Carrés de couleur

Les Cahiers wallons

Les Cahiers wallons (depuis 1937) et Li Ban Cloke (1910-1912)

Les Cahiers wallons sont nés en 1937, à Châtelet, de l’initiative de Eugène Gillain et Paul Moureau, deux écrivains wallons membres de la société littéraire dialectale Lès Rèlîs Namurwès.

Cette société créée en 1909 par des étudiants de l’Athénée de Namur (bientôt rejoints par des aînés dont deux de leurs professeurs Joseph Calozet et Fernand Danhaive) s’était donné pour mission de promouvoir la langue wallonne en lui donnant une littérature de qualité1. Avec une devise : Wêre maîs bon (Peu mais de qualité). Avec une règle : un texte ne peut être publié qu’à la condition d’avoir été présenté et accepté en réunion. Voilà pour le niveau d’exigence. Le Cercle reprenait à son compte l’héritage des premiers chansonniers namurois comme Nicolas Bosret, Charles Wérotte et Julien Colson, fondateurs de la Royale Moncrabeau-Les quarante Molons. Il faisait siennes les orientations données par la Société de Littérature wallonne de Liège, et adoptait l’écriture Feller promue par cette « académie du wallon ».

Pendant plus de 25 ans, les Rèlîs vont être confrontés à la difficulté de diffuser leurs œuvres. Entre 1910 et 1912, ils assurent l’essentiel du contenu de l’hebdomadaire dominical Li Ban Cloke2. Ce journal est né de l’initiative de quelques militants de la cause wallonne (dont les noms restent inconnus mais qui en assurent la direction) et de l’imprimeur-éditeur namurois Émile Chantraine. Le rédacteur en chef n’est autre que Lucien Maréchal, secrétaire cofondateur de Cercle. Il fait appel à une équipe de rédaction quasi uniquement composée de Rèlîs. Le journal est donc une vitrine idéale pour la toute jeune association littéraire. La ligne éditoriale est double : il s’agit de promouvoir le vieux wallon namurois pourchassé par la langue française mais sans renier celle-ci pour autant ; il s’agit aussi de donner davantage de justice à la « race » (ou « patrie ») wallonne à une époque où les revendications flamandes se font de plus en plus pressantes. L’engagement des Rèlîs au service de la Wallonie semble pourtant davantage littéraire que politique.

L’aventure du Ban Cloke est de courte durée. Le journal cesse de paraître avant son deuxième anniversaire, et ce, pour des raisons pécuniaires. Les Rèlîs se retrouvent à devoir chercher d’autres organes de presse. En 1924, les Rèlîs participent à la création de la revue Le Guetteur wallon, et y assurent les pages wallonnes jusque 1930, et même quelques années après. En 1935, le journal Vers l’Avenir ouvre ses pages au Rèlî Jules Rivière et à sa rubrique wallonne Tapans one divise3.

C’est donc en 1937 que les deux Rèlîs de Châtelet se lancent dans l’aventure des Cahiers wallons4. Leur objectif n’est pas d’abord de diffuser les écrits des seuls Rèlîs Namurwès mais de constituer une anthologie « pan-wallonne » regroupant des textes (anciens et nouveaux) venant des différents parlers romans de Wallonie. Eugène Gillain fait appel à son fils Joseph, alias Jijé, le futur maître bédéiste de la maison Dupuis de Marcinelle, pour illustrer les couvertures du mensuel. La nouvelle revue connaît un départ très prometteur mais la guerre va bien vite rendre difficile une parution régulière et, même, fin 1943, obliger le fondateur à arrêter. La première série des Cahiers wallons est composée de 45 numéros.

En 1947, c’est une équipe de Rèlîs qui reprend la direction de la revue. Celle-ci devient essentiellement la revue des écrivains du cercle namurois, sans toutefois se fermer à des écrivains s’exprimant dans d’autres wallons. C’est ainsi que Willy Bal pour le wallon de Charleroi, Louis Remacle, Albert Maquet, Victor Georges et Robert Vandamme, pour le wallon liégeois verront des œuvres importantes éditées par les Cahiers wallons.

Cette seconde série des Cahiers wallons accompagne un renouveau de la littérature wallonne. Elle donne la parole à une génération de jeunes poètes comme Jean Guillaume, Georges Smal, Émile Gilliard, Lucien Somme… ainsi qu’à des prosateurs inspirés comme Auguste Laloux, André Henin et Henri Matterne. La revue publie aussi des études historiques et linguistiques, stimulées par Lucien Léonard, auteur d’un Lexique namurois qui est la référence pour l’approche du wallon central.

Aujourd’hui, la revue poursuit dans la même orientation, sous la responsabilité de Bernard Louis. Il s’agit encore et toujours d’œuvrer à la promotion d’une langue menacée de disparition : l’enjeu est de défendre notre biodiversité culturelle.


1 Joseph DEWEZ, Les Rèlîs Namurwès avant, pendant et juste après la guerre, in Joseph DEWEZ, Bernard LOUIS, Axel TIXHON, Les Kriegscayès. La Grande Guerre des Rèlîs Namurwès, Société archéologique de Namur, 2015, pp. 13- 45.

2 « La Cloche du Ban ». Voir Paul DELFORGE, […] Hommes d’abord, Wallons ensuite, Belges pour ce qui reste. Les Rèlîs Namurwès à l’épreuve de la Grande Guerre, dans Les Kriegscayès, op.cit., pp. 323-367. L’auteur analyse finement Li Ban Cloke aux pages 332-339.

3 « Taillons une bavette, devisons ».

4 Voir Joseph DEWEZ, 1937-1943. La première série des Cahiers wallons : le projet ambitieux de deux Rèlîs Namurwès francs-tireurs, dans Jacques TOUSSAINT (dir.), Joseph DEWEZ, Les Cahiers wallons ont 75 ans. Lès Rèlîs Namurwès au service de l’identité wallonne, Société archéologique de Namur, 2012, pp. 35-71.


Lien vers le site des Rèlîs Namurwès


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