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Fait partie de Natura Mosana. Année 2019. Tome 72. Nouvelle série
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P904020
BE ISSN 0028-0666

NATURA
MOSANA
Revue de sciences naturelles en Wallonie

72
nouvelle série

2019

Natura Mosana, nouvelle série, n° 72 (2019) : 1-16

à la mémoire de nos collègues et amis disparus,
Jean-Marie HUBART et Jean-Pierre DISCRY

Approche pluridisciplinaire de la grotte de l’Abîme de
Comblain-au-Pont (Prov. de Liège, Belgique)
Michel DETHIER * et Jean GODISSART**

RÉSUMÉ
Les études pluridisciplinaires dans les cavités souterraines, tant naturelles qu'artificielles, sont rares en Belgique comme dans d'autres
pays. La grotte de l’Abîme de Comblain-au-Pont fait figure d'exception. En effet, durant de nombreuses années, divers scientifiques
(géologues, karstologues, climatologues, biologistes...) ont contribué à son étude. Les découvertes les plus importantes dans les
différentes disciplines sont ici passées en revue et de nouvelles données sur la formation de la cavité et sur la faune des invertébrés sont
fournies.
ABSTRACT
Interdisciplinary studies in underground cavities, as much natural as artificial, are rare in Belgium and in other countries. The cave of
Comblain-au-Pont is an exception. For many years, scientists (geologists, karstologists, climatologists, biologists,…) contributed in this
cave. In this paper, the most important discoveries in different disciplines are reviewed and new data on the formation of the cavity and
on the invertebrate fauna are provided.
* Unité d’Entomologie fonctionnelle et évolutive, Agro-Bio Tech Gembloux (Prof. F. Francis), Université de Liège, 5030-Gembloux.
Courriel : michel.dethier@adesa.be
** Rue de Cracovie, 19, 4030-Liège. Courriel : godissart.jean@gmail.com

___________________________________________

INTRODUCTION
Les cavités souterraines, tant naturelles qu’artificielles
ayant fait l’objet d’études pluridisciplinaires approfondies
sont rares, en Belgique comme ailleurs. Dans notre pays,
on peut cependant citer les livrets-guides (non repris dans
la bibliographie, sauf celui concernant Comblain) publiés
par C. EK et al. et concernant les grottes de Remouchamps,
de Dinant (La Merveilleuse) et de Comblain-au-Pont, ainsi
que par d’autres auteurs : Ramioul (HUBART), Sainte-Anne
(DE BIE) et la courte monographie de GODISSART sur
Fontaine de Rivîre. La grotte et abîme de Comblain-auPont fait exception car, depuis bien longtemps, de
nombreux chercheurs en diverses disciplines (géologie,
karstologie, climatologie, biologie,…) s’y sont rencontrés

BREF HISTORIQUE DES DÉCOUVERTES
Cette cavité est située dans la province de Liège, à environ
18 km à vol d’oiseau au sud de la ville du même nom. Elle

est en bonne partie accessible aux touristes et la visite prend
environ une heure. La partie ouverte aux visiteurs ne
présente aucune difficulté mais nécessite néanmoins de
bonnes chaussures, car il y a de très nombreuses marches.
Les coordonnées Lambert sont x : 234.968 (entrée
naturelle), y : 130.328, z : 180. Le développement est d’un
peu moins de 700 m et le dénivelé (de l’entrée naturelle au
niveau de la nappe) est d’environ 80 m.
EK et GODISSART (2007) ont rappelé en détail l’histoire de
la découverte de la grotte de Comblain (Fig. 1). En haut du
court vallon sec descendant en pente forte vers la rive
gauche de l’Ourthe, s’ouvre un gouffre connu depuis
toujours par les habitants de la commune. Mais ce n’est
qu’en 1900 qu’un ouvrier courageux y descendit pour
sauver le petit chien d’une jeune fille éplorée. L’animal fut
récupéré sain et sauf et ramené à sa maîtresse mais, ayant
perdu sa lanterne, le sauveteur ne put mener plus loin son
exploration.

1

Deux ans plus tard, trois pionniers de la spéléologie
scientifique, Ernest VAN DEN BROECK (spécialiste belge
des eaux souterraines), Edmond RAHIR (géologue, belge lui
aussi) et Édouard MARTEL (spéléologue français réputé),
apprenant l’histoire du petit chien, se rendirent à Comblain
le 23 mai 1902 afin d’y explorer plus sérieusement le
gouffre, en compagnie du commissaire DUBUISSON et d’un
Comblinois du nom de COLLARD. Cette visite permit de
découvrir les deux premières salles. La partie connue alors
de l’abîme de Comblain figure dans le monumental
ouvrage de VAN DEN BROECK, MARTEL et RAHIR (1910) et
elle était qualifiée de premier aven proprement dit connu et
visité en Belgique. Les auteurs s’attachèrent aussi à
démontrer les risques de pollution que couraient les eaux
souterraines, en particulier la résurgence du Moulin, qui
restitue les eaux du synclinal.

Tout était connu ? C’était sans compter sur la persévérance
de Pol XHAARD et des membres du G.R.S.C. (Groupe de
recherches spéléologiques de Comblain-au-Pont). Dès
1991, ce groupe a entrepris des recherches et des
désobstructions en quatre endroits de la grotte. C’est le
chantier au départ de la salle des Mammouths qui a permis
de découvrir en 1993, des vasques d’eau au niveau de base
(à 73 m sous le niveau de l’orifice naturel de l’abîme).
Depuis la salle des Mammouths, grâce à des
désobstructions successives, les spéléologues sont
descendus de 34 m dans ce qui n’était qu’un énorme éboulis
(XHAARD, 1997). Trois vasques ont ainsi été découvertes et
même explorées en plongée, révélant pour certaines une
profondeur étonnante (jusqu’à 10 m) et la présence d’un
courant nord-sud en profondeur. Des tentatives de
désobstruction dans la salle du Mondmilch n’ont pas
abouti.
Mais l’abîme de Comblain n’a pas attiré que les
spéléologues et les scientifiques. M. A. DEBRY, le
propriétaire des lieux, fit creuser un tunnel en pente d’une
cinquantaine de mètres, ce qui permit l’accès aux touristes
(le puits naturel de 22 m n’étant pas praticable par tout un
chacun). En 1971, un procès eut même lieu entre
l’exploitante de la grotte de Comblain et la société qui
exploitait alors celle de Remouchamps. Ces tribulations
amenèrent la fermeture définitive de la grotte au tourisme
en 1982, le site connaissant alors des périodes de
vandalisme. Ce n’est qu’en 1990 que la commune de
Comblain-au-Pont racheta la grotte et entreprit de la
restaurer pour l’ouvrir à nouveau aux visiteurs et aux
chercheurs en 1994. Mais il s’agit aujourd’hui de tourisme
éducatif et écologique.

LA CAVITÉ ET SON CONTEXTE GÉOLOGIQUE

Fig. 1. ‒ L’abîme. (photo Michel PHILIPPE).

En 1907, les spéléologues des Chercheurs de la Wallonie,
avec à leur tête Ernest Doudou, longtemps président de
cette société, alors toute jeune, reprirent les explorations.
Mais ce n’est qu’en 1925 qu’ils découvrirent d’autres salles
(salle des Nûtons, la Crêche, salle du Mondmilch, la
Merveilleuse,…). À la fin de l’année, tout ce qu’on connaît
aujourd’hui de la cavité avait été découvert et topographié.
Les Chercheurs de la Wallonie notèrent la disposition en
chapelet des salles et la présence de limon jusqu’à une très
grande hauteur dans la partie amont (ouest) de la grotte,
résultant d’inondations d’eau boueuse.
2

La grotte de Comblain s’est creusée dans la Formation de
la « Brèche de la Belle Roche » (BELLIÈRE, 2015), une
formation rocheuse d’âge viséen (Carbonifère supérieur).
Celle-ci est constituée d’un chaos de blocs massifs
anguleux de grande taille, décamétriques et plus, de
calcaire à stratification plus ou moins bien marquée, des
« radeaux » noyés dans une masse bréchique de calcaire
foncé. Cet ensemble est considéré aujourd’hui comme le
résultat d’un vaste effondrement des calcaires récifaux susjacents attribués aux formations viséennes de Terwagne,
Neffe et Lives.
Cet affaissement a été provoqué par la dissolution complète
d’évaporites (gypse, anhydrite, halite à intercalées à la base
de ces trois formations. Ce processus, qui s’apparente, déjà
à l’époque, à un paléokarst, s’est réalisé avant le plissement
varisque, au moment où ces couches sédimentaires étaient
émergées et encore en position horizontale. La grotte se
situe dans le prolongement des « Tartines », aujourd’hui
d’allure verticale et figure emblématique du paysage de
Comblain. Elle s’inscrit dans le flanc sud du synclinal du
même nom, d’extension est-ouest et qui fait partie du
Synclinorium de Dinant, plissement formé au cours de
l’orogénèse varisque, il y a quelque 350 millions d’années.

La grotte s’est développée très nettement dans le sens estouest, ce qui correspond à la direction des bancs. Les salles,
par contre, s’allongent pratiquement toutes dans le sens
nord-sud, ce qui est certainement en relation avec les
diaclases (cassures de la roche entraînant des fissures par
lesquelles pouvaient s’engouffrer les eaux de surface) (EK,
1969). La topographie de la grotte (Fig. 2a et b) montre bien
cette succession de hautes et grandes salles (des cheminées

aveugles ou domespits ) reliées entre elles par des galeries
plus ou moins étroites et horizontales (qu’il a fallu le plus
souvent désobstruer pour progresser).
On ne peut pas quitter l’aspect géologique sans dire
quelques mots des concrétions ou spéléothèmes
caractéristiques des grottes et parfois tellement
extraordinaires. La formation de ces concrétions est

Fig. 2a. ‒ Topographie de la grotte de Comblain-au-Pont. En rouge, pendage des strates et des diaclases.
(d’après Groupe de Recherches spéléologiques de Comblain-au-Pont, 1992, modifié).

Fig. 2b. ‒ Coupe ouest-est de la grotte-abîme de Comblain-au-Pont. E1 : entrée naturelle (aven de 22 m de
profondeur). E2 : couloir d’entrée des touristes (en pointillés).
Les flèches verticales indiquent les différentes salles, les points rouges les stations de mesure.
(d’après GODISSART, 2015).

3

expliquée dans les travaux de DEPASSE (2003) et surtout de
MARTAUD (1997). La grotte de Comblain en reste bien
pourvue, et cela en dépit des périodes de vandalisme qui ont
suivi sa première fermeture au public en 1982 (cf. supra).
EK & GODISSART (2007) ont rappelé les principes de
formation des principaux types de concrétions (stalagmites,
stalactites) en se référant aux travaux de GEWELT (1985,
1986), LECLERCQ (1926) et NAPARUS (2004). Ils ont
également cité et illustré les plus belles formations de
Comblain. Nous nous bornerons donc ici à rappeler le
grand baldaquin de la salle des Échos, les petits
personnages de la salle de la Crèche, la stalagmite blanche
et ses coulées de calcite (salle de la Cascade), les gours et
les microgours (véritables petits barrages construits par les
eaux incrustantes, souvent au pied des parois sur un sol en
pente faible), dans la salle de la Crèche et celle de la
Cascade et le « Mondmilch » (litt. « lait de lune »), cette
curieuse concrétion qui, au lieu d’être compacte, reste
pâteuse quand elle est humide et qui, sèche, devient
pulvérulente (dans la salle éponyme) (Fig. 3 et 5).

Fig. 3. ‒ Gour dans la salle du Mondmilch.
(Photo Michel PHILIPPE).

À Comblain comme dans d’autres cavités, on a observé des
stalagmites à tête plate (et non arrondie ou ogivale, comme
c’est le cas le plus souvent). Ce curieux phénomène a été
étudié par NAPARUS, 2004). L’âge des concrétions permet
enfin de se faire une idée de l’ancienneté de la grotte. En
datant un des isotopes radioactifs du carbone, le C14,
GEWELT (1985, 1986) a obtenu des valeurs faisant remonter
l’antiquité de certains des échantillons à 7 750 ans (salle
des Échos). Mais, la datation à l’uranium-thorium a mis en
évidence, pour des planchers stalagmitiques, des âges
remontant à 111 000 ans, voire 160.000. Plus récemment
encore, la datation par la méthode des nucléides
cosmogéniques des galets de quartzite trouvés dans les
galeries de jonction entre les salles de la grotte a fait
remonter à 2-2,5 millions d’années leur séjour sous terre
(G. RIXHON, communication orale). Dans le Trou Jonay, la
taille des cailloux ne dépasse jamais 20 mm, ce qui donne
à penser qu’ils furent triés et transportés par un courant
d’environ 100 cm/sec., à composante verticale.
1

Abaissement de l’aquifère, avec formation d’un profil non saturé
en eau.

4

GENÈSE DE LA GROTTE
Deux hypothèses sont envisagées :
1. Une formation descendante, par enfouissement d’un
ruisseau venant de l’ouest, coulant vers l’Ourthe et qui,
profitant des nombreuses fissures du calcaire, aurait
creusé la roche puis, après un bref parcours souterrain,
aujourd’hui encore en grande partie inexploré (les
vasques découvertes par P. XHAARD ne sont que des
prémices) et serait ressorti au pied du versant à la
résurgence du Moulin.
C’est le schéma proposé par EK (1969), qui précise
néanmoins que le phénomène a dû être beaucoup plus
complexe. En effet, pour expliquer la formation des
grandes salles en chapelet, il faut évoquer des
enfouissements successifs dans des chantoirs alignés
d’est en ouest, d’aval en amont du ruisseau, le premier
point d’engouffrement étant l’abîme, chaque chantoir
successif donnant naissance à une salle par
élargissement d’une diaclase (d’abord la salle argentée,
puis celle des Nûtons, etc.), d’où l’eau rejoignait l’aval
et les pertes plus anciennes par un passage bas,
généralement en siphon. Les salles manifestent partout
l’action chimique de l’eau. Le calcaire a été dissous et
non érodé mécaniquement, comme c’est le cas dans la
plupart des grottes importantes de la région (SainteAnne, Remouchamps, Hotton).
2. Une formation ascendante, proposée et présentée par
GODISSART aux Journées de Spéléologie scientifique de
Han-sur-Lesse en 2018. Constatant que les planchers de
la dizaine de salles développées à partir d’une série de
diaclases perpendiculaires aux joints de stratification,
ne sont pas au même niveau (ce qui semble exclure
l’action d’une rivière souterraine) mais que, par contre,
leurs plafonds sont alignés sur la cote de 50 m au-dessus
de l’Ourthe, cet auteur pense qu’il s’agit de cheminées
aveugles ou domepits dans la terminologie anglosaxonne (DAVIS, 1930). En outre, si les parois de la
grotte sont tapissées d’une couche d’argile fine de
plusieurs centimètres d’épaisseur (argile qui a aussi
recouvert les planchers de calcite et certaines
stalagmites), les plafonds des salles et des coupoles
montrent la roche nue, sans aucun dépôt.
Il a donc formulé l’hypothèse que la grotte de Comblain
a fonctionné d’abord en résurgence à une certaine
époque. Dans une première phase, il y aurait eu
corrosion chimique per ascensum en régime phréatique,
avec exportation des carbonates mis en solution. Puis,
après abaissement du niveau de base à la suite de
l’encaissement de l’Ourthe, une phase vadose1 s’est
mise en place, avec dépôts de calcite, entrecoupés de
fortes mises en charges qui ont déposé par décantation
des sédiments fins sur les parois, sans plus atteindre le
sommet des domepits, et des coupoles probablement
développées suivant le même processus (Fig. 4). Une
étude détaillée par J. GODISSART est présentée à la page
17 de ce volume.

