Une soixantaine d’espèces d’insectes,
araignées, gastéropodes, batraciens, reptiles et oiseaux –
dont la liste est donnée dans une table in fine – se succèdent
sans ordre apparent au fil des pages, assorties d’un
commentaire, cette fois-ci plus descriptif que poétique.

Fig. 4. – Capsule de mouron rouge (photos R.-H. NOAILLES, De
la fleur à la graine, p. 66-67).

Fig. 6. – Ouverture des bourgeons de marronnier (photos R.-H.
NOAILLES, Les bourgeons s’ouvrent, p. 15).

Enfin, Ramures (qui sera réédité sous le titre L’arbre
grandit) présente « les arbres les plus importants de la flore
française » : hêtre, châtaignier, charme, chênes, frêne,
bouleau, érable, orme, aulne, mélèze, épicéa, sapin, pins. À
côté de quelques silhouettes d’arbres (photographiés par
TOULGOAT), plutôt que le port et l’aspect général, les
auteurs ont choisi de montrer des gros plans sur les pousses,
les bourgeons, les feuilles, les fleurs et les fruits. Le texte
précise les différentes espèces, nommées uniquement en
français, et leur distribution, et donne leur description et
leurs caractères distinctifs en se référant aux images.

Fig. 7. – Développement des pousses fleuries du marronnier (photo
R.-H. NOAILLES, Les bourgeons s’ouvrent, p. 24).

Fig. 5. – Akènes de scabieuse (photos R.-H. NOAILLES, De la
fleur à la graine, p. 102-103).

TROIS VOLUMES ZOOLOGIQUES
Après cinq volumes dédiés aux plantes, viennent trois
volumes traitant des animaux et réalisés par une autre
équipe de l’Atelier : Rencontres (1954), Un oiseau est né
(1955) et De la chenille au papillon (1995).

18

Dans Un oiseau est né, GUILCHER et NOAILLES apportent
respectivement leur collaboration au zoologiste suisse
Ernest BÖSIGER (1914-1975), pour le texte, et au
photographe animalier britannique Eric HOSKING (19091971), pour les photos. Suivant une démarche similaire à
celle des volumes sur les fleurs et les fruits, cet ouvrage
expose, en images et en mots, la formation de l'embryon
dans l’œuf jusqu'à la naissance de l’oisillon, puis la
croissance des jeunes chez différentes familles d'oiseaux.
De la chenille au papillon, nouvel ouvrage en solo de
VANDEN EECKHOUDT, auteur des photos et du texte, illustre
et décrit avec précision les différentes phases du
développement post-embryonnaire des lépidoptères : la
mue larvaire, la nymphose et l’éclosion imaginale
(BOURGOGNE, 1956).

DERNIERS VOLUMES ET ÉPILOGUE
Le dernier volume botanique de la collection, Fougères, est
publié en 1957. Après une évocation des fossiles des
premières plantes vasculaires et des fougères tropicales,
onze espèces des régions tempérées sont décrites.
L’ouvrage aborde ensuite la reproduction des fougères et
s’achève par quelques conseils aux amateurs pour cultiver
des fougères. Ce livre montre une nette évolution par
rapport aux précédents. Le texte de GUILCHER se rapproche
de celui d’un manuel scolaire et les photos de NOAILLES
sont complétées par des photos de VANDEN EECKHOUDT,
d’Edgar AUBERT DE LA RÜE (1901-1991), d’André
VIGNEAU (1892-1968) et d’un ouvrage d’Edward STEP
(1855-1931) qui, bien que d’une excellente qualité, ont une
valeur esthétique nettement plus faible.
Peut-être trop en avance sur son temps et peu rentable, la
série s’arrête l’année suivante, après un dernier volume
zoologique, Les oiseaux de la nuit (1958), avec un texte de
BÖSIGER et FAUCHER lui-même, illustré par des photos de

HOSKING. La plupart des volumes ont toutefois été réédités,
certains à plusieurs reprises et jusqu’en 1964. Plusieurs
titres ont été traduits en anglais et réédités jusqu’en 1975.

CONCLUSIONS
« Le Montreur d’images », collection accueillie avec grand
enthousiasme par la presse et dont l’ensemble est détaillé
en annexe, a eu un immense retentissement dès son
lancement. Pour les éditions Flammarion, c’était au départ
un succès d’estime, mais pas un succès commercial
(DEFOURNY & LORTIC, 1997). Pourtant ces ouvrages
innovants ont été largement utilisés par les professeurs de
sciences naturelles, ainsi que par les naturalistes.
D’une conception un peu vieillie aujourd’hui, ces livres,
encore largement disponibles chez les bouquinistes, ont
néanmoins gardé tout leur intérêt, tant pour la qualité des
photos, que pour l’exactitude du texte qui n’a pas pris une
ride. Leur histoire fait désormais partie des archives du Père
Castor, inscrites au Registre « La Mémoire du Monde » de
l’UNESCO en 2017.

.

BIBLIOGRAPHIE
Anonyme [2012] – L’œil photographique : un nouvel
objectif pour l’album jeunesse. Les Matinées du CBB,
Nantes, Bibliothèque Jacques Demy, Centre BermondBoquié, 23 p. [en ligne]. Disponible sur :
http://livrjeun.bibli.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=3
6 (Consulté le 4.12.2022).
BART-PAYRAUD M.-F., 1999. – « Le Montreur d’images » :
Texte de la contribution enregistrée de Jean-Michel
Guilcher, collaborateur de Paul Faucher. In : Paul
Faucher (1898-1967) : un Nivernais inventeur de l'album
moderne. Actes du colloque de Pougues-les-Eaux, 20 et
21 novembre 1998, p. 81-83.
BEAU N., 2003. – L’Album. In : Guide pratique de
l’illustrateur. Notre Librairie : Revue des littératures du
Sud, no hors-série, p. 27-32.
BOURGOGNE J., 1956. – Bibliographie : Vanden Eeckhoudt
(J.-P.). — De la Chenille au papillon, Paris, Flammarion,
collection « Le montreur d'images », 1955 [compterendu]. Bulletin de la Société entomologique de
France 61(3-4) : p. 96.
BRANCHU J. (réd.), 1999. – Paul Faucher (1898-1967) : un
Nivernais inventeur de l'album moderne. Conseil général
de la Nièvre, Actes du colloque de Pougues-les-Eaux, 20
et 21 novembre 1998, 174 p.
DEFOURNY M. & LORTIC E., 1997. – Le Montreur
d’images : rencontre avec Jean-Michel Guilcher, La
Revue des livres pour enfants, 175-176 : 103-110.

DEFOURNY M., 2019. – Rééditer Pouchkine. Lectures
Cultures, mai-juin 2019 : 65-66.
MARCHAT J.-F., 2015. – Jean-Michel Guilcher ingénieur
pédagogique à l'Atelier-école du Père Castor. Ethnologie
française, 45(3) : 544-546.
NOAILLES M.-Cl., 2001. – N comme Noailles, RobertHenri. In : Defourny M. & coll. (édit.), Flash sur les livres
de photographies pour enfants, des années 1920 à nos
jours : 15 septembre-20 octobre 2001, à travers le mois
du patrimoine écrit, Clamart. Fédération française pour la
coopération des bibliothèques, des métiers du livre et de
la documentation, Bibliothèque de La Joie par les livres,
Re-Découvertes, p. 61-66.
PRACHE D., 2003. – Le documentaire. In : Guide pratique
de l’illustrateur. Notre Librairie : Revue des littératures
du Sud, no hors série, p. 33-39.
RENARD H., 2016. – Les albums du Père Castor et le
renouveau de l’édition enfantine en France. Cahiers du
CÉDIC, 6-8 : 115-161.
TURIN J. , 1999. – Colloque Paul Faucher (1898-1967) : Un
Nivernais, inventeur de l'album moderne. Pougues-lesEaux 20 et 21 novembre 1998. In : Autour du Père Castor.
La Revue des livres pour enfants, 186 : 51-55.

19

ANNEXE
« Le Montreur d’images », collection documentaire publiée par l’Atelier du Père Castor (Flammarion), sous la direction
de Paul Faucher : dix volumes souples, brochés, imprimés sur papier fort, couverture carton léger avec jaquette illustrée,
format 13,5 × 19,5 cm. Copyright texte et illustrations Ernest Flammarion.
1. Découvertes. Photographies de R.-H. Noailles. Commentaires de J.-M. Guilcher. 94 p., 44 photos, 1947 ; réédité en
1952.
2. La Vie cachée des fleurs. Photographies de R.-H. Noailles. Texte de J.-M. Guilcher. 93 p., 103 photos, 1950 ; réédité
en 1954 et 1962.
Traduit en anglais en anglais en 1954 (Melrose) sous le titre The Hidden Life of Flowers, réédité en 1960
(Oliver&Boyd), 1971 et 1972 (Sterling).
3. De la Fleur à la graine. Photographies de R.-H. Noailles. Texte de J.-M. Guilcher. 109 p., 130 photos, schémas,
1951 ; réédité en 1958.
Traduit en anglais en 1960 (Oliver&Boyd) sous le titre From flower to seed ; réédité en 1971 (Oak Tree) et 1973
sous le titre A Fruit is Born.
4. Les Bourgeons s’ouvrent. Par J.-M. Guilcher [texte] et R.-H. Noailles [& Toulgoat] [photos]. 98 p., 128 photos, 1952,
réédité en 1960 et 1964.
Traduit en anglais en 1960 (Oliver&Boyd) sous le titre Opening buds.
5. Ramures. Par J.-M. Guilcher [texte] et R.-H. Noailles [photos]. 101 p., 144 photos, 1953 ; réédité en 1964 sous le
titre L’Arbre grandit. Traduit en anglais en 1964 sous le titre A Tree is Born ; réédité en 1972 (Sterling) sous le titre
A Tree Grows Up.
6. Rencontres. Par J.-P. Vanden Eeckhoudt [texte et photos], 91 p., 1954.
7. Un Oiseau est né. Par E. Bösiger et J.-M. Guilcher [texte]. Photographies de E. Hosking et R.-H. Noailles. 91 p., 101
photos, 1955 ; réédité en 1962.
Traduit en anglais en 1970 (Oak Tree) sous le titre A bird is born.
8. De la Chenille au papillon. Par J.-P. Vanden Eeckhoudt [texte et photos]. 90 p., 1955.
Traduit en anglais en 1960 sous le titre A butterfly is born (Sterling) ou From caterpillar into butterfly (Oliver) ;
réédité en 1971 (Oak Tree), 1973 et 1975 sous le titre A butterfly is born.
9. Fougères. Texte de J.-M. Guilcher. Photographies de R.-H. Noailles. 95 p., 1957.
Traduit en anglais en 1971 (Sterling), sous le titre Fern is Born ; réédité en 1972.
10. Les Oiseaux de la nuit. Par E. Bösiger et P. Faucher [texte]. Avec des photographies de E. Hosking. 91 p., 1958.

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Natura Mosana, nouvelle série, n° 75 (2022) : 21-28

Étude botanique de zones humides à Laidprangeleux
(Rendeux, prov. de Luxembourg, Belgique)
Jean-Louis GIOT *

RÉSUMÉ
Un site d’intérêt biologique, le Laidprangeleux à Rendeux (prov. de Luxembourg, Belgique) est étudié pour sa flore et sa végétation
caractéristique des zones humides. L’évolution historique du site est abordée et quelques végétaux intéressants sont décrits.

ABSTRACT
A site of biological interest, the Laidprangeleux in Rendeux (province of Luxembourg, Belgium) is studied for its flora and vegetation
characteristic of wetlands. The historical evolution of the site is discussed and some interesting plants are described.

* rue de Focagne 16, 6990 Hotton. Courriel : giotjl@hotmail.com
____________________________________

INTRODUCTION
La présente note comprend les résultats de prospections
botaniques effectuées dans un petit bois incluant des zones
humides, situé à l’est du hameau de Laidprangeleux
(Rendeux, province de Luxembourg). Cette démarche
visait à répondre à une demande du Département de la
Nature et des Forêts (DNF) concernant l’intérêt biologique
de ces milieux humides.

comprend deux zones de prospection, dénommées ici A et
B (Fig. 1).

Les prospections ont été effectuées du mois de juin au mois
de septembre 2020 pour ce qui concerne les phanérogames.
Menées de façon individuelle, elles ne peuvent dès lors
prétendre fournir un inventaire exhaustif du secteur étudié.
Ces inventaires ont été complétés en 2021 par deux
prospections bryologiques réalisées par des membres de la
société des Naturalistes de Namur-Luxembourg.

DESCRIPTION GÉNÉRALE
L’entièreté du secteur se trouve sur les terrains
paléozoïques de la retombée occidentale du Massif de
Stavelot appartenant à la Formation de Saint-Hubert
(Lochkovien). Cette formation est à dominante de shales
verts et de siltites vertes ou vert gris au sein desquels
s’intercalent des niveaux parfois épais de grès et de
quartzites (DEJONGHE, 2008 ; DEJONGHE & HANCE, 2008).
Le sol est de type limono-caillouteux, à charge schistogréseuse, à engorgement d’eau temporaire avec drainage
modéré à assez pauvre, sans horizon réduit (type rGix2,
suivant la nomenclature pédologique). Le bois abritant ces
zones humides et qui constitue la dition dans ce travail,

Fig. 1. – Zones humides de Laidprangeleux (source : fond topographique
IGN, https://geoportail.wallonie.be/walonmap).
Les chiffres se rapportent aux sites décrits dans le texte.

Elles comprennent des suintements, les venues d’eau qui en
sont issues, ainsi que leurs abords. Le bois, implanté sur le
versant occidental du Plateau des Tailles, occupe un versant
descendant en pente douce vers le sud-ouest et se situe à
une altitude variant entre 485 et 505 mètres ; il est bordé à
l’ouest par la route Devantave-Dochamps, au nord comme
au sud par des prairies, que l’on dénommera respectivement
prairie nord et prairie sud et à l’est par une pessière.

L’ensemble du secteur est actuellement boisé. Il s’agit
d’une forêt relativement récente si l’on en croit l’état
d’occupation des sols révélé par les cartes de FERRARIS
(1770-1778), de VANDER MAELEN (1850) ainsi que dans
une publication récente (GILSON & GENGLER, 2021), où
figure un plan du hameau en 1940. Le site est repris comme
« lande humide », ces deux auteurs spécifiant bien que la
zone n’était pas boisée à cette époque.

écoulements constituent la partie septentrionale des sources
de l’Isbelle1 .

Le paysage local était donc jadis constitué par une vaste
lande jouxtant le hameau à l’est et au sud. On notera que,
de façon étonnante, les topographes anciens n’ont consigné
aucune zone de source ni aucun pré humide dans la partie
qui nous intéresse (elles figurent cependant sur les cartes
topographiques récentes), ce qui ne signifie pas l’absence
de venues d’eau mais celles-ci devaient être relativement
peu alimentées.
Le secteur étudié se situe à l’est du village, au sud de la
route de Dochamps qui, de la zone habitée, part vers l’est ;
il était constitué jadis par une lande s’étendant sur le haut
du versant. La représentation du village et de ses abords est
peu précise sur la carte de FERRARIS (Fig. 2), comme on
peut le constater en comparant avec la carte de VANDER
MAELEN (Fig. 3).

Fig. 3. – Extrait de la carte de Vander Maelen (source :
https://geoportail.wallonie.be/walonmap).

La zone A comprend une maigre venue d’eau (1)2 naissant
dans la partie nord-est du bois, non loin de la prairie nord.
S’écoulant d’abord vers le sud-ouest, le ru incurve ensuite
son cours vers l’ouest et rejoint le fossé qui longe au sudest la route Dochamps-Devantave face aux premières
maisons, à l’extrémité orientale du hameau. Dans la partie
sud de la zone, un ancien drain (2), demeuré sec durant
toute la saison de prospection, affiche un parcours
rectiligne vers le nord puis vers l’ouest ; son relief
s’émousse dans la partie aval. L’examen du relief in situ
ainsi que sur le Modèle Numérique de Terrain
(https://geoportail. wallonie.be/walonmap) (Fig. 4) donne à
penser qu’anciennement, il s’incurvait vraisemblablement
vers l’ouest pour rejoindre le drain qui longe la prairie sud
(3).

Fig. 2. – Extrait de la carte des Pays-Bas autrichiens de
FERRARIS. Feuille Laroche (source :
https://www.kbr.be/fr/projets/la-carte-de-ferraris/).

La carte de VANDER MAELEN (1850) (Fig.3) est plus
précise et montre que la surface du petit bois (délimitée en
rouge) ainsi que les deux zones humides étudiées (A et B),
figurées ici très approximativement, occupent un espace
anciennement ouvert. À l’époque, la lande est dominée au
nord-est par une zone boisée feuillue, couvrant la partie
supérieure du versant, au-delà de la route de Dochamps. On
remarque qu’un chemin traversait la frange sud-ouest du
bois actuel. Toujours repris comme sentier sur la carte IGN
de 1973, ainsi que par GILSON et GENGLER (2021), où
figure un plan du hameau en 1940, sa partie sud-est a
actuellement disparu et son tracé est en partie occupé par
un drain (voir Fig. 1 et 4).

Fig. 4. – Relief du secteur étudié (source : Modèle Numérique de
Terrain (https://geoportail.wallonie.be/walonmap ).

Les venues d’eau, très peu alimentées voire complètement
asséchées lors de leur prospection, ont été réparties en deux
zones qui sont dénommées ici zone A et zone B. Ces

La zone B intègre des suintements naissant à quelques
dizaines de mètres au sud-ouest de la route DevantaveDochamps, à l’est du hameau ; plusieurs criques de
suintement se collectent en deux bras (4 et 5) qui prennent
une direction sud-ouest ; à quelques dizaines de mètres de
la limite entre la zone boisée et les prairies qui la bordent
au sud, ils confluent pour former un ruisselet (6). Celui-ci,
une fois au contact de la prairie, infléchit son cours vers le

1

2

Une troisième source naît dans la prairie sud.

22

Les chiffres entre parenthèses renvoient à la carte de la Fig. 1.

nord-ouest en la longeant, empruntant le tracé d’un ancien
chemin transformé en drain (3), pour être capté peu avant
son arrivée au hameau afin d’alimenter un bac-fontaine. En
rive droite, le ruisselet reçoit une troisième venue d’eau,
asséchée lors de la visite, mais dont le tracé est bien visible
dans le relief (7).
FLORE ET VÉGÉTATION
ZONE A

Aucune crique de suintement n’est observable. La source
du ruisselet, d’emblée bien individualisé, se situe au bord
d’un roncier (Rubus fruticosus, R. idaeus) avec recru de
bouleaux. La venue d’eau s’écoule sur fond de gravier et de
galets. En amont de la source, la zone occupée par le roncier
s’avère relativement sèche mais à proximité de celle-ci, on
observe néanmoins plusieurs petits endroits plus ouverts et
localement très modérément engorgés3, correspondant
vraisemblablement à de petites zones de suintement taries
(le microrelief trahit en effet çà et là des traces
d’écoulement limitées à quelques mètres).

présentes çà et là, mais de façon assez discrète, souvent en
relation avec des traces de fréquentation par le gibier :
Galeopsis tetrahit, Galium aparine, Urtica dioica,…
Aux endroits un peu plus secs, on trouve des espèces des
landes, pelouses et ourlets sur sols acides comme Calluna
vulgaris, Vaccinium myrtillus, Cytisus scoparius,
Deschampsia flexuosa, Hypericum pulchrum, et Potentilla
erecta ; dans ce groupe, on relève, sur plus de 50 m², une
population bien fournie de Vaccinium vitis-idaea (Fig. 6).
Cette espèce hygrocline des landes à bruyères, au caractère
montagnard ou boréo-montagnard, mériterait donc d’être
attentivement recherchée dans
le secteur de
Laidprangeleux. Mentionnons aussi la présence de la
mousse Leucobryum glaucum. Ces espèces occupent le
plus souvent les placettes un peu surélevées mais sont
parfois intriquées avec des espèces hygrophiles
transgressives des Molinietalia comme Molinia caerulea et
Succisa pratensis, la variation du niveau hydrique du sol
permettant la coexistence d’éléments de ces groupements
aux affinités différentes.

La strate arborescente est dominée par les bouleaux (Betula
pendula et B. pubescens) à l’ouest et par de grands pins
sylvestres à l’est. En sous-étage, on retrouve ces espèces au
stade arbustif, accompagnées par Frangula alnus, Salix
aurita, S. ×multinervis, Sorbus aucuparia ainsi que,
localement, par Crataegus monogyna, Prunus spinosa et
Viburnum opulus. Picea abies est présent en semis naturel.
Au sein de la strate herbacée de ces petites clairières, on
observe un groupement dominé par des espèces prairiales
hygrophiles à mésohygrophiles sur sols oligotrophes à
mésotrophes (Molinietalia caeruleae) : Agrostis canina,
Carex panicea, Cirsium palustre, Eupatorium cannabinum,
Juncus acutiflorus (très abondant), J. conglomeratus, Lotus
pedunculatus, Molinia caerulea, Ranunculus flammula et
Scutellaria minor (Fig. 5). Une population de Calamagrostis epigeios s’étend sur quelques m². Quelques
touffes de Valeriana dioica (un élément du groupement qui
est inféodé à des sols légèrement nitrifiants) poussent sur
les bords d’un petit herbier à Glyceria fluitans, fréquenté
par le gibier. Ces espèces reflètent des contrastes hydriques
importants, tout comme Carex flacca, bien présent
également. Certains éléments plus hygrophiles du
groupement indiquent par ailleurs que l’état hydrométrique
du sol fut à certains moments plus important que ce que
révèlent les observations actuelles ; l’abondance
d’Athyrium filix-femina en témoigne également.

Fig. 5. – Scutellaria minor (photo : Ph. MARTIN).

Vers l’aval, aux abords du ruisselet, la strate arborescente
se compose de Betula pendula et B. pubescens, Pinus
sylvestris, Sorbus aucuparia, Fagus sylvatica, Fraxinus
excelsior, Populus tremula, Prunus avium, Quercus
petraea et Q. robur. En sous-étage, on retrouve ces espèces
ainsi que Carpinus betulus, Corylus avellana, Crataegus
monogyna, Frangula alnus, Ilex aquifolium, Lonicera
periclymenum, Prunus spinosa, Rosa canina, Salix aurita,
S. cinerea, S.×multinervis et Viburnum opulus.