HYDROGÉOLOGIE
La grotte de Comblain n’a sans doute jamais connu de vraie
rivière souterraine mais plusieurs écoulements plus ou
moins indépendants et probablement non synchrones (EK,
1969). Le bassin d’Anthisnes (Comblain-au-Pont) est un
synclinal carbonifère d’une superficie de 26 km2 orienté
Est-Ouest recoupé par l’Ourthe à hauteur du village de
Comblain-au-Pont. Il est drainé par la résurgence du
Moulin qui fonctionne à une altitude de 105 m au-dessus
du niveau de la mer.
Les aiguigeois ou chantoirs principaux de Vien et Lizin se
situent majoritairement sur le versant Nord du synclinal,
respectivement à 8 et 5,4 km à vol d’oiseau de la résurgence
du Moulin et à l’altitude de 250 m au-dessus de niveau de
la mer, comme le montre la carte hydrogéologique des
chantoirs et des principaux traçages (Fig. 7), tirée de MEUS
(1993). De 1988 à 1991, le débit moyen de la résurgence du
Moulin était de 220 l/sec. Ce volume d’eau comprend les
pertes massives des différents chantoirs mais également les
eaux d’infiltration qui diffusent à travers la couverture des
sols.

Fig. 5. ‒ Salle de la Cascade.
(Photo Michel PHILIPPE)

Fig. 4. ‒ Croquis illustrant l’hypothèse per. Les flèches bleues
montrent le parcours de l’eau dans le karst à l’époque où le
niveau de base se trouvait au-dessus de l’actuel. Les flèches
rouges représentent les pressions hydrostatiques.

Le Petit Lac naturel (Fig. 6) est abrité dans une salle dont
les parois présentent des formes de dissolution
différentielle remarquables. Elles montrent de fines veines
de calcite (parfois haute de plusieur milimètres) alors que
tout autour, la roche est rongée. Cette dissolution n’a pu se
passer qu’en milieu très calme, symptomatique d’une
action phréatique (EK, 1969). D’abord point
d’engouffrement, le Petit Lac a été occupé ensuite par de
l’eau calme d’origine phréatique.

CLIMATOLOGIE
Plusieurs études ont été menées sur le « climat » de la grotte
de Comblain-au-Pont. Elles ont essentiellement porté sur
la tem-pérature et la circulation de l’air, ainsi que sur la
teneur en gaz carbonique (EK et al., 1968, 1979b ;
GODISSART, 1975 ; GEWELT & EK, 1986 ; PIRON & al.,

2007 ; EK & GODISSART, 2009). D’une manière générale,
dans les grottes belges, dès que l’on s’est éloigné de
l’entrée, on note une température constante d’environ 10°C
et un air quasiment saturé en humidité. Ces conditions
peuvent être influencées par la présence d’une rivière
souterraine, mais aussi par celle de deux entrées, comme
c’est le cas à Comblain (dont l’une est artificielle). On
assiste alors à la mise en place d’un « tube à vent » (Fig. 8)
(GODISSART, 2001). En hiver, l’air froid, plus lourd, entre
dans la grotte et en chasse l’air plus chaud saturé
d’humidité par l’orifice supérieur. Celui-ci se refroidit et se
condense parfois sous forme de brouillard voire même de
givre, si la température extérieure est négative : ce sont les
fameux « trous fumants », bien connus dans nos régions.
En été, le courant s’inverse mais à Comblain, le tube à vent
s’arrête de fonctionner en raison du diamètre important du
puits naturel. En outre, l’air refroidi en hiver dans la partie
inférieure de la cavité reste froid et ne remonte plus en été.
Il n’y a donc que la région supérieure qui fonctionne
comme un tube à vent, la partie inférieure constituant un
piège à air froid. La température y est donc plus stable et
oscille entre 9,6 et 9,7°C (PIRON & al., 2007).
Dès la salle des Échos, il se forme donc une « poche
froide ». Le flux de gaz carbonique sortant du puits de la
salle Merveilleuse qui atteint 36 500 ppm en septembre
2016, provient d’une partie encore inconnue du karst et se
répand dans la grotte par advection. Ce vide encore inconnu
est estimé à 75 000 m3 alors que la cavité connue ne
représente que 17 000 m3 ! Dans l’atmosphère extérieure,
la teneur en gaz carbonique était normalement d’environ
300 ppm (parts par millions) dans la première moitié du 19e
siècle. Aujourd’hui, elle atteint (et même souvent dépasse
5

!) 380 ppm. Depuis 1966, EK, GODISSART et d’autres
auteurs ont mesuré les taux de gaz carbonique dans la grotte
de Comblain (et autres cavités belges) et ont constaté un
doublement de ces teneurs au pied de l’abîme et même un
triplement dans les endroits les plus confinés (salle du
Mondlich) (Fig. 9a et 9b). Aujourd’hui, on mesure parfois
des teneurs estivales de 20 000 ppm (35 000 en 2018) dans
les parties les plus profondes (EK & GODISSART, 2009).
Ces teneurs ne sont néanmoins pas dangereuses pour des
visiteurs qui ne restent que quelques minutes. Cette
inflation du gaz carbonique est sans doute à mettre en
relation avec le réchauffement climatique qui entraîne une
photosynthèse plus forte dans la végétation surplombante
(CO2 provenant de la respiration des racines) et une activité
biologique du sol plus grande (EK, 1979 ; GEWELT & EK,
1986, NAPARUS, 2004 ; PIRON & al., 2007). Les
fluctuations saisonnières des taux de gaz carbonique à
Comblain montrent bien que celui-ci est d’origine naturelle
(activité rhizosphérique,…).
Le cas de la grotte de Ramioul, où l’on a observé des
poussées très rapides de CO2 dépassant les 60 000 ppm est
tout différent. Ici, les eaux de percolation s’acidifient au
contact des schistes ampélifères namuriens et attaquent les
calcaires viséens dans lesquels la grotte est creusée. Dans
cette grotte, les fluctuations ne sont pas liées aux saisons
(GODISSART & EK, 2011).
Une étude de la qualité chimique et biologique des pertes
et des résurgences du massif de Beauregard a également été
menée (DETHIER & SCHOONBROODT, 2006).

Fig. 6. ‒ Le Petit Lac à l’extrémité distale de la grotte.
(photo Michel PHILIPPE)

Fig. 7. ‒ Carte hydrogéologique (MEUS, 1993).
Les traits noirs 2,3,4 et 5 indiquent les traçages effectués à partir des différents points de perte.

6

Fig. 8. ‒ Schéma du tube à vent en période hivernale, quand la température extérieure est
inférieure à 10°C, alors que la température de la zone confinée est constante à 10°C.
Les flèches montrent le sens du courant d’air (d’après de EK & GODISSART, 2007).

A

9 février 2018

B

9 août 2018

Fig. 9 a et b. Répartition du CO2 dans la grotte hiver/été (d’après EK & GODISSART, 2007).

7

BIOLOGIE
LES INVERTÉBRÉS

En Wallonie, la faune des invertébrés souterrains a déjà
retenu l’attention de plusieurs chercheurs. Il y a d’abord eu
WILLEM (1902), puis SCHMITZ & BEQUAERT (1914) mais
surtout LERUTH (1912-1940) et son monumental travail de
1939, dans lequel il a recensé plus de 600 espèces (dont 16
nouvelles pour la Science) dans quelques 50 cavités de
notre pays. Il a été le pionnier de la biospéologie en
Belgique.
Par la suite, DELHEZ (1931-1974) a poursuivi son œuvre
(DETHIER, 1998). Il a créé le Laboratoire de biologie
souterraine de Ramioul avec J.-M. HUBART (1939-2009),
encore en fonction jusqu’à son décès (DISCRY & DETHIER,
2010 ; DETHIER, 2017). Dès 1997, DETHIER s’est intéressé
à cette faune particulière et a publié, le plus souvent en
collaboration avec avec J.M. HUBART et d’éminents
spécialistes, plusieurs articles à ce sujet (v. plus loin).

Avant d’entrer dans les détails de la riche faune invertébrée
de Comblain, il convient de rappeler brièvement les trois
catégories de « cavernicoles » définies par RACOVITZA dès
1907 et rappelées par DETHIER & HUBART (2005) et
DETHIER (2006) :
• Les trogloxènes (ou étrangers aux grottes) ne séjournent
sous terre que sporadiquement, pour y hiverner ou pour y
estiver et ne s’y reproduisent pas. Ils ne présentent donc
aucune
adaptation,
tant
morphologique
que
physiologique ou comportementale à ce type de milieu.
Des papillons, comme par exemple Scoliopteryx libatrix
(L.) (absent à Comblain) sont à ranger dans cette
catégorie.
• Les troglophiles (amis des grottes) sont des hôtes électifs
constants des cavités souterraines et peuvent y passer
toute leur vie et s’y reproduire (mais on peut aussi les
trouver à l’extérieur, dans des milieux comparables). S’ils
ne présentent pas encore d’adaptations morpho-logiques
à ce mode de vie, leur métabolisme est ralenti et leur
comportement adapté à leur environnement. C’est ainsi
que l’araignée Meta menardi (Latr.) (Fig. 10) a un
quotient respiratoire plus bas que ses cousines épigées et
qu’elle tisse ses toiles parallèlement aux parois afin de
capturer les animaux qui se déplacent à leur surface.
• Les troglobies (qui ne vivent que dans les grottes) sont les
cavernicoles s. str. et les hôtes exclusifs du monde
souterrain. Leurs adaptations, tant morphologiques que
physiologiques, sont telles qu’elles les ont en quelque
sorte rendus prisonniers des parties profondes des grottes.
L’exemple le plus connu est sans doute celui des
Niphargidae, sorte de petites « crevettes » blanches et
dépourvues d’yeux (Fig. 11) qui vivent dans les eaux
souterraines.

Fig. 10. Meta menardi, araignée troglophile.
(Photo : Gaëtan ROCHEZ)

Fig. 11. Niphargus sp., Amphipode stygobie.
(Photo Gaëtan ROCHEZ)

Ces dernières années, deux projets de grande envergure
sont encore venus augmenter nos connaissances : d’une
part, PASCALIS, projet européen (2002-2003) ciblant plus
particulièrement les eaux souterraines (MARTIN & al.,
2009) et d’autre part l’étude des Acariens cavernicoles
menée à l’UCL (DUCARME, MICHEL & LEBRUN, 2003). Un
historique plus complet de la biospéologie belge a été
donné par DETHIER & TERCAFS (2013).

Il faudrait encore citer les « accidentels », qui sont tombés
par hasard dans une grotte (comme le petit chien de
Comblain) et qui sont destinés à servir le plus souvent de
nourriture aux autres habitants de la cavité. LERUTH
(1939), à notre connaissance, n’a effectué que deux visites
à Comblain : les 19 et 26 mars 1933. Il y a néanmoins
recensé 15 espèces, dont 3 troglobies.

8

Dans les notes et la collection de DELHEZ, nous n’avons
retrouvé aucune trace de son passage dans cette grotte
(DELHEZ et al., 1999). Pour notre part, nous y sommes allés
si souvent, entre 1998 et jusqu’à récemment, que nous
avons perdu le compte de nos visites. Nous y avons noté la
présence de 83 espèces, dont cinq troglobies.
À l’heure actuelle, comme le montre le tableau 1 en annexe,
92 espèces d’invertébrés, dont 8 troglobies, ont été
répertoriées dans la grotte de Comblain-au-Pont.
Nous avons essentiellement procédé à des récoltes à vue, à
l’aide d’un fin pinceau et d’un aspirateur entomologique,
ou d’un filet à mailles fines dans le Petit Lac (Fig. 6) et dans
les flaques. Nous avons également prélevé quelques
échantillons de sol ou de débris organiques pour les passer
dans l’extracteur de Berlese. Ce sont des techniques
similaires dont se sont servis DUCARME et al. (2003) dans
leur étude des Acariens cavernicoles. Parfois, nous avons
placé des appâts carnés sous des pierres, que nous sommes
venus relever quelques jours plus tard. Nous n’avons pas
utilisé des pièges-trappes (« Barbers »), trop destructeurs
pour la faune.
Liste systématique et remarques concernant l’annexe :
• « VERS ». LERUTH (1939) ne signale aucun « ver » s.l.
dans la grotte de Comblain. Nous y avons observé et récolté
divers Annélides Oligochètes (Enchytraeidae, Lumbriculidae,…) ainsi que des Némathelminthes, mais, à ce jour,
ce matériel n’a pas pu être identifié jusqu’à l’espèce.
• MOLLUSQUES. Nous avons recensé onze espèces de
Gastéropodes (LERUTH n’en n’avait noté aucune).
Oxychilus cellarius (Müller) est sans doute notre espèce de
Gastéropode la plus troglophile. Il se nourrit de
Lépidoptères trogloxènes engourdis (cf. supra), car il
dispose d’enzymes capables de digérer la chitine (TERCAFS
& JEUNIAUX, 1961). La plupart des autres espèces sont
trogloxènes, certaines sont même accidentelles (Limacidae,
Arionidae) et n’ont été trouvées qu’à l’aplomb de l’abîme.
Aucun Bivalve, comme par exemple des Pisidium, n’a été
recueilli dans le Petit Lac ni dans les vasques découvertes
par le G.R.S.C. en 1993 (cf. supra).
• ACARIENS. LERUTH (1939) avait noté la présence de
neuf espèces à Comblain. Nous en avons trouvé le double
(SKUBALA et al., 2013), auxquelles s’ajoute l’espèce
récoltée par DUCARME et al. (2003), Quadroppia
quadrimaculata Michaël. Ce sont donc au total 22 espèces
d’Acariens qui ont été recensées dans cette grotte. Deux
sont considérées comme troglobies : Vegaia leruthi
Willmann et Belba lengersdorfi Willmann. La première,
découverte à Comblain par LERUTH et décrite par
WILLMANN en 1935, a été revue récemment par MASAN &
MADEJ (2011) sur la base de matériel récolté par nous dans
d’autres cavités (Fayt, Rosée), car nous ne l’avons pas
retrouvée à Comblain. Les autres espèces sont tout au plus
troglophiles mais les Acariens, éléments importants de la
pédofaune (en particulier les Oribates), présentent déjà des
adaptations à la vie souterraine et il est souvent difficile

d’apprécier leur degré de « troglobitude ».
• PSEUDOSCORPIONS, OPILIONS et ARAIGNÉES. Six
espèces ont été recensées au cours de notre étude et une
septième, Porrhomma campbelli Cambridge, a été signalée
par LERUTH (1939) mais que nous n’avons pas retrouvée.
Nous n’avons pas revu le matériel de LERUTH et il se
pourrait que sa détermination soit douteuse et qu’il s’agisse
en fait de P. egeria Simon (BAERT et al., 2009). Dans notre
pays, aucune espèce de ces groupes n’est véritablement
troglobie. L’araignée la plus cavernicole de la faune
souterraine belge est Porrhomma rosenhaueri (L.) Koch,
mais nous ne l’avons pas trouvée à Comblain (RANSY &
DETHIER, 2006).
• CRUSTACÉS. Les Isopodes sont représentés par six
espèces, toutes terrestres et toutes recensées au cours de
cette étude. Les plus troglophiles sont sans doute
Androniscus dentiger Verhoeff et Haplophthalmus mengei
(Zaddach). Il n’y a pas d’Isopodes terrestres troglobies en
Belgique ; seules deux Aselles (aquatiques) du genre
Proasellus peuvent être considérées comme stygobies
(troglobies aquatiques) (DETHIER & HUBART, 2001). Les
Amphipodes comptent trois espèces : Gammarus fossarum
(Koch), espèce épigée souvent entraînée sous terre par les
crues et surtout deux Niphargidae qui sont, eux, stygobies.
Niphargus schellenbergi Karaman est sans doute l’espèce
stygobie la plus représentée dans nos eaux souterraines. La
présence
constante
de
Microniphargus
leruthi
Schellenberg dans le Petit Lac, situé bien au-dessus de la
nappe phréatique de l’Ourthe, est assez surprenante. Cette
minuscule espèce, découverte primitivement dans la grotte
Lyell par LERUTH, a longtemps été considérée comme
endémique de cette cavité. Nous l’avons trouvée aussi dans
la galerie minière de la Chartreuse à Liège (DETHIER, 2016)
et elle est à présent connue dans une bonne demi-douzaine
de cavités belges. Elle a aussi été trouvée en Allemagne et
dans les Îles Britanniques. Des études moléculaires
préliminaires suggèrent que les populations continentales
sont génétiquement différentes des populations insulaires
(FISER et al., 2018). Les Entomostracés sont représentés par
seulement quatre espèces dont deux, Paracyclops
imminutus Kiefer et P. fimbriatus (Fischer), ont été souvent
confondues (PANDOURSKI & DETHIER, 2009). Des
recherches plus approfondies permettraient sans doute d’en
découvrir d’autres.
• DIPLOPODES. Seules deux espèces de mille-pattes ont
été trouvées à Comblain. Ce sont toutes les deux de vraies
troglophiles. Notre faune ne compte pas d’espèces
troglobies (KIME & DETHIER, 2010).
• COLLEMBOLES. Vingt-quatre espèces de ce groupe
d’Hexapodes primitifs ont été recensées à Comblain, dont
trois par LERUTH et 24 par nous (JANSSENS & DETHIER,
2005). Quatre sont considérées comme troglobies :
Schaefferia willemi (Bonet), Deharvengiurus severini
(Willem), Oncopodura dethieri Janssens & De Bruyn et
Arrhopalites pygmaeus (Wankel). O. dethieri a été décrit
en 2010 par JANSSENS & DE BRUYN sur la base de
spécimens récoltés à Comblain par nos soins, mais aussi
dans la grotte du Fayt à Jemelle, dans le Trou Manto à Huy
9

et dans la grotte Steinlein à Comblain-au-Pont. Bien que
dépigmentée et anophtalme, Folsomia candida Willem se
rencontre fréquemment en dehors des grottes. À l’instar des
Acariens, les Collemboles sont essentiellement des
animaux du sol et beaucoup d’espèces présentent donc des
« préadaptations » à la vie souterraine. DELHEZ (note
manuscrite) signale la présence, le 4.IV.1965, de Anurida
granaria (Nicolet) et de Onychiurus sublegans Gisin dans
une petite cavité à gauche de la route d’Aywaille. Il pourrait
s’agir de la grotte des Collemboles.
• ARCHÉOGNATHES. Les « petits poissons d’argent »
sont représentés ici par une espèce très commune, Lepisma
saccharina, que l’on trouve pratiquement dans tous les
lieux sombres et humides, y compris dans nos caves.
• HÉTÉROPTÈRES. Beaucoup d’espèces de Cydnidae
vivent dans les premiers centimètres de sol, mais montent
aussi sur la végétation. Leur présence dans les grottes est
accidentelle. Tous les individus récoltés ont d’ailleurs été
trouvés morts à l’aplomb de l’abîme. Au même endroit, une
larve de Psocoptère (« poux des livres ») indéterminable a
été recueillie.

nombreuses : Macrogastra rolphii, Sphaeradium doliolum,
Armadillidium vulgare, Porcellio scaber et Neobisium
carcinoides (deux ou trois Pseudoscorpions fraîchement
pris dans une coulée de calcite de la galerie artificielle ont
été observés, sans qu’il soit possible de les identifier
jusqu’à l’espèce). Cette faune ne se retrouve pas plus loin
dans la cavité. Les espèces troglophiles sont nombreuses et
se rencontrent parfois même jusqu’au fond de la grotte :
Oxychilus cellarius, Meta menardi, les deux (?) espèces du
genre Porrhomma, probablement la plupart des espèces
d’Acariens et de Collemboles (cf. supra). Androniscus
dentiger, Haplophthalmus mengei, Blaniulus guttulatus,
Tachypodoiulus niger, Quedius mesomelinus et Speolepta
leptogaster sont les plus représentatives. Les petits
Copépodes trouvés dans les flaques (Paracyclops
imminutus, P. fimbriatus, Macrocyclops albidus et
Attheyella crassa) proviennent peut-être de la zone vadose
surplombante. Les espèces troglobies (ou stygobies comme
dans le cas des deux Niphargidae) sont strictement
confinées dans les zones profondes : Vegaia leruthi, Belba
lengersdorfi, Schaefferia willemi, Deharvengiurus
severini, Oncopodura dethieri et Arrhopalites pygmaeus
n’ont jamais été trouvés en deçà de la salle des Échos.

• COLÉOPTÈRES. Megasternum concinnum Marsham)
est synonyme de M. boletophagum Marsham. D’habitude,
les Staphylins sont plus fréquents dans les grottes mais
seules trois espèces ont été recensées à ce jour à Comblain,
dont Quedius mesomelinus Marsham, troglophile très
fréquent dans nos grottes. Psylliodes affinis (Paykull) est un
bel exemple d’espèce accidentelle, puisqu’il s’agit de
l’Altise de la pomme de terre !
• DIPTÈRES. Tout notre matériel n’a pas encore été
identifié jusqu’à l’espèce (il reste encore quelques
Sciaridae et Phoridae indéterminés) mais il apparaît déjà
que l’espèce la plus troglophile, Speolepta leptogaster
(Winnertz), s’est fortement raréfiée au cours de ces
dernières années (nous ne l’avons plus revue à Comblain
depuis au moins 10 ans). Il est curieux de constater que
LERUTH ne note la présence d’aucun Diptère à Comblain.
Peut-être cela tient-il à la morphologie de l’entrée. À
l’époque de LERUTH, l’abîme était le seul accès à la grotte.
Or, aujourd’hui, les Diptères s’observent le plus
fréquemment dans la galerie artificielle.
En termes de répartition et d’évolution de la faune, on
distingue classiquement, dans les grottes belges, une zone
de pénombre plus ou moins importante, en fonction de la
morphologie de l’entrée, et une zone profonde, où la
lumière ne pénètre jamais. À moins de la présence d’une
étroiture, on passe assez progressivement de l’une à l’autre.
À Comblain, en raison des caractéristiques morphologiques
(galerie artificielle) et microclimatiques évoquées plus
haut, la séparation est plus abrupte et se traduit dans la
répartition de la faune. À l’aplomb de l’abîme, on observe
plusieurs espèces accidentelles, comme
Limax
cinereoniger, Arion distinctus, Legnotus limbosus,
Psylliodes affinis, Gammarus fossarum (dans des flaques
d’eau). Dans la galerie artificielle et dans les galeries
naturelles au pied de l’abîme, les espèces trogloxènes sont
10

Fig. 12. Limonia nubeculosa, Diptère trogloxène parasité par
un champignon microscopique. (Photo Gaëtan ROCHEZ).

La grotte de Comblain est certes une cavité abritant une
faune diversifiée mais d’autres grottes, plus modestes, se
sont révélées encore plus riches. DETHIER & HUBART
(2011) ont rassemblé toutes les données faunistiques
disponibles concernant les grottes de Ramioul (qui n’a pas
été visitée par LERUTH) et la Grotte ‘aux Végétations’.
Dans la première, ce sont 214 espèces qui y ont été citées
au moins une fois, dont sept troglobies, et dans la seconde,
pas moins de 161 espèces, dont quatre troglobies. Il est vrai
que ces deux cavités ont fait l’objet de recherches encore
plus intensives que Comblain. Des cavités artificielles se
sont également révélées intéressantes pour la faune
invertébrée : la galerie minière de la Chartreuse à Liège
abrite 72 espèces, dont six troglobies (DETHIER, 2016) et
les carrières souterraines de Lanaye en comptent 214. Mais
là, en raison des conditions microclimatiques fluctuantes,
on ne rencontre aucun troglobie (DETHIER, 2007).
À Comblain, nous restons convaincus que de nouvelles
visites et l’utilisation d’autres techniques de récolte
(filtration de l’eau de percolation, par exemple)

permettraient de détecter la présence de bien d’autres
espèces encore, en particulier d’Entomostracés dont
certains sont cavernicoles.
La disproportion du nombre de visites (deux par LERUTH et
nettement plus nombreuses au cours de ce travail) ne
permet pas d’envisager une comparaison diachronique et
d’esquisser une évolution de la faune de Comblain. Il faut
néanmoins souligner que LERUTH, en deux visites, a quand
même recueilli 15 espèces parmi lesquelles trois troglobies,
dont deux n’ont pas été retrouvées au cours de cette étude.
Il nous a fallu bien plus de visites et l’utilisation de
techniques de récolte autres que la chasse à vue pour
recenser 84 espèces, dont cinq troglobies. Ces chiffres
laissent quand même supposer que la faune des invertébrés
de Comblain a sans doute été victime de la première
exploitation touristique et de la période de vandalisme qui
a suivi sa fermeture en 1982.
Cette dégradation reste heureusement sans commune
mesure avec celle qui a affecté la grotte de Ramioul et, dans
une moindre mesure, celle ‘aux Végétations’. À Ramioul
(cavité que LERUTH n’a pas étudiée), entre les visites de
DELHEZ dans les années ’50-’60 et celles réalisées dès la
fin des années 90 à ce jour par J.-M. HUBART et M.
DETHIER, on a constaté un véritable effondrement de la
faune cavernicole au sens large (DETHIER & HUBART,
2011). Dans la grotte Monceau (Tilff, province de Liège),
nous avons également noté un appauvrissement relatif de la
faune troglobie (DETHIER & DUMOULIN, 2004).
LES VERTÉBRÉS
Les chauves-souris sont évidemment les Vertébrés
emblématiques du monde souterrain. Dans notre pays, on a
recensé une vingtaine d’espèces. Pratiquement toutes sont
menacées, certaines même en voie de disparition. LAMOTTE
(2007) a dressé un bilan exhaustif de la situation des
Chiroptères dans les sites souterrains protégés de Wallonie.
La grotte de Comblain est une cavité souterraine d’intérêt
scientifique (C.S.I.S) depuis 2001. Elle fut, jusqu’à la fin
des années ’50, un site de première importance pour
l’hivernage des chauves-souris, en particulier pour le Grand
Rhinolophe, Rhinolophus ferrumequinum (Schreber,
1774)) et le Petit Rhinolophe, R. hipposideros (Bechstein,
1800). À cette époque, on y dénombrait respectivement
jusqu’à 70 et 30 individus. Le réseau « sauvage » de la
grotte (c’est-à-dire non visité par les touristes, à savoir la
salle des Mammouths, la salle Argentée, la salle du
Mondmilch et celle de l’Abîme) abritait, en 1958, 12
espèces de chauves-souris représentées par quelque 135
individus. En 2005, on n’y rencontrait plus que cinq
espèces et une dizaine d’individus seulement. Au cours de
notre étude, nous n’avons procédé à aucune observation
concernant les chauves-souris, mais cette très sensible
dégradation de la faune chiroptérologique nous conforte
dans l’idée que, depuis LERUTH, la faune invertébrée s’est
sans doute aussi dégradée. Afin de suivre au plus près
l’évolution des populations de ces petits Mammifères, un
centre d’interprétation de la chauve-souris a été créé à
Comblain-au-Pont, à proximité des anciennes carrières

souterraines du Grand Banc, autre site important pour les
Chiroptères.
Des fouilles archéologiques, menées par les Chercheurs de
la Wallonie en 1907, puis par J.- M. Cordy à la fin du siècle
dernier, ont montré que les chauves-souris n’ont pas été les
seuls Vertébrés à fréquenter (sans doute involontairement)
l’abîme de Comblain : de nombreux crânes de Canidae
(sans doute des loups), mais aussi des ossements de bovins
(y compris d’auroch) et de chevaux y ont été découverts.

LA FLORE
En raison de l’obscurité qui y règne, les végétaux
chlorophylliens ne se développent pas dans les grottes, sauf
dans la zone de pénombre qui suit l’entrée. Là, on peut
observer, sur les parois rocheuses, des algues, des mousses,
des fougères et même des Angiospermes, parfois déformés
par leurs conditions de vie précaires. À Comblain, cette
flore est bien présente dans l’abîme et dans la salle du
même nom.
Mais les grottes touristiques sont menacées par ce que l’on
appelle la « maladie verte ». Les visiteurs amènent avec eux
spores et grains de pollen et l’éclairage artificiel permet leur
germination jusque dans les parties profondes de la cavité
(SLAGMOLEN & SLAGMOLEN, 1989). En Belgique,
GARBACKI (1996) a consacré une étude à cette flore
envahissante, à cette « pollution verte », dans quelquesunes de nos grottes. Elle y a relevé la présence de 35 à 40
espèces de plantes indésirables. Outre son aspect
inesthétique (en particulier sur les concrétions !), cette
prolifération n’est certainement pas favorable au fragile
environnement souterrain.
Un aspect encore très peu connu de la biospéologie
concerne la microflore (Bactéries et Champignons
microscopiques). Chez nous, elle a fait l’objet de
recherches à Ramioul (MALLOCH & HUBART, 1987 ;
MALLOCH & KHAN, 1988). Il y a quelques années, le
professeur M. CARNOL (Université de Liège) a entrepris
une étude des Bactéries dans la grotte Sainte Anne à l’aide
de techniques moléculaires basées sur l’extraction directe
de l’ADN sans passer par des cultures en laboratoire.
Enfin, cette microflore fongique peut parfois nous réserver
des surprises. Entre 2006 et 2008, nos grottes (y compris
celle de Comblain) ont été le théâtre d’une extraordinaire
pullulation du Diptère Limonia nubeculosa, immédiatement suivie d’une extermination massive due à un
champignon parasite du genre Paecilomyces (DETHIER &
BRIFFOZ, 2008). (Fig. 12).

ET L’HOMME ?
L’Homme n’a pas attendu la découverte « officielle » de la
grotte pour y pénétrer ou y être jeté ! En 1947, au cours de
travaux d’aménagement, les vestiges osseux de trois
hommes, dont un au moins était entravé par une chaîne, ont
été découverts au fond de l’abîme. Des datations au carbone
14 faites à l’UCL ont permis d’estimer que ces individus
11

étaient contemporains et devaient vivre dans la première
moitié du 13e s. de notre ère. Ils ont probablement été les
victimes des bandes d’envahisseurs venus du Luxembourg
et qui s’étaient emparés de la forteresse de Comblain.
En 1985 et 1991, des fouilles menées par J.-M. CORDY
(Université de Liège) ont encore permis de mettre au jour
les restes de trois adultes et d’un adolescent. Une datation
de ces ossements par spectrographie de masse est
programmée.
Enfin, les grottes ont été, de tous temps et partout dans le
monde, le domaine privilégié de créatures fantastiques
(nains, dragons,…) et de cérémonies initiatiques (DETHIER,
2003). Nos cavités souterraines, avec leurs nutons, leurs
sotais et autres chèvres d’or, ne font pas exception à la
règle. Dans la région de Comblain, DE BLOCK (2007)
rappelle l’histoire du chevalier Gilles de Many et de la
Dame Blanche de la Belle Roche, gardienne d’un trésor
dans la grotte du même nom, du généreux chapelain
Blendeff, du seigneur du Halleux qui roula le diable et du
chevalier pillard de la Trawêye Rotche, qui sauva son âme
in extremis.

CONCLUSIONS
Cette modeste approche pluridisciplinaire montre bien
qu’en dépit des nombreuses recherches déjà consacrées à la
grotte et abîme de Comblain-au-Pont, il reste encore sans
doute bien des choses à découvrir dans cette cavité.
- Deux hypothèses permettant d’expliquer la formation de
la grotte sont proposées : « descendante » et « ascendante ».
De nouvelles observations permettraient probablement
d’étayer l’une ou l’autre.
- L’étude du microclimat et de l’hydrogéologie pourrait
encore être affinée et ainsi amener à une meilleure
compréhension de la répartition des organismes et de
l’évolution de la composition atmosphérique de la cavité
(augmentation du gaz carbonique).

12

- La liste des invertébrés proposée dans ce travail, bien que
déjà longue (92 espèces recensées, dont huit troglobies ou
stygobies), n’est sans doute pas close. Il conviendrait en
particulier de distinguer les espèces d’Entomostracés
vivant dans la zone vadose de celles fréquentant la zone
phréatique. Des groupes entiers de « vers » s.l. n’ont pas
encore pu être identifiés à l’espèce et les Protozoaires
n’ont fait l’objet d’aucune recherche. Les Diptères
trogloxènes des entrées, tant naturelle qu’artificielle,
mériteraient également une étude plus attentive. La
microflore (Champignons microscopiques et Bactéries)
constituerait certainement un champ d’investigation
particulièrement intéressant, encore largement inexploité
de nos jours en Belgique.
Enfin, la découverte de nouvelles salles n’est pas
totalement exclue, comme semblent l’indiquer les
recherches prometteuses du GRSC. Outre des spéléologues
avertis, ces recherches exigeraient aussi la collaboration de
chercheurs de diverses disciplines.