Ces espèces sont associées à des espèces prairiales
hygrophiles ou simplement tolérantes à l’humidité telles :
Ajuga reptans, Galium mollugo, Holcus lanatus,
Hypericum dubium, Juncus effusus, Lycopus europaeus,
Poa trivialis, Valeriana repens. Les grandes fougères
Dryopteris carthusiana et D. dilatata sont bien
représentées également. Quelques espèces nitrophiles sont

Sur les berges et leurs abords, comme dans une bonne partie
du bois, aux niveaux les plus secs, subsistent de beaux
fragments d’espaces ouverts sur sol acide, de surface
parfois assez importante, permettant ainsi l’expression d’un
cortège floristique plus étoffé que ce que l’on a pu constater
en amont. On y trouve dès lors des espèces des landes,
pelouses et ourlets acidiphiles sur sols oligotrophes :
Calluna vulgaris, Vaccinium myrtillus et Cytisus scoparius,
accompagnés par Agrostis capillaris, Carex pilulifera,
Deschampsia flexuosa, Galium saxatile, Hieracium

Pour l’appréciation de l’hydromorphie du sol, il faut bien
entendu tenir compte du fait qu’il n’a été possible de se baser que
sur les observations menées durant la période de grande

sécheresse du printemps et de l’été 2020. Au fil des semaines, on
n’a d’ailleurs pu que constater le tarissement progressif quasiment
général du réseau hydrique dans la zone A et partiel en zone B.

3

23

sabaudum, Hypericum pulchrum, Lathyrus linifolius var.
montanus, Poa nemoralis, Potentilla erecta et Pteridium
aquilinum.

de bas-marais sur sols acides comme Carex demissa, C.
echinata, C. panicea et Equisetum palustre.
On relève très peu d’espèces nitrophiles sur le parcours du
ruisselet et, quand elles sont présentes, elles s’y montrent
très clairsemées : Epilobium montanum, Equisetum
arvense, Galeopsis tetrahit, Galium aparine, Geranium
robertianum, Geum urbanum et Solanum dulcamara.

Fig. 7. – Vaccinium vitis-idaea (photo : Ph. MARTIN).

Ces éléments sont intriqués avec ceux du sous-bois, tels
Anemone nemorosa, Dryopteris carthusiana, D. dilatata,
D. filix-mas, Fragaria vesca, Oxalis acetosella, Stachys
sylvatica, et avec des espèces des coupes comme
Calamagrostis epigeios, Digitalis purpurea, Epilobium
tetragonum subsp. lamyi et Senecio ovatus.
Dans les parties plus humides des berges, le cortège
floristique s’avère d’abord assez pauvre. En descendant le
cours du ru, on observe, sur de petites banquettes alluviales
souvent très asséchées comme au niveau de petites criques
de suintement, une végétation herbacée dominée par les
espèces des Molinietalia : Agrostis canina, Carex ovalis,
Cirsium palustre, Deschampsia cespitosa, Lotus
pedunculatus, Luzula multiflora subsp. multiflora, Molinia
caerulea, Ranunculus flammula, Scutellaria minor, très
abondant et Succisa pratensis ; on relève de petites
jonçaies, souvent mixtes, à Juncus acutiflorus et J.
conglomeratus.
Les espèces de ce groupement sont intriquées avec celles
d’autres groupements :
 des espèces des prairies mésophiles à hygrophiles :
Agrostis stolonifera, Ajuga reptans, Dactylis
glomerata, Galium palustre, Heracleum sphondylium,
Holcus lanatus, Hypericum dubium, Juncus effusus,
Mentha arvensis, Poa trivialis et Ranunculus repens
 des espèces des roselières et mégaphorbiaies : Angelica
sylvestris, Epilobium ciliatum, E. tetragonum subsp.
tetragonum, Eupatorium cannabinum, Lycopus
europaeus, Stachys palustris et Valeriana repens.
Les espèces des zones de suintement sont bien présentes
également : Athyrium filix-femina, Cardamine flexuosa,
Carex remota, Juncus bulbosus, Lysimachia nemorum,
Stellaria alsine ; elles sont souvent associées à des espèces

4

Laidprangeleux signifierait endroit sombre, ombragé, pour le
repos du troupeau…et du berger.
24

Peu avant de rejoindre le fossé de la route, la venue d’eau,
qui coule entre de petites banquettes alluviales de sphaignes
(Sphagnum palustre, S. auriculatum) longe une légère
cuvette située en rive droite (ancienne mare ?) (8); cette
petite dépression était un peu engorgée lors des premières
observations et le ru s’y étale vraisemblablement en cas de
fortes précipitations. Selon le degré d’hydromorphie du sol,
la végétation herbacée se compose essentiellement de
fragments de prairie à Agrostis canina, de jonçaie mixte à
Juncus acutiflorus et J. effusus ainsi que de moliniaie. Une
microcariçaie à Carex panicea s’y est également installée.
De part et d’autres de cette petite dépression, dans le sousbois au sol un peu plus riche et localement occupé par des
ronciers (Rubus fruticosus et R. idaeus), on relève, outre les
espèces forestières déjà citées : Moehringia trinervia,
Neottia ovata (quelques individus), Phyteuma spicatum,
Platanthera chlorantha, Potentilla sterilis et Viola
riviniana. En rive gauche, les espèces nitrophiles sont
nettement plus présentes qu’en amont ; ce sont celles déjà
citées auxquelles on peut ajouter : Ribes rubrum et
Sambucus nigra dans la strate arbustive et Alliaria
petiolata, Glechoma hederacea, Lapsana communis ainsi
qu’Urtica dioica dans la strate herbacée.
La présence accusée de ce groupement nitrophile interpelle.
Il pourrait résulter du dépôt itératif de déchets organiques,
comme ceux issus de jardins. Mais on n’en trouve guère de
traces, sinon peut-être des touffes d’Aster sp. et de Solidago
gigantea en bord de route.
Peut-être en trouverait-on l’origine dans la toponymie
locale. La petite dépression que l’on observe juste à l’est de
la route pourrait être une ancienne mare. Dans
« Laidprangeleux », on trouve le substantif « prangeleux »
dérivé du wallon « prandjîre », qui revêt plusieurs
significations : le repas de midi (en latin : prandium), la
substance du repas étant dénommée prandjiron, et par
extension, le temps de midi ainsi que sa suite logique, la
sieste, le temps de repos (Dictionnaire wallon-français,
https://dtw.walon.org/index.php?query=prandjiron&type
=artike). Le toponyme Prangeleux4 dénommait ainsi des
endroits où les troupeaux des communautés villageoises
faisaient halte à la mi-journée pour un temps de repos, ce
qui permettait aussi au herdier de se restaurer, d’où le lien
du toponyme avec la notion de repas.
On peut imaginer que la présence d’une zone humide, peutêtre une mare, convenait parfaitement à cet effet. La
fréquentation répétée de l’endroit par le cheptel aurait

abouti à un enrichissement progressif en matière organique,
la minéralisation de celle-ci favorisant la croissance d’une
végétation nitrophile.
La prospection du grand drain rectiligne du sud de la zone
A n’a guère révélé de découverte floristique si ce n’est la
présence d’une touffe isolée de Blechnum spicant (Fig. 7).
Il s’agit de la seule localisation de l’espèce trouvée dans
l’ensemble du bois.

ZONE B

Cette zone peut être divisée suivant un axe grossièrement
tracé du nord-est au sud-ouest, selon l’écoulement des
eaux, en deux parties, dénommées ici orientale et
occidentale.

La strate herbacée est constituée ici en mosaïque,
juxtaposant, avec des intrications locales, des espèces des
milieux humides avec des plages plus sèches. Dans la strate
muscinale, on relève Sphagnum auriculatum, S.
capillifolium, S. girgensohnii et S. palustre.
Sur le pourtour des suintements, des mares et des venues
d’eau, on recense des espèces des pelouses préforestières et
ourlets des sols hydromorphes et des espèces des milieux
fontinaux : Athyrium filix-femina, Cardamine flexuosa,
Carex remota, Chrysosplenium oppositifolium (peu
représenté), Equisetum sylvaticum (très abondant) et
Lysimachia nemorum ; Juncus bufonius vient dans les
parties plus mouillées, souvent au contact de l’eau. Ces
éléments sont associés à des espèces des bas-marais sur sols
acides tels Carex demissa, C. echinata, C. nigra, C. panicea
(formant de petites cariçaies), Epilobium palustre et Viola
palustris.

Partie orientale
L’ensemble des criques de suintement qui donnent
naissance aux deux venues d’eau bien individualisées, est
ceinturé au nord par une saulaie assez dense, localement
modérément engorgée, avec des placettes de sphaignes et
de Polytrichum uliginosum, abritant de très petites mares.
C’est de la partie haute que naît le bras occidental tandis
que le bras oriental sourd un peu plus bas, très près de la
pessière. Un zone sphaigneuse plus importante s’est
développée dans le nord-est du site mais elle présente
malheureusement des signes d’assèchement. Au sein de ces
populations de
sphaignes, on relève :
Sphagnum
auriculatum, S. fallax, S. flexuosum, S. girgensohnii et S.
palustre. Il s’agit là d’espèces des boulaies et saulaies
fangeuses et d’espèces des milieux humides pouvant
présenter des assèchements périodiques (comme autour des
petites mares).
On relève dans la composition de ces fourrés : Salix aurita,
S. cinerea et leur hybride S. ×multinervis qui dominent la
strate arbustive, accompagnés çà et là par Betula
pubescens, B. pendula en dehors des zones trop humides,
Corylus avellana, Crataegus monogyna, Frangula alnus,
Lonicera periclymenum, Picea abies en semis naturel,
Prunus spinosa, peu abondant, Rubus fruticosus et R.
idaeus.
En descendant, le faciès évolue rapidement vers une
boulaie pubescente plus claire avec, dans la strate
arborescente : Betula pubescens, dominant, B. pendula,
Pinus sylvestris, Quercus robur et Sorbus aucuparia. Aux
endroits plus secs ainsi qu’en périphérie, Prunus avium et
Fagus sylvatica sont nettement mieux représentés. En sousétage, on retrouve les espèces recensées ci-dessus en notant
l’abondance de Frangula alnus, la présence de Cytisus
scoparius, d’Ilex aquifolium ainsi que de plages de Calluna
vulgaris et de Vaccinium myrtillus. Alnus glutinosa est peu
présent, vraisemblablement en raison des variations
d’alimentation en eau et de l’acidité du haut du versant ;
absent en amont, il n’apparaît qu’aux abords du bras
oriental qui s’écoule non loin de la pessière, parallèlement
à la limite de celle-ci. Il se résume là à un bouquet
d’individus matures et, un peu en aval, dans une zone plus
éclairée, à quelques individus juvéniles.

Fig. 7. – Blechnum spicant (photo : P. DEGROOTE).

Notons que Carex canescens, autre élément de ce
groupement, n’a été retrouvé que très en aval, là où le
ruisselet s’infléchit vers l’ouest pour longer les prairies.
Carex laevigata, espèce des sols très humides oligotrophes
(hydromoder-hydromor), est bien présent vers l’aval, en
quelques endroits engorgés.
Les espèces des Molinietalia sont abondantes, surtout dans
les zones plus ouvertes où on repère de petites jonçaies à
Juncus acutiflorus souvent accompagné par J.
conglomeratus et J. effusus. Molinia caerulea est
quasiment omniprésent, dans les endroits humides bien
entendu, où il peut former quelques touradons, mais
également sur les flancs du site, en association avec les
espèces des zones plus sèches. Agrostis canina forme de
petites prairies. On reconnait également des éléments des
sols humides en permanence comme Lotus pedunculatus et
Ranunculus flammula. Mentionnons encore dans le
groupement : Cirsium palustre, Deschampsia cespitosa,
Luzula multiflora subsp. multiflora, Scutellaria minor,
abondant, Succisa pratensis et quelques touffes de
Valeriana dioica.
Des bourbiers sont colonisés par Glyceria fluitans ; on y
voit également Callitriche stagnalis. Comme souvent, ce
groupement des Molinietalia est fortement intriqué avec
des espèces prairiales hygrophiles ou tolérant une certaine
humidité telles Epilobium tetragonum subsp. tetragonum,
25

Galium palustre, Holcus lanatus, Mentha arvensis, ainsi
qu’avec des espèces des prairies humides à hautes herbes
comme Angelica sylvestris, Epilobium ciliatum,
Eupatorium cannabinum, Festuca gigantea, Lycopus
europaeus, Stachys palustris et Valeriana repens.
Les endroits plus secs sont occupés par les représentants
d’un groupement acidiphile des landes et pelouses
oligotrophes. Outre Calluna vulgaris, Vaccinium myrtillus
et Cytisus scoparius, il comprend : Carex pilulifera,
Deschampsia flexuosa et Galium saxatile. Ces espèces sont
associées à celles des ourlets acidiphiles comme Holcus
mollis, Hypericum pulchrum et Teucrium scorodonia ;
Pteridium aquilinum domine localement.
Les espèces forestières et des coupes sont représentées par :
Anemone nemorosa, Brachypodium sylvaticum, Digitalis
purpurea, Dryopteris carthusiana, D. dilatata, D. filix-mas,
Epilobium tetragonum subsp. lamyi, Luzula sylvatica (peu
abondant) et Senecio ovatus. Les espèces nitrophiles
s’avèrent très rares et se résument à quelques individus de
Galeopsis tetrahit, de Stellaria media et d’Urtica dioica.
Quelques dizaines de mètres en aval de la réunion des deux
bras, le ruisselet s’infléchit vers l’ouest puis le nord-ouest,
adoptant un cours rectiligne, peut-être un segment de
l’ancien chemin évoqué plus haut et qui, après creusement,
a vraisemblablement tenu lieu de drain. Le milieu est ici
plus ouvert. On y retrouve, intriquées, des espèces des
différents groupements déjà décrits, à dominance
hygrophile : Angelica sylvestris, Carex canescens, C.
demissa, C. echinata, C. ovalis, Cirsium palustre,
Eupatorium cannabinum, Glyceria fluitans, Juncus
acutiflorus, J. effusus, Lotus pedunculatus, Lychnis floscuculi, Lysimachia nemorum, Mentha arvensis, Persicaria
hydropiper, Ranunculus flammula, R. repens et Rumex
obtusifolius.
Partie occidentale
À l’ouest de cette zone de sources et de ces écoulements
s’étend sous couvert d’une boulaie pubescente une vaste
moliniaie où Molinia caerulea est accompagné par
Athyrium filix-femina et Succisa pratensis ; au sein de ce
groupement, une petite venue d’eau a légèrement entamé le
relief. Ce milieu n’a pu être observé qu’à un stade
d’assèchement complet, montrant peu de diversité végétale
quand on le compare aux suintements de la partie
occidentale ; la présence dans ce sillon d’Athyrium filixfemina, de plages de sphaignes et de Molinia caerulea au
port en touradon reflète cependant une inondation
épisodique. Ce ruisselet, quand il est alimenté, rejoint le
drain courant le long de la prairie sud.
COMMENTAIRES
Au sein de la zone A, on observe essentiellement une
végétation ripicole. Les criques de suintement y sont assez
rares et de très petite taille, en bordure du ruisselet. La zone
B s’avère nettement plus intéressante.
La végétation y est caractérisée par un groupement
d’espèces polyhygrophiles de l’hydromor intégrant des
26

transgressives des bas-marais acides : Betula pubescens,
l’espèce arborescente dominante, Salix aurita, Molinia
caerulea (à touradons très réduits), Agrostis canina, Carex
laevigata, C. nigra, C. echinata, Polytrichum uliginosum,
Sphagnum div. sp. Certains éléments habituellement
trouvés dans ce cortège floristique font cependant défaut
ici : Blechnum spicant n’a été trouvé qu’en un seul endroit,
dans la zone A, le long du drain (2) et Oreopteris
limbosperma, pourtant assez fréquent dans la région, n’a
pas été observé. On ne retrouve pas non plus les espèces
caractéristiques boréo-montagnardes de la boulaie tourbeuse (Vaccinio-Betuletum pubescentis typicum) comme
Trientalis europaea, Vaccinium uliginosum, espèces dont
la limite d’aire dans la région se situe un petit peu plus à
l’est de la dition. Les placettes plus sèches ou régulièrement
ressuyées portent des espèces mésophiles telles Sorbus
aucuparia et Frangula alnus, très bien représentées.
On est donc en présence d’une forêt sur sol humide,
gleyifié, à régime d’engorgement semi-permanent avec
fluctuation de la nappe aquifère, où domine le Bouleau
pubescent tandis que l’Aulne glutineux en est quasiment
absent.
Sur base des observations et si l’on se réfère à LEURQUIN
(2003), ce type de bois de bouleaux pubescents peut être
considéré comme une boulaie pubescente à sphaignes
atlantique relevant du Sphagno palustris-Betuletum
pubescentis dont LEURQUIN donne une description et une
composition floristique détaillée. Cette forêt peut être
envisagée comme étant climacique selon LEURQUIN, en
liaison syndynamique avec les groupements des bas-marais
des Caricetea nigrae tandis que les boulaies tourbeuses
ardennaises du Vaccinio-Betuletum pubescentis sont
caractérisées par des espèces des hauts marais ou tourbières
bombées des Vaccinio oxycocci-Sphagnetea (comme
Vaccinium uliginosum, V. oxycoccos, Eriophorum
vaginatum, Trientalis europaea, Scirpus cespitosus,
Empetrum nigrum, toutes espèces absentes ici). Cette
distinction envisage donc, sur base de leur évolution
syndynamique, l’existence de deux types de boulaies : les
boulaies soligènes et les boulaies ombrogènes. Nombre
d’auteurs ne font toutefois pas état de cette différence.
NOIRFALISE et al. (1971), NOIRFALISE (1984) comme
DUVIGEAUD (2001), ROYER et al. (2006) ainsi que la
synthèse plus récente réalisée par JACQUEMART et al. (s.d.),
n’envisagent d’ailleurs au registre des boulaies tourbeuses
que le Vaccinio uliginosi-Betuletum pubescentis (« Boulaie
tourbeuse ardennaise » pour NOIRFALISE).
Les boulaies pubescentes soligènes à sphaignes ont
cependant fait l’objet d’une étude phytosociologique par
MÉRIAUX et al. (1978) ; ces auteurs les distinguent des
boulaies ombrogènes en considérant qu’une combinaison
floristique nette justifie l’existence d’un syntaxon spécial
pour lequel ils ont proposé l’appellation de Sphagno
palustris-Betuletum pubescentis, reprise par LEURQUIN
(2003); pour tenter de cerner le concept de boulaie
pubescente soligène à sphaignes, ils ont répertorié et
analysé 140 relevés effectués au niveau de boulaies de ce
type dispersées dans le nord de la France, l’Île-de-France
ainsi que sur l’ensemble de la partie française du massif
ardennais.

Les conditions écologiques générales du groupement sont :
 physionomiques : strate arborescente dominée par le
Bouleau pubescent et limitée en hauteur (8 à 12
mètres)
 édaphiques : faible pente avec donc léger drainage
latéral, substrat géologique acide, schisto-gréseux ou
quartzo-phylladeux, épaisseur de tourbe inférieure au
mètre ; nappe d’eau peu extériorisée et même signes
de dessèchement en certaines périodes estivales.
Il n’existe cependant pas d’uniformité géographique dans
le faciès floristique de ces boulaies. Sur base des relevés,
MÉRIAUX et al. (1978) avancent en effet qu’ « un véritable
gradient
dans
la
tendance
montagnarde
ou
boréomontagnarde se marque depuis la plaine française
jusqu’au sommet de l’Ardenne et ce gradient apparaît
également entre la moyenne et la haute Ardenne ».
Autrement dit, en fonction d’une variation de facteurs
biogéographiques, topographiques et édaphiques (acidification du milieu entre autres), le faciès floristique des
boulaies pubescentes soligènes n’est pas uniforme mais
évolue spatialement.
Au sein de ces boulaies, les relevés de végétation exploités
par ces mêmes auteurs révèlent en effet un premier groupe
de boulaies établies à la faveur de suintements (dans des
vallons, sur les replats d’étroites plaines alluviales ou
encore à l’exutoire de tourbières). Un autre groupe
rassemble des boulaies installées sur forte épaisseur de
tourbe : tourbières hautes à sphaignes mais dont l’activité
turfigène s’est fortement ralentie, caractéristique importante, comme on le verra plus loin. Enfin, des relevés
montrent des situations intermédiaires à ces deux groupes.
Mais existe-t-il un lien entre ce type de boulaie et la boulaie
ombrogène des hauts plateaux ? La réponse peut être
trouvée en envisageant l’aspect syndynamique de ce
milieu, en relation étroite avec les conditions hydrologiques
qui constituent manifestement un élément primordial quant
à l’évolution de la végétation.
Ainsi, dans les tourbières où l’activité turfigène se
maintient, ou en bordure de celles-ci, s’implante une
boulaie ombrogène avec ses composantes floristiques
caractéristiques (Vaccinium oxycoccos, Eriophorum
vaginatum, Polytrichum strictum,…). Néanmoins, en cas
de conditions hydrologiques défavorables prolongées,
l’arrêt de l’activité turfigène et la minéralisation des
couches superficielles vont entraîner des modifications au
niveau de la composition floristique et une évolution du
faciès vers celui décrit pour la boulaie soligène.
Les espèces caractéristiques de la boulaie ombrogène ne
subsisteront que de façon relictuelle et avec une vitalité très
réduite (MÉRIAUX et al. 1978). Les mêmes auteurs ajoutent
par ailleurs que « …un second trait qui caractérise ces
boulaies est l’abondance des espèces des Quercetalia
robori-petraeae et en particulier du Quercion roboripetraeae, et surtout celle d’espèces plus ubiquistes telles
que Vaccinium myrtillus, Deschampsia flexuosa,

Dryopteris carthusiana et de nombreux bryophytes ». Les
sphaignes peuvent même disparaître, en raison de la
minéralisation, alors que le Bouleau pubescent (et même la
Molinie) y domine toujours mais avec présence et relative
importance des espèces du Quercion.
Deux types de boulaie pubescente en relation
syndynamique peuvent donc bien être individualisés selon
MÉRIAUX et al. (1978), et ce concept s’avère intéressant
pour la compréhension de l’évolution du milieu. Quant au
fait de savoir s’il faut en inférer l’existence de deux
associations différentes ou concevoir la boulaie soligène
comme une simple variante floristiquement « appauvrie »
de la boulaie ombrogène, cela dépasse le cadre de ce travail
de naturaliste.

CONCLUSIONS
Même si on ne trouve pas ici les espèces emblématiques
des hauts plateaux tourbeux ardennais - en exceptant une
station de Vaccinium vitis-ideae - cette boulaie n’en
constitue pas moins un groupement intéressant du versant
occidental du massif. L’intérêt des zones humides de
Laidprangeleux réside dans le fait qu’elles constituent un
« degré » au sein du gradient exprimé par la végétation et
reconnu par MÉRIAUX et al. (1978) dans leur analyse de
nombreux relevés.
Il serait d’ailleurs intéressant de rechercher l’expression de
ce gradient en inventoriant d’autres boulaies pubescentes
de la région, sur le Plateau des Tailles comme sur ses
versants. Soulignons en sus, sur l’ensemble du site étudié
ici, la présence d’intéressants lambeaux relictuels des
groupements des landes et pelouses sur sol oligotrophe
(« bruyères »), pourvus d’un beau contingent d’espèces
méso-acidiphiles, qui rappellent le passé ouvert et pastoral
du versant.

REMERCIEMENTS

Que soient ici chaleureusement remerciés : Madame
l’ingénieure S. LAMOTTE, chef de cantonnement de La
Roche-en-Ardenne du DNF, qui a suscité ce travail, ainsi
que Monsieur C. DAINE, agent des forêts, pour sa
collaboration sur le terrain ; André SMOOS, Stéphane
DELBRASSINE, Pierre ERS et Thierry RICHEL de l’équipe
bryologique de la Société des Naturalistes de NamurLuxembourg qui ont activement participé aux prospections ; André et Marc SOTIAUX, qui ont amicalement
apporté toute leur expérience dans l’inventaire bryologique
de ce site et Marie-Thérèse ROMAIN pour sa patiente
contribution à la détermination des sphaignes.

27

BIBLIOGRAPHIE

DEJONGHE L., 2008. – Hotton-Dochamps. Carte géologique de Wallonie, 55/5-6, Notice explicative. Ministère
de la Région Wallonne, DGRNE, Namur, 88 p.
DEJONGHE L. & HANCE L., 2008. – Hotton-Dochamps.
Carte géologique de Wallonie, 55/5-6. Ministère de la
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Natura Mosana, nouvelle série, n° 75 (2022) : 29-36

Une flore inattendue sur une bordure ferroviaire à Meix-devant-Virton
(Prov. de Luxembourg, Belgique)
Annie REMACLE *

RÉSUMÉ
Les abords d’un court segment ferroviaire situé à Meix-devant-Virton hébergent diverses espèces intéressantes, comme Dianthus
deltoides et Helianthemum nummularium, mais aussi quelques taxons rarissimes en Lorraine belge, apparus ici après des travaux de
stabilisation du talus réalisés il y a une dizaine d’années : Biscutella laevigata subsp. varia, Dianthus carthusianorum, Globularia
bisnagarica, Prunella grandiflora, Teucrium chamaedrys et Veronica teucrium. La provenance de ces espèces inattendues demeure
inconnue, de même que l’objectif de ces introductions.
ABSTRACT
The surroundings of a short segment of a railway line in Meix-devant-Virton (Belgium) host various interesting species, such as Dianthus
deltoides and Helianthemum nummularium, but also some rare taxa in Belgian Lorraine, which appeared here after stabilisation work on
the embankment carried out about ten years ago : Biscutella laevigata subsp. varia, Dianthus carthusianorum, Globularia bisnagarica,
Prunella grandiflora, Teucrium chamaedrys and Veronica teucrium. The provenance of these unexpected species remains unknown, as
does the purpose of these introductions.

* Grand-rue 34, B-6747 Châtillon, Belgique. Courriel : annie.remacle2@gmail.com

____________________________________

INTRODUCTION
Nombre de botanistes ou naturalistes restent un jour
perplexes face à l’observation dans un site de l’une ou
l’autre plante inattendue. Ainsi, en septembre 2020, lors de
prospections herpétologiques menées le long de la ligne
SNCB 165 Libramont-Athus, la flore d’un court segment
ferroviaire a attiré mon attention par la présence d’espèces
rarissimes en Lorraine belge. La présente note décrit
brièvement ce segment ferroviaire et les travaux entrepris à
cet endroit, il y a une dizaine d’années, par le gestionnaire
de l’infrastructure ferroviaire belge (Infrabel). Elle met en
exergue les espèces végétales les plus étonnantes qui y
poussaient en 2020-2022.

SITUATION ET ENVIRONNEMENT
DU SEGMENT FERROVIAIRE
Le segment ferroviaire concerné se trouve à moins de 2 km
au nord du village de Meix-devant-Virton, dans la vallée de
la Chevratte, affluent de rive droite du Ton. Long d’environ
140 m, il s’étend depuis le pont sur la route Meix-devantVirton – Lahage au nord jusqu’à une cabine au sud (IFBL
M7.12.33 et M7.12.34). Seule la bordure ouest du chemin

de fer fait l’objet de la présente note. Du nord au sud, la
ligne ferroviaire (Fig. 1) domine la route et une antennerelais proche de la voirie, puis la Chevratte, après son
passage sous les voies. D’une dizaine d’ares, le site tel que
considéré ici comprend, à partir du pied du ballast de
l’assiette ferroviaire, la piste de sécurité en partie occupée
par un caniveau, un accotement de plain-pied large de
moins de 1 à 3 m et le talus en remblai qui descend jusqu’au
mur de soutènement proche de la rivière.
En 2012-2013, des travaux d’enrochement et de
stabilisation du talus ont été réalisés sur le côté ouest de la
ligne SNCB par Infrabel : placement de gros blocs rocheux
destinés à former un mur de soutènement ; déversement sur
la pente de pierres de granulométrie variée (de 5 à 25 cm)
qui forme un éboulis actuellement plus ou moins fixé. Le
matériau pierreux provenait de la carrière de grès
sinémurien de Huombois (Ėtalle) et aucun dépôt de terre
n’aurait été ajouté par après (M. AMEELS, comm. écrite).
La bande plane, au-dessus du talus, était recouverte d’un fin
cailloutis de la même origine, encore visible localement,
surtout près du caniveau.
La ligne 165 traverse ici le site Natura 2000 « Bassin
supérieur de la Chevratte » (BE34060), intégré dans le

29

vaste massif forestier de la cuesta sinémurienne. À cet
endroit, le fond de la vallée, jadis en grande partie enrésiné,
a été déboisé à partir de 2010 dans le but d’y restaurer des
prés humides de fauche, milieux ouverts prioritaires dans le
cadre du réseau Natura 2000. Ces prés sont en outre inclus
dans la réserve naturelle domaniale « Le Bassin de la
Chevratte ». La rivière est longée d’un boisement rattaché
aux forêts prioritaires alluviales.

Au vu de la composition floristique, le segment peut être
divisé en deux sous-segments (Fig. 1). Le sous-segment
Nord (SN), long d’environ 85 m, est caractérisé par une
richesse floristique supérieure (112 espèces) et par la
présence d’espèces inattendues. Le sous-segment Sud (SS)
possède quant à lui une flore « normale », composée de 76
taxons. Parmi les 129 espèces dénombrées, 59 (46%) sont
présentes dans les deux sous-segments.
Le spectre socio-écologique (Fig. 2) confirme la différence
floristique observée sur le terrain entre les deux soussegments (Fig. 3 et 4). Les plantes forestières et
préforestières sont prédominantes sur l’ensemble du
segment, avec respectivement 42 et 46% pour SN et SS, ce
qui s’explique par le passage de la ligne ferroviaire dans un
massif forestier. Les taxons des pelouses sur sol sec et
rochers sont mieux représentés en SN : 26% contre 15% en
SS où ceux des milieux perturbés secs sont
proportionnellement plus nombreux. La proximité de la
rivière au pied du talus entraîne le développement de
diverses espèces des lieux plus ou moins humides, comme
Alnus glutinosa parmi les ligneux, Angelica sylvestris,
Cirsium oleraceum, Eupatorium cannabinum, Solanum
dulcamara et Valeriana repens parmi les herbacées.

FLORE RECENSÉE

Divers ligneux poussent sur le talus : Alnus glutinosa, qui
est abondant, Carpinus betulus, Corylus avellana, Cornus
sanguinea (surtout en SN), Populus div. sp., Pinus
sylvestris, Picea abies, Salix div. sp.,… Ils sont un peu
moins denses en SN qu’en SS où ils constituent un rideau
continu.

du Bassin houiller
d’Anhée (Fig. 1).

Elle est en discordance avec la Formation de Fooz. Suivent
ensuite les Formations du Bois d’Ausse et d’Acoz nt

Fig. 1. – Orthophoto du 15 avril 2015 montrant le segment de la
ligne ferroviaire : du sud du pont sur la route vers Lahage jusqu’à
la cabine (traits rouges). La Chevratte passe sous le chemin de fer
au niveau de la flèche bleue puis longe vers le sud le mur de
soutènement en gros blocs de grès. Le trait jaune indique la limite
entre les deux parties du segment (Source : Géoportail de Wallonie
du SPW).

FLORE RECENSÉE
Les Spermatophytes et Ptéridophytes ont été recensés sur
l’ensemble du segment de 140 m, mais uniquement à
l’ouest de la ligne ferroviaire, mur de soutènement exclu.
La liste floristique, non exhaustive en raison notamment de
la difficulté d’accès au bas du talus pierreux, a été établie
en 2020-2022 sur la base de visites échelonnées de début
mai à fin septembre. Elle compte 129 espèces.

30

Fig. 2. – Proportion des différents
groupes socio-écologiques de la
flore du segment ferroviaire : à
gauche, partie nord (SN) = 112
espèces ; à droite, partie sud (SS)
= 76 espèces. Les groupes socioécologiques sont ceux définis par
Stieperaere & Fransen (1982),
sauf rares exceptions.

COMMENTAIRES FLORISTIQUES
Certaines plantes poussant sur le sous-segment SN sont
communes au moins dans la partie occidentale de la
Lorraine belge. Elles se sont très probablement implantées
naturellement dans le site ou y existaient avant les travaux.
C’est le cas par exemple de Carex flacca, Euphorbia
cyparissias (aussi présent en SS) et Silene vulgaris, très
répandus en Lorraine belge, ainsi que de Potentilla
tabernaemontani et Thymus pulegioides ; Silene nutans,
caryophyllacée abondante en SN, s’observe en différents
points le long de la ligne 165 à proximité de Meix-devantVirton.

Il est vraisemblable que l’une ou l’autre espèce rare n’ait
pas été détectée lors de mes visites ou ait disparu au cours
des années précédentes ; ainsi, une espèce de Linum vivace
y a été signalée (obs. B. VAN DOREN, comm. écrite).
Espèces dont l’apparition spontanée est possible
 Anthemis tinctoria : en SN, cette astéracée était surtout
abondante en 2020, avec plus d’une centaine
d’exemplaires, du pied du ballast jusque dans le bas du
talus (Fig. 5). Quelques exemplaires poussaient aussi en
SS à proximité de la limite entre les deux soussegments. Reconnue comme espèce en danger dans la
liste rouge wallonne de 2006 (SAINTENOY-SIMON et
coll., 2006), elle montre actuellement une répartition
plus large mais dispersée (http://observatoire.
biodiversite.wallonie.be/Especes/Flore/atlas/) y compris en Lorraine belge où elle se rencontre surtout dans
des sites anthropiques (friches rudérales, sites
ferroviaires et bords de routes). Parfois cultivée pour
l’ornement, elle apparaît à l’occasion dans des localités
et à proximité de dépôts de déchets de jardin. Sa
présence dans le site pourrait néanmoins résulter d’une
introduction volontaire.

Fig. 3. – Vue de la partie nord du segment ferroviaire, 12 juin
2022 (photo A. REMACLE).

Fig. 5. – Anthemis tinctoria : un pied fleuri et nombreuses rosettes,
23 septembre 2020 (photo A. REMACLE).

Fig. 4. – Vue de la partie sud du segment ferroviaire peu après le
débroussaillage annuel, 13 août 2021 (photo : A. REMACLE).

Les taxons dont l’apparition spontanée est possible et ceux
qui nous apparaissent avoir été introduits font ci-dessous
l’objet d’un bref commentaire. Celui-ci fournit une
appréciation de l’abondance dans le site et documente la
situation de l’espèce en Lorraine belge, éventuellement en
Wallonie et en Belgique. Pour les espèces introduites avec
certitude, leur présence dans les deux régions limitrophes,
Grand-Duché de Luxembourg et Lorraine française, est
mentionnée. Les sites Internet indiqués dans ces
commentaires ont été consultés en novembre 2022.

 Anthyllis vulneraria : largement répandu dans le carré
IFBL voisin M7.22, il serait par contre peu fréquent
dans le carré incluant le site où il est assez abondant en
SN, contrairement à SS.
 Dianthus deltoides : moins de dix pieds ont été observés
en SN. Cette espèce, menacée d’extinction en Wallonie
(SAINTENOY-SIMON et coll., 2006), est caractéristique
de l’habitat d’intérêt communautaire 6120* « Pelouses
pionnières des sables calcarifères xériques », prioritaire
au sens de la Directive Habitats. La carte provisoire de
l’atlas de la flore de Wallonie (http://observatoire.
biodiversite.wallonie.be/Especes/Flore/atlas/) montre
que l’espèce est moins répandue dans la moitié ouest de
la Lorraine belge que dans la moitié est. Dans le carré
incluant le site, les seules données connues récentes

31

proviendraient de ce segment ferroviaire où cet œillet
est nettement moins abondant que D. carthusianorum.
Dans le cadre du LIFE Herbages (2013-2020 - JANSSEN,
2014), D. deltoides a été planté au sein de plusieurs sites
restaurés inclus dans le carré voisin M7.22.
 Helianthemum nummularium (Fig. 6) : présent au nord
et au sud du site dans la vallée de la Chevratte, il pousse
en faible nombre en SN.

Espèces introduites
 Biscutella laevigata subsp. varia : seuls trois pieds ont
été repérés en 2022 sur le talus pierreux (Fig. 8).
Menacée d’extinction en Wallonie, cette brassicacée est
inféodée aux rochers calcaires ensoleillés du district
mosan (LAMBINON & VERLOOVE, 2012) et n’a jamais
été détectée en Lorraine belge où la végétation des
rochers calcaires est extrêmement rare et
essentiellement limitée à des carrières de grès
sinémurien ouvertes dans la partie occidentale de la
région (HENDRICKX et al., 2021). Dans les régions
contiguës, elle est absente de la liste des plantes
vasculaires du Luxembourg (COLLING, 2005) et ne
figure ni dans l’atlas de la flore lorraine (FLORAINE,
2013) ni dans la liste des plantes de Lorraine (MARTIN
& BONASSI, 2021).

Fig. 6. – Helianthemum nummularium (photo : Ph. MARTIN).

 Sedum album, S. rupestre et S. sexangulare : ces orpins
croissent dans la partie nord du segment ferroviaire, sur
l’accotement de plain-pied ainsi que sur le talus. Tous
trois se rencontrent dans des cimetières de Lorraine
belge (respectivement dans 33, 40 et 14% des 111
cimetières de la région - Remacle, 2020) où ils peuvent
se développer sur des murs, tombes et allées, après une
introduction – au moins possible – à des fins
décoratives, comme c’est aussi le cas des orpins non
indigènes S. hispanicum et S. spurium. Il faut noter que
S. acre, le plus répandu en Lorraine belge, est absent du
site alors qu’il poussait en bord de route au niveau du
pont en 2021. S. sexangulare (Fig. 7), considéré comme
vulnérable (SAINTENOY-SIMON et coll., 2006) et
protégé en Wallonie, montre une distribution éparse en
Lorraine belge d’après la carte provisoire de l’Atlas
(http://observatoire.biodiversite.wallonie.be/Especes/
Flore/atlas/). La donnée la plus proche du site provient
du cimetière de Bellefontaine. Il est possible qu’au
moins cette dernière espèce ait été introduite sur le
segment ferroviaire.

Fig. 7. – Sedum sexangulare dans la partie nord du segment
ferroviaire, 19 juillet 2021 (photo A. REMACLE).

32

Fig. 8. Biscutella laevigata subsp. varia,
8 mai 2022 (photo : A. REMACLE).

 Dianthus carthusianorum : plus d’une vingtaine de
pieds poussent dans la seule partie nord du site (Fig. 9).
La détermination a été confirmée sur la base notamment
de la forme des bractées de l’épicalice par F. VERLOOVE
qui précise qu’il pourrait s’agir d’un cultivar à
inflorescence multiflore, certaines inflorescences étant
composées de 10-15 fleurs. D. carthusianorum peut être
confondu avec D. giganteus, un œillet non indigène
parfois présent, comme D. carthusianorum, dans des
« mélanges fleuris ». Les caractères diagnostiques
permettant de distinguer les deux espèces figurent entre
autres dans VERLOOVE (2010 et 2015). Non menacé en
Wallonie, il fait partie du cortège typique des pelouses
wallonnes du Xerobromion (DELESCAILLE et al., 2021),
tout comme Globularia bisnagarica. Selon LAMBINON
& VERLOOVE (2012 : 148), cet œillet des pelouses et
rochers thermophiles du district mosan est assez rare
dans le district lorrain considéré dans son ensemble.
L’atlas de 1979 (VAN ROMPAEY & DELVOSALLE, 1979)
ne mentionnait aucun carré occupé par cet œillet en

Lorraine belge. Dans une notice sur le vallon de
Clairefontaine (Arlon), PARENT (1968) signale
toutefois sa présence parmi d’autres espèces plus ou
moins thermophiles connues « d'après des observations
personnelles récentes et des échantillons d'herbier ». De
plus, la carte provisoire de l’atlas en ligne
(http://observatoire.biodiversite.wallonie.be/Especes/F
lore/atlas/) indique que l’espèce aurait été observée
après 1980 dans le carré L7.46 (Sampont, Lischert,
Tattert, Heinsch, 1981 ; obs. G.H. PARENT). Hormis ces
données anciennes, la première observation en Lorraine
belge provient, à notre connaissance, du segment
ferroviaire concerné par cette note (obs. M. AMEELS 2014, 20 ex.). Les années suivantes, D. carthusianorum
a été détecté dans différents sites restaurés et protégés
par le statut de réserve naturelle : Torgny, Meix-devantVirton et site de l’Illé à Ėtalle.

Fig. 9. – Dianthus carthusianorum,19 juillet 2021 (photo : A.
REMACLE).

Fig. 10. – Globularia bisnagarica (photo : Ph. MARTIN).

 Petrorhagia saxifraga : entre 50 et 100 pieds de cette
espèce non indigène poussaient en 2021 et 2022 dans la
partie nord du segment ferroviaire (Fig. 11) ; de plus, le
taxon s’est quelque peu répandu dans le nord de SS.
Originaire du sud de l’Europe et d’Asie tempérée, ce
chaméphyte a été détecté pour la première fois en
Belgique en 1948 (LAMBINON & VERLOOVE, 2012).
Introduit au départ à des fins horticoles, il est
actuellement plus souvent observé en Flandre et à
Bruxelles qu’en Wallonie où il paraît encore très rare au
sud
du
sillon
Sambre-et-Meuse
(https://
observations.be/soort/maps/17146; http:// observatoire.
biodiversite.wallonie.be/Especes/Flore/atlas/). Il n’est
pas encore considéré comme naturalisé dans le pays
(VERLOOVE, 2021). En Lorraine belge, la première
observation, qui semble correspondre à la première
mention wallonne, a eu lieu dans le présent site, en août
2014 (obs. M. AMEELS - 100 ex.) et, en 2022, un pied
fleuri a été repéré dans une parcelle protégée à Torgny

Au Luxembourg, l’espèce est classée comme
vulnérable et est intégralement protégée ; elle y paraît
encore bien présente (https://mdata.mnhn.lu). En
Lorraine française, elle est considérée comme assez
commune (BONASSI et al., 2015) et n’est pas menacée
(BONASSI, 2015). D’après l’atlas de 2013 (Floraine,
2013), l’espèce n’avait pas été observée dans l’angle
nord-ouest de cette région, à l’ouest de Longwy, contre
la Belgique.
 Globularia bisnagarica (Fig. 10) : un seul pied, fleuri,
a été repéré le 8 mai 2022 en SN. Cette espèce
caractéristique du Xerobromion est en danger et
protégée en Wallonie. L’atlas de 1979 montre, au sud
du village de Torgny, deux carrés occupés, presque
complètement en France. Une donnée validée de 1987
provient de la réserve naturelle R. Mayné (obs. M.-T.
KERGER) où l’espèce semble ne plus avoir été observée
depuis. Par contre, elle est récemment apparue dans un
site protégé à Meix-devant-Virton (obs. P. VERTÉ 2019).
Au Luxembourg, la globulaire ne figure pas dans le
catalogue des plantes vasculaires du pays (COLLING,
2005). Elle est considérée comme assez rare en Lorraine
française (Floraine, 2013) où elle était connue de
pelouses calcaires proches de Torgny.

Fig. 11. – Petrorhagia saxifraga et, à l’arrière, Teucrium
chamaedrys, 19 juillet 2021 (photo : A. REMACLE).

(obs. J.-L. FRÉROTTE) et un autre dans la réserve
naturelle de la carrière de Tattert à Attert (obs. S.
VALENTINI).
Au Luxembourg, P. saxifraga est absent du catalogue
des espèces (COLLING, 2005), mais il y a été trouvé à
plusieurs reprises depuis 2019 (https://mdata.mnhn.lu ;
Y. KRIPPEL, comm. écrite). En Lorraine française,
l’atlas de 2013 (Floraine, 2013) le renseignait comme
très rare.
33

 Prunella grandiflora (Fig. 12) : quelques pieds vigoureux poussent sur la pente pierreuse de SN. Cette espèce
des pelouses calcaires et talus arides serait commune
dans le district lorrain, sauf dans sa partie septentrionale
(LAMBINON & VERLOOVE, 2012). En Lorraine belge,
l’atlas de 1979 renseigne trois carrés avec présence de
l’espèce, dont deux près de Torgny. Actuellement, les
données validées sont rarissimes en Wallonie
(http://observatoire.biodiversite.wallonie.be/
Especes/Flore/atlas/), un peu moins en Flandre (https://
observations.be) ; l’espèce croît surtout dans des
pelouses d’espaces verts.
Fig. 13. – Teucrium chamaedrys et Silene nutans, 21 août 2022
(photo : A. REMACLE).

Fig. 12. – Prunella grandiflora
(photo : Ph. MARTIN).

 Veronica teucrium (Fig. 14) : seuls quatre exemplaires,
aux feuilles longues de plus de 2 cm et aux sépales et
capsules poilus, ont été repérés dans le site (dét. F.
VERLOOVE). Comme indiqué par LAMBINON &
VERLOOVE (2012), V. teucrium, qui est parfois difficile
à distinguer de V. prostrata subsp. scheereri, est surtout
représenté dans le territoire de la Flore non par la subsp.
teucrium mais par la subsp. vahlii (Syn. : Veronica
austriaca subsp. vahlii), caractérisée entre autres par ses
feuilles ne dépassant pas 3 cm de longueur. Dans la
Flora Gallica, TISON & DE FOUCAULT (2014) indiquent
que le complexe de V. austriaca reste confus. Cette
espèce des pelouses et talus secs, généralement sur
calcaire ou sable calcarifère, est assez rare dans le
district lorrain (LAMBINON & VERLOOVE, 2012).

Aux Pays-Bas où elle n’est pas indigène, l’espèce est
apparue
un
peu
partout
depuis
1990
(https://www.verspreidingsatlas.nl/5575#).
Au Luxembourg, P. grandiflora est en danger critique
(COLLING, 2005) et intégralement protégée. En
Lorraine, elle est peu commune (Floraine, 2013) et est
présente à proximité de Torgny.
 Teucrium chamaedrys (Fig. 13) : cette espèce pousse
exclusivement dans la partie nord du segment où le
nombre de pieds, difficile à établir, dépasse la
quinzaine. Plante thermophile, elle croît sur les rochers
et éboulis calcaires, pelouses, mais aussi lisières
forestières et bois clairs (LAMBINON & VERLOOVE,
2012). Assez commune dans le district lorrain considéré
dans son ensemble, elle est rare en Lorraine belge :
l’atlas de 1979 (VAN ROMPAEY & DELVOSALLE, 1979)
montre, à Torgny, trois carrés occupés dont celui qui
comprend la réserve Raymond Mayné (donnée de 1943)
où, à ma connaissance, l’espèce ne fait l’objet d’aucune
donnée récente validée.
Au Luxembourg, T. chamaedrys est classé parmi les
espèces vulnérables (COLLING, 2005), tandis qu’en
Lorraine, il est considéré comme peu commun
(Floraine, 2013) ; il pousse notamment dans diverses
pelouses proches de Torgny, comme à Villécloye et
Charency-Vezin.