REMERCIEMENTS
Nous remercions nos collègues et amis spéléologues, qui
nous ont accompagnés à maintes reprises dans la grotte de
Comblain et nous ont apporté leur aide. Nous pensons plus
particulièrement à Pol XHAARD et à José SCHOONBROODT,
ainsi que bien sûr, à nos amis disparus, Jean-Marie HUBART
et Jean-Pierre DISCRY.
Sans l’aide d’éminents spécialistes, il ne nous aurait pas été
possible d’identifier avec rigueur toutes les espèces
rencontrées. Il s’agit en particulier de Piotr SKUBALA et de
ses collègues polonais (Acariens), de Léon BAERT et de feu
Maurice RANSY (Araignées), de Karel WOUTERS et de
Frank FIERS (Entomostracés) de l’Institut royal des
Sciences naturelles de Belgique et enfin de Frans JANSSENS
(Collemboles) de l’Université d’Anvers.
Certaines photos illustrant cet article sont les œuvres de nos
amis Michel PHILIPPE, Albert DUBOIS et Gaëtan ROCHEZ,
que nous remercions chaleureusement..

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ANNEXE : Faune des invertébrés de l'Abîme de Comblain-au-Pont
(A : récoltes de LERUTH, 1939 – B : récoltes récentes. En gras : espèces les plus cavernicoles)

Groupes

Familles

Genres et espèces

GASTÉROPODES

Clausiliidae

Macrogastra rolphii (Turton, 1831)



Orculidae

Sphyradium doliolum (Bruguière, 1732)



Vitrinidae

Vitrina pellucida (O.F. Müller, 1774)



Zonitidae

Oxychilus cellarius (O.F. Müller, 1774)



Zonitoides nitidus (O.F. Müller, 1774)



Trichia hispida (Linné, 1758)



Helicodonta obvoluta (O.F. Müller, 1774)



Perforatella incarnata (O.F. Müller)



Discidae

Discus rotundatus (O.F. Müller, 1774)



Limacidae

Limax cinereoniger Wolf, 1803



Arionidae

Arion distinctus Mabille, 1868



Helicidae

14

A

B

MÉSOSTIGMATES

Parasitidae

Veigaiidae

Parasitus loricatus (Wankel, 1861)





Eugamasus magnus (Kramer, 1876)



Eugamasus sp.



Veigaia transisale (Oudemans, 1902)



Veigaia leruthi Willmann, 1935



Phaulodinychidae

Phaulodiaspis advena (Trägardh, 1912)



Pachylaelapidae

Pachylaelaps karawaiewi Berlese, 1921




Pachylaelaps sp.

PROSTIGMATES

ORIBATES



Parasitus sp.



Uropodidae

Uropoda sp.

Rhodacaridae

Cyrtolaelaps mucronatus (Canestrini, 1881)



Macrochelidae

Macrocheles carinatus (C.L. Koch, 1839)



Macrocheles sp.



Rhagidiidae

Rhaghidia terricola (C.L. Koch, 1836)



Eupodidae

Linopodes motatorius (Linné, 1758)



Thrombidiidae

Gen. sp.

Ceratozetidae

Euzetes globulus (Nicolet, 1855)

Damaeidae

Belba lengersdorfi Willmann, 1932





Metabelba pulverulenta (C.L. Koch, 1839)



Porobelba spinosa (Sellnick, 1920)



Epidamaeus sp.



Paradamaeus clavipes Hermann, 1804)



Damaeus onustus (C.L. Koch, 1841)



Oppiidae

Quadroppia quadrimaculata (Michael, 1936)




Eremaeidae

Eueremaeus oblongus (C.L. Koch, 1835)

Ixodida

Ixodidae

Ixodes vespertilionis (C.L. Koch, 1844)

PSEUDOSCORPIONS

Neobisiidae

Neobisium carcinoides (Hermann, 1804)



OPILIONS
ARAIGNÉES

Phalangiidae

Rilaena triangularis (Herbst, 1799)



Metidae

Meta menardi (Latreille, 1804)



Palludiphantes cf. pallidus (Cambridge, 1871)



Lepthyphantes sp.



Linyphiidae

ISOPODES





Porrhomma egeria Simon, 1884



Armadillidiidae

Armadillidium vulgare (Latreille, 1804)



Porcellionidae

Porcellio scaber Latreille 1804



Oniscidae

Oniscus asellus Linné, 1758



Androniscus dentiger Verhoeff, 1908



Haplophthalmus mengei (Zaddach, 1844)



Gammarus fossarum (C.L. Koch, 1835)



Niphargus schellenbergi Karaman, 1932



Microniphargus leruthi Schellenberg, 1934



Paracyclops imminutus Kiefer, 1829



Paracyclops fimbriatus (Fischer, 1857)



Macrocyclops albidus (Jurine, 1890)



Attheyella crassa (Sars, 1863)



Trichoniscidae
AMPHIPODES

Porrhomma campbelli Cambridge, 1894



Gammaridae
Niphargidae

COPÉPODES
Cyclopidae
Canthocamptidae

15

DIPLOPODES
Blaniulidae

Blaniulus guttulatus (Fabricius, 1798)

Iulidae

Tachypodoiulus niger (Leach, 1815)

COLLEMBOLES
Neanuridae

Hypogastruridae

Onychiuridae

Oncopoduridae
Tomoceridae

Isotomidae

Entomobryidae
Arrhopalitidae






Neanura muscorum (Templeton, 1835)



Anurida granaria (Nicolet, 1847)



Hypogastrura purpurescens (Lubbock, 1867)



Ceratophysella bengtssoni (Agren, 1904)



Schaefferia willemi (Bonet, 1930)



Onychiurus ambulans (Linné, 1768)



Onychiurus arans Gisin, 1952



Onychiurus dissimulans Gisin, 1952



Onychiurus sublegans Gisin, 1960



Deharvengiurus severini (Willem, 1902)



Kalaphorura burmeisteri (Lubbock, 1843)



Oncopodura dethieri Janssens & De Bruyn, 2010



Tomocerus minor (Lubbock, 1862)





Pogonognathellus flavescens (Tullberg, 1871)



Folsomia candida Willem, 1902



Folsomia manolachei Bagnall, 1939



Folsomia quadrioculata (Tullberg, 1871)



Desoria tigrina Nicolet, 1842



Parisotoma notabilis (Schaeffer, 1896)



Isotomurus sp.



Lepidocyrtus lignorum (Fabricius, 1775)




Heteromurus sp.
Arrhopalites pygmaeus (Wankel, 1860)





Arrhopalites caecus (Tullberg, 1871)





ARCHÉOGNATHES

Machilidae

Trigoniophthalmus alternatus (Silvestri, 1904)



HÉTEROPTÈRES

Cydnidae

Legnotus limbosus (Geoffroy, 1785)



Hydrophilidae

Megasternum concinnum (Marsham, 1802)



COLÉOPTÈRES

Quedius mesomelinus (Marsham, 1802)

DIPTÈRES

Total

16





Ocalea rivularis Miller, 1851



Anotylus sculpturatus (Gravenhorst, 1806)



Chrysomelidae

Psylliodes affinis (Paykull, 1799)



Limoniidae

Limonia nubeculosa Meigen, 1804



Mycetophilidae

Speolepta leptogaster (Winnertz, 1863)



Thaumaleidae

Thaumalea verralli Edwards, 19293



Staphylinidae

92

15

84

Natura Mosana, nouvelle série, n° 72 (2019) : 17-22

La genèse de la grotte de l’Abîme de Comblain-au-Pont
(Prov. de Liège, Belgique)
Jean GODISSART*

RÉSUMÉ
La grotte de l’Abîme de Comblain-au-Pont s’est développée dans le synclinal carbonifère éponyme en rive gauche de l’Ourthe. La grotte
compte 850 mètres de galeries et une dizaine de salles reliées entre elles par des conduits de section métrique, avec un aven de 22 mètres
de profondeur formant l’entrée naturelle. Les planchers des salles, hautes de 15 à 20 mètres, se situent à différents niveaux. Une genèse
est proposée à partir d’une évolution des salles en domepits per ascensum.
ABSTRACT
The cave of Comblain-au-Pont is located in a carboniferous syncline on the left bank of the river Ourthe. The natural entrance of the
cave is a 22 meters shaft, leading to a row of chambers 15 to 20 meters high headed from east to west and connected by galleries at
different levels. The rooms are domepits lacking of any connexion with the surface of the landscape. We propose a genesis for this cave
based on corrosion per ascensum.
* Rue de Cracovie, 19, 4030-Liège. Courriel : godissart.jean@gmail.com

___________________________________________

INTRODUCTION
La dissolution du calcaire en présence des eaux pluviales
acidifiées par le gaz carbonique atmosphérique est à
l’origine des phénomènes karstiques. En surface, l’érosion
qui en résulte forme l’exokarst, présentant une morphologie
originale : c’est le domaine des chantoirs, des dépressions,
des lapiaz et des vallées sèches. Les eaux de ruissellement
ne pénètrent guère dans les roches imperméables comme
les schistes ou les grès, mais elles s’engouffrent dans le
calcaire progressivement érodé, et elles resurgissent aux
points bas des vallées.

8 et 4 km de la résurgence du Moulin (BELLIÈRE, 2015 ; EK
& GODISSART, 2007 ; MEUS, 1993 ; VAN DEN BROECK,
MARTEL & RAHIR, 1910) (Fig. 1).

L’ENDOKARST
 La morphologie

L’EXOKARST

La grotte (Fig. 2) compte 800 mètres de galeries et s’étend
d’ouest en est, suivant la stratification ; elle comprend dix
salles selon un réseau de diaclases transversales
subverticales d’allure N-S et perpendiculaires aux
couches géologiques (en rouge sur la figure). Les salles
sont connectées entre elles par des couloirs
horizontaux de section métrique situés à différents
niveaux (Fig. 3). Dans la partie orientale de la grotte, la
salle du Mondmilch (flèche n°1) est prolongée par une
large galerie remontant vers l’est jusqu’à hauteur du
thalweg d’un ravin sec de forte pente (20%) qui a entaillé
le versant de l’Ourthe sur quelques centaines de mètres.
Les plafonds des salles, ainsi que le sommet de la galerie
du Mondmilch, sont alignés sur la cote de 58 mètres (trait
en gris sur la Fig. 3) au-dessus de l’Ourthe actuelle.

Le synclinal tournaisien-viséen de Comblain-au-Pont est
orienté ouest-est, et recoupé par le sillon de l’Ourthe qui, à
cet endroit du Synclinorium de Dinant, coule vers le nord.
La superficie du synclinal est de 26 km² et les principaux
chantoirs de Lizin et de Vien se trouvent respectivement à

Les parois des salles sont généralement lisses tandis que
les plafonds sont criblés de formes de corrosion chimique
et coiffés de coupoles (Fig. 5 et 8) et ne présentent en
aucun endroit la trace d’une communication avec la
surface topographique sauf à hauteur de l’aven.

L’érosion provoquée par le trajet souterrain de l’eau forme
l’endokarst : les eaux pluviales façonnent des conduits qui
suivent les joints de la roche et qui s’amplifient en puits et
poches de taille parfois considérable. Les vides ainsi créés
sont définis en deux zones : la zone phréatique, noyée par
les eaux souterraines, et la zone vadose ou aérée, où
percolent les eaux d’infiltration avant d’atteindre la zone
phréatique et qui comprend notamment les grottes, parfois
ouvertes à l’air libre et accessibles à l’Homme.

17

 Les dépôts sédimentaires
Les parois des salles 5 à 10 sont recouvertes d’un dépôt
limoneux de plusieurs centimètres d’épaisseur, en
particulier sur les faces inclinées (LECLERCQ, 1926). Les
stalagmites sont parfois noyées dans des sédiments
argileux, comme le montre la figure 6.

En revanche, la roche à l’intérieur des domepits1 est nue
et intacte : les fortes crues de l’Ourthe qui se sont succédé
après la descente du niveau de base n’ont pu les atteindre
(Fig. 8).

Légende
1. Résurgence du Moulin
2. Grottes de Comblain-au-Pont
3. et 4. Chantoirs de Vien et Lizin

Fig.1. ‒ Les phénomènes karstiques du synclinal de Comblain-au-Pont.
Les flèches rouges montrent les traçages effectués par Ph. MEUS en 1988 et 1989 (MEUS, 1993).
La courbe bleue en pointillés partant du village de La Roke montre le cours du ravin sec dit « Fond de
Cobouhy » situé à 400 mètres au sud de la grotte de Comblain. (D’après MEEUS, 1993)
Le trait en pointillés bleus en 2 représente le ravin sec associé à la grotte (voir coupe figure 4).

Fig. 2. ‒ Plan de la grotte de Comblain-au-Pont. D1 et D2 figurent deux diaclases dont les plans sont
perpendiculaires au plan de la figure (voir figures 3 et 4). (D’après Groupe de Recherches
spéléologiques de Comblain-au-Pont, 1992).

1

Les domepits sont des cavités verticales dont le sommet est
arrondi en forme de dôme.
18

Fig. 3. ‒ Coupe de la grotte de Comblain-au-Pont. Les flèches numérotées de 1 à 10 indiquent les
différentes salles. Les altitudes sont comptées à partir du niveau actuel de l’Ourthe. Le paléo-niveau de
base est figuré par le trait horizontal en pointillés à 58 mètres au-dessus de l’Ourthe. Le cadre en
pointillés verts délimite la partie antérieure de la grotte schématisée en figure 4. Les notations D1 et D2
désignent deux diaclases génératrices des salles (domepits).

Est
E

Ouest
E

Fig. 4. ‒ Coupe schématique de l’est à l’ouest du synclinal. Le cadre en pointillés verts reprend les
éléments de la figure 3, D1 et D2 sont les diaclases à l’origine des salles. La zone phréatique est en bleu,
la zone vadose en rose. Les altitudes (échelle non respectée) sont comptées à partir du niveau actuel de
l’Ourthe. Le pointillé bleu à 58 mètres au-dessus de l’Ourthe serait un paléo-niveau de la rivière. Le
niveau de 40 mètres correspond à l’altitude moyenne de la base des salles. La flèche rouge donne la
mesure de la piézométrie dans la zone phréatique. Les flèches bleues indiquent le sens des courants.

LA GENÈSE
EK (1969) et DUBRU (1995) expliquent la genèse de la
grotte de Comblain-au-Pont par l’engouffrement des eaux
de surface s’écoulant d’ouest en est dans un vallon, et qui
aurait alimenté des pertes successives d’aval en amont.
Ainsi se serait développée de proche en proche cette suite
de dix salles disposées en chapelet.
Une analyse de la morphologie de la grotte remet en
question cette hypothèse. La figure 4 décrit la circulation
hydrologique à l’intérieur du karst lorsque l’Ourthe coulait

à l’altitude de 58 mètres au-dessus de son niveau actuel
(LOHEST & FOURMARIER, 1903).
À cette époque de son évolution, la grotte se développait en
milieu phréatique et les différentes salles se sont formées
sous l’effet de la pression hydrostatique exercée à leur base
à partir des diaclases.
Dans leur circulation de bas en haut au sein des salles, les
eaux souterraines ont dissous et évacué les couches

19

Fig. 5. ‒ Secteur central du plafond de la salle des Échos (photo Michel PHILIPPE).