34

Fig. 14. – Veronica teucrium (photo : Ph. MARTIN).

En Lorraine belge, elle n’était détectée dans les années
1970 (VAN ROMPAEY & DELVOSALLE, 1979) que dans
un carré frontalier incluant Torgny, seul carré belge où
V. teucrium était connu à cette époque.
Au Luxembourg, cette espèce est en danger critique
(COLLING, 2005). En Lorraine française, les deux sousespèces de Veronica austriaca sont très rares (Floraine,
2013) et l’espèce V. teucrium est considérée comme
rare (BONASSI et al., 2015), les données étant
insuffisantes pour la classer dans la liste rouge
(BONASSI, 2015). Le taxon est présent dans certaines
pelouses proches de Torgny, notamment à Allondrelle
(B. DIETHELM, comm. écrite).

CONCLUSIONS
Sur ce segment de voie ferrée, le gestionnaire du réseau
ferroviaire réalise en été un débroussaillage annuel sur une
largeur de 5-6 m depuis le rail extérieur de la voie. Si
nécessaire, un recépage des ligneux croissant au-delà de la
zone débroussaillée a lieu certaines années. La bordure
ferroviaire concernée par cet article devient dès lors de plus
en plus envahie et ombragée par les arbustes et jeunes
arbres, sauf dans sa partie supérieure où l’entretien estival
les maintient à une faible hauteur. Clematis vitalba et
Rubus sp. progressent en outre sur le talus. Certaines
espèces des pelouses et éboulis sont probablement appelées
à disparaître au fil des années, à l’exception de certains
taxons qui pourraient se maintenir dans la zone entretenue
et éventuellement se propager le long de la voie ferrée.
La provenance des quelques espèces indigènes rares,
considérées ici comme introduites, demeure inconnue, de
même que la responsabilité et l’objectif de cette initiative.
L’hypothèse d’un apport de diaspores via le matériel
pierreux exogène est irrecevable puisque que les taxons
concernés sont absents de la carrière productrice des pierres
et qu’ils ne sont présents que sur les deux tiers nord de la
bordure ferroviaire. On peut dès lors affirmer qu’il y a eu
une introduction volontaire par semis et/ou plantation. La
récolte de graines, voire de plantes, dans des sites plus ou
moins proches qui hébergent ces espèces est possible mais
semble néanmoins moins plausible qu’un achat de
semences et/ou de plants. Le repiquage de pieds en pots ne
peut d’emblée être exclus pour ces espèces vivaces, qui
sont commercialisées via internet par diverses firmes (sauf
peut-être Biscutella laevigata).
À l’heure de l’effondrement de la biodiversité, les
initiatives impliquant le semis ou la plantation d’espèces
indigènes sont de plus en plus nombreuses et diversifiées,
comme le montrent les exemples suivants :
 la création d’espaces verts « naturels » : jardins privés
ou gérés par un collectif, espaces verts communaux ou
d’entreprises
 la végétalisation de sites anthropiques, comme des
carrières (HAUTECLAIR et al., 2021 ; SÉLECK et al.,
2022)
 la création de toitures végétalisées, en plein essor en
raison notamment de leur meilleure isolation thermique
et acoustique, de leur participation à la gestion des eaux
pluviales et de leur apport esthétique (e.a BOISSON et
al., 2018). La majorité des toits verts ne sont
actuellement pas végétalisés à l’aide de plantes
uniquement indigènes
 la mise en œuvre de méthodes agroenvironnementales
et climatiques : bandes aménagées à fleurs des prés ou
des champs (https://www.natagriwal.be)
 la réintroduction ou le renforcement de populations de
plantes menacées d’extinction, dans le cadre de projets

de restauration de milieux naturels ou de plans d’actions
spécifiques (http://biodiversite.wallonie.be/fr/liste-desplans-d-action.html?IDC=6185). Dans ce cadre, les
semences et plants d’espèces indigènes utilisés doivent
être certifiés d’origine au moins régionale. Quelques
pépinières belges produisent actuellement des graines,
commercialisées sous forme de mélanges ou non, et des
plants en godets d’espèces indigènes autochtones. Par
ailleurs, le Jardin Botanique de Meise a acquis une
solide expertise dans la réintroduction ou le
renforcement de populations d’espèces menacées
d’extinction en Wallonie ; ainsi, en Lorraine belge, dans
le cadre du LIFE Herbages, Dianthus deltoides et
Helichrysum arenarium (JANSSEN, 2014 ; GODEFROID
et al., 2018), au départ de graines récoltées dans des
populations relictuelles situées dans la zone de projet
(D. deltoides) ou non (H. arenarium).
Le recours aux semis et plantations d’espèces indigènes
devient de ce fait de plus en plus fréquent. L’interprétation
des cartes de distribution, en particulier pour les espèces
rares et menacées, en est d’autant plus complexe. Dès lors,
la traçabilité des introductions réalisées est primordiale.
Dans cette optique, l’emploi d’un symbole particulier pour
un taxon introduit dans une maille pourrait être envisagé,
surtout s’il n’a jamais été détecté ailleurs dans la maille et
a fortiori dans les mailles voisines. L’atlas en ligne de la
flore des Pays-Bas distingue ainsi les carrés où une espèce
indigène est considérée comme « niet wild »
(https://www.verspreidingsatlas.nl/vaatplanten, consulté le
10 novembre 2022), par exemple pour Teucrium
chamaedrys (https://www.verspreidingsatlas.nl/5468) ou
encore
Dianthus
carthusianorum
(https://www.
verspreidingsatlas.nl/0403). Néanmoins, dans la pratique,
l’utilisation d’un symbole particulier est sans doute difficile
à mettre en œuvre, sauf lorsque l’espèce est visiblement
représentée par un cultivar.

Remerciements

Je tiens à remercier Jean-Paul JACOB pour sa relecture
critique du manuscrit, Filip VERLOOVE pour le contrôle de
l’identification de spécimens des espèces introduites
(Dianthus carthusianorum, Petrorhagia saxifraga,
Prunella grandiflora, Teucrium chamaedrys et Veronica
teucrium) déposés en 2021 dans l’herbier du Jardin
botanique de Meise, Yves KRIPPEL pour les informations
relatives à la présence de certaines espèces au Grand-Duché
de Luxembourg, Marc AMEELS pour les renseignements
portant sur les travaux réalisés par Infrabel sur le segment
ferroviaire, ainsi que Brigitte DIETHELM pour les données
fournies. Je remercie aussi la société Infrabel, gestionnaire
de l’infrastructure ferroviaire belge, de m’avoir autorisée à
mener des prospections biologiques le long des lignes de
Lorraine belge.

35

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Natura Mosana, nouvelle série, n° 75 (2022) : 37-44

Les végétations pionnières des bancs d’alluvions le long de l’Ourthe :
nouvelle contribution à la connaissance de
cet Habitat d’Intérêt Communautaire en Wallonie
Jean-Marc COUVREUR*, Ruddy CORS, Fabrice ÉTIENNE, Vincent FIÉVET et Sébastien KRICKX

RÉSUMÉ
Une nouvelle campagne de cartographie et de description de l’Habitat d’Intérêt Communautaire « Les végétations pionnières des bancs
d’alluvions » (code EUR_28 « 3270 ») a été organisée pendant l’été 2022 sur la rivière Ourthe. Comme lors de la première étude du
même type sur la Lesse publiée en 2020, deux faciès principaux ont été mis en évidence, un faciès à végétation éparse sur sol vaseux
recouvert de galets, correspondant à l’habitat « 3270 » proprement dit, et un faciès à végétation herbacée nettement plus dense,
correspondant à l’Habitat d’Intérêt Communautaire « mégaphorbiaies alluviales » (code EUR_28 « 6430 »). L’utilisation de l’indice
IndVal a permis de mettre en évidence les principales espèces caractéristiques de ces deux faciès présents le long de l’Ourthe et de
comparer ces résultats avec ceux obtenus sur la Lesse. D’autres rivières wallonnes feront l’objet d’une recherche similaire dans les
prochaines années.
.

ABSTRACT
A new campaign to map and describe the Habitat of Community Interest " Rivers with muddy banks with Chenopodion rubri p.p. and
Bidention p.p. vegetation" (code EUR_28 "3270") was organized during the summer of 2022 on the river Ourthe. As in the first study
of the same type on the Lesse published in 2020, two main facies were identified, a facies with sparse vegetation on muddy soil covered
with pebbles and corresponding to the habitat "3270" properly, and a facies with much denser herbaceous vegetation corresponding to
the Habitat of Community Interest " Hydrophilous tall herb fringe communities of plains and of the montane to alpine levels" (EUR_28
code "6430"). The use of the IndVal index made it possible to highlight the main characteristic species of these two facies present along
the Ourthe and to compare these results with those obtained on the Lesse. Other Walloon rivers will be the subject of similar research in
the coming years.

* Département d’Étude du Milieu Naturel et Agricole (Service Public de Wallonie, DGO3). Courriel :
jeanmarc.couvreur@spw.wallonie.be

____________________________________

INTRODUCTION
Face au constat que l’habitat d’intérêt communautaire « Les
végétations pionnières des bancs d’alluvions » dont le code
officiel européen EUR_28 est « 3270 » (European
Commission, 2013) était très mal connu en Wallonie
(KEULEN & al., 2020), nous avons entrepris une première
étude descriptive de cet habitat le long de la Lesse en 2019
et 2020 (COUVREUR, 2020). En 2022, nous avons décidé de
poursuivre ce programme d’inventaire et de cartographie
des végétations présentes sur les bancs d’alluvions et avons
prospecté l’entièreté du parcours de l’Ourthe depuis La
Roche-en-Ardenne jusqu’à son embouchure à Liège, soit
un parcours d’environ 108 km. Ce travail a été réalisé en
équipe, chaque expert s’étant vu attribuer un ou plusieurs
tronçons de plusieurs kilomètres. Il a commencé le 19 août
et a pu se poursuivre jusqu’au 13 octobre 2022, vu les
niveaux anormalement bas de la rivière encore à cette date.

Cette nouvelle campagne de cartographie et d’inventaire
sur l’Ourthe devait à la fois nous permettre de faire
progresser la connaissance (localisation, composition
floristique) de l’habitat 3270 en Wallonie et de tenter une
première comparaison de ses caractéristiques avec les
données récoltées sur la Lesse en 2019 et 2020.

MÉTHODES
Afin d’obtenir des résultats homogènes et comparables
pour toute la Wallonie, nous avons adopté les mêmes
méthodes de travail et d’analyse que celles utilisées pour
l’étude de l’habitat « les végétations des bancs d’alluvions »
sur la rivière Lesse (COUVREUR, 2020). Nous rappelons cidessous les principales étapes de cette méthodologie et
renvoyons le lecteur intéressé à notre publication de 2020
pour plus de détails.

37

 La cartographie de l’habitat a été préparée au bureau à
partir des orthophotoplans de l’année 2016 qui
montraient particulièrement bien les zones de galets.
Ces orthophotoplans nous ont donc aidés à repérer les
principaux îlots et presqu’îles où l’habitat était
potentiellement présent avant la campagne de terrain
proprement dite.

combine deux paramètres, l’un appelé « fidélité »
(qui correspond au rapport entre le nombre de sites dans
lesquels l’espèce est présente au sein d’un groupe et le
nombre de sites au sein de ce groupe), l’autre appelé
« spécificité » (égal au rapport entre l’abondance
moyenne d’une espèce dans un groupe et de la somme
des abondances moyennes dans tous les groupes).

 Sur le terrain, les habitats ont été cartographiés et la
végétation décrite pour une partie d’entre eux
(échantillonnage en fonction de l’accessibilité et du
planning). La description a consisté en la délimitation
d’un ou deux faciès (les plages de galets à végétation
éparses ont été dénommées « gravières » et les zones à
végétation herbacée nettement plus dense ont été
dénommées « phalaridaies ») si c’était jugé pertinent,
auxquels a été rattaché un relevé phytosociologique
complet (liste des espèces avec leur taux de
recouvrement respectif). Les recouvrements ont été
notés en utilisant l’échelle de Braun-Blanquet
légèrement remaniée comme sur la Lesse. Au bureau,
toutes ces informations ont été encodées dans le logiciel
de cartographie ArcMap (version 10.5.1) et dans une
base de données Access.

 Le résultat du calcul de cet indice fournit deux
informations pour chaque espèce et pour chaque groupe
issu d’un clustering. La première information est la
valeur de l’IndVal proprement dite, comprise entre 0 et
1. Plus la valeur est élevée, plus l’espèce peut être
considérée comme une bonne espèce indicatrice du
groupe considéré. La seconde information fournie par
le calcul est le degré de fiabilité de chaque valeur
de l’indice, exprimée en p-value . Plus cette p-value
est faible, plus l’indice calculé peut être considéré
comme fiable. Par convention, nous avons retenu les
espèces qui avaient à la fois un indice IndVal supérieur
ou égal à 0,25 et une p-value inférieure à 0,05.

 Tous les traitements statistiques ont été réalisés via le
logiciel libre R Studio (version 1.3.1093). Ces analyses
ont consisté en un regroupement hiérarchique
agglomératif aussi appelé « clustering » et en la
recherche des espèces indicatrices par groupe. Le
regroupement hiérarchique agglomératif permet de
répondre à un double objectif. Il permet de valider le
classement empirique des deux faciès tels qu’observés
sur le terrain et il prépare les données de manière à
pouvoir extraire les espèces indicatrices pour chacun
des groupes.
Fig. 2. – Banc d’alluvions (habitat 3270) au niveau des piles d’un
pont sur l’Ourthe à Hamoir (photo : Grégory MOTTE, 19 août 2022).

RÉSULTATS
L’habitat 3270 a été noté depuis La Roche-en-Ardenne
jusqu’à son confluent avec la Meuse à Liège. Nous n’avons
pas fait de prospections ciblées en amont de La Roche, et
bien que les conditions hydrologiques semblent moins
favorables à la présence de l’habitat (débit plus faible,
parcours en partie ombragé), l’habitat pourrait également y
être présent sous forme plus ponctuelle.

Fig. 1. – Extrait d’un orthophotoplan montrant quelques îlots
inventoriés le long de l’Ourthe à Barvaux (trait rouge gras). Ces îlots
sont majoritairement situés sur les rives convexes des méandres de la
rivière (source : DEMNA).

 La recherche des espèces « indicatrices » a été effectuée
en utilisant l’indice IndVal (« Indicative Value Index »)
mis au point par DUFRÊNE et LEGENDRE (1997) et
transcrit en langage R par D.W. ROBERTS dans le
package « labdsv » de R Studio. L’indice IndVal
38

Au total, 213 îlots ont été cartographiés et parmi eux des
relevés de végétation ont été réalisés pour 91 faciès, se
répartissant en 72 relevés typés sur le terrain avec le code
EUR_28 3270 (gravières avec code relevé « a ») et 19
relevés typés sur le terrain avec le code EUR_28 6430
c’est-à-dire des mégaphorbiaies rivulaires qui sont
également un habitat d’intérêt communautaire (notés
phalaridaies avec le code relevé « b » dans nos relevés). La
taille de ces îlots variait de 0.02 à 125 ares (moyenne : 8,5
ares). Ces îlots sont situés dans le lit mineur du cours d’eau
(ce qui correspond à la zone d’aléas d’inondation de type

élevée) et occupent dans près de 60% des situations les
rives convexes de la rivière dans ses méandres (Fig. 1),
c’est-à-dire les endroits où le courant est le moins fort et où
peuvent s’accumuler différents types de matériaux
(cailloux, galets). Certains îlots de grande taille occupent
également des zones plus centrales et plus rectilignes de la
rivière, en particulier près des piles de ponts comme à
Hamoir (Fig. 2), dans des endroits où le courant est
également ralenti permettant le dépôt de matériaux de la
rivière.
Au total, 261 espèces (191 en Lesse) ont été inventoriées1
(quelques taxons non déterminés jusqu’au niveau
spécifique n’ont pas été comptabilisés), soit 251 (167 en
Lesse) espèces pour les gravières (relevés typés « a ») et 85
(114 en Lesse) espèces dans les « phalaridaies » (relevés
typés « b »). Bien qu’apparemment très homogènes et de
petite taille, ces îlots et presqu’îles abritent donc une
diversité botanique exceptionnelle, en particulier les
gravières. Cette richesse spécifique se retrouve dans les
relevés individuels puisque les 11 relevés les plus
comprennent plus de 60 espèces. Cela s’explique tout
d’abord par l’aspect très dénudé du substrat où la
compétition est quasi nulle et ensuite par le fait que la
rivière charrie probablement de nombreuses graines
emportées à l’occasion des crues et qui ne demandent qu’à
germer à la faveur de conditions favorables, en particulier
les espèces caractéristiques de l’habitat qui constituent des
banques de graines longévives (THOMPSON & al., 1997 ;
SCHAMINÉE & al., 1998).
Comme sur la Lesse, les différents îlots et presqu’îles
répertoriés présentent tous un ou deux faciès de végétation
très reconnaissables et comparables sur l’ensemble du
parcours (Fig. 3). Il s’agit d’une part de ce que nous avons
nommé « gravières » sur le terrain et qui correspond à des
plages presque entièrement recouvertes de galets (taille
moyenne 10 cm) et de graviers, déposés sur une couche de
vase humide. Le recouvrement moyen de ces gravières par
la végétation était de 34 %. Le second type de faciès
observé correspond à ce que nous avons dénommé
phalaridaies et qui correspond à des formations herbeuses
parfois parsemées de quelques espèces ligneuses, et situées
directement en contact avec le faciès précédent mais
légèrement plus en hauteur par rapport au niveau des eaux.
Le recouvrement moyen total au sein de ces formations
herbeuses était de 97%.
Il est important de signaler qu’en plus de ces îlots d’habitat
bien repérables sur les photographies aériennes comme sur
le terrain, nous avons constaté à maintes reprises la
présence de l’habitat également sous la forme de fins
bandeaux linéaires le long de la rivière (souvent moins d’un
La liste complète des relevés peut être obtenue à l’adresse des
auteurs.
2 Ces quatre relevés se caractérisent par une assez bonne
représentation des espèces caractéristiques des phalaridaies avec
des recouvrements importants de plusieurs de ces espèces, mais
aussi par la présence de plusieurs espèces caractéristiques des
gravières. C’est la transformation des abondances brutes en leur
racine carrée (avec comme conséquence un certain lissage des
abondances relatives) qui a pour conséquence de faire ressembler
1

mètre de large). À titre d’exemple, l’un d’entre nous a noté
de manière systématique la présence de ces petits éléments
linéaires d’habitats sur les 27 km de son parcours et a ainsi
recensé 6353 mètres de cet habitat sous cette forme.
Le résultat du clustering (regroupement des stations en
deux sous-groupes) est illustré à la Fig. 5 sous la forme d’un
dendrogramme, les deux rectangles rouges regroupant les
stations les plus semblables à l’intérieur de chaque sousgroupe. Presque sans surprise, on voit que toutes les
stations qui avaient été typées comme des gravières se
retrouvent dans le sous-groupe de droite (stations terminées
par un indice « a »). En ce qui concerne les stations
étiquetées phalaridaies sur le terrain (stations terminées par
l’indice « b »), toutes sauf quatre stations (O2b, O11b,
O14b et O19b)2 se retrouvent dans le sous-groupe de
gauche, ce qui confirme que les deux types de faciès sont
bien distincts, à la fois en termes de composition et
d’abondances des différentes espèces.

Fig. 3. – Bord de l’Ourthe à Sy avec ses deux faciès caractéristiques,
la « gravière » pauvre en végétation à gauche et la « phalaridaie »
nettement plus herbeuse à droite formant un cordon rivulaire étroit de
3 à 4 mètres de large (photo : Jean-Marc COUVREUR, 29 septembre
2022).

Le tableau 1 présente les espèces qui ont été retenues
comme indicatrices des 2 sous-groupes par l’indice IndVal
(valeur de l’indice égale ou supérieure à 0,25 et p-value
inférieure à 0,05, voir chapitre méthodes). Nous avons en
outre surligné en couleur plus foncée les espèces qui
avaient également été retenues par la procédure IndVal
dans la Lesse.
Dans le sous-groupe correspondant aux gravières (groupe
1), ce ne sont pas moins de huit espèces communément
renseignées dans la littérature comme espèces
caractéristiques de l’habitat 3270 qui sont retenues :
Atriplex prostrata, Myosoton aquaticum, Lipandra
polysperma, Leersia oryzoides3, Rorippa palustris,
Persicaria maculosa, P. hydropiper, Bidens tripartita, et P.
lapathifolia (ELLENBERG, 1996 ; SCHAMINÉE & al., 1998 ;
JANSSEN & SCHAMINÉE, 2003; LEYSSEN & al., 2008 ;
ces quatre relevés à ceux des gravières. Un clustering réalisé avec
les abondances réelles les range correctement dans le groupe des
phalaridaies.
3

L. oryzoides figure sur la Liste Rouge des plantes de Wallonie
(avec le statut « en danger »), mais elle est peut-être sous-évaluée
par le fait qu’elle produit rarement des épis bien développés et
qu’elle peut être facilement confondue avec la Baldingère à l’état
végétatif.
39

European commission, 2013 ; KEULEN & al., 2020). Les
autres espèces retenues pour ce groupe sont assez variées,
mais on y retrouve notamment des espèces pionnières
opportunistes comme Sonchus asper (Fig. 4) ou Arctium
lappae, et des espèces des prairies humides au sens large
comme Lycopus europaeus, Myosotis scorpioides ou
Scrophularia auriculata.

Dans le sous-groupe correspondant aux phalaridaies
(groupe 2), toutes les espèces retenues par la procédure
IndVal sont typiques des mégaphorbiaies alluviales au sens
large : Calystegia sepium, Filipendula ulmaria, Impatiens
glandulifera4, Lysimachia vulgaris, Lythrum salicaria et
Phalaris arundinacea (POTT, 1995 ; KEULEN & al., 2020).
La comparaison des listes d’espèces retenues par la
procédure IndVal sur la Lesse et sur l’Ourthe conduit aux
constatations suivantes :

Fig. 4. – Sonchus asper, espèce pionnière banale retenue comme
indicatrice du groupe « gravières » dans l’Ourthe et dans la Lesse
(photo : G. MOTTE, 19 août 2022).
Espèces indicatrices

groupe

Atriplex prostrata Boucher ex DC.
Myosoton aquaticum (L.) Moench
Lipandra polysperma (L.) S. Fuentes,

1
1
1

indice
IndVal
0.88
0.84
0.83

1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
2
2
2
2
2
2

0.69
0.68
0.57
0.57
0.55
0.55
0.51
0.5
0.5
0.47
0.45
0.39
0.37
0.34
0.34
0.32
0.3
0.3
0.26
0.84
0.61
0.51
0.5
0.47
0.26

p-value

0.001
0.001
0.001

Uotila & Borsch.

Lycopus europaeus L.
Scrophularia nodosa L.
Leersia oryzoides (L.) Swartz
Rorippa palustris (L.) Besser
Myosotis scorpioides L.
Persicaria maculosa S.F. Gray
Persicaria hydropiper (L.) Spach
Bidens tripartita L.
Persicaria lapathifolia (L.) Delarbre
Barbarea vulgaris (R.) Brown
Sonchus asper (L.) Hill
Plantago major L.
Taraxacum sp. Weber
Ranunculus repens L.
Tussilago farfara L.
Arctium lappa L.
Echinochloa crus-galli (L.) Beauv.
Trifolium repens L.
Scrophularia auriculata L.
Phalaris arundinacea L.
Lythrum salicaria L.
Calystegia sepium (L.) R. Br.
Lysimachia vulgaris L.
Impatiens glandulifera Royle
Filipendula ulmaria (L.) Maxim.

0.001
0.001
0.005
0.005
0.035
0.002
0.048
0.027
0.006
0.02
0.022
0.016
0.023
0.029
0.033
0.047
0.045
0.043
0.041
0.001
0.007
0.002
0.007
0.002
0.003

Tableau 1 : Espèces « indicatrices » des deux sous-groupes issus du
clustering et déterminées par l’indice IndVal. Les espèces du groupe 1
correspondent aux espèces du sous-groupe « gravières » et les espèces du
groupe 2 correspondent au sous-groupe « phalaridaies ». Dans les deux
groupes, les espèces sur fond plus sombre sont les espèces en commun
avec la liste des espèces indicatrices de la vallée de la Lesse (détails voir
texte).

Cette espèce exotique envahissante s’est naturalisée à un tel
point le long de certains cours d’eau depuis plusieurs décennies
en Allemagne et en Suisse, qu’elle est considérée comme une
4

40

 Des espèces caractéristiques peuvent ne pas avoir été
sélectionnées avec les seuils fixés (valeurs en-dessous
des seuils) avec la procédure IndVal et donc ne pas
apparaître dans les tableaux des espèces indicatrices,
mais avoir cependant une bonne valeur indicative. C’est
le cas par exemple de Persicaria maculosa et P.
lapathifolia qui n’apparaissaient pas dans le tableau des
espèces indicatrices des gravières dans la Lesse, mais
qui avaient des valeurs d’IndVal et de p-value proches
des seuils fixés. C’est également le cas pour Impatiens
glandulifera et Lythrum salicaria sur la Lesse et pour
Stachys palustris sur l’Ourthe et la Lesse pour l’habitat
mégaphorbiaies alluviales.
 Poa annua n’a pas été sélectionnée pour l’Ourthe mais
les valeurs de l’IndVal et de la p-value sont également
très proches des deux seuils utilisés
 deux espèces pionnières, Echinochloa crus-galli et
Plantago major sont mises en évidence dans les deux
bassins. Elles sont considérées comme caractéristiques
ou compagnes fréquentes par plusieurs auteurs
(LEBRUN & al., 1949 ; POTT, 1995 ; SCHAMINÉE & al.,
1998), mais nous verrons dans la discussion la place que
nous leur accorderons
 Myosoton aquaticum ressort comme espèce indicatrice
dans l’Ourthe, mais n’était pas sélectionnée dans la
Lesse parce qu’elle était indistinctement présente dans
les deux faciès.
Comme dans les relevés effectués sur la Lesse, les cortèges
floristiques observés sur l’Ourthe comprennent, à côté des
espèces caractéristiques déjà évoquées, une très large
gamme de plantes pouvant notamment être associés aux
milieux suivants :
 milieux rudéraux : Artemisia vulgaris, Galinsoga
parviflora, G. ciliata, Geranium robertianum, Geum
urbanum, Lactuca serriola, L. virosa, Matricaria
recutita, Senecio vulgaris, Sonchus asper, Tanacetum
vulgare, etc.
 cultures : Aethusia cynapium, Anagallis arvensis,
Brassica oleracea, Cicer arientinum, Helianthus
annuus (Fig. 6), Panicum capillare, Triticum aestivum,
etc.

espèce caractéristique des mégaphorbiaies dans ces deux pays
(POTT, 1995 ; DELARZE & GONSETH, 2008).

 milieux forestiers : Acer pseudoplatanus, Alnus
glutinosa, A. incana, Corylus avellana, Fraxinus
excelsior, Salix sp., etc.

Nigella damascena, Physalis angulata, P. peruviana (Fig.
7), Solanum lycopersicon, Verbena bonariensis, etc.

 milieux prairiaux : Anthoxanthum odoratum,
Arrhenatherum elatius, Centaurea jacea, Daucus
carota, Leucanthemum vulgare, Lolium perenne, etc.

Enfin, on peut aussi constater, à côté des très nombreuses
espèces indigènes repertoriées, la présence de 42 espèces
exotiques ou cultivées (Tableau 2), soit un peu plus de 16%
du nombre total des espèces recensées. Cependant, en
dehors de Lindernia dubia (Fig. 9) qui a été notée avec de
très forts recouvrements dans deux stations situées à
Grandhan (stations SK12a et VO2a avec des recouvrements
de respectivement 62,5% et 87,5%), et d’une station de
Buddleja davidii avec un recouvrement de 10 % (station
FEBG14a), toutes les autres espèces avaient des
recouvrements ne dépassant pas 2,5 %.

 milieux herbeux secs : Echium vulgare, Origanum
vulgare, Teucrium botrys, etc.
 formations herbeuses humides : Achillea ptarmica,
Agrostis stolonifera, Caltha palustris, Ranunculus
flammula, Sparganium erectum, etc.
 milieux péri-urbains (jardins) : Calendula officinalis,
Lobelia erinus, Malva sylvestris, Mentha arvensis,

Fig. 5. – Dendrogramme issu du « clustering » et indiquant la classification en deux groupes de l’ensemble des relevés. Le groupe de
relevés compris dans le rectangle rouge de gauche correspond aux faciès à végétation herbeuse dense (phalaridaies) et le groupe de droite
correspond aux faciès à végétation éparse (gravières). Les codes en abscisse correspondent aux stations.

DISCUSSION
L’étude de la « végétation des bancs d’alluvions » le long
de l’Ourthe depuis La Roche-en-Ardenne en amont jusqu’à
son confluent avec la Meuse à Liège, nous a permis de
récolter de nombreuses informations sur la composition
botanique et sur la localisation de cet habitat ainsi que sur
l’habitat « mégaphorbiaies rivulaires » (habitat d’intérêt
communautaire avec le code EUR_28 6430), à la suite
d’une première étude publiée dans cette revue sur la Lesse
en 20205 .
La grande majorité des îlots cartographiés sont situés dans
la zone de risque élevé des aléas d’inondation (lit mineur
du cours d’eau) et préférentiellement sur les côtés convexes
des rives dans les méandres, là où le courant est moins fort
et permet l’accumulation de graviers et de galets.
Une série de constatations générales sur cet habitat qui
avaient été faites sur la Lesse sont également valables sur
l’Ourthe.

L’habitat est présent de manière presque continue, à la fois
sous forme d’éléments d’une superficie plus ou moins
importante (de l’ordre de grandeur de l’are) et sous la forme
de très minces bandes de moins de deux mètres (avec un
cortège moins riche en espèces), ce qui signifie que
l’habitat est présent de manière presque continue sur tout le
trajet étudié.
Deux faciès ont été individualisés et ont fait l’objet de
relevés botaniques et d’analyses : les bancs d’alluvions
proprement dits (habitat 3270) et les phalaridaies rivulaires
(variante faisant partie de l’habitat 6430, à savoir les
mégaphorbiaies alluviales). Les taux de recouvrement total
à l’intérieur des deux faciès sont très similaires à ceux qui
avaient été observés sur la Lesse. Le taux de recouvrement
moyen de la végétation des gravières de l’Ourthe est en
effet de 34 % (35 % dans la Lesse) et de 97 % (123 % dans
la Lesse) pour les phalaridaies. L’étude détaillée de la
végétation des bancs d’alluvions et des phalaridaies
rivulaires des deux rivières permet de faire de nombreux
rapprochements et de pointer quelques différences.

5

Le lecteur intéressé par les aspects phytosociologiques de ces
deux faciès pourra consulter utilement notre précédente
publication (COUVREUR, 2020).
41

Le nombre total d’espèces observées le long de l’Ourthe est
nettement plus élevé que sur la Lesse, puisque 261 taxons
ont été identifiés jusqu’à l’espèce (pour 191 sur la Lesse)
dont 251 rien que pour le faciès gravières (pour 167 sur la
Lesse). L’examen de la liste complète des espèces rencontrées sur le parcours de l’Ourthe n’indique pas une
éventuelle influence des quatre régions naturelles
traversées par la rivière sur les 108 km parcourus (d’amont
en aval : l’Ardenne, la Famenne, la Calestienne et le
Condroz). D’éventuelles différences d’occupation du sol
dans les environs immédiats de l’Ourthe et de la Lesse
susceptibles d’apporter des graines variées lors des phases
d’inondation sont possibles mais difficiles à quantifier. Par
contre, le nombre total nettement plus important d’espèces
dans les deux faciès et plus particulièrement dans le faciès
gravières de l’Ourthe peut sans doute être largement
expliqué par le nombre beaucoup plus important de faciès
échantillonnés (73 contre 21 pour la Lesse) sur un parcours
de rivière beaucoup plus long également (108 km pour 43
km pour la Lesse). Un rapide calcul indique d’ailleurs que
si l’on ne prend par exemple en considération que les
relevés effectués sur les 45 km aval de l’Ourthe
(correspondant aux 43 km de la Lesse), on obtient un total
d’espèces de 194 espèces (pour 195 sur la Lesse).

Tout d’abord, en ce qui concerne l’habitat « végétations
pionnières des bancs d’alluvions », plusieurs espèces
considérées comme caractéristiques par divers auteurs et
déjà mises en évidence par la procédure IndVal dans la
Lesse, ressortent également dans l’analyse des relevés dans
l’Ourthe. Il s’agit, dans l’ordre décroissant des valeurs
IndVal (Tableau 1), de Atriplex prostrata, Lipandra
polysperma, Leersia oryzoides et de Rorippa palustris.
D’autres espèces considérées comme caractéristiques par
divers auteurs et dont les scores de l’analyse IndVal dans la
Lesse n’atteignaient pas les seuils fixés ressortent plus
clairement dans l’analyse de l’Ourthe. Il s’agit de Bidens
tripartita, Persicaria maculosa et P. lapathifolia. Notre
analyse ne fait donc que confirmer la valeur caractéristique
de ces sept espèces pour cet habitat.

Fig. 7. – Physalis peruviana est une autre plante exotique en
provenance de jardins et qui a été régulièrement notée dans les
relevés en bordure de l’Ourthe (Photo : G. MOTTE, 19 août 2022).

Le total moins important d’espèces recensées dans les
phalaridaies de l’Ourthe (85 espèces pour 114 sur la Lesse)
est sans doute dû au nombre relativement faible de relevés
effectués (19 relevés).

Parmi les autres espèces indicatrices retenues pour les
faciès de gravières dans l’Ourthe, Myosoton aquaticum a
une place un peu particulière car elle n’est pas considérée
de manière univoque par les différents auteurs consultés.
Ainsi KEULEN & al. (2020) la considèrent comme
caractéristique des végétations pionnières des bancs
d’alluvions, mais POTT (1995) en fait une espèce plutôt
caractéristique des phalaridaies et OBERDORFER (1994) la
rattache à la fois à l’une et l’autre des deux formations.
Même si cette espèce est nettement associée aux
gravières
dans
l’Ourthe,
elle
était
présente
indistinctement dans tous les relevés le long de la Lesse
(gravières et phalaridaies) avec de faibles recouvrements.
En attendant les résultats de nouvelles prospections sur
d’autres rivières wallonnes qui pourraient encore affiner
son statut, nous proposons de continuer à la considérer
plutôt comme une espèce typiquement alluviale au sens
large (COUVREUR, 2020).

Le regroupement hiérarchique (clustering) confirme
l’existence des deux mêmes faciès que ceux observés sur la
Lesse et le résultat de la recherche des espèces les plus
indicatrices des deux groupes par la procédure IndVal
montre de grandes similarités avec ce qui a été obtenu sur
la Lesse, avec quelques nuances cependant.

Plusieurs autres espèces considérées comme de bonnes
espèces caractéristiques de l’habitat « végétations
pionnières des bancs d’alluvions » par divers auteurs
pourraient être retenues également, même si leur présence
dans la Lesse et l’Ourthe est moins marquée (avec des
valeurs de l’IndVal oscillant autour des seuils fixés). Il

Fig. 6. – Le tournesol (Helianthus annuus) est une espèce
provenant de cultures ou de jardins qui a été observée à
plusieurs endroits sur les tablettes alluviales de l’Ourthe
(photo : G. MOTTE, 19 août 2022).

42

s’agit de Bidens cernua, B. frondosa6, Persicaria
hydropiper, Ranunculus sceleratus, et de deux espèces de
Chenopodium (C. rubrum et C. glaucum) (POTT, 1995 ;
KEULEN & al., 2020 ; SCHAMINÉE & al., 1998 ; LEYSSEN &
al., 2008 ; LEBRUN & al., 1949).
Enfin, même si Plantago major et Echinochloa crus-galli
ressortent comme indicatrices des végétations pionnières
des bancs d’alluvions dans les deux analyses (Lesse et
Ourthe), nous ne les considérerons pas comme espèces
caractéristiques, mais comme des espèces compagnes
fréquentes car ce sont des espèces pionnières plus
ubiquistes.

Fig. 8. – Lindernia dubia, petite Linderniacée, originaire
d’Amérique du Nord, très rare mais en voie d’expansion en
Belgique sur les plans d’eau et le long des cours d’eau (Alien Plants
of Belgium, 2023) (Photo : Ruddy CORS, août 2022).

En ce qui concerne les phalaridaies, les six espèces retenues
dans l’Ourthe correspondent toutes à des espèces considérées comme caractéristiques des mégaphorbiaies
rivulaires par la plupart des auteurs dans les régions
frontalières (POTT, 1995 ; ELLENBERG, 1996 ; SCHAMINÉE
& al., 1998 ; BENSETTITI & al., 2002 ; LEYSSEN & al., 2008 ;
European Commission, 2013 ; COUVREUR & al., 2020 ;
Deutschlands Natur, 2020). Le nombre restreint d’espèces
sélectionnées par rapport à la Lesse est probablement dû au
faible nombre de relevés dans ce milieu et il ne nous semble
pas pertinent de discuter de la valeur indicatrice d’autres
espèces qui avaient été sélectionnées dans la Lesse. Les
futures prospections prévues dans les années à venir sur
d’autres rivières wallonnes devraient nous permettre de
continuer à mieux définir cet habitat rivulaire.
Tout comme cela avait déjà été constaté sur le parcours de
la Lesse, l’examen de la liste complète des espèces
observées montre que les bancs d’alluvions sont un terrain
idéal pour la germination d’une très grande variété de
plantes traditionnellement associées à d’autres milieux et
dont les graines sont emportées à l’occasion des crues qui
débordent plus ou moins largement du lit mineur de la
rivière.
6

Le cas de cette espèce exotique considérée comme invasive
(IAS, 2023) mais largement naturalisée en Belgique et dans les
pays limitrophes depuis la fin du 19e s. (voir par exemple KLOOS,
1936), est identique à celui d’Impatiens glandulifera dans les
phalaridaies rivulaires. Nous ne trancherons pas ici la question de

Espèces exotiques ou
échappées de cultures
Acer negundo
Alnus incana
Amaranthus blitum
Amaranthus hybridus
Amaranthus retroflexus
Ambrosia artemisiifolia
Aster salignus/lanceolatus
Bidens frondosa
Buddleja davidii
Calendula officinalis
Canna ×generalis
Cicer arietinum
Citrullus lanatus
Conyza canadensis
Coronopus didymus
Datura stramonium
Euphorbia lathyris
Fallopia japonica
Galinsoga quadriradiata
Galinsoga parviflora
Helianthus annuus
Impatiens glandulifera
Lindernia dubia
Lobelia erinus
Nicandra physalodes
Nigella damascena
Oenothera sp.
Oxalis fontana
Panicum capillare
Paulownia tomentosa
Physalis angulata
Physalis peruviana
Robinia pseudoacacia
Salvia hispanica
Senecio inaequidens
Setaria verticillata
Setaria viridis
Solanum lycopersicum
Solidago canadensis
Solidago gigantea
Triticum aestivum
Verbena bonariensis

« gravières »

« phalaridaies »

×
×
×
×
×
×
×
×
×
×
×
×
×
×
×
×
×
×
×
×
×
×
×
×
×
×
×

×
×

×

×
×
×
×
×
×
×
×
×
×
×
×
×
×

×

Tableau 2 : Liste des espèces exotiques ou échappées de cultures
recensées (données de présence) dans le faciès « gravières » et dans le
faciès « phalaridaies ».

Toutes ces plantes trouvent sur les bancs d’alluvions un
terrain idéal pour germer : quasi-absence de compétition
interspécifique, sol humide, riche en nutriments et se
réchauffant rapidement en plein été.
À ce seul titre, les bancs d’alluvions se révèlent donc être
de précieux réservoirs de diversité botanique et de
recolonisation de nouveaux milieux. Le revers de cette
médaille est incarné par les nombreuses espèces exotiques
savoir s’il faut retenir ou non une espèce non indigène largement
naturalisée dans la liste des espèces caractéristiques de l’une ou
l’autre des deux groupements végétaux étudiés.

43

ou échappées de cultures (42 espèces soit 16% du total des
taxons recensés) dont les recouvrements sont pour la
plupart très faibles. Parmi ces espèces, quelques-unes sont
considérées comme invasives et potentiellement problématiques.

Fig. 9. – Banc d’alluvions vaseuses quasiment entièrement colonisé
par Lindernia dubia le long de l’Ourthe à Grandhan (Photo : J.-L.
GATHOYE, août 2022).

CONCLUSION
Cette nouvelle étude des végétations du bord de l’Ourthe a
permis de consolider nos connaissances sur l’habitat
d’intérêt communautaire « végétations pionnières des
bancs d’alluvions » après la première étude sur la Lesse en
2020. Ces connaissances concernent à la fois les
caractéristiques générales de l’habitat (disposition
préférentielle au sein du système rivière, surfaces, taux
global de recouvrement des espèces) et leur composition
(sélection des espèces les plus caractéristiques). La
comparaison des résultats obtenus pour les deux rivières
montre de très fortes similitudes et seule une analyse plus
globale incluant d’autres rivières wallonnes conduira peutêtre à la description de variantes régionales de cet habitat.
L’année 2023 devrait en particulier être consacrée à la
prospection systématique de la Semois et du Viroin.

REMERCIEMENTS
Nous remercions notre collègue Grégory MOTTE
(DEMNA/SPW) pour ses informations sur les travaux
prévus dans le lit mineur de l’Ourthe au mois d’août 2022
et pour son aide lors des premiers relevés de terrain. Nous
remercions également notre collègue Pascal DUPRIEZ pour
l’aide à la détermination de certains taxons exotiques.

BIBLIOGRAPHIE
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https://alienplantsbelgium.myspecies.info/content/linder
nia-dubia.
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humides. Éd. La Documentation Française, Paris. 456 p.
44

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et mise en évidence des espèces indicatrices. Natura
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COUVREUR J.-M., HALFORD M. & PEETERS A. (avec la
collaboration de L.-M. DELESCAILLE, P. HAUTECLAIR),
2020. – Les Habitats d’Intérêt Communautaire de
Wallonie. Les prairies de fauche et les mégaphorbiaies.
Publication du Département de l’Étude du Milieu naturel
et agricole (SPW-DGARNE), Gembloux. 109 p.
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DUFRÊNE, M. & LEGENDRE P., 1997. – Species
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ELLENBERG H., 1996. – Vegetation Mitteleuropas mit den
Alpen in ökologisher, dynamischer und historischer
Sicht: 170 Tabellen. Auflage: Stuttgart – Ulmer, 1096 p.
European Commission, 2013. – Interpretation Manual of
European Union Habitats EUR 28. DG Environment,
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http://ias.biodiversity.be/species/all.
JANSSEN J.A.M. & SCHAMINÉE J.H.J., 2003. – De Europese
Natuur in Nederland – Habitattypen. Ministerie van
Landbouw, Natuurbescherming en Visserij, 97 p.
KEULEN C., GÉRARD P., DELMARCHE C. & COUVREUR J.M. (avec la collaboration de L.-M. DELESCAILLE), 2020.
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l’Étude du Milieu naturel et agricole (SPW-DGARNE),
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status of the Natura 2000 habitat 3270 (Rivers with
muddy banks with Chenopodion rubri p.p. and Bidention
p.p. vegetation) for the Belgian Atlantic region (en ligne
sur https://pureportal.inbo.be/portal/en/publications).
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De vegetatie van Nederland. Deel 4. Plantengemeenschappen van de kust en van binnenlandse
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soil seed banks of Northern West Europe: methodology,
density and longevity. Cambridge University Press. 276 p.

Natura Mosana, nouvelle série, n° 75 (2022) : 45 - 54

Étude sur l’aire d’extension de quelques plantes méridionales
dans le bassin de la Meuse
André DEVOS *

* En 1870, André DEVOS publie cet article dans le Bulletin de la Société royale de Botanique de Belgique (tome IX, p. 322-346), et en
envoie un tiré à part au père Auguste BELLYNCK s.j. avec une dédicace (Fig. 1). Ce travail met en évidence l’excellente connaissance de
la flore mosane de ce botaniste namurois, mais aussi son analyse pointue de l’indigénat de 23 plantes à affinité méridionale. L’évocation
de ces deux grands botanistes à l’occasion du 75e anniversaire de Natura Mosana rappelle la période faste de la botanique descriptive de
la seconde moitié du 19e s. Une note avec quelques commentaires complète la réimpression de ce texte historique. Les notes de bas de
pages sont d’origine.
---------____________________

I.
Plusieurs plantes dont le centre de création se trouve dans
les régions méridionales de l'Europe se sont avancées, vers
le nord, jusque dans le bassin de la Meuse et leur
spontanéité, dans nos contrées, est tout à fait incontestable.
Parmi ces espèces, nous citerons particulièrement les
suivantes :
Aconitum lycoctonum, Dianthus caesius, Arabis arenosa,
Sisymbrium austriacum, Braya supina, Draba aizoides,
Hutchinsia petraea, Biscutella laevigata, Helianthemum
pulverulentum, Sedum rubens, Potentilla rupestris,
Cerasus Mahaleb, Libanotis montana, Saxifraga
hypnoides, Cynoglossum montanum , Veronica prostrata,
Teucrium montanum, Artemisia camphorata, Inula
britannica, Linosyris vulgaris, Euphorbia stricta, Buxus
sempervirens, Quercus pubescens.

notables dans la flore des diverses contrées de la terre ; la
fonte des glaciers, le gonflement et les débordements des
cours d'eau, auprès desquels les fleuves de nos jours ne sont
que des ruisseaux, les vents qui étaient alors d'une énergie
puissante, des cataclysmes sans nombre, ont contribué
singulièrement à arracher bien des espèces végétales de leur
patrie primitive pour les répandre ensuite dans des contrées
lointaines.
Toutes les plantes dont nous allons étudier l'aire d'extension sont au nombre des espèces les plus rares de la
Belgique.