Fig. 6. ‒ Dépôts limoneux et stalagmites dans la salle des Loups (photo Michel PHILIPPE).

successives de roche calcaire et en ont évacué les produits
20

successives de roche calcaire des plafonds et en ont évacué
les produits vers l’exutoire. Cette corrosion ascendante
s’est poursuivie jusqu’à l’altitude du niveau de base de
l’Ourthe, soit 58 mètres au-dessus de son cours actuel. Au
cours du retrait du niveau de base de l’Ourthe ancienne, il
s’ensuit une reprise d’érosion du réseau de surface, un
ravinement des vallées en même temps qu’un rabattement
de la nappe phréatique vers un exutoire inférieur, ce qui
induit une émergence de la galerie et de ses salles pour
atteindre un nouvel équilibre hydrodynamique.
Le ravin est long de 300 mètres et il présente une pente de
20%. Il s’est creusé pendant cette phase de l’évolution du
karst, et il a canalisé les eaux de la résurgence jusqu’à
l’Ourthe qui s’encaissait, ce qui explique sa forte pente.
La figure 7 expose le profil en long du Fond de Cobouhy,
un ravin sec creusé dans les formations du Tournaisien qui
borde le flanc sud du Synclinal de Comblain-au-Pont, et
situé 400 mètres au sud de la grotte jusqu’au village de La
Roke (voir Fig. 1).
Le profil qui accuse une pente moyenne de 5%, montre
plusieurs ruptures de pentes. La rupture de pente située 50

mètres au-dessus de l’Ourthe pourrait être contemporaine
de la phase de reprise d’érosion décrite plus haut (EK,
1957).
CONCLUSION
L’exposé qui précède ne prétend pas clore le débat sur la
genèse de la grotte de l’Abîme de Comblain-au-Pont qui a
déjà fait couler beaucoup d’encre. Sur base des quelques
aspects de sa morphologie, on peut soutenir que l’origine
de la grotte de Comblain-au-Pont est en réalité une
résurgence, et non un chantoir comme le pensaient EK
(1969) et DUBRU (1995). De nouvelles études devraient
encore être effectuées pour confirmer cette hypothèse.

REMERCIEMENTS
Nos remerciements s’adressent à Michel DETHIER et à
Camille EK qui ont accepté de relire et de critiquer notre
copie, à Michel PHILIPPE qui a réalisé les photos
souterraines, à Carine BILLY, Hélène SEVRIN et Nicolas
KLINGER pour leurs recherches toponymiques.

Ouest
La Roke

Est

Fig. 7. ‒ Profil en long du ravin sec dit « Fond de Cobouhy ».

21

.

.

Fig. 8. Intérieur d’une coupole dans la salle des Loups.
(photo Michel PHILIPPE).

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Natura Mosana, nouvelle série, n° 72 (2019) : 23-28

La réserve « Au Brûlé » à Marche-en-Famenne
(Prov. de Luxembourg, Belgique)
Jean-Louis GIOT* et Geneviève ADAM**

RÉSUMÉ
De mai à septembre 2019, plusieurs prospections botaniques, tant collectives qu’individuelles, ont été menées dans la réserve naturelle
domaniale « Au Brûlé », située au nord-ouest de la ville de Marche-en-Famenne. Cette réserve de 12 hectares résulte de l’abattage de
plantations de résineux dans le cadre du projet LIFE papillons. La mise en lumière du site, au sein duquel ont été préservées des parcelles
de feuillus, a permis la reconstitution de prairies humides oligo-mésotrophes. En raison de conditions particulières d’économie en eau
ainsi que d’autres facteurs édaphiques, les espèces hygrophiles y sont associées à une végétation des milieux plus secs, constituant un
cortège floristique typique de la Famenne schisteuse. Quinze mares ont été creusées, renforçant la diversité des milieux. Les résultats de
l’inventaire floristique livré ici représente un état des lieux un peu plus de deux ans après la restauration du milieu.
ABSTRACT
From May to September 2019, several botanical surveys, both collective and individual, were achieved in the state nature reserve "Au
Brûlé", located northwest of the city of Marche-en-Famenne. This 12-hectare reserve is the result of the logging of resinous plantations
as part of the LIFE butterflies project. The lighting of the site, in which hardwood plots have been preserved, has allowed the
reconstruction of wet micromesotrophic meadows. Due to special water-saving conditions and other edaphic factors, hygrophile species
are associated with drier vegetation, constituting a typical shale Famenne set. Fifteen ponds have been dug, reinforcing the diversity of
the environment. The results of the floristic inventory delivered here constitute an assessment a little more than two years after the
restoration of the environment.

* Rue de Focagne 16, B-6990 Marenne. Courriel : giotjl@hotmail.com
** Rue du Coirbois 75, B-5580 Rochefort. Courriel : genevieveadam@yahoo.fr
_________________________________

INTRODUCTION
Inaugurée le 21 mai 2017, la réserve domaniale « Au Brûlé
» est située au nord-ouest de la ville de Marche-enFamenne, dans le Bois de Famenne (site Natura 2000
BE34014), dans la dépression de la Famenne schisteuse. Le
site (Fig. 1), d’une superficie de 12 hectares, est
actuellement géré par le cantonnement de Marche-enFamenne du Département de la Nature et des Forêts (DNF).
Il avait été rétrocédé à la Région Wallonne par la commune
de Marche pour un euro symbolique, en compensation d’un
projet de lotissement.
Initialement boisé (principalement par des plantations de
Sapin de Douglas), le milieu a été en grande partie mis en
lumière et gyrobroyé de façon à laisser se reconstituer une
prairie humide oligotrophe. Ces travaux ont été entrepris en
2014 dans le cadre de restauration d’habitats particuliers
par le projet LIFE papillons. L’objectif était de favoriser le
retour de papillons menacés, entre autres le Damier de la
succise (Euphydryas aurinia).

La réserve se présente comme un quadrilatère avec des
extensions linéaires vers l’ouest, destinées à assurer la
liaison avec d’autres zones aménagées dans le cadre du
LIFE papillons. Elle se compose de grands espaces ouverts
herbeux, d’un seul tenant des parcelles forestières de
feuillus ayant été maintenues au nord-ouest comme au
nord-est ainsi qu’au sein même de ce complexe prairial
mésohygrophile à hygrophile, sillonné par d’anciens
drains. Quinze mares y ont été creusées (Fig. 4 et 5).
Les prospections, étalées entre mai et septembre 2019, ont
essentiellement concerné les zones ouvertes herbeuses, les
lisières forestières ainsi que les mares. Les visites ont été
menées le plus souvent de façon individuelle par les auteurs
mais l’étude du site a également pu bénéficier de deux
prospections collectives, la première le 18 mai, regroupant
des membres des Naturalistes de la Haute-Lesse (GIOT et
LOUVIAUX, 2019), la seconde le 13 août, avec une équipe
de la Société des Naturalistes de Namur-Luxembourg.

23

SOUS-SOL ESOLS

Fig. 1. ‒ Plan de la réserve « Au Brûlé » à Marche-en-Famenne (Source : DNF, Cantonnement de
Marche-en-Famenne). Les numéros des mares ont été ajoutés par les auteurs.

24

SOUS-SOL ET SOLS
Le substrat géologique est constitué de schistes frasniens,
très fissiles, appartenant au regroupement des Formations
des Valisettes et de Barvaux (Frasnien supérieur). Il s’y
développe des sols argileux humides, gleyifiés, à nappe
phréatique temporaire. À propos de ces sols, SOUGNEZ et
LIMBOURG (1963), dans leur remarquable travail sur les
herbages de Famenne et de la Fagne, résument ainsi la
situation : « Leur économie en eau est peu favorable, en
raison de leur texture et de la faible perméabilité du
substrat. Durant l’hiver et lors des périodes pluvieuses,
l’eau stagne en surface, formant une nappe suspendue
essentiellement temporaire. Malgré cette phase d’engorgement, qui se manifeste dans le profil par l’existence d’un
horizon gley superficiel, la réserve en eau disponible pour
la végétation est, ici encore, rapidement épuisée, car l’eau
ne peut guère s’infiltrer en profondeur ».

l’espace, excepté pour les mares, les fossés ainsi que les
zones relativement engorgées.
Mais un autre facteur contribue à la spécificité du milieu,
c’est la variation spatiale des conditions hydriques qui
influence la structure de la végétation. Cette variation
provient d’une part du microrelief du sol et d’autre part du
battement de la nappe phréatique. On y découvre
effectivement un faciès intriqué résultant de la
juxtaposition de milieux tantôt très secs, tantôt humides,
voire engorgés à inondés ; cette situation favorise la
présence, parfois sur quelques mètres carrés, de groupes
d’espèces mésophiles et même, localement, d’espèces
xérophiles, côtoyant des groupes hygrophiles.

 La strate herbacée

Au sein des fossés et des mares ainsi qu’en milieu
hygromorphe, les espèces des mégaphorbiaies et des bords
des eaux méso-eutrophes sont bien représentées : Alisma
plantago-aquatica, Angelica sylvestris, Athyrium filixfemina, Calystegia sepium, Epilobium parviflorum,
Eupatorium cannabinum, Filipendula ulmaria, Iris
pseudacorus, Juncus articulatus, Lycopus europaeus,
Lysimachia vulgaris, Lythrum salicaria, Myosoton
aquaticum, Persicaria lapathifolia, Phalaris arundinacea,
Ranunculus flammula, Solanum dulcamara, Stachys
palustris, Symphytum officinale, Typha angustifolia,
Valeriana repens, Veronica beccabunga. Carex
acutiformis est très présent sur l’ensemble du site, formant
localement des magnocariçaies dans les zones engorgées et
aux abords des fossés. Carex flava* (coord. IFBL
H6.47.31), espèce considérée comme vulnérable à
l’échelon régional, est abondant par endroits ; il forme entre
autres de grands groupements dans la partie sud-est (entre
la mare 4 et le merlon qui isole la réserve du lotissement
voisin), en bordure d’une zone engorgée occupée par une
jonçaie à Juncus effusus, dans une zone de rétention d’eau
vraisemblablement provoquée par le merlon. Carex flava
est associé çà et là à Hypericum tetrapterum ; tous deux
témoignent du caractère neutro-alcalin du substrat4.

La strate herbacée montre une grande diversité floristique.
La remarque que SOUGNEZ (1978) émettait naguère à
propos du tapis herbacé de la chênaie-charmaie de
Famenne schisteuse s’applique également à celle de ce
milieu ouvert : « un agencement de groupes écosociologiques assez particuliers et d’apparence hétéroclite ».

Les espèces pionnières des sols exondés ou humides sont
représentées essentiellement par Gnaphalium uliginosum et
Juncus articulatus. Juncus bufonius s’avère très peu
présent. En bordure d’ornières engorgées, dans la zone la
plus basse, près du merlon, on trouve une belle population
d’Isolepis setacea.

L’intérêt particulier de ce type de milieu d’une grande
diversité floristique réside en effet dans la coexistence
d’espèces baso-neutrophiles et d’espèces acidiphiles. Son
intérêt résulte tout d’abord de la nature du sol, essentiellement composé d’argiles d’altération des shales et de
schistes avec une charge de bases. Dans la structure
hétérogène de la végétation, ces groupements socioécologiques sont très difficilement individualisables dans

Sur la berge de la mare 3, on observe de nombreuses touffes
d’Eleocharis obtusa (Fig. 2). La plante est également
discrètement présente (une touffe) au bord de la mare 6
ainsi qu’au pied du merlon (coord. IFBL H6.47 31). Cette
cypéracée des communautés continentales, sur sols oligo- à
mésotrophes, a été décrite en Belgique dans des sites
fréquentés par des engins militaires (LAMBINON et MAUSE,
2010 ; VERLOOVE, 2015) ; peut-être cette espèce obsi-

1

D’après les travaux phytosociologique de ROYER et al. (2006).

4

2

Selon la nomenclature de LAMBINON & VERLOOVE (2012).

VÉGÉTATION1 ET FLORE2
 Le recru ligneux
Une recolonisation ligneuse, de densité très variable, a été
constatée avec : outre Alnus glutinosa aux endroits les plus
humides, y sont observés Betula pendula, B. pubescens,
Carpinus betulus, Crataegus monogyna, Cytisus scoparius,
Frangula alnus, Pinus sylvestris, Populus ×canadensis, P.
tremula, Prunus serotina, P. spinosa (localement très
abondant), Quercus robur, Rosa arvensis, R. canina s. str.,
Rubus fruticosus, Salix alba, S. caprea, S. ×multinervis, S.
fragilis, S. triandra, S. purpurea var. lambertiana. Une
espèce rare, Rosa tomentosa*3 a été rencontrée en trois
endroits (coord. IFBL H6 47 31), deux individus sur le haut
de la berge de la mare 7 ainsi qu’un autre en lisière ; cette
espèce est à rechercher plus intensivement.

3

Les espèces marquées d’un astérisque sont reprises dans la Liste
rouge (SAINTENOY-SIMON et coll., 2006).

Comme en témoignent d’autres espèces neutroclines
rencontrées dans laréserve : Agrimonia eupatoria, Carex flacca,
Centaurium erythraea, Colchicum autumnale, Juncus inflexus,
Potentilla reptans, Primula veris, Senecio erucifolius et Trifolium
medium.

25

dionale a-t-elle été introduite ici par une machine de
chantier ayant œuvré en milieu militaire. Juncus tenageia
est présent sur la berge de la mare 4 ainsi qu’au pied du
merlon (coord. IFBL H6.47.31). Quant à Lythrum portula,
on ne relève qu’une petite station également au bord de la
mare 4.

Fig. 2. ‒ Eleocharis obtusa, sur la berge exondée d’une des
mares. (Photo : Geneviève ADAM).

à l’état fertile : Chara globularis (mares 3, 4, 5, 6 et 7) et
C. vulgaris (mare 4).
Dans ces milieux remis en lumière, les espèces des
communautés des prairies s’avèrent abondantes, avec une
intrication de groupements d’affinités différentes pour le
régime hydrique du sol. On relève ainsi des espèces des
communautés prairiales hygrophiles : Agrostis stolonifera,
Ajuga reptans, Cardamine pratensis, Carex cuprina,
Galium palustre, Hypericum dubium, Juncus effusus, J.
inflexus, Lychnis flos-cuculi, Lysimachia nummularia,
Mentha arvensis, Myosotis nemorosa, M. scorpioides,
Potentilla reptans, Ranunculus repens.
Intriqué avec les espèces précédentes, on note un cortège
imposant d’espèces des communautés prairiales
mésophiles à mésohygrophiles, dont bon nombre d’espèces
à amplitude écologique large et dès lors tolérantes à l’excès
temporaire d’humidité : Achillea millefolium, Alchemilla
glabra, A. xanthochlora, Alopecurus pratensis,
Anthoxanthum odoratum, Arrhenatherum elatius, Carex
spicata, Centaurea jacea s.l., Cerastium fontanum, Cirsium
arvense, Colchicum autumnale, Crepis biennis, Festuca
rubra subsp. rubra, Galium mollugo, Heracleum
sphondylium, Lathyrus pratensis, Leucanthemum vulgare,
Luzula campestris, Medicago lupulina, Plantago
lanceolata, Poa pratensis, P. trivialis, Polygonum
aviculare, Prunella vulgaris, Ranunculus acris, Rhinanthus
minor, Rumex acetosa, R. crispus, Senecio jacobaea,
Stellaria graminea, Taraxacum sp., Tragopogon pratensis,
Trifolium dubium, T. hybridum, T. pratense, T. repens,
Veronica chamaedrys, Vicia cracca, V. hirsuta, V. sativa.
Une belle station d’Anacamptis pyramidalis* (neuf
individus) a été observée dans la partie nord-est (coord.
IFBL H7.47.13), au sein d’un recru de Prunus spinosa.

Au niveau des mares, dans l’eau et sur les berges exondées,
on note également : Bidens tripartita, Eleocharis palustris,
Equisetum fluviatile, Gnaphalium uliginosum, Glyceria
notata, Juncus bulbosus, Persicaria lapathifolia et Rorippa
palustris. Potamogeton pusillus* (détermination G.
BOUXIN), P. trichoides* (détermination M.-Th. ROMAIN et
R. ISERENTANT) et Luronium natans* sont présents dans
plusieurs pièces d’eau (mais en ce qui concerne ce dernier,
sa présence résulte d’une introduction volontaire).
La flore phycologique a été étudiée dans neuf mares par
Marie-Thérèse ROMAIN et de Robert ISERENTANT. On
retient particulièrement la découverte de Nitella capillaris
(Fig. 3), une Charophyte, chlorophyte évoluée, découverte
à l’état fertile dans les mares 1 et 2. C’est une espèce
dioïque qui accomplit son cycle de développement au
printemps et disparaît ensuite, les oospores produites
assurant la prochaine germination. N. capillaris se
développe dans les eaux claires non carbonatées, neutres à
faiblement acides (BAILLY & SCHAEFER, 2010), peu
concurrentielle, pionnière des mares nouvellement créées
(MOORE, 1986). Sa présence, comme celle de toutes les
espèces du genre, témoigne du caractère oligotrophe de
l’eau. Deux autres charophytes ont été également observées

26

Fig. 3. ‒ Nitella capillaris.
(Photo : Robert ISERENTANT)

Mentionnons également l’abondance sur toute la réserve de
Centaurium erythraea* et Lotus corniculatus, qui viennent
bien sur les argiles carbonatées.