II est possible que plusieurs de ces plantes soient réellement
originaires des localités qu'elles habitent actuellement ;
mais il se peut aussi que toutes ces espèces proviennent de
leurs centres primitifs de dispersion – les Alpes, le Jura et
les Vosges – et qu'à une époque géologique plus ou moins
récente, elles soient venues s'établir sur nos collines et
modifier ainsi la végétation de notre contrée.

Quatre d'entre elles ont une habitation unique. Le Draba
aizoides est localisé sur les rochers de Champalle, à Yvoir,
dans la vallée de la Meuse : on l'y trouve assez abondant.
L'Hutchinsia petraea existe à quelques minutes de nos
frontières, sur les rochers de Charlemont, où il croît dans
un espace assez restreint. Le Saxifraga hypnoides existe
seulement à Waulsort, près de Dinant, où il est très-répandu
sur les rochers et les rocailles du Chàteau-Thierry. Le
Quercus pubescens est abondant aux environs de Han-surLesse.

Dans ces temps préhistoriques, la nature avait à sa
disposition mille moyens pour opérer des changements

Trois autres espèces n'existent également que dans une
seule vallée, celle de la Meuse, mais elles y ont plusieurs

45

Fig. 1. – Dédicace de l’auteur sur la première page de l’article.

habitations. Ce sont : Helianthemum pulverulentum, qui se
concentre aux alentours de Givet et de Dinant, pour
reparaître ensuite quinze lieues plus bas, à Chockier, près
de Liège ; Sedum rubens, qu'on rencontre abondamment
aux environs de Dinant et même plus bas, à Profondeville,
Amée et Samson ; Artemisia camphorata, qui se trouve
très-commun dans deux habitations, aux environs de Givet
et de Dinant.
Trois espèces, répandues avec abondance dans un grand
nombre de lieux, habitent exclusivement la vallée de la
Meuse. Ce sont : Braya supina, qu'on voit irrégulièrement
de Givet à Maestricht ; Inula britannica, qu'on retrouve
encore plus bas que le précédent et qui est aussi plus
répandu ; Euphorbia stricta, qu'on observe, mais plus
rarement, sur une étendue de dix lieues, d'Hermeton à
Brumagne. Ces trois plantes, habitant surtout les bords du
fleuve, doivent étendre encore chaque jour leur aire de
dispersion, par suite des grandes crues.
Quatre de ces plantes, n'ayant chacune que deux habitations
très-restreintes, se trouvent le long de la Meuse ou de ses
affluents. Ce sont : Cerasus Mahaleb, qui croit à Frasnelez-Couvin, dans le bassin du Viroin, et à Brumagne, dans
46

le bassin de la Meuse ; Potentilla rupestris, qui se voit aux
environs de Vignée, dans le bassin de la Lesse, et à Chooz,
près de notre frontière méridionale, dans le bassin de la
Meuse ; Cynoglossum montanum, qu'on rencontre entre
Nettinne et Heure, dans le bassin de l'Heure, sous-affluent
de la Meuse, et à Bauche, dans la vallée du Bocq ; Veronica
prostrata, qu'on observe à Han-sur-Lesse, dans le bassin de
la Lesse et à la Montagne-au-Buis, entre Mariembourg et
Dourbes, dans le bassin du Viroin.
Le Buxus sempervirens se trouve répandu et très-abondant
dans les bassins de la Meuse, de la Sambre et du Viroin.
L'Arabis arenosa croit également, en abondance dans les
bassins de la Meuse, de la Semoy et du Viroin.
Trois autres plantes viennent aussi dans le bassin propre de
la Meuse et dans deux de ses bassins secondaires, mais elles
sont plus rares que les deux précédentes : le Biscutella
laevigata compte quatre habitations dans la vallée de la
Meuse, une dans la Lesse et trois dans l'Amblève; le
Dianthus mollis en possède deux dans la vallée de la
Meuse, deux dans la Semoy et une dans l'Ourthe; le
Teucrium montanum en a deux dans la vallée de la Meuse,
une dans la Lesse et une dans la Vesdre.

Les Sisymbrium austriacum et Linosyris vulgaris se
trouvent répandus dans les vallées de quatre cours d'eau du
bassin de la Meuse. La première de ces espèces se voit dans
les bassins de la Meuse, de la Sambre, de l'Eau-d'Heure et
de la Vesdre; la seconde, dans ceux de la Meuse, du Viroin,
de la Lesse et de l'Amblève.
Enfin le Libanotis montana, également répandu dans la
vallée de la Meuse et dans ses gorges latérales, est abondant
sur toute la bande calcaire qui sépare la région ardennaise
de la zone calcareuse.
Nous allons maintenant étudier d'une manière toute
spéciale la question du Draba aizoides et le genre de station
qu'il occupe à Champalle, près d'Yvoir.
Comment se fait-il que cette plante se trouve si éloignée de
son centre de création et localisée sur un seul point de notre
territoire? Le fait exceptionnel des aires disjointes est un
des plus intéressants problèmes de la géographie botanique
et l'on peut invoquer, pour son explication, des causes bien
différentes : transports par les vents, les oiseaux, les fleuves
ou l'action de l'homme, différence dans les conditions
climatériques; influence de la nature chimique et surtout du
degré d'agrégation du sol, destruction par différentes causes
de l'espèce dans tout l'espace intermédiaire entre les
habitations extrêmes, voilà quelques-unes des raisons entre
lesquelles le botaniste, aidé de l'expérience du géologue, est
appelé à se prononcer.
Le Draba aizoides, si abondant dans les Alpes et le Jura, ne
se rencontre plus dans les Vosges, ni sur les collines
lorraines. Son absence en ces lieux pourrait dépendre en
partie de la température, beaucoup plus que de la nature du
sol, car cette plante affectionne les calcaires compacts qui
n'existent pas en Lorraine et se refuse de croître sur les
roches cristallines des Vosges. D'autres causes ignorées
jusqu'à ce jour pourraient aussi justifier ce défaut
d'habitations intermédiaires. Si elle manque aux terrains
rhénans et ardennais que la Meuse traverse de Charleville à
Vireux, on doit l'attribuer à la température moins élevée de
cette partie du pays, et à la nature du terrain qui ne renferme
pas l'élément calcaire.
Peut-on admettre que le Draba aizoides ait été transporté
par graines du Jura et des Alpes jusqu'à Yvoir ? Si l'on
songe au temps qu'il a fallu pour opérer ce transport,
puisqu'il n'y a aucune habitation intermédiaire, les graines
de la plante auront dû périr cent fois pendant ce temps : la
macération dans l'eau douce tuant en trois ou quatre jours
les graines des Crucifères. A cause des grandes sinuosités
du fleuve, le transport n'a pu se faire en une seule fois; la
graine a dû être déposée dans une foule de golfes, échouer
sur un grand nombre de rivages et être reprise ensuite par
le courant. Au surplus, nous savons que les Crucifères, trèsélevées en organisation, ont apparu très-tard à la surface du
globe, au plus tôt à la fin de l'époque quaternaire, c'est-àdire quand le régime des eaux était à peu près le même
qu'aujourd'hui. En supposant donc les crues aussi fortes que
l'on veuille, il est difficile d'admettre le transport des
graines au moyen des courants.

Le massif de calcaire carbonifère d'Yvoir forme une station
très-sèche et propice aux plantes saxicoles. La teinte
blanchâtre de ses rochers est cause qu'ils restent
relativement froids et établit, au contraire, à la surface du
sol une atmosphère de réverbération chaude et défavorable
à beaucoup de végétaux indigènes. Aussi voit-on quelquesunes des déclivités de ces rochers rester nues, sans humus
et n'offrir de station convenable qu'au Buis et à quelques
plantes analogues. Comme nous le remarquerons encore
plus loin, la végétation des calcaires de la vallée de la
Meuse et de ses affluents présente un certain caractère
méridional, ce qui accuse suffisamment, pour l'ensemble de
ces roches, moins d'absorption et plus de siccité. La
présence des espèces saxicoles des roches dysgéogènes,
telles que Draba aizoides, Biscutella laevigata, Linosyris
vulgaris et Artemisia camphorata, est le meilleur criterium
climatologique. Elles nous rappellent la végétation et le
climat des Alpes, du Jura et du plateau-central de la France.
Si le Draba aizoides n'existe pas sur tous les rochers
calcaires des bords de la Meuse, c'est qu'il a trouvé à son
unique habitation, sur ceux de Champalle, la place la plus
favorable à son développement. En effet, les collines
d'Yvoir sont à l'abri des vents du nord et reçoivent
directement, à cause de leur inclinaison, les vents chauds et
humides du sud-ouest ; au surplus, le fleuve qui coule à leur
pied entretient toujours une certaine humidité dans
l'atmosphère. Elles répondront donc aux besoins des
plantes du midi mieux que les rochers privés de ces
avantages. La rive droite de la Lesse, près de Pont-à-Lesse,
la rive droite du Bocq, près d'Yvoir, les rochers de
Falmignoul, vis-à-vis de Freyr, et ceux de Fond-de-Leffe,
près de Dinant, les grands escarpements de Charlemont et
de Chooz, près de Givet, sont dans les mêmes conditions ;
aussi voyons-nous croître en ces lieux une quantité de
plantes du midi dont la présence n'a pu même être constatée
dans les départements du nord de la France.
Lorsqu'on étudie une plante par rapport aux stations qu'elle
occupe, on doit surtout avoir égard à l'orientation du terrain
qui la produit et aussi à sa nature physique et chimique.
L'orientation se traduit par l'action de certains vents
dominants et aussi par la quantité de chaleur et de lumière
émanant du soleil. La nature du terrain a aussi une trèsgrande influence sur la présence ou l'absence de certains
végétaux. Ainsi les rochers calcaires du bassin de la Meuse
portent plusieurs plantes méridionales, tandis que des
rochers voisins, mais de composition différente, en sont
dépourvus, non pas qu'ils reçoivent une plus forte chaleur,
mais ils la conservent plus uniformément et changent moins
brusquement de température, à cause de la faible
conductibilité calorifique du carbonate de chaux.
La plupart des plantes dont il est parlé dans cette notice sont
des espèces montagnardes ou alpestres. Doit-on les
considérer comme des étrangères vivant au milieu d'une
végétation à laquelle on pourrait ne les croire associées
qu'exceptionnellement, en d'autres termes sont-elles
purement sporadiques ou doit-on les regarder comme des
plantes vraiment indigènes ? Il est bien difficile, dans la
plupart des circonstances, de déterminer si une plante est
47

réellement indigène dans tel endroit ou si elle y a été
amenée par des causes particulières. Cependant nous ne
croyons pas devoir admettre l'hypothèse d'un centre de
création distinct pour toutes ces plantes sur nos rochers,
parce que la plupart ont une habitation trop restreinte, et si
elles étaient réellement autochtones, il nous semble que
depuis le grand nombre de siècles qu'elles existent dans
notre région elles auraient étendu leur aire de dispersion sur
un espace plus considérable. En effet, que voyons-nous
dans la vallée de la Meuse ? Le Draba aizoides se trouve
sur un seul rocher à Champalle ; le Biscutella laevigata
croit sur une suite de hauteurs rocailleuses dont la surface
n'a pas une lieue carrée ; Artemisia camphorata couvre
deux grands rochers vers Givet, puis il se rejette, quatre
lieues plus bas, à Fond-de-Leffe, où il se concentre sur une
pelouse de peu d'étendue; le Linosyris vulgaris habite en
compagnie du précédent vers Givet et avec le Draba
aizoides à Yvoir; le Dianthus caesius croît sur un grand
rocher de grès, dans la vallée du Bocq, à Yvoir, puis se
colonise, deux lieues plus au midi, sur les montagnes
calcaires de Waulsort, etc., etc. Toutes ces plantes ne se
sont pas étendues d'un pouce depuis que nous les
connaissons. Dans un siècle peut-être, elles seront encore
renfermées dans les mêmes limites. Parmi les causes qui
empêchent les plantes de se propager, nous citerons
notamment la concurrence des espèces et l'impossibilité à
une espèce nouvelle de s'introduire dans un sol qui est en
possession d'autres.
Il ne nous semble pas impossible d'admettre que, durant la
période glaciaire, l'une des plus rapprochées des temps
historiques, certains végétaux actuels aient déjà existé et
aient été transportés avec les boues, les graviers et les blocs
de pierre, jusqu'aux limites extrêmes des moraines
alpestres. A cette époque, les bassins hydrographiques du
nord de la France et ceux de la Belgique ont été mis en
communication et nos contrées se sont couvertes d'une
végétation méridionale venue des Alpes, du Jura et du
plateau central de la France1. Ne peut-on pas supposer que
plusieurs espèces de ces montagnes se sont déplacées de
leurs habitations primitives naturelles et qu'elles ont été
amenées sur nos collines par l'intermédiaire des grands
cours d'eau ? A l'époque de la fonte des glaces et lors du
creusement des vallées, les cours d'eau, dont la puissance
était bien plus forte qu'aujourd'hui, ont joué un rôle
particulier qui a contribué singulièrement à l'état actuel des
choses. Depuis les époques historiques, leur influence à cet
égard est bien réduite; ils étendent tout au plus l'aire des
plantes qui croissent sur leurs bords, de sorte qu'il règne
actuellement une notable stabilité dans le tapis végétal des
vallées qu'ils traversent.
Non loin de notre pays, dans un bassin parallèle à celui de
la Meuse, le bassin du Rhin, nous voyons plusieurs plantes
alpestres qui ont été semées par le fleuve sur différents
1

M. Lecoq, de Clermont-Ferrand, nous écrit que bien que partisan
de l'extension des glaciers, il ne pense pas que la période glaciaire
ait été favorable à un grand nombre de migrations végétales en
Belgique. Cette époque était plus chaude que la nôtre, car les
glaciers n'ont pu s'étendre que par une plus grande alimentation
de neiges et l'on n'a jamais fait de neige, ni de vapeurs d'eau sans

48

points de son cours. C'est ainsi que jusqu'à Rheinfeld, Bâle
et Strasbourg, l'on voit croître les Salix daphnoides et
Biscutella laevigata. D'un autre côté, le Rhône conduit
jusqu'à Lyon les Linaria alpina et Gypsophila repens.
Évidemment ces espèces sont erratiques, c'est-à-dire
qu'elles ont été déplacées de leurs habitations, qu'elles sont
descendues des montagnes au moyen des cours d'eau pour
venir habiter les régions des collines ou de la plaine. Nous
croyons que plusieurs des plantes que nous avons
mentionnées dans notre liste nous sont parvenues de la
même manière.
Pour pouvoir justifier la présence, dans le bassin de notre
grand fleuve, de certaines plantes qu'on ne croit pas y être
indigènes, il faut étudier la question au point de vue du
climat, qui dépend de la longitude, de la latitude, des vents
dominants, de l'altitude, de la quantité annuelle de pluie, de
la moyenne de température, des écarts extrêmes du
thermomètre, au point de vue de l'orientation, de la
fréquence ou de la rareté de l'espèce et surtout avoir égard,
comme nous l'avons déjà dit plus haut, à la composition
physique et chimique du terrain qui sert de station à la
plante. A notre avis, cette dernière considération doit
primer toutes les autres. Au reste les autres facteurs de l'état
de la végétation dans notre pays sont de bien peu de valeur;
la Belgique est trop petite et trop peu montagneuse pour que
l'on tienne compte de l'altitude, etc. Néanmoins nous
devons avouer que l'altitude de nos Ardennes (plus de 600
mètres) peut influer sur la présence, en ces lieux, de divers
Lycopodium, du Selaginella helvetica et d'autres plantes
subalpines. Indépendamment de ces facteurs de dispersion,
il y a encore plusieurs causes qui circonscrivent l'aire des
espèces en général et celle de certaines espèces en
particulier ; ce sont : la limite topographique, notamment
les chaînes de montagnes et la limite posée par l'extrême
sociabilité de certaines espèces. Le botaniste verra aussi
que d'autres causes étendent l'aire de dispersion, telles sont
certaines facilités de transport mécanique à des époques
géologiques, historiques ou même contemporaines. Ces
diverses causes isolées ou combinées produisent certains
faits de dispersion qui, tout en obéissant aux exigences de
la latitude, des niveaux et des terrains, ne sont pas
exclusivement sous leur dépendance. Ces faits, dans une
contrée limitée comme la nôtre, peuvent être saillants et
traverser en quelque sorte les généralités phytostatiques
dues aux facteurs principaux énoncés ci-dessus, mais ils
sont presque toujours trop peu nombreux pour altérer
profondément la physionomie de ces généralités.
II.
Nous ne pouvons terminer ces considérations générales
sans dire un mot de la riche végétation qui couvre la longue
bande de calcaire dévonien placée entre les terrains rhénans
de l'Ardenne et le calcaire carbonifère des provinces de
chaleur. Il demande donc de chercher l'extension de certaines
plantes vers notre contrée dans le transport de leurs graines par les
vents et surtout par les oiseaux, ce qui permet de comprendre leur
absence sur des points intermédiaires. Les bords de la Meuse avec
leurs pittoresques rochers calcaires sont d'excellentes stations
pour conduire les plantes méridionales vers le nord.

Namur et de Liége. Sur ce terrain, se trouvent assises les
quatre localités classiques de Mariembourg, Givet, Hansur-Lesse et Verviers, si fréquemment citées dans les
annales de la flore belge. II a été publié, dans ce Bulletin,
des florules de ces divers endroits2. Chacun a pu voir
combien est riche et variée la végétation de ces lieux et la
quantité de plantes méridionales qui y ont établi leurs
habitations.
Le massif calcaire des environs de Philippeville, présentant
la même constitution géologique, doit offrir une végétation
analogue. A partir de l'époque glaciaire et du creusement
des vallées, il a dû être isolé du massif dévonien, dont il fait
partie ; et sa végétation a dû rester distincte de celle des
schistes de la Famenne et des psammites du Condroz qui
l'entourent3.
Une des plus belles études de géographie botanique à
entreprendre, dans notre pays, serait celle de la distribution
des espèces végétales recouvrant la bande de calcaire
dévonien qui traverse le midi de la Belgique, du sud-ouest
au nord-est. Le botaniste qui voudrait se charger de cette
tâche serait amplement dédommagé des fatigues que ses
excursions lui auraient occasionnées, par les résultats
heureux de ses recherches. Il pourrait ensuite, en publiant
la Florule de ce terrain, jeter quelque lumière sur plusieurs
questions intéressantes de géographie botanique. Voici à
peu près l'itinéraire qui devrait être suivi dans ces
explorations.
Hainaut : Monceau, Villers-la-Tour, Forges, Chimay,
Bouviers, Baileux.
Namur : Gonrieux, Dailly, Pesches, Couvin, Petigny,
Montagne-au-Buis, Nismes, Olloy, Vierves, Treignes,
Mazée, Vaucelles, Dion-le-Mont, Dion-le-Val, Wancenne,
Honnay.
France : Charlemont, Givet, Chooz.
Luxembourg : Wellin, Chanly, Tellin, Forrière, Champlon,
Marche, Hampteau, Soy, Barvaux, Izier.
Liége : Ferrière, Harzé, Louveignez, la vallée de la Vesdre
jusqu'à Verviers, Goé et Limbourg.

Buxus sempervirens ; aux environs de Mariembourg, on
observe : Epimedium alpinum, Geranium macrorrhizum,
Geranium nodosum, Saxifraga rotundifolia, Veronica
prostrata, Linosyris vulgaris et Buxus sempervirens ; vers
Rochefort et Han-sur-Lesse, on remarque : Veronica
prostrata, Teucrium montanum, Linosyris vulgaris et
Quercus pubescens ; aux alentours de Verviers, on trouve :
Sisymbrium austriacum, Erysimum strictum, Teucrium
montanum et Linosyris vulgaris.
Il nous semble que toutes ces plantes, l'ornement de nos
montagnes calcaires, sont originaires des contrées du midi;
aussi est-il tout naturel de ne pas les rencontrer dans les
terrains froids de l'Ardenne qui ne leur convenaient guère.
L'absence d'une station favorable est souvent une cause
d'arrêt dans l'extension géographique d'une espèce et cette
cause est d'autant plus réelle que l'espèce est plus délicate.
Aussi l'absence de stations propices détermine de
nombreuses interruptions dans les voyages des colonies
végétales et leur présence en des points très-éloignés du
centre de dissémination ; c'est le plus souvent la cause de
ces îles d'occupation, où l'on trouve une espèce très-loin de
son lieu d'origine, séparée de sa patrie par de grands
espaces, où elle n'a pu laisser des traces de son passage. On
ne peut expliquer autrement la présence, dans notre contrée,
des plantes qui font l'objet de cette notice.
La végétation des collines, des lieux secs et des rochers du
bassin de la Meuse et particulièrement celle de la bande
étroite de calcaire dévonien qui longe l'Ardenne au nord, a
de très-grands rapports avec la végétation de quelques
contrées plus méridionales que la nôtre. C'est ainsi que nous
la trouvons à peu près semblable à celle des régions
calcaires badoise et alsacienne. Spenner et Kirschleger ont
fait, de ces régions, leurs collines sous-vosgiennes et soushercyniennes. L'ensemble de leur végétation paraît être
identique à celui des collines jurassiques à la même
altitude. Nous donnons ici les plantes caractéristiques de
ces régions et nous faisons précéder d'un astérisque celles
qui n'appartiennent pas à la Belgique.

Nous avons déjà fait remarquer que les plantes du midi
avancent surtout vers le nord sur des terrains calcaires
compacts. Or, la vallée de la Meuse est en grande partie
creusée dans le calcaire et les localités citées plus haut sont
situées également sur cette roche. Des terrains aussi
favorables expliquent, la présence de plusieurs plantes
méridionales dans notre contrée. Nous voyons
particulièrement dans la vallée de la Meuse : Dianthus
caesius, Draba aizoides, Hutchinsia petraea, Biscutella
laevigata, Artemisia camphorata, Linosyris vulgaris et

*Carex alba, Allium sphaerocephalum, Carex montana,
Anacamptis pyramidalis, Bromus erectus, Orchis militaris,
Melica ciliata, Ophrys arachnites, Polygonatum vulgare, *Euphorbia verrucosa, Phalangium ramosum,
Veronica prostrata, *Veronica spicata, Bupleurum
falcatum, Stachys recta, Coronilla Emerus, Brunella
grandiflora,
Hippocrepis
comosa,
Calamintha
officinalis, Potentilla verna, Melitis melissophyllum, Malva
Alcaea, Teucrium Chamaedrys, Teucrium montanum,
Hypericum hirsutum, Geranium sanguineum, *Litho-

Coup d'œil sur la florule des environs de Han-sur-Lesse, par F.
Crépin, t. I, p. 41. – Notes sur les stations géologiques de quelques
plantes rares ou peu communes des environs de Limbourg, par A.
Donckier, t. 1, p. 219. – Catalogue des plantes rares croissant aux
environs de Mariembourg, par Cl. Deterine, t. II, p. 156. – Deux
jours d'herborisation dans la vallée de la Meuse, aux environs de
Givet et d'Hastière, par A. Devos, t. V, p. 113. – Une
herborisation estivale dans les terrains primaires de la vallée de
la Meuse, aux environs de Givet, Vireux et Fumay, par A. Devos,

t. VI, p. 196. – Compte rendu de la sixième herborisation de la
Société royale de Botanique, par A. Devos, t. VI, p. 289. –
Quelques observations botaniques faites en 1867, par Alfr.
Cogniaux, t. VI, p. 582.

2

3

Pour la florule, voir : Observations botaniques sur les environs
de Philippeville, par Alfr. Cogniaux (Bull., t. V, p. 236).

49

spermum purpureocoeruleum, lberis amara, Ranunculus
nemorosus, *Aster Amellus, Helleborus foetidus.
Dans cet article, nous allons tracer les limites d'extension
des espèces belges citées précédemment.
Aconitum lycoctonum L. – On rencontre cette espèce en
Belgique dans les vallées du Viroin, de l'Ermeton, de la
Lesse, du Bocq, de la Lomme, de l'Ourthe, de l'Amblève et
de la Vesdre, tous affluents ou sous-affluents de la Meuse.
Elle est répandue abondamment dans les régions
montagneuse, alpestre et moyenne des Alpes, des Vosges,
de la Forêt-Noire, de l'Albe, des collines lorraines, du Jura.
En Lorraine, on l'indique le long de la Meuse, à Verdun,
Moulainville, Châtillon, Neufchâteau, etc., d'où elle a pu
nous arriver de proche en proche. Certains affluents de la
rive droite de la Meuse peuvent la tenir des Ardennes
orientales qui limitent le bassin de ce fleuve à l'est. Pour la
même cause, cette plante se trouve le long de la Moselle et
de ses tributaires.
Dianthus caesius Sm. – Cette espèce, qui n'est pas trèsrépandue en Belgique, existe dans la vallée de la Semoy, à
Bouillon et à Mousny, dans celle de la Meuse, à Freyr, dans
le Bocq, à Yvoir, et dans l'Ourthe, à Comblain-au-Pont. Elle
ne peut provenir de la Lorraine, où on ne l'a jamais
rencontrée ; elle doit être venue dans l'Ourthe et la Semoy
par les Ardennes orientales et le second de ces cours d'eau
l'a fait pénétrer ensuite dans la vallée de la Meuse. Cette
plante, essentiellement montagnarde, se tient entre 1500 et
1800 mètres et quand elle descend au-dessous, c'est
accidentellement et au moyen des graines que les pluies, les
éboulements, amènent des localités plus élevées. Elle est
très-abondante dans le Jura, où elle contribue à donner à la
végétation un caractère méridional. Ce ne peut-être que là
qu'on doive placer son centre de dissémination.
Arabis arenosa Scop. – Cette plante est répandue dans
toute la vallée de la Meuse et dans le bas de ses gorges
latérales. Elle doit être descendue de la chaîne des Vosges,
où elle est très-commune sur les sols siliceux. On la trouve
également tout le long de la Semoy, qui la tient des
Ardennes orientales, ligne de faîte tertiaire qui se détache
des Vosges.
Sisymbrium austriacum Jacq. – Cette espèce, une des plus
méridionales que nous rencontrons sous notre latitude, se
trouve dans la vallée de la Meuse d'Hastière à Samson, dans
la Sambre, de Monceau à Landelies, dans l'Eau-d’Heure, à
Mont-sur-Marchienne, dans la Vesdre, de Limbourg à
Nessonvaux. Au midi, on la trouve dans le Valais, le Jura
et l'Albe. Elle manque à la Lorraine et aux contrées
voisines. Les oiseaux surtout ont contribué à la dispersion
de cette espèce vers le nord et ses graines après avoir été
déposées sur nos calcaires y ont trouvé les conditions
nécessaires pour croître et prospérer. Il est remarquable
qu'elle se trouve chez nous en compagnie d'une autre
espèce aussi méridionale, le Buxus sempervirens.
Braya supina Koch. – Cette plante se trouve répandue et
quelquefois très-abondante le long de la Meuse, de Givet à
Maestricht. Habitant les graviers des bords du fleuve, elle
doit étendre chaque année le nombre de ses habitations. On
50

l'a considérée, jusque dans ces dernières années, comme
une des plus grandes raretés de notre flore, mais les
nombreuses recherches que nous avons faites nous l'ont fait
découvrir abondante et dans un grand nombre d'habitations.
Comme on trouve le Braya très-commun en Lorraine le
long de la Meuse, il y a quelque raison de croire qu'il nous
est venu de ce pays et que le fleuve a joué un grand rôle
dans sa dispersion.
Draba aizoides L. – C'est une plante des régions
montagneuse et alpine du midi de l'Europe. Elle est
répandue abondamment dans les Alpes, la Côte-d'Or
calcaire et surtout dans le Jura dont elle est une des espèces
les plus caractéristiques. Elle préfère les sols calcaires durs
et compacts et manque totalement dans les Vosges et la
Forêt-Noire. Elle descend rarement dans les plaines. M.
Alph. De Candolle cite Genève (environ 400 mètres audessus du niveau de la mer) comme le point le plus bas où
elle ait été rencontrée. Nous ajouterons que la station belge
est plus basse encore, puisque les rochers d'Yvoir n'ont que
120-130 mètres d'altitude Elle s'élève à 1600 mètres dans
les Alpes et dépasse cette hauteur dans les Pyrénées, où
Léon Dufour l'indique au sommet du Pic d'Anie. Dans le
royaume de Naples, Tenore dit qu'elle croît de 2000 à 2300
mètres dans sa troisième région alpine. Wahlenberg
rapporte que dans la Suisse septentrionale, où elle est trèsabondante, elle se trouve dans tout l'espace compris entre
la limite supérieure des sapins et la limite inférieure des
neiges éternelles. Il est évident que si on la rencontre sur les
collines de la Meuse son habitation là n'est pas naturelle.
D'ailleurs elle n'y occupe qu'un espace très-restreint, et elle
manque complétement à la Lorraine et aux contrées qui
nous séparent du Jura, d'où elle nous est sans doute venue.
Hutchinsia petraea R. Br. – Cette espèce n'a jamais été
rencontrée sur le territoire belge, mais comme nous l'avons
observée à quelques minutes de notre frontière méridionale,
sur les grands escarpements des rochers de Charlemont
(département des Ardennes), nous croyons pouvoir
l'admettre dans notre flore. M. Lestiboudois
(Botanographie Belgique) nous indique cette Crucifère
comme croissant fréquemment dans les terrains sablonneux
aux environs de Malines, d'Anvers, de Termonde et d'Alost.
Ces renseignements sont inexacts et nous craignons bien
que les anciens floristes n'aient donné, sous ce nom, le
Teesdalia nudicaulis ou quelque forme du Draba verna,
espèces qui sont très-communes aux localités ci-dessus
mentionnées. La même erreur a été reproduite dans la
Géographie botanique de M. Alph. De Candolle. Cette
plante recherche les terrains calcaires, mais peut croître
aussi dans les sables, au bord de la mer. Elle s'élève trèshaut sur les montagnes et descend aussi bas que possible
dans la plaine, car M. De Candolle l'indique à Nantes, à 0 m
d'altitude, et dans les Alpes, à 2000 mètres. Sa distribution
géographique en Europe est des plus irrégulières. Au midi,
elle s'avance jusqu'en Espagne, en Algérie et en Morée ; au
nord, elle habite la France, – la chaîne du Jura est sa
véritable patrie, – quelques contrées de l'Allemagne et une
partie de l'Angleterre. Elle se retrouve dans la Gothie
boréale, la Finlande et la Suède méridionale. A l'orient, on
la connaît dans la Turquie, l'Italie et la Grèce et à l'occident,
en Portugal. La station de Charlemont est-elle bien

naturelle ou l'espèce y a-t-elle été apportée ? Dans cette
localité française, elle croit sur le calcaire, comme dans la
plupart de ses autres habitations européennes, à une
exposition en outre très-favorable et si nous ne la croyons
pas originaire du sol qu'elle habite, c'est qu'elle y occupe un
espace trop restreint : un seul rocher lui sert d'habitation et
avec quelque raison on pourrait la croire descendue de la
Meuse supérieure où elle existe.
Biscutella laevigata L. – On trouve cette belle et rare espèce
dans trois vallées du bassin de la Meuse; dans la Meuse, à
Waulsort, Freyr, Anseremme et Dinant, dans la Lesse, au
confluent de cette rivière avec la Meuse, dans l'Amblève, à
Amblève, Halleux et Douflamme. Cette plante alpestre,
très-répandue dans les Alpes et indiquée dans le Jura, a été
trouvée sur quelques points de la chaîne des Vosges. On la
rencontre également dans la plaine rhénane d'Alsace, où,
selon ce que nous avons dit plus haut, elle est seulement
sporadique. On ne peut attribuer sa présence dans notre
pays qu'aux oiseaux qui, dans leurs migrations, l'ont
transportée des Alpes dans les contrées environnantes.
Helianthemum pulverulentum DC. – Les habitations belges
de cette plante se concentrent dans la vallée de la Meuse,
aux environs de Dinant. On la voit aussi assez répandue,
dans la même vallée, près de Givet. Avec le Draba aizoides
et le Linosyris vulgaris, cette plante donne, aux rochers
d'Yvoir, leur caractère spécial de végétation méridionale.
On ne trouve point cette espèce en Lorraine et on ne la voit
abondante que dans les rocailles apriques du Jura. Ses
limites d'extension sont : au nord, la Belgique et
l'Angleterre, au midi, l'Algérie, à l'ouest, le Portugal et à
l'est, la Sicile.
Sedum rubens L. – Cette plante ne se trouve en Belgique
que dans la vallée de la Meuse et particulièrement aux
alentours de Dinant. M. Lecoq dit qu'elle n'étend son aire
de dispersion, vers le nord, qu'en France, jusqu'au 48 e
degré de latitude. En Belgique, elle atteint 50°30'. Au sud,
elle a pour limites la France et le midi de l'Espagne, à
l'ouest, le Portugal et à l'est, l'Italie, la Turquie et la Grèce.
Ses stations les plus convenables sont les bords des champs
et des chemins. Elle pourrait bien n'exister dans notre pays
que depuis les temps historiques.
Potentilla rupestris L. – Cette plante, une des plus rares de
la Belgique, ne se trouve qu'à Vignée, sur la Lesse. On la
voit également à Chooz, près de notre frontière
méridionale. Elle est assez rare et disséminée dans les
contrées qui entourent le Jura ; elle est plus abondante dans
la région montagneuse des Vosges. Les oiseaux voyageurs
l'ont sans doute apportée dans notre pays.
Prunus Mahaleb Mill. – Ce Cerisier se voit seulement dans
les bois montueux et sur les rochers à Frasne-lez-Couvin et
à Brumagne-Samson (prov. de Namur). Il est assez répandu
dans les Alpes, sur les collines lorraines, les collines sousvosgiennes et le Jura, où il s'associe aux Quercus
pubescens, Acer opulifolium, Cytisus Laburnum, et où il
dessine les zones dysgéogènes. Ce ne peut être qu'aux
oiseaux qu'il faut attribuer la présence de cette plante sur
quelques rares points de notre territoire : ils font de nos

rochers les relais de leurs pérégrinations et ils y déposent
les noyaux non digérés des fruits. L'action de l'homme n'est
pas restée non plus étrangère à la dispersion de cette espèce
vers le nord.
Libanotis montana Crantz. – Cette plante xérophile est
assez rare sur toute la bande de calcaire dévonien située au
nord de l'Ardenne, dans la vallée de la Meuse et vers le bas
de ses gorges latérales, depuis Givet jusqu'à Taillefer ; elle
finit brusquement en ce dernier endroit. Son aire de
dispersion en Europe est très-vaste. Au sud, elle s'étend
jusque dans le midi de la France et de l'Italie ; au nord,
jusqu'en Allemagne, en Danemark, en Suède, en Finlande
et en Angleterre ; à l'ouest, jusque dans le centre de la
France ; à l'est, jusqu'en Suisse, en Hongrie, en Russie et
dans le Caucase. Comme cette espèce est répandue dans les
Alpes, le Jura et sur les collines lorraines, on peut supposer
qu'elle est primitivement descendue de ces hautes régions
jusque dans notre pays.
Saxifraga hypnoides L. – Cette plante est très-rare en
Belgique ; on ne la rencontre que sur des rocailles à
Waulsort (vallée de la Meuse), où elle est abondante. Elle
est très-répandue en Europe. Au midi, elle va jusqu'en
Espagne et en Portugal ; au nord, elle habite l'Irlande, les
Orcades, les îles Féroé, l'Islande et le Groënland, mais elle
fait défaut en Angleterre et dans la Scandinavie; à l'est, elle
se trouve dans les Vosges, le Jura, mais non dans la Suisse.
Nous avons dit, dans une autre notice, que cette plante a pu
être naturalisée depuis l'époque historique. Elle peut aussi
nous venir des Vosges, d'où la Meuse descend.
Cynoglossum montanum Lmk. – On trouve cette plante
entre Nettinne et Heure, dans la vallée de l'Heure et à
Bauche, dans la vallée du Bocq. On la voit surtout dans les
Vosges, les Alpes et le Jura. Ce sont les mammifères et les
oiseaux qui ont étendu l'aire de dispersion de cette espèce :
ses nucules chargées de tubercules épineux peuvent
s'attacher aisément aux pattes, aux plumes et aux poils des
animaux et être ainsi transportées à de très-grandes
distances.
Veronica prostrata L. – Cette espèce se rencontre à Hansur-Lesse, dans la vallée de la Lesse, et à la Montagne-auBuis, dans la vallée du Viroin. On la voit abondante sur les
pelouses du calcaire jurassique de la Lorraine ; mais ce qu'il
y a d'étonnant, c'est qu'on ne l'ait pas encore trouvée dans
la vallée proprement dite de la Meuse : cela semble indiquer
qu'il faut attribuer, à d'autres influences que les cours d'eau,
sa présence dans les bassins secondaires du Viroin et de la
Lesse. Cette plante est méridionale. On la voit jusqu'au sud
de la France, de l'Espagne et de l'Italie ; au nord, elle ne va
pas plus loin que le 49e parallèle, c'est-à-dire jusqu'en
Allemagne et en Belgique ; à l'est, elle s'étend vers la
Suisse, la Hongrie, la Turquie et la Russie.
Teucrium montanum L. – Cette espèce ne s'observe que sur
la bande de calcaire dévonien qui longe, au nord-ouest, les
terrains ardennais, à Charlemont, entre Dion-le-Mont et
Dion-le-Val, à St-Remy près de Rochefort, où elle est
abondante, et à Bilstain. Dans le bassin supérieur de la
Meuse, on la voit très-répandue sur les coteaux secs du
51

calcaire jurassique, d'où elle nous est sans doute venue. Si
on ne la rencontre que sur le genre de terrain cité plus haut,
c'est que là seulement elle a trouvé les conditions
nécessaires à son existence. Au midi, cette plante croit
jusqu'en Espagne et au nord elle s'étend jusqu'en
Allemagne et en Belgique. Elle est plus répandue à l'est. On
la trouve en Suisse, en Italie, en Hongrie, en Grèce, en
Turquie et même en Sibérie.
Artemisia camphorata Vill. – Cette plante, très-répandue
sur les rochers de Charlemont, près de notre frontière du
midi, a également une habitation assez fournie, cinq lieues
plus bas, à Fond-de-Leffe, près de Dinant. En Lorraine, on
n'en indique qu'une seule habitation, à St-Mihiel, dans la
même vallée. Elle est aussi signalée sur quelques points des
collines sous-vosgiennes. Cette espèce est très-méridionale
et on la voit surtout répandue dans le Dauphiné. Les oiseaux
et les vents ont été les principaux agents de sa dispersion
vers le nord.
Inula britannica L. – Cette plante se trouve çà et là et
abondante par places le long de la Meuse, sur presque toute
l'étendue du territoire belge. Les eaux ont contribué
puissamment à étendre son aire de dispersion.
Primitivement établie dans le bassin supérieur de la Meuse,
en Lorraine, où elle existe encore, elle est descendue, grâce
aux inondations du fleuve, jusque sur le territoire baigné
par la Meuse inférieure. Elle se trouve dispersée sur une
grande étendue de la France. Au nord, elle arrive jusque
dans certaines parties de l'Europe centrale, gagne même le
Danemark et la Gothie méridionale, sans paraître en
Angleterre, malgré son nom4. Elle est très-répandue vers
l'est de l'Europe et existe en Hongrie, en Turquie, en
Tauride, dans le Caucase, la Russie et la Sibérie.
Linosyris vulgaris DC. – Cette belle et rare espèce croît sur
la bande de calcaire dévonien qui traverse les provinces de
Namur, de Luxembourg et de Liége, à savoir entre
Mariembourg et Dourbes, à Givet, Auffe, Belvaux, Hansur-Lesse, Wavreille, entre Aywaille et Soupez ; elle se
retrouve ensuite dans la vallée de la Meuse, sur les rochers
de Champalle (Yvoir). Disséminée dans toutes les contrées
qui entourent le Jura, au pied des Vosges et de la ForêtNoire, elle se jette ensuite dans notre pays, sans signaler sa
présence en Lorraine. Comme pour l'Artemisia
camphorata, les oiseaux et les vents ont dû être les
principaux agents de sa dispersion. Au sud, elle atteint le
midi de la France, de l'Italie et de l'Espagne; au nord, elle
se trouve dans quelques parties de l'Allemagne, dans
certaines îles de la Baltique et en Angleterre ; à l'est, elle
s'étend jusqu'en Hongrie, en Turquie, dans la Russie et le
Caucase.
Euphorbia stricta L. – En Belgique, cette espèce ne se
trouve que dans la vallée de la Meuse, d'Hermeton à
Brumagne, où elle croît souvent par petites colonies. On
l’observe également dans le bassin supérieur de la Meuse,
d'où elle nous est venue probablement par l'intermédiaire
des eaux. Son aire de dispersion a pour limites, au nord, la
4

Le nom de Britannia employé par Pline désigne la côte maritime
du nord de la Germanie.

52

Belgique, l'Allemagne et l'Angleterre, au sud, la France
centrale, à l'est, la Lombardie, la Dalmatie, la Transylvanie,
la Géorgie et le Caucase.
Buxus sempervirens L. – Cette plante couvre certains
rochers, coteaux arides et bois montueux de la vallée de la
Meuse, de Givet à Huy ; elle se retrouve dans l'EntreSambre-et-Meuse, à Anthée, Surice, Roly, Fagnolles,
Dourbes, Mariembourg, Chimay, Pry, entre Acoz et
Bouffioulx ; dans la vallée de la Sambre, à Landelies et La
Buissière ; on la revoit dans le bassin de la même rivière, à
Sart-la-Buissière et Montignies-sur-Roc. L'étude des
caractères physiques d'une plante peut guider le botanistegéographe dans ses recherches sur le lieu d'origine des
espèces végétales. Les plantes toujours vertes nous offrent
deux sortes de feuillage persistant. Les unes, comme les
Conifères, ont les feuilles résineuses et elles appartiennent
aux régions du nord ou aux montagnes des pays chauds ;
les autres ont des feuilles non résineuses, coriaces ou
luisantes et sont à peu près toutes méridionales. C'est donc
dans la direction du midi que nous chercherons le centre de
création du Buis qui nous offre ce dernier feuillage. En
effet, il couvre le Jura et toutes les collines calcaires de l'est
de la France ; il n'est que disséminé dans la France
septentrionale et même centrale, du moins au nord du
plateau d'Auvergne. Son augmentation vers le sud indique
le passage graduel à des températures plus élevées. Il
manque presque entièrement en Allemagne au nord des
Alpes. A l'ouest, il atteint le Portugal et à l'est on le trouve
en Suisse, en Dalmatie, en Thessalie, dans le Caucase, la
Géorgie et la Sibérie de l'Oural. Cet arbrisseau est
généralement cité dans tous les pays sur le calcaire
compact. Dans nos provinces, il croît sur le calcaire
carbonifère, le calcaire de Givet et la dolomie, où il atteint
quelquefois plusieurs mètres de hauteur. Il contribue en
grande partie à donner à la végétation de nos rochers un
caractère méridional.
Quercus pubescens Willd. – Cette espèce est assez
abondante aux environs de Han-sur-Lesse. On l'observera
peut-être dans d'autres localités de la zone calcareuse. On
rencontre communément ce Chêne en France, en Espagne
et en Italie. Il est moins répandu vers le nord, où il atteint
cependant la Belgique et les bords du Rhin. Notre pays peut
donc être une de ses dernières limites naturelles, mais
comme il n'y existe que sur un seul point, il aura pu être
apporté par les oiseaux.

NB. La graphie de certains mots a été conservée dans la
reproduction de cet texte. Ainsi, le nom de la métropole liégeoise
a été écrit avec un accent aigu jusqu’à la Seconde Guerre mondiale
C’est par un arrêté du Régent en 1946, que l’usage de l’accent
grave sur le nom de la ville a été officialisé. De même, l’emploi
depuis le 17e s. du trait d’union après l’adverbe très en usage à
l’époque de la parution de l’article a été supprimé, sans réelle
explication, lors de la parution du Dictionnaire de l’Académie
française de 1878.