L’instabilité du régime hydrique du sol argileux sur une
même unité topographique renforce encore cette diversité
végétale, en créant une alternance de conditions tolérées par
des plantes préférant des conditions hydriques très
différentes (comme Carex flacca et Succisa pratensis par
exemple). Ainsi, parmi les espèces prairiales, on relève tout
particulièrement un groupe d’espèces hygrophiles à mésohygrophiles affectionnant les sols non amendés
(oligotrophes à mésotrophes) et soumis à des variations du
régime hydrique : Agrostis canina, Achillea ptarmica (peu
abondant), Carex demissa, C. flacca, C. ovalis, Cirsium
palustre, Deschampsia cespitosa, Juncus conglomeratus,
Lotus pedunculatus, Luzula multiflora subsp. multiflora,
Selinum carvifolia (peu représenté), Senecio erucifolius,
Silaum silaus (une très petite station à proximité du merlon)
et Succisa pratensis5. Ce cortège floristique relève d’un
groupement typique des prairies de fauche semi-naturelles
développées sur les sols lourds et humides de Famenne
schisteuse ; il est actuellement devenu rare en raison de la
conversion en prairies améliorées et du pâturage intensif.
Le passé forestier du site se manifeste par la présence de
Brachypodium sylvaticum, Cardamine flexuosa, Carex
sylvatica, Dryopteris carthusiana, D. filix-mas, Platanthera chlorantha, Potentilla sterilis, Primula elatior,
Scrophularia nodosa, Viola hirta et V. riviniana.
On relève également des espèces des ourlets calcicoles à
acidiclines : Agrimonia eupatoria, A. procera, Aquilegia
vulgaris, Clinopodium vulgare, Euphorbia cyparissias,
Hypericum hirsutum, Origanum vulgare et Trifolium
medium.
Quant aux espèces des pelouses et ourlets sur sols acides6,
certaines sont largement répandues dans les espaces
ouverts, parfois mêlées aux précédentes : Agrostis
capillaris, Carex pallescens, Hypericum pulchrum,
Lathyrus linifolius var. montanus, Polygala vulgaris,
Potentilla erecta, Teucrium scorodonia, Veronica
officinalis (ubiquiste dans la réserve). D’autres, telles
Danthonia decumbens, Deschampsia flexuosa, Dianthus
armeria (découvert en ourlet ainsi que sur les schistes
exondés en bord de mare), Festuca filiformis, Hieracium
laevigatum, H. maculatum, Holcus mollis, Trifolium
aureum, s’avèrent plus discrètes, se cantonnant aux lisières
sèches.

Cruciata laevipes, Epilobium angustifolium, E. ciliatum, E.
montanum, Fragaria vesca, Galium aparine, Geranium
pyrenaicum,
Glechoma
hederacea,
Gnaphalium
sylvaticum, Lapsana communis, Silene dioica, ainsi qu’un
cortège d’espèces nitrophiles et rudérales telles Artemisia
vulgaris, Cardamine hirsuta, Chaenorrhinum minus,
Cirsium vulgare, Conyza canadensis, Daucus carota,
Galeopsis tetrahit, Geranium columbinum, Hypericum
perforatum, Linaria vulgaris, Malva moschata, Melilotus
altissimus, Polygonum aviculare, Silene latifolia subsp.
alba, Solidago gigantea, Tanacetum vulgare et Tussilago
farfara ; ces espèces ne présentent cependant qu’une faible
densité spatiale, excepté dans quelques endroits plus
perturbés. S’y mêlent quelques commensales des cultures,
possible reliquat de l’occupation antérieure des sols7 :
Centaurea cyanus (noté en trois endroits distants, en
H7.47.13 et H7.47.31, mais peut-être introduit),
Chenopodium polyspermum, Echinochloa crus-galli,
Geranium dissectum, Lamium purpureum, Matricaria
maritima subsp. inodora, Myosotis arvensis, Persicaria
maculosa, Sonchus arvensis, S. asper, S. oleraceus,
Valerianella locusta, Veronica arvensis et Vicia
tetrasperma.
On mentionnera également la présence de quelques espèces
horticoles : Aster lanceolatus, A. salignus et des individus
présentant des caractères intermédiaires entre ces deux
espèces. Hieracium aurantiacum constitue ici plusieurs
populations, dont une relativement importante au pied du
merlon ; sa naturalisation dans la région est de plus en plus
fréquemment constatée.
Enfin, pour insérer une petite touche entomologique dans
toutes ces énumérations botaniques, mentionnons la
présence accusée dans la strate herbacée de l’Argiope
fasciée (Argiopa bruennichi), une espèce d’arachnidé des
prairies bien ensoleillées, dont les toiles imposent parfois
au botaniste délicat, soucieux du respect de leur intégrité,
quelques pénibles contorsions.
CONCLUSION

En favorisant la minéralisation de la matière organique, la
mise à blanc des parcelles et le gyrobroyage ont bien
entendu stimulé la croissance d’espèces des coupes et
ourlets forestiers nitrophiles comme Aegopodium
podagraria, Barbarea intermedia, Calamagrostis epigejos,

Cette vaste réserve récemment créée abrite donc un
important cortège floristique de plus de 200 taxons
végétaux appartenant à des groupes socio-écologiques très
variés ; cette diversité végétale est à mettre en relation,
entre autres, avec le substrat géologique. Onze espèces
reprises sur la Liste rouge (SAINTENOY-SIMON et coll.,
2006) y ont été recensées.
Compte tenu de la dimension du site, les prospections
menées à ce jour, le plus souvent de façon individuelle, les

5

7

On notera que la succise est bien présente naturellement sur le
site comme partout ailleurs aux alentours. Il y a cependant eu
localement des semis avec des graines en provenance du camp
militaire tout proche afin de renforcer les populations.
6

Un très bel exemple d’ourlet comprenant un bon nombre
d’espèces de ce type de groupement, mais aussi du précédent, a
été observé dans la partie nord-ouest de la réserve, le long du
chemin orienté sud-est / nord-ouest.

Il semble que la culture était autrefois beaucoup plus répandue
qu’actuellement en Famenne schisteuse, aujourd’hui essentiellement herbagère, comme en témoigne la carte de Cabinet des
Pays-Bas autrichiens de Ferraris. Bon nombre d’espaces actuellement forestiers ou herbagers y sont représentés comme alors
occupés par des champs moissonnés. Il s’agissait sans doute de
cultures pauvres, mais bien nécessaires à l’époque où les carences
dans le réseau de communication ne permettaient guère d’importants échanges de céréales avec les régions plus fertiles du pays.

27

visites n’ont probablement pas encore permis d’en
découvrir toutes les richesses. Elles se sont limitées aux
espaces ouverts, négligeant les parcelles boisées qui ont été
maintenues, et une bonne partie des lisières. Une étude
systématique des berges, dont la colonisation végétale n’en
est qu’aux premiers stades, et du milieu aquatique
proprement dit, incluant donc les aspects phycologiques,
mériterait d’être poursuivie dans le cadre de futures
prospections.

cortège typique des prairies humides de Famenne
schisteuse.
REMERCIEMENTS

Quant à la prairie hygrophile à mésohygrophile, certaines
espèces caractéristiques des communautés des sols oligomésotrophes non fertilisés s’y avèrent encore peu
abondantes (comme Selinum carvifolia, Silaum silaus,…) ;
on peut espérer que la gestion du site favorisera dans les
années qui viennent le développement progressif de ce

Nous souhaitons particulièrement remercier Monsieur
l’Ingénieur Damien ROUVROY, chef de cantonnement du
DNF de Marche-en-Famenne, qui nous a ouvert l’accès à
la réserve ainsi que M. Jean-Yves GRENSON, agent du DNF,
pour les renseignements qu’il nous a aimablement
communiqués ; Guy BOUXIN, Robert ISERENTANT,
Philippe MARTIN et Marie-Thérèse ROMAIN pour leur
contribution à la détermination des plantes aquatiques ;
Michel LOUVIAUX et les membres des Naturalistes de la
Haute-Lesse, de même qu’André SMOOS et les membres de
la Société des Naturalistes de Namur-Luxembourg pour
leur active participation à l’inventaire du site.

Fig. 4. ‒ Une des mares, lors de son creusement en 2014.
(Photo : Jean-Yves GRENSON).

Fig. 5. ‒ Cette même mare en 2016.
(Photo : Jean-Yves GRENSON)

BIBLIOGRAPHIE
BAILLY G. & SCHAEFER O., 2010. ‒ Guide illustré des Characées
du nord-est de la France. Conservatoire botanique national de
Franche-Comté. 96 p.
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Les Barbouillons 307 : 31-38.
LAMBINON J. & MAUSE R., 2010. ‒ Deux Eleocharis (Cyperaceae) nouveaux pour la flore belge : E. austriaca et E. obtusa au
camp d’Elsenborn (Haute-Ardenne). Dumortiera 98 : 1-5
LAMBINON J., VERLOOVE F. & coll., 2012. ‒ Nouvelle Flore de la
Belgique, du Grand-Duché de Luxembourg, du Nord de la
France et des Régions voisines (Ptéridophytes et Spermatophytes). 6ème édition, Meise, Éditions du Patrimoine du Jardin
botanique national de Belgique, CXXXIX + 1195 p.
MOORE J.A., 1986. ‒ Charophytes of Great Britain and Ireland.
BSBI Handbook N° 5. 146 p.
ROYER & al., 2006. ‒ Synopsis commenté des groupements végé-

28

taux de la Bourgogne et de la Champagne-Ardenne. Bull. Soc.
Bot. Centre-Ouest. NS. Numéro spécial 25, 394 p.
SAINTENOY-SIMON, J. (avec la collaboration de Y. BARBIER, L.M. DELESCAILLE, M. DUFRÊNE, J.-L. GATHOYE & P. VERTÉ). ‒
Première liste des espèces rares, menacées et protégées de la
Région Wallonne (Ptéridophytes et Spermatophytes). Version 1
(7/3/2006) http://biodiversite/ wallonie.be/especes/ecologie/
plantes/listerouge/
SOUGNEZ N., 1978. ‒ Les chênaies-charmaies du district calcaire
mosan. Communications du Centre d’écologie forestière et
rurale (I.R.S.I.A.) NS 23, Gembloux 1978. 85 p.
SOUGNEZ N. & LIMBOURG P., 1963. ‒ Les herbages de la Famenne
et de la Fagne. Bull. Inst. Agron. et Stations Rech. Gembloux
31(3) : 359-413 + 9 tableaux.
VERLOOVE F., 2015. ‒ Eleocharis engelmannii and E. obtusa
(Cyperaceae), two recent acquisitions from series Ovatae in
Belgium. Dumortiera 107 : 25-30.

Natura Mosana, nouvelle série, n° 72 (2019) : 29-36

Alexander VON HUMBOLDT (1769-1859)
et le dragonnier d’Orotava
On célèbre cette année le deux cent cinquantième anniversaire de la naissance du grand naturaliste allemand Alexander
VON HUMBOLDT (Fig. 1), né à Berlin en 1769 et mort en 1859 dans la même ville. Cette figure emblématique de la pensée
naturaliste du 19e siècle, humaniste visionnaire, monument d’érudition, a établi les bases de l’exploration scientifique
moderne lors de diverses expéditions dont la plus importante en Amérique du sud, de 1799 à 1804, en compagnie du
botaniste français Aimé BONPLAND. Son œuvre littéraire consignant ses voyages et ses découvertes est immense : on peut
citer le Voyage aux régions équinoxiales du Nouveau Continent, en 30 volumes, version française publiée à Paris entre
1807 et 1834, Cosmos, essai d'une description physique du Monde, en 4 volumes, version française publiée à Paris entre
1847 et 1859, et Ansichten der Natur publié en 1808 et réédité pour la troisième fois en 1849. Cet ouvrage, traduit en onze
langues, fut certainement le plus célèbre du vivant de son auteur, et il marque un tournant dans l’approche naturaliste,
créant un genre littéraire nouveau, où se cotoyent la rigueur scientifique et l’émotion de l’observation (WULF, 2017). Johan
Wolfgang GOETHE, François-René de CHATEAUBRIAND et, plus tard, Henry David THOREAU, Ralph Waldo EMERSON,
Charles DARWIN et même Jules VERNE, en seront imprégnés.
Ansichten der Natur sera traduit une première fois en français en 1828. Le
sous-titre des Tableaux de la Nature annonce des Considérations sur les
déserts, sur la physionomie des végétaux, sur les cataractes de l’orénoque,
sur la structure et l’action des volcans dans les différentes régions de la
Terre, etc. En fait, c’est un ouvrage encyclopédique, et qui fera date. Il n’est
donc pas étonnant que des extraits soient republiés dans diverses revues
scientifiques de l’époque. C’est le cas de l’évocation par VON HUMBOLDT de
la longévité et de la taille des arbres. Ce texte fut repris in extenso en 1852, à
partir de l’édition française de 1849, dans le deuxième tome du périodique La
Belgique horticole, journal des jardins, des serres et des vergers, revue
fondée et portée à bout de bras par Edouard MORREN (1833-1886), professeur
de botanique à l’université de Liège. Le texte de VON HUMBOLDT a été
reproduit ici à partir de cette source liégeoise, en en conservant la forme de
la Belgique horticole, et les éventuelles variantes ou erreurs orthographiques,
notamment sur le mot dragonnier écrit avec un seul ‘n’. Les notes ont été
ajoutées pour situer les personnages historiques et actualiser certaines
données.
On remarquera que le titre formulé en tête de l’article de VON HUMBOLDT
Fig. 1. ‒ A. VON HUMBOLD en 1843.
évoque seulement un végétal, Dracaena draco, le Dragonnier. Certes bien
Peinture de Joseph Karl STIELER (1781-1858)
spectaculaire, il fut considéré de longue date comme arbre1 remarquable (Fig.
2 et 3), notamment en raison de la taille de certains individus que l’on croyait millénaires, mais aussi par la production
d’une résine de couleur sanguine, que les anciens associaient à du sang de dragon, d’où son étymologie. D’ailleurs,
l’originalité de cette plante, endémique canarienne dont les individus sauvages sont aujourd’hui en voie d’extinction, attira
l’attention de nombreux botanistes dès la découverte de l’archipel, et en Belgique, la plante suscita un autre article, publié
en 1850 par J.-E. PLANCHON, dans la Flore des serres et des jardins de l’Europe, revue éditée à Gand (VAN HOUTTE,1850).
Si le Dragonnier est largement évoqué dans le texte reproduit ci-dessous, VON HUMBOLDT y traite plus largement de la
longévité des arbres, les moyens pour l’apprécier, et leurs dimensions extrêmes (notamment la hauteur, en relation avec
l’âge de l’arbre), à une époque où la physiologie végétale était encore balbutiante. Les références auxquelles l’auteur fait
allusion comptent parmi les plus grands noms de l’exploration du 19 e siècle.
Puisse cette brève évocation éveiller l’intérêt des lecteurs de Natura Mosana pour lire ou relire celui qui fut certainement
un des plus grands esprits du 19e s. dans la continuité du Siècle des Lumières.
Philippe MARTIN

1

La qualification d’arbre ne répond plus à la définition botanique actuelle : D. draco est une liliacée (ou asparagacée selon la nouvelle
classification APGIII) qui, comme toutes les Monocotylédones, ne produit pas d’accroissements secondaires ligneux. Il s’agit donc pas
d’un tronc au sens botanique mais d’un stipe, tige herbacée renforcée par un grand nombre de faisceaux conducteurs lignifiés.
29

Le dragonier d’Orotava
Par M. Alexandre DE HUMBOLDT
Le Dragonier colossal (Dracæna draco), se trouve au
milieu du jardin de M. Franqui, dans la petite ville
d'Orotava2, l’ancien Taoro, l’un des lieux les plus agréables
qui soient au monde. Lorsque nous gravîmes, en juin 1799,
le pic de Ténériffe, nous trouvâmes que le périmètre de ce
Dragonier, mesuré à quelques pieds au-dessus de la racine,
était de 45 pieds3. Plus près du sol, Ledru4 dit avoir trouvé
74 pieds de circonférence. D'après George Staunton5, à 10
pieds de hauteur, le tronc a encore 19 pieds de diamètre. La
hauteur de l’arbre n’est guère que de 65 pieds. La tradition
rapporte que ce Dragonier était chez les Gouanches6 un
objet de vénération, comme l'olivier d'Athènes, le platane
de Lydie, que Xerxès changea7 d’ornements, et le bananier
de Ceylan. On raconte aussi que lors de la première
expédition des Béthencourt8, dans l’année 1402, le
Dragonier d'Orotava était déjà aussi gros et aussi creux
qu'aujourd'hui. On peut conjecturer d’après cela à quelle
époque il remonte, si l’on songe surtout que le Dracæna
croît très-lentement. Berthelot dit, dans sa description de
Ténériffe : « En comparant les jeunes Dragoniers voisins
de l'arbre gigantesque, les calculs qu'on fait sur l'âge de ce
dernier, effrayent l'imagination. » (Nova acta acad. Leop.
Carol. Naturæ Curiosorum, t. XIII, 1827, page 781.). Le
Dragonier est cultivé depuis les temps les plus reculés dans
les Îles Canaries, à Madère, à Porto-Santo, et un
observateur très-exact, Léopold de Buch, l'a vu à l'état
sauvage près d'Igueste, dans l'île de Ténériffe. Il n’est donc
pas originaire, comme on l’a cru pendant longtemps, des
Indes orientales, et son existence chez les Gouanches ne
renverse pas l'opinion de ceux qui considèrent ce peuple
comme une race atlantique, entièrement isolée et sans
aucun rapport avec les nations de l'Afrique et de l'Asie. La
forme des Dracæna se retrouve au cap de Bonne-Espérance,
à l'île Bourbon, en Chine et à la Nouvelle-Zélande. On
rencontre dans ces contrées lointaines différentes variétés
appartenant au même genre ; mais il n’en existe aucune

dans le nouveau monde, où elles sont remplacées par le
yucca. Le Dracæna borealis d’Aiton n'est autre chose qu'un
véritable Convallaria, dont il a en effet tous les caractères
(Humboldt, Relation historique, t. I, page 418 et 659). Dans
la dernière planche de l’atlas pittoresque joint à mon
voyage en Amérique, j'ai fait graver le Dragonier d'Orotava
d’après un dessin fait par F. d'Ozonne, en 1776. (Vues des
Cordillières et monuments des peuples indigènes de
l'Amérique, pl. LXIX.) Je trouvai ce dessin parmi les
papiers du célèbre Borda, dans son journal de voyage, resté
jusqu'à ce jour inédit, qui me fut confié par le dépôt de la
marine, et auquel j'ai emprunté des observations
importantes concernant la géographie astronomique, ainsi
que des mesures barométriques et trigonométriques.
(Relation historique, t. I, page 282.). Borda mesura le
Dragonier de la villa Franqui, lors de son premier voyage
avec Pingré, en 1771, et non dans la seconde expédition
qu'il fit en 1776 avec Varela. On prétend qu’au XVe siècle,
très-peu de temps après les conquêtes normande et
espagnole, on célébrait la messe à un petit autel élevé dans
la cavité du tronc. Malheureusement l'orage du 21 juillet
1819 a enlevé au Dragonier d’Orotava une partie de sa
couronne. Il existe une grande et belle gravure anglaise qui
représente l’état actuel de l'arbre dans toute sa vérité. (V.
ci-contre pl.12 la réduction de cette gravure.)
Le caractère monumental de ces végétaux gigantesques,
l'impression de respect qu'ils produisent sur tous les
peuples, ont fait naître chez les savants de nos jours, l’idée
de déterminer leur âge et de mesurer plus exactement leur
grosseur. D'après les résultats de ces recherches, De
Candolle, l’auteur de l’important traité sur la longévité des
arbres, Endlicher, Unger et d'autres botanistes distingués,
ne sont pas éloignés d'admettre que l’origine de plusieurs
arbres existant encore aujourd’hui, remonte à l’époque des
plus anciennes traditions historiques sinon de la vallée du
Nil, du moins de la Grèce et de l'Italie. On lit dans la

2

La Orotava est une agglomération de l’île de Tenerife, au pied
du Teide.

aromatisé avec un agrume, ce qui deviendra plus tard le thé Earl
Grey.

3

6

Le pied est une ancienne unité de mesure de longueur, de valeur
assez variable en fonction des époques et des pays où il était
utilisé. Il s’agit ici du pied romain, équivalent à 296,352 mm,
employé jusqu’à la fin du 19e siècle dans de nombreux pays
européens. Aujourd’hui, hormis dans le système anglais, cette
unité n’est encore utilisée internationalement qu’en aéronautique
et en informatique.
4

André Pierre LEDRU (1761-1825), prêtre et botaniste français. Il
participa comme botaniste à l’expédition de Nicolas BAUDIN, qui
fit escale notamment à Tenerife, entre 1796 et 1798 et en fit la
relation dans un mémoire rédigé en 1810.
5

George Thomas STAUNTON (1737-1801), botaniste anglais. Il a
travaillé pour la Compagnie anglaise des Indes orientales. Grand
voyageur, il fut le premier européen à découvrir en Chine un thé

30

Les Guanches, d’origine berbère mais non islamisés, formaient
l’ethnie autochtone des Canaries. Leur culture disparut lors de la
conquête espagnole et du métissage de la descendance des rares
survivants.
7

Il faut lire évidemment ‘chargea’. En effet, la légende raconte
que Xerxès fut subjugué par un platane, alors qu’il était en Lydie
(partie occidentale de l’actuelle Turquie). Il y fit pendre des objets
de valeur, par vénération.
8

Jean DE BÉTHENCOURT (1362-1425), noble normand à la cour de
Charles IV mais qui s’empara de plusieurs îles canariennes après
avoir anéanti les Guanches, pour le compte d’Henri III, roi de
Castille. Il s’y enrichit considérablement par le commerce de
l’orseille, pigment violacé extrait de certains lichens (Rocella)
bien présents sur l’archipel.

Fig. 2. – Gravure du dragonnier d’Orotava, dans La Belgique horticole,
reprise de l’Atlas de l’Histoire naturelle des Îles Canaries
(BARKER-WEBB & BERTHELOT, 1838).

Fig. 3. – Le plus ancien dragonnier actuel des Canaries,
à Icod de los Vinos (Tenerife).
(source : Wikimedia Commons, licence CC BY 1.0’’. Esculapio)
31

Bibliothèque universelle de Genève (t. XLVII, 1851, page
50.) « Plusieurs exemples semblent confirmer l’idée qu’il
existe encore sur le globe des arbres d'une antiquité
prodigieuse et peut-être témoins de ses dernières
révolutions physiques. Lorsqu'on regarde un arbre comme
un agrégat d'autant d’individus soudés ensemble qu’il s’est
développé de bourgeons à sa surface, on ne peut pas
s'étonner si, de nouveaux bourgeons s’ajoutant aux anciens,
l’agrégat qui en résulte, n’a point de terme nécessaire à son
existence : » Agardh9 s'exprime dans le même sens : «
Comme chaque nouvelle année solaire ajoute aux arbres
des rejetons nouveaux, et que les parties anciennes et
durcies sont remplacées par de jeunes pousses où la sève
circule librement, les arbres nous offrent l'exemple d’une
croissance qui ne peut être bornée que par des causes
extérieures. » Agardh attribue la brièveté de la vie dans les
plantes herbacées à la disproportion qui existe entre la
production des fleurs ou des fruits, d’une part, et la
formation des feuilles de l’autre. La stérilité est pour les
plantes une cause de longévité10. Endlicher cite l'exemple
d’un Medicago sativa, var. B. versicolor, qui vécut quatrevingts ans parce qu'il ne produisit point de fruits.
(Grundzüge der Botanik, 1845, § 1005.)
A côté des Dragoniers qui malgré le développement
gigantesque de leurs faisceaux vasculaires définis, doivent
d’après leurs parties florales, être rangés dans la même
famille naturelle que l’asperge et les oignons des jardins, se
place l’Adansonia ou arbre à Pain des Singes, autrement
appelé Baobab, qui appartient sans contredit aux plus
grands et aux plus anciens habitants de notre planète. Dès
les premières expéditions des Catalans et des Portugais, les
navigateurs avaient l'habitude de graver leurs noms sur ces
deux espèces d'arbres. Ils ne le faisaient pas toujours par
une vaine recherche de gloire, souvent aussi cette
inscription était pour eux un marco, c’est-à-dire une sorte
de prise de possession, un moyen d'assurer à leur patrie le

droit de premier occupant. Les navigateurs portugais
choisirent souvent à cet effet la belle devise française de
l’infant don Henrique duc de Viseo11 : Talent de bien faire.
Voici les paroles même de Faria y Sousa12, dans son Asia
portuguesa (t. I, c. 11, page 14 et 18.) « Era uso de los
primeros navegantes de dexar inscrito el motto del Infante :
Talent de bien faire, en la corteza de los arboles : » (Voy.
aussi Barros13, Asia dec. J, I, J. I, t. Lisboa , 1778, page 148.)
Il est remarquable que cette devise gravée sur deux arbres
en 1455, c’est-à-dire vingt-huit ans avant la mort de l’infant
don Henrique, par des navigateurs portugais, se rattache
dans l’histoire des découvertes, aux controverses qu'a
soulevées la comparaison du quatrième voyage de Vespucci14 avec celui de Gonzalo Coelho15 (1505). D’après le
récit de Vespucci, le vaisseau amiral de Coelho échoua
contre une île que l’on a prise tantôt pour San-Fernando
Noronha, tantôt pour le penèdo de San-Pedro, tantôt pour
l'île problématique de Saint-Mathieu, que Garcia Jofre de
Loaya16 découvrit le 15 octobre 1525, par 0 20 50’ de
latitude australe, sous le méridien du cap Palmas, presque
dans le Golfe de Guinée. Coelho resta à l'ancre près de dixhuit jours ; il trouva dans l'île des Croix, des orangers
devenus sauvages et deux troncs d'arbres avec des
inscriptions qui remontaient à quatre-vingts-dix ans
(Navarrete, t. V, page 8, 247 à 401). J'ai éclairci ailleurs ce
problème, en cherchant à déterminer le degré de confiance
que mérite Amerigo Vespucci (Examen critique, etc. L. v,
page 129-152).
La plus ancienne description du Baobab (Adansonia
digitata)17 est celle du Vénitien Louis Cadamosto, dont le
véritable nom était Alvise da Cada Mosto18, est datée de
l’année 1454. Il trouva à l'embouchure du Sénégal, où il se
joignit à Antoniotto Usodimare19, des troncs dont il évalua
le circuit à 47 toises, c’est-à-dire environ 402 pieds.
(Ramusio20, t. I, page 409.) Il put les comparer avec les
Dragoniers qu’il avait vus auparavant.

9

14

Carl Adolph AGARDH (1785-1859), botaniste suédois, mais aussi
mathématicien et économiste. Il s’est beaucoup intéressé aux
algues dont il jettera les bases de l’étude scientifique. Son fils,
Jakob Georg (1813-1901), fut également phycologue.
10

La notion de clone n’était pas d’actualité, ni celle d’individu,
plus obscure, chez le végétal. On décrit aujourd’hui des clones
dont les éléments, quoique physiquement séparés, procèdent du
même génome très ancien, p. ex. Phragmites australis, dont les
représentants d’Europe occidentale appartiendraient à un seul
clone ayant démarré après la glaciation de Würm, c’est-à-dire il y
a 10 000 ans. C’est le cas aussi de la colonie clonale de Populus
tremuloides dont l’âge est estimé à 80 000 ans.
11

Dom Henrique DE AVIS, duc de Viseu (1394-1460), nommé
aussi Prince Henri le Navigateur, est un aristocrate portugais,
important mécène et instigateur de la politique colonialiste
européenne naissante.
12

Manuel
portugais.
13

DE

FARIA

Y

SOUSA (1590-1649), poète et historien

João DE BARROS (1496-1570), historien portugais, connu pour
ses Décadas da Ásia, relatant les activités des Portugais en Inde,
et plus largement en Asie et en Afrique du sud-est.

32

Amerigo VESPUCCI (1454-1512), marchand et navigateur
florentin, qui réalisa plusieurs voyages transatlantiques pour le
compte de l’Espagne et du Portugal. Il fut le premier à considérer
le Nouveau Monde comme un nouveau continent, et le terme
America qui le désigne, vient de son prénom.
15

Gonçalo COELHO (1451-1512), navigateur portugais. Il a
effectué une expédition au Brésil avec Amerigo VESPUCCI.
17

Le genre Adansonia appartient à la famille des Bombacacées
(Malvacées selon APGIV). Ce sont des espèces ligneuses
présentant un caudex, c’est-à-dire un renflement de la base du
tronc (au même titre que les Pachira et les Pachypodium p. ex.),
assurant le stockage de l’eau, dans un système écologique xérique.
Certains individus présentent un volume atteignant 600 m3.
18

Alvise CADAMOSTO (1429-1488) est un navigateur vénitien. Il
se rend à Madère, aux îles Canaries et au Cap-Vert. Il explore
également le fleuve Gambie.
19

Antoniotto USODIMARE (1416-1461), explorateur gênois. Il a,
comme CADAMOSTO, navigué pour le compte des Portugais.
20

Giovanni Battista RAMUSIO (1485-1557) est un géographe
vénitien.

Perrottet21, dans sa Flore de Sénégambie22 (page 76), dit
avoir trouvé des Baobabs qui avaient 50 pieds de diamètre
sur 70 à 80 pieds seulement de hauteur. Adanson23 avait
indiqué les mêmes dimensions dans la relation de son
voyage, en 1748. Les plus gros troncs de Baobab qu'il vit
de ses propres yeux, en 1749, les uns dans une des petites
îles Madeleines, près du cap Vert, les autres à l'embouchure
du Sénégal, avaient de 25 à 27 pieds de diamètre sur 70
pieds de hauteur, avec une couronne large de 170 pieds.
Mais Adanson ajoute que d’autres voyageurs ont trouvé des
troncs qui avaient jusqu’à 50 pieds de diamètre. Des
navigateurs hollandais et français avaient taillé leur nom
dans l'écorce en lettres longues de 6 pouces. Une de ces
inscriptions était du XVe siècle, et non du XIVe, comme il
est dit par erreur dans la Famille des plantes d’Adanson,
publiée en 1763 (1re partie), page CCVX-CCXVII), les autres
ne remontaient pas au-delà du XVIe siècle. Adanson a
calculé l’âge des arbres, d’après la profondeur des entailles
qui ont été recouvertes par de nouvelles couches de bois, et
en comparant leur épaisseur à celle des troncs d'arbres, de
même espèce dont l’âge est connu. Il a trouvé, pour un
diamètre de 30 pieds, une durée de 5150 ans (Voyage au
Sénégal, 1557, page 66, Adrien de Jussieu24, Cours de
botanique, page 62). Il a d’ailleurs la prudence d'ajouter ces
mots, dont je reproduis exactement l'orthographe : « Le
calcul de l’aje de chake couche n’a pas d’exactitude
géométrike. » Dans le village de Grand-Galarques, situé
aussi en Sénégambie, les nègres ont orné l'ouverture d'un
Baobab creux avec des sculptures qui ont été taillées dans
le bois encore vert. L'espace intérieur sert aux assemblées
générales dans lesquelles ils débattent leurs intérêts. Cette
salle rappelle la caverne (specus), formée dans le tronc d’un
platane de Lycie, où un personnage consulaire, Licinius
Mercianus fit servir à diner à dix-neuf convives. Pline (1,
XII, c. v) accorde trop généreusement peut-être à une cavité
du même genre une largeur de 80 pieds romains. Le Baobab

a été vu par Réné Caillié25, à Jenne, dans la vallée du Nil,
par Cailliaut26 en Nubie, par Guillaume Peters27 sur toute la
côte orientale de l'Afrique, où cet arbre s'étend jusqu'à
Lourenzo Marques, c’est-à-dire jusque près du 26e degré
de latitude australe. Les habitants de ces contrées
l’appellent Mulapa (proprement muti-nlupa), c’est-à-dire
l'arbre Nlapa. Les plus vieux et les plus épais de tous les
arbres que vit Peters, avaient de 60 à 70 pieds de
circonférence. Bien que Cadamosto ait dit au XVe siècle :
« eminentia non quadrat magnitudini ; » bien que
Golberry28 (Fragments d’un voyage en Afrique, t. II, page
92) ait trouvé dans la vallée des deux Gagnacks, des troncs
d’arbres qui avaient à la racine 34 pieds de diamètre, sans
avoir plus de 60 pieds de haut, il ne faut pas admettre
néanmoins comme une règle générale cette disproportion
entre l'épaisseur et la hauteur. De très-vieux arbres, dit le
savant voyageur Peters, perdent de leur hauteur par le
dépérissement successif de leur couronne, et continuent à
croître en grosseur. Assez souvent on voit sur les côtes
orientales de l'Afrique, des troncs de 10 pieds d'épaisseur,
atteindre à une hauteur de 65 pieds.
Si d’après ce qui précède, les évaluations hardies
d’Adanson et de Perrottet, attribuent aux Adansonia qu'ils
ont mesurés, un âge de 5150 à 6000 ans29, ce qui les ferait
contemporains des constructeurs des pyramides où même
de Menès, c’est-à-dire les ferait remonter à une époque où
la Croix du Sud était encore visible dans le nord de
l'Allemagne (Cosmos, t. II, page 477 et 578) ; d'autre part,
des calculs plus sûrs, fondés sur les couches concentriques
annuelles30 et sur la proportion constatée entre l’âge et
l'épaisseur des couches nous donnent pour la durée des
arbres appartenant à la partie septentrionale de la zone
tempérée, des périodes moins considérables. De Candolle
pense que les Ifs sont, de tous les arbres européens, ceux
qui atteignent l’âge le plus avancé31. On attribue au Taxus
baccata de Braburn, dans le comté de Kent, trente siècles

21

28

George Samuel PERROTTET (1790-1870), est un botaniste et
explorateur suisse qui explore le Sénégal et la Gambie de 1824 à
1829, ce qui débouche sur une flore de la Sénégambie (Florae
Senegambiae Tentamen), avec J.B. GUILLEMIN, A. RICHARD et J.
DECAISNE.

Sylvain Meinrad Xavier
1822), géographe français.

DE

GOLBÉRY [ou GOLBERRY] (1742-

29

Aire géographique ancienne englobant les bassins des fleuves
Sénégal et Gambie.

Ce qui est très exagéré, l’âge des plus vieux individus actuels
étant estimé à 1 500 ou 2 000 ans, avec une incertitude d’autant
plus grande que les troncs sont souvent formés par fasciation et
que la présence abondante d’eau dans le tronc en dénature les
structures.

23

30

22

Michel ADANSON (1727-1806) est un botaniste français. Il a
exploré le Sénégal et les Açores. On lui doit un ouvrage célèbre
sur le Baobab, Adansonia digitata L., dont le genre sera créé par
Bernard DE JUSSIEU en l’honneur de celui qui l’avait décrit pour la
première fois.
24

Adrien Henri DE JUSSIEU (1797-1853), fils d’Antoine-Laurent
JUSSIEU (1748-1836), est un botaniste français, comme les
autres membres de la ‘dynastie’ des JUSSIEU.
DE

25

René CAILLIÉ (1799-1838), explorateur français, connu pour
son exploration du Mali.
26

Frédéric CAILLIAUD (1787-1869), explorateur, géologue. Il
explora la Haute-Égypte et la Nubie.
27

Wilhelm Carl Hartwig PETERS (1815-1883), médecin et
naturaliste allemand qui effectua, en 1843, un voyage au
Mozambique, avec le soutien de von Humbold.

Le rythme des saisons impose chaque année une reprise de la
végétation. L’arbre demande beaucoup d’eau pour la remise en
route de son métabolisme et la production de nouvelles feuilles.
Au printemps, l’accroissement cellulaire au niveau du tronc
génère donc de nombreuses et larges cellules vasculaires, qui
donnent un tissu semblant plus aéré qu’on appelle bois initial. Au
début de l’été, la consommation d’eau se stabilise et les nouvelles
cellules produites sont destinées à la résistance mécanique du
tronc, elles sont alors plus denses et plus foncées : c’est le bois
final. L’alternance de ces deux tissus contrastés est à l’origine de
cernes concentriques annuels qui donnent directement l’âge d’un
arbre par leur nombre. La dendrochronologie est la discipline qui
étudie ces accroissements.
31

Si les ifs affichent probablement la longévité la plus importante
en Europe (au-delà du millénaire), il est aléatoire de définir avec
précision l’âge d’un vieil if, parce que l’accroissement n’est ni
continu ni stable (KINMOTH, 2005). L’imprécision est donc
d’autant plus importante que l’âge est avancé.
33

d’existence ; l'if de Fotheringall, en Écosse, a de vingt-cinq
à vingt-six siècles ; celui de Brow-Hurst, dans le comté de
Surrey, ne paraît pas en avoir plus de quatorze et demi ;
celui de Rippon, dans le comté d’York, pas plus de douze
(De Candolle, de la Longévité des arbres, page 65).
Endlicher attribue 1 400 ans à un if du cimetière de
Grasford, dans le nord du pays de Galles, qui a 49 pieds de
tour à la naissance des branches ; il donne 2096 ans à un if
du comté de Derby. On a abattu en Lithuanie, des tilleuls
de 52 pieds de circonférence, sur lesquels on a pu compter
815 cercles annuels (Endlicher, Grundzüge der Botanik,
page 399). Sous la zone tempérée de l'hémisphère austral,
les Encalyptus32 acquièrent un périmètre extraordinaire et
comme ils s'élèvent à plus de 250 pieds, ils offrent un
singulier contraste avec les Ifs d'Europe (Taxus baccata),
qui n’ont de colossal que leur épaisseur. M. Backhouse33 a
trouvé dans la baie d’Ému, sur la côte de la terre de Diemen,
des troncs d'Eucalyptus qui avaient à la base 66 pieds de
circuit et 47 à 5 pieds du sol (Gould34, Birds of Australia, t.
I, introd., page XV).Ce n'est pas Malpighi35, comme on le
prétend généralement, mais bien Michel Montaigne36, qui a
le mérite d’avoir le premier remarqué dans son voyage en
Italie, en 1581, le rapport des cercles annuels avec l’âge des
arbres (A. De Jussieu, Cours élémentaire de Botanique,
1840, page 61). Un ouvrier habile, qui travaillait à des
instruments de mathématiques, avait appelé l’attention de
Montaigne, sur la signification de ces anneaux, affirmant
qu’ils étaient plus pressés du côté où l'arbre était tourné vers
le nord. Jean-Jacques Rousseau37 avait la même opinion ;
et son Émile, lorsqu’il s’égarera dans une forêt, devra
s'orienter d’après la disposition des couches du bois. Mais
de nouvelles recherches sur l'anatomie des plantes ont
démontré que le retard, aussi bien que l'accélération de la

croissance et l’irrégularité dans la production des couches
annuelles formées par le tissu cellulaire du cambium,
dépendent d’influences tout autres que l'exposition de
l'arbre aux différents points du ciel (Kunth38, Lehrbuch der
Botanik, 1ère partie, 1847, pages 146 et 164 ; Lindley39,
Introduction to Botany, 2e édition, page 75).
Dans les groupes naturels les plus différents, on trouve
des arbres dont quelques individus atteignent un diamètre
de 20 pieds et une durée de plusieurs siècles. Nous
nommerons ici le Baobab, le Dragonier, diverses espèces
d’Eucalypus, le Taxodium distichum de Richard, le Pinus
Lambertiana de Douglas, l'Hymenœa Courbaril, les
Cæsalpinia, le Bombax, le Swietenia Mahagoni, l’arbre des
Banyans, (Ficus religiosa), le Liriodendrop tulipifera, le
Platanus orientalis, nos Tilleuls, nos Chênes et nos Ifs. Le
célèbre Taxodium distichon ou Ahuahuete des Mexicains
(Cupressus disticha Linn., Schubertia disticha Mirbel) qui
existe à Santo Maria del Tule40, dans l’État d'Oaxaca, n’a
pas 57 pieds de diamètre comme le prétend De Candolle,
mais seulement 38 (Mühlenpfordt41, Versuch einer getruen
Schilderung der Republik Mexico, t. I, page 153). Les deux
beaux Ahuahuete42 de Chapoltepec, que j'ai vus souvent, et
qui sans doute sont un reste d’un ancien jardin de
Montezuma, n’ont, d’après l’intéressant voyage de
Burkart43 (t. I, page 268) que 34 ou 36 pieds de circonférence, et non pas de diamètre, comme on l’a prétendu par
erreur. Les Bouddhistes de Ceylan révèrent le tronc
gigantesque du Figuier sacré d’Anourahdepoura. Le Ficus
religiosa, qui reprend racine par ses branches, atteint
souvent un diamètre de 28 pieds et forme, comme l'a si bien
dit Onésicrite44, un toit de feuillage semblable à une tente
soutenue par plusieurs colonnes (Lassen45, Indische
Alterthumskunde, t. I, page 260). On peut lire au sujet du

32

39

Lire ‘Eucalyptus’.

33

James BACKHOUSE (1794-1869), botaniste britannique et
missionnaire quaker en Australie. Il a séjourné également en
Afrique du Sud. Il a envoyé de nombreux spécimens à W.J.
HOOKER.
34

John GOULD (1804-1881), ornithologue britannique,
taxidermiste, considéré comme le père de l’ornithologie
australienne par l’exploration de l’Australie entre 1838 et 1840.
35

Marcello MALPIGHI (1628-1694), médecin et naturaliste italien,
est considéré comme le fondateur de l’histologie et on lui doit les
premières descriptions de tissus d’organes animaux ou végétaux.
36
Michel EYQUEM DE MONTAIGNE (1533-1592), philosophe et
moraliste de la Renaissance dont les Essais constituent l’œuvre
majeure. Son Journal de voyage est un ensemble de notes sans
prétentions littéraires, consignant surtout les symptômes de la
maladie chronique (lithiase rénale) dont il souffrait et diverses
anecdotes de voyages, mais il n’y a pas, semble-t-il, d’approche
vraiment scientifique.
37

Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778), écrivain, philosophe et
musicien genevois, figure emblématique du Siècle des Lumières.
38

Karl Sigismund KUNTH (1788-1850) botaniste allemand. Il
identifiera, durant 24 ans, la plupart des spécimens de A. VON
HUMBOLDT et Aimé BONPLAND (1773-1858), ramenés de leur
expédition en Amérique du sud entre 1799 et 1804. Ce dernier,
pourtant botaniste, mettra peu d’entrain à cataloguer les récoltes.
Carl Ludwig WILLDENOW (1765-1812), autre botaniste berlinois,
s’occupera également du fonds botanique de l’expédition.

34

John LINDLEY (1799-1865) est un botaniste britannique.

40

Il s’agit en fait de Taxodium huegelii C. Lawson (syn. T.
mucronatum, le Cyprès de Montézuma). Cette espèce ne présente
pas de pneumatophores, contrairement à T. distichum (L.) Rich.,
qui est endémique du quart sud-est des États-Unis et n’est pas
spontané au Mexique.
41

Philippe August Friedrich MÜHLENPFORDT (1803-1891),
botaniste allemand, qui s’est spécialisé dans les Cactacées.
42

Nom vernaculaire nahuatl de Taxodium huegelii C. Lawson
(syn. T. mucronatum, le Cyprès de Montézuma). C’est un individu
de cette espèce, l’Árbol del Tule dans l’Oaxaca au Mexique, qui
est considéré aujourd’hui, avec ses 42 m de circonférence, comme
l’arbre le plus gros du monde.
43

Hermann Joseph BURKART (1798-1874), géologue allemand qui
s’est occupé d’exploitation minière au Mexique entre 1826 et 1834.
44

ONÉSICRITE (fin du 4e s. av. J.C.), philosophe grec, disciple de
DIOGÈNE, qui accompagné ALEXANDRE LE GRAND, comme
interprète lors du périple en Inde, d’où sa description de Ficus
religiosa. Ce figuier, appelé pipal, est sacralisé par les hindous et
les bouddhistes. C’est sous un pipal que BOUDDHA accèda à
l’illumination, la Bodhi. Une branche détachée de l’arbre fut
replantée à Anuradhapura, au Sri Lanka, en 288 av. J.C. et il vit
toujours. Ainsi cloné, l’Arbre de la Bodhi est donc considéré
comme le plus vieil arbre au monde.
45

Christian LASSEN (1800-1876), orientaliste d’origine norvégienne et professeur à l’université de Bonn.

Bombax Ceiba, les détails donnés, dès le temps de
Christophe Colomb, par Bembo46, dans ses Historiæ
venetæ (1551, folio 83).
De tous les chênes européens qui ont été mesurés
exactement, le plus puissant est le chêne de Saintes, dans le
département de la Charente-Inférieure, sur la route de
Cozes47. Cet arbre élevé de 60 pieds, a, près du sol, 27 pieds
8 pouces et demi de diamètre ; 8 pieds plus haut, son
diamètre est encore de 21 pieds et demi, il est de 6 pieds à
la naissance des branches principales. Dans la partie morte
du tronc, on a construit une petite salle large de 10 à 12
pieds et haut de 9, avec un banc en forme d'hémicycle, taillé
dans le bois encore vert. Une fenêtre éclaire l’intérieur de
la chambre, qui est fermée par une porte, et grâce au jour
qui y pénètre, les parois sont couvertes de fougères et de
lichens. A en juger par la dimension d’un petit morceau de
bois qu’on avait coupé au-dessus de porte, et dans lequel on
comptait 200 anneaux concentriques, on a cru voir évaluer
l’âge du chêne de Saintes, entre 1800 et 2000 ans (Annales
de la Société d'Agriculture de la Rochelle, 1843, page 380).
En ce qui concerne le Rosa canina, qui existe dans la
chapelle sépulcrale de la cathédrale d'Hildesheim, et que
l’on dit être âgé de mille ans, je me suis assuré, d’après des
renseignements positifs, dus à l’obligeance M. Römer,
assesseur du tribunal civil, que la tige est moins ancienne
que la souche qui n’a pas elle-même plus 800 ans. Il existe
une légende qui rattache ce rosier à un vœu fait par le
premier fondateur de l’église, Louis le Débonnaire48, et un
document du XIe siècle rapporte que lorsque l’évêque
Hezilo49 rebâtit la cathédrale, consumée par un incendie, il
entoura les racines du rosier d’une voûte qui existe encore,
qu'il éleva sur cette voûte le mur de la chapelle cryptique,
dont la consécration eut lieu en 1061, et qu’il étendit audessus les branches de l’arbuste. La tige aujourd’hui
vivante, qui n’a que deux pouces d'épaisseur à 25 pieds de

haut, et couvre de ses branches un espace d'environ 50 pieds
sur le mur extérieur de la chapelle, du côté de l’est. Cet
arbuste qui est certainement d’un âge très-avancé, est digne
de la vieille réputation dont il jouit dans toute
l'Allemagne50. Si un développement si extraordinaire peut
être considéré en général comme une preuve de longévité,
le Fucus giganteus ou Macrocystis pyrifera d’Agardh,
mérite parmi les végétaux sous-marins, une attention
particulière. Cette plante atteint, selon Cook et Georges
Forster51, une longueur de 338 pieds, et dépasse par
conséquent l'élévation des plus hauts Conifères, même celle
du Sequoia gigantea d’Endlicher, le Taxodium
sempervirens de Hooker et d’Arnott, qui croît en Californie
(Darwin, Journal of researches into Nat. Hist., 1845, page
239). Le capitaine Fitz Roy52 a confirmé ces indications
dans la relation intitulée : Narrative of the voyages of the
Adventure and Beagle (t. II, page 565). Le Macrocystis
pyrifera végète