COMMENTAIRES
Philippe MARTIN5*

André DEVOS (Fig. 2), né en 1834, est un botaniste
namurois, agrégé de l’enseignement moyen. Sa carrière fut
consacrée essentiellement à l’enseignement, ce qui ne l’a
pas empêché de mener une activité botanique
particulièrement dense et ses publications sont nombreuses.
Il fut associé à diverses revues pédagogiques et
naturalistes : on peut relever entre autres sa collaboration à
La Belgique horticole, revue dirigée par Édouard MORREN,
sa Flore complète de Belgique (1885) et son Cours
élémentaire de botanique à l’usage des pensionnats et des
écoles normales de demoiselles (1890). Il publiera, avec
André THIELENS (1833-1878), les Kickxia, centuries
dédiées au botaniste gantois Jean KICKX (1803-1864)
comprenant, en quatre portfolios, environ 400 plantes
parmi les plus rares de Belgique, réalisées entre 1865 et
1868. Il sera nommé conservateur des collections
botaniques de l’Université de Liège en 1878 et la même
année, premier conservateur du Musée scolaire de l’État
(STOCKMANS, 1977). On perd sa trace en 1889, alors qu’il
se domicilie de nouveau à Namur, les archives de l’État de
la ville ayant été détruites lors de la Première Guerre
mondiale. Bien qu’il ait été un des membres fondateurs de
la Société royale de botanique de Belgique, aucune notice
nécrologique n’apparaîtra dans le bulletin de la Société
(BEAUJEAN & FABRI, 2022). Le dernier écrit dont on ait la
trace date de 1888 (cf. ci-après). Ce qui semble certain,
c’est qu’il ne vivait plus en 1912, puisque son nom n'est pas
repris parmi les membres fondateurs de la SRRB toujours
présents au 50e anniversaire de la Société (COGNIAUX,
1912). Le mystère reste entier.
DEVOS s’intéresse tout particulièrement aux plantes
introduites, sujet qu’il a traité de manière plus approfondie
dans un ouvrage publié à Gand en 1870 (DEVOS, 1870) et
qu’il abordera aussi dans son analyse critique de l’histoire
de la botanique en Belgique, en s’interrogeant longuement
sur la validité des données floristique anciennes ou de
quelques-uns de ses contemporains : « si nos anciens
floristes avaient été plus scrupuleux sur le choix des
renseignements relatifs à la dispersion des espèces
végétales sur notre sol, [...] nous ne verrions pas
aujourd’hui tant d’indications fausses, tant de confusions
dans nos flores... Dans ce même ouvrage, il évoque déjà les
adventices lainières de la Vesdre, « intrus qui sont venus
mourir sur les déchets de laine... » (DEVOS, 1888).
La notion d’indigénat des plantes a évidemment évolué
depuis un siècle et demi, par les connaissances floristiques
et phytogéographiques qui se sont largement développées
par la suite. Sa définition reste toutefois complexe
(LAMBINON, 1997) et elle doit être nuancée. Le concept de
plante adventice n’est pas non plus présent dans ce texte.
Or, le statut d’une plante introduite ou xénophyte y est lié.

Globalement, la question de l’indigénat d’une espèce
végétale est liée à des paramètres particulièrement
complexes, relevant de la géologie et du climat qui
régissent la dynamique migratoire des végétaux sur de très
longues périodes. Ainsi, le basculement du Tertiaire vers
les glaciations du Quaternaire transformera l’Europe
occidentale en immenses steppes et toundras, et la flore
laurasienne anéantie ne se reconstituera jamais. Le
réchauffement atlantique façonnera notre flore actuelle,
avec des remontées vers le nord à partir de foyers que la
Méditerranée avait sauvegardés, tout en conservant
quelques reliques glaciaires.
Mais de tous les facteurs intervenant dans la dispersion des
végétaux, c’est assurément l’intervention humaine, et
finalement son histoire, qui en est l’élément le plus influent,
probablement depuis le Néolithique. Les migrations
humaines et, plus tard, les échanges commerciaux, vont
induire une nouvelle dynamique d’expansion et d’équilibres des espèces végétales xénophytes.

Fig. 2. – André DE VOS, en 1872, muni du vasculum
typique des botanistes de l’époque (source :
AbeBooks.fr).

Aujourd’hui encore, il n’est toujours pas possible de
trancher sur l’absolu indigénat de certains taxons cités par
DEVOS. Quelques-uns d’entre eux ou d’autres en voie
d’extinction sont évoqués ci-dessous.
Artemisia alba TURRA [sub A. camphorata Vill.] (cité sur
le site biodiversité.wallonie sous la subsp. saxatilis
(Waldst. & Kit.) P. Fourn., mais qui ne semble pas avoir de
valeur taxonomique). Cette Armoise est présente en Europe
méridionale et Afrique du Nord. En Belgique, elle est n’est
plus observée qu’en une seule localité, aux Fonds de Leffe
(Dinant), alors qu’au 19e s., son aire s’étendait de Yvoir
(site de Poilvache) à Givet où elle est toujours présente.

5*Collections

botaniques, département de biologie, Université de
Namur, Belgique.

53

L’espèce est inféodée aux stations thermophiles calcaires
qui ont largement souffert des exploitations des carrières
dans la haute Meuse. Aujourd’hui, la station des Fonds de
Leffe est relictuelle.
Cynoglossum germanicum Jacq. Cette Boraginacée a été
localisée entre Nettinne et Heure (Rochefort) par F. CRÉPIN
en 1861, où elle n’a plus été observée. Considérée comme
totalement éteinte (DELVOSALLE et al., 1969), elle a été
revue à Yvoir (Bauche) par DUVIGNEAUD (1978) et en 2006
(SAINTENOY et coll., 2006).
Dianthus gratianopolitanus Vill. (sub D. caesius Sm.). Cet
œillet des pelouses xériques a toujours été rare en Belgique
et ses populations semblent se maintenir. La localité de
Waulsort (Chamia) a été revue en 2004 (SAINTENOYSIMON et coll., 2004).
Draba aizoides L. Cette Brassicacées est une orophyte
européenne, découverte en 1854 par J. BARBIER et Alfred
comte DE LIMMINGHE, qui n’en avaient observé qu’une
seule touffe (CRÉPIN, 1859), sur les rochers de Champalle
(Yvoir, vallée de la Meuse). Cette unique station est isolée
à plus de 400 km de la limite septentrionale de l’espèce et
son indigénat a été mis en doute, un usage horticole étant
possible dans des jardins de rocailles à proximité.
L’indigénat de la seule station connue de Grande-Bretagne
à Pennard Castle (sud du Pays de Galles), tout aussi
excentrée, n’est pas convaincant non plus (LAWALRÉE,
1957) et avec probablement une origine castrale. Quoi qu’il
en soit, la plante est présente depuis longtemps à Yvoir.
Inula britannica L. Cette Astéracée est un bel exemple
d’espèces qui étaient relativement fréquentes jadis en
bordure de cours d’eau et dans leurs prairies inondables,
mais dont les aménagements drastiques ont provoqué la
disparition. L’espèce n’a jamais été présente, pour
l’essentiel, que dans la vallée de la Meuse, et elle a proba-

blement disparu aujourd’hui en Belgique6.
Saxifraga hypnoides L. Cette espèce d’Europe nordoccidentale atteint ici sa limite méridionale, avec de rares
localités belges. La localité de Waulsort est connue de
longue date (CRÉPIN, 1859) et celle de Walzin semble se
maintenir (SAINTENOY-SIMON et coll., 2004).
Sedum rubens L. [sub Crassula rubens L.]. Cette
Crassulacée thermophile appartient bien au cortège des
espèces à affinité méditerranéenne de la dition. Les rares
populations belges sont précaires, par une écologie stricte
(rochers, pelouses pionnières), mais aussi par leur position
en limite d’aire nord-occidentale. La localité d’Yvoir a été
décrite par DEVOS (1867). Sa présence à Heure, sur schistes
frasniens, a été confirmée en 2001 (SAINTENOY-SIMON &
DUVIGNEAUD, 2001).
Sisymbrium supinum L. [sub Braya supina (L.) Koch].
Cette Brassicacée des berges nitrophiles de cours d’eau
était abondante, selon DEVOS. Il n’a pas fallu un demisiècle pour la voir disparaître en Belgique : LAWALRÉE
(1957) évoque le dernier exemplaire recueilli en Belgique
par J. CHALON, à Beez en 1907.
Veronica prostrata L. subsp. scheereri J.P Brandt. Cette
espèce d’Europe occidentale est une calcicole thermophile
qui se maintient dans ses rares localités historiques dans les
vallées du Viroin, de la Lesse et de la Lomme.
Ces quelques évocations montrent l’importance des sources
anciennes. Si certaines espèces ont irrémédiablement
disparu avec leur biotope, d’autres se maintiennent
localement, dans des conditions que seules des
prospections ciblées permettront de définir avec précision.
Toutefois, le travail est gigantesque, aussi bien en termes
de recension qu’en observations de terrain.

BIBLIOGRAPHIE
ANIOTSBEHERE J.C. & DUSSAUSSOIS G., 2005. – Les Xénophytes
et plantes invasives en Gironde. Bull. Soc. Linn. Bord. 33 : 95 p.
BEAUJEAN J. & FABRI R., 2022. – Personnalités illustres et
méconnues de la botanique et de l’horticulture en province de
Liège (Belgique). Lejeunia 207, 148 p.
COGNIAUX A., 1912. – La Botanique en Belgique pendant le
dernier demi-siècle (1862-1912). Bull. Soc. r. Bot. Belg. 51(1) :
6-55.
CRÉPIN F., 1859. – Notes sur les plantes rares et critiques de la
Belgique. Fasc. I. Mayolez. 25 p.
DELVOSALLE L., DEMARET F., LAMBINON J. & LAWALRÉE A.,
1969. – Plantes rares ou menacées de disparition en Belgique :
L’appauvrissement de la flore indigène. Ministère de
l’Agriculture. Travaux No 4. 129 p.
DEVOS A., 1867. – Compte rendu de la sixième herborisation
(1867) de la Société royale de Botanique. Bull. Soc. r. Bot. Belg.
6 : 289-322.
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Belgique. Gand. C. Annoot-Braeckman. 122 p.

DEVOS A., 1888. – Coup d’œil sur l’histoire de la flore belge. Bull.
Soc. r. Bot. 27 : 15-70.
DUVIGNEAUD J., 1978. – Une vallée mosane à protéger : la basse
vallée du Bocq (nouvelle commune du Grand Yvoir, province
de Namur). Natura Mosana 31/2 : 57-83.
LAMBINON J., 1997. – Les introductions de plantes non indigènes
dans l’environnement naturel. Sauvegarde de la Nature 87,
Éditions du Conseil de l’Europe. 27 p.
LAWALRÉE A., 1957. – Flore générale de la Belgique.
Spermatophytes. Vol. II, Fasc. III. Bruxelles, Ministère de
l’Agriculture – Jardin botanique de l’État. 490 p.
SAINTENOY-SIMON J. et coll., 2004. – Trouvailles floristiques
récentes. Adoxa 43/44 : 3-57.
SAINTENOY-SIMON J. et coll., 2006. – Trouvailles floristiques
récentes (2004-2006). Adoxa 52/53 : 41-71.
SAINTENOY-SIMON J. & DUVIGNEAUD J., 2001. – Sedum rubens à
Heure. Excursion de l’A.E.F. du 28 avril 2001. Adoxa 33 : 1519.
STOCKMANS F., 1977. – Devos (André Pascal Alexandre) ou De
Vos. Biogr. nat. 40 : 195-203.

6

belge) (in herb., leg. J. Leurquin, NAM 98363).

Il semble que sa dernière observation date du 20 août 1994, sur
la rive gauche de la Meuse, à Kotem (Maasmechelen, Limbourg

54

Natura Mosana, nouvelle série, n° 75 (2022) : 55-56

Juliette MARÉCHAL (1875-1941) et Lydia STOLTERFOTH (1792-1851),
deux personnalités féminines liées à la botanique en province de Liège (Belgique).
Addenda à Lejeunia 207 (2022)
Régine FABRI*

RÉSUMÉ
Notre répertoire des « Personnalités illustres et méconnues de la botanique et de l’horticulture en province de Liège (Belgique) »
(BEAUJEAN & FABRI, 2022) était à peine sorti de presse que nous avons découvert deux personnalités dont le souvenir méritait
certainement d’être évoqué, d’autant plus qu’il s’agit de deux femmes. Nul doute que nous en découvrirons encore d’autres, mais il nous
semblait intéressant de publier sans tarder ces nouvelles notices. La première est consacrée à Juliette MARÉCHAL (1875-1941), artiste
peintre et dessinatrice qui travaillé pour les serres de l’ancien Jardin botanique de Liège, la seconde évoque Lydia STOLTERFOTH (17921851), rentière d’origine anglaise, botaniste amateur qui reçut un herbier didactique de l’abbé STRAIL.
ABSTRACT
Our directory of "Illustrious and unrecognized personalities of botany and horticulture in the province of Liège (Belgium)" (BEAUJEAN
& FABRI, 2022) had hardly been published when we discovered two personalities whose memory certainly deserved to be evoked, all
the more so as they were both women. No doubt we will discover others, but we thought it would be interesting to publish these new
entries without delay. The first is devoted to Juliette MARÉCHAL (1875-1941), a painter and draughtswoman who worked for the
greenhouses of the former Botanical Garden of Liège, the second evokes Lydia STOLTERFOTH (1792-1851), an amateur botanist of
English origin, living on her private income, who received a didactic herbarium from Abbé STRAIL.

* Fédération Wallonie-Bruxelles, Jardin botanique de Meise, Domaine de Bouchout, Nieuwelaan 38, 1860 Meise,
Belgique. Courriel : regine.fabri@jardinbotaniquemeise.be
____________________________________

MARÉCHAL Juliette. Née à Liège le 17 juillet 1875 et morte
à Sainte-Walburge le 12 mars 1941.

présentées dans une exposition intitulée De Charles
Cardol à Juliette Maréchal, le salon des oubliés et
organisée à Dison par l’École liégeoise du paysage.

Peintre de l’École liégeoise du paysage. Fille aînée de JeanJoseph MARÉCHAL (1844-1927) et de son épouse Hortense
HENRARD ; sœur de Félicie MARÉCHAL (1877-1904),
peintre de fleurs comme elle (BEAUJEAN & FABRI 2022 :
103). Épouse de Charles BARON (1867-1918), jardinier au
Jardin botanique de Liège.
Juliette MARÉCHAL enseigne le dessin et la peinture après
avoir étudié ces deux disciplines. Résidant à Liège, rue
Fusch, en face du Jardin botanique, elle dessine, contre
rémunération, pour l’Université de Liège. Il lui est
demandé « de reproduire, par le dessin, les caractéristiques
précises et les étapes de croissance des plantes
collectionnées dans les serres ». En 1905, elle participe à
l’Exposition universelle de Liège où elle expose des objets
peints, dans la catégorie « Peinture appliquée » de la
section « Sciences, arts, institutions économiques ». Elle
peint des fleurs et la nature sur différents supports (toile,
bois, papier et porcelaine) ; elle a utilisé différentes
signatures, notamment : J. MARÉCHAL, J.M. et J. BARON.
En décembre 2022, une vingtaine de ses œuvres (Fig. 1 et
Fig. 2) encore en possession de ses descendants sont

Fig. 1. – Maurandya barclayana (Scrophulariacées/Plantaginacées).
Aquarelle de J. MARÉCHAL, 1892.
Source : collection famille BARON-MARÉCHAL.

55

Sources : Archives d'État de Belgique (Bruxelles), Registre des
naissances 1851-1900. – Exposition universelle et internationale
de Liège : Catalogue officiel de la section belge. Liège, 1905, p.
251. – Registre du cimetière de Sainte-Walburge. – Les Amis
d’Adolphe Hardy. 2022. De Charles Cardol à Juliette Maréchal, le
Salon des Oubliés. Présence : Mensuel d’Éducation permanente
du Centre culturel de Dison 442 : 12-13. – GOIJEN J., 2022. –
Dictionnaire des peintres de l'École liégeoise du paysage. 629 p.
– Archives de la famille Baron.

Sépulture : cimetière de Sainte-Walburge, caveau de la
famille Maréchal-Henrard, parcelle 34-1-43.

herbier à un médecin de Fléron (BEAUJEAN & FABRI,
2022), lui offrit, en guise de remerciement, un petit herbier
d’une centaine de plantes en deux volumes. Le premier
volume de cet herbier, comptant 51 doubles planches, est
en vente en 2023 en antiquariat chez INLIBRIS en
Autriche, accompagné d’une lettre de l’abbé STRAIL à M.
DE KESSEL, datée du 12 juin 1848, dont voici la première
page1 :
Monsieur De Kessel,
dme

Le superbe herbier que M
Tulk a eu la bonté de me
prêter contrastait tellement avec le mien que je n’ai pu résister à
la tentation de reformer complètement mes in folios de papier
gris.
Je suis maintenant enfoui sous une masse d’herbes
desséchées. Ma petite maison ressemble vraiment à un grenier au
foin. Il me tarde d’avoir remis tout en ordre. Je prendrai donc
cette semaine pour caser mes plantes, et puis dans le courant de
de
l’autre j’aurai l’honneur de reporter à M son joli petit ouvrage.
Je me propose d’y ajouter deux petits volumes de ma façon qui
contiendraient une centaine de plantes classées d’après le
système de Linné.
de

J’espère que M ne refusera pas d’accepter de ma part
ces quelques mauvaises herbes.
J’aurai soin d’en mettre quelques unes de chaque
classe, de sorte que ce petit herbier pourra tenir lieu de figures à
la flore de Spa.
Monsieur De Kessel, je compte sur votre obligeance
dme
pour engager M
à recevoir ces petits cahiers que je …

Fig. 2. – Gladiolus floribundus var. comtesse Coghen (Iridacées).
Aquarelle de J. MARÉCHAL, 1892.
Source : collection famille BARON-MARÉCHAL.

STOLTERFOTH Lydia. Née à Chester dans le Cheshire
(Angleterre) en 1792 (date précise inconnue) et morte à
Beaufays le 9 juin 1851.
Née d’un père d’origine hongroise émigré en Angleterre,
Lydia STOLTERFOTH, dite « Madame TULK », qui demeure
à Bruxelles, acquiert l’ancien prieuré de Beaufays en 1846,
après le décès de son époux, John Augustus TULK (né à
Aldgate, Londres, en 1756 et mort à Bruxelles le 23 janvier
1845). Bien que le terrain n’y soit pas particulièrement
favorable, elle accueille de belles cultures de légumes d’un
certain « De Kessel » dans les jardins de l’abbaye. Il s’agit
très vraisemblablement de Charles François Nicolas Joseph
DE KESSEL (né à Namur le 10 avril 1803 et mort à Nassogne
le 4 avril 1883), qui avait épousé sa sœur Hannah
STOLTERFOTH (née le 24 mars 1797 à Chester et morte en
1836).

Comment cet herbier et cette lettre ont-ils pu se retrouver
en vente chez un antiquaire en Autriche ? La question reste
à ce jour sans réponse.
Sources : Stolterfoth Collection, Cheshire Archives and Local
Studies, The National Archives UK. – Archives d'État de Belgique
(Bruxelles) à Leuven (Belgique), L'état civil des mariages,
Burgerlijke stand Brussel, Leuven, numéro d'inventaire 83891 /
0_0005, 12 mars 1834, nombre record 221. – FÉLIX. 1847. –
Société d'horticulture et d'agriculture de Liège. Exposition
d'automne : céréales, fruits, légumes. La Revue de Liège 2 : 338.
– [Mn] Lettre de l’abbé Strail à Mr. De Kessel, 18 juin 1848
(Catalogue INLIBRIS, 2023, ref. BN#31472 https://inlibris.com/
item/bn31472/).

BIBLIOGRAPHIE
BEAUJEAN J. & FABRI R., 2022. – Personnalités illustres et
méconnues de la botanique et de l’horticulture en province
de Liège (Belgique). Lejeunia 207, [1], 148, [1] p.
REMERCIEMENTS

Madame TULK possédait un herbier, aujourd’hui disparu,
qui suscita l’admiration de l’abbé STRAIL (1808-1893),
curé de Magnée et botaniste amateur, à qui elle l’avait
confié en prêt. Ce dernier, déjà connu pour avoir offert un
Seule cette page est accessible en ligne et aucune réponse n’a été
fournie par INLIBRIS à notre demande d’obtenir une copie de la
seconde page et de plus amples informations sur cet herbier.
1

56

Merci à Micheline BARON-VAN EECHAUTE et à Benoît
LALOUX pour les informations qu’ils nous ont aimablement
communiquées.

NATURA MOSANA
reflète l’activité des naturalistes en Wallonie et est éditée depuis 1947 au nom de
la Société royale des Naturalistes de Charleroi
la Société Botanique de Liège
le Cercle des Entomologistes Liégeois
la Société des Naturalistes de Namur-Luxembourg
Les thèmes de la revue couvrent tous les aspects de la botanique, la zoologie, la mycologie et l’ethnobotanique
régionales, de même que les sciences de la Terre, et rendent compte de la prospection et de l’inventaire biologique de
la région, de même que de la conservation de la nature.

___________________________________________________________________________________
COMITÉ DE LECTURE
Pascale DEBRAS, mycologue
Wépion

Éric GRAITSON, herpétologue,
aCREA, Université de Liège

Michel DETHIER, entomologiste
Gembloux Agro-Bio Tech, Université de Liège

Michel LANNOY, botaniste
Mettet

Pierre GHYSEL, géologue
Namur

Jean MARGOT, botaniste
Chef de travaux honoraire à l’Université de Namur

Régine FABRI, botaniste
Bibliothèque du Jardin botanique de Meise

Annie REMACLE, botaniste, herpétologue et entomologiste
Châtillon

SECRÉTAIRE DE RÉDACTION et ÉDITEUR RESPONSABLE
Philippe MARTIN, botaniste
Bibliothèque Moretus Plantin, Université de Namur
rue Grandgagnage, 19
B-5000 Namur, Belgique
philippe.martin@unamur.be

En trame de couverture : Aristolochia clematitis, espèce d’une grande importance patrimoniale, présente dans un des hauts
lieux de la botanique mosane, les Grands-Malades (Beez, prov. de Namur, Belgique), où sa présence actuelle est bien précaire.
En médaillon : banc d’alluvions au niveau d’un pont sur l’Ourthe à Hamoir (photo : Grégory MOTTE, 19 août 2022).

NATURA MOSANA
La revue est distribuée aux membres des sociétés adhérentes, en règle de cotisation
L’abonnement annuel pour les non-membres est de 25 €
L’ensemble des volumes, de 1948 à 2019, est accessible sur la plateforme NEPTUN
de la Bibliothèque universitaire Moretus Plantin

NATURA MOSANA

nouvelle série 75, 2022

SOMMAIRE
Éditorial
p. 1
Guy BOUXIN, Robert ISERENTANT,
Philippe MARTIN, Marie-Thérèse ROMAIN & ANDRÉ SMOOS
Le chômage de la Meuse. Compte rendu de l’excursion de la Société des Naturalistes de
Namur-Luxembourg, le 4 octobre 2022
p. 3
Régine FABRI
Le Montreur d’images : une collection oubliée d’albums de l’Atelier du Père Castor
p. 15
Jean-Louis GIOT
Étude botanique de zones humides à Laidprangeleux
(Rendeux, prov. de Luxembourg, Belgique)
p.21
Annie REMACLE
Une flore inattendue sur une bordure ferroviaire à Meix-devant-Virton
(Prov. de Luxembourg, Belgique)
p.29
Jean-Marc COUVREUR, Ruddy CORS, Fabrice ÉTIENNE, Vincent FIÉVET et Sébastien KRICKX
Les végétations pionnières des bancs d’alluvions le long de l’Ourthe :
nouvelle contribution à la connaissance de cet Habitat d’Intérêt Communautaire en Wallonie
p. 37
André DEVOS
Étude sur l’aire d’extension de quelques plantes méridionales
dans le bassin de la Meuse
p. 45
Régine FABRI
Juliette MARÉCHAL (1875-1941) et Lydia STOLTERFOTH (1792-1851),
deux personnalités féminines liées à la botanique en province de Liège (Belgique).
Addenda à Lejeunia 207 (2022)
p. 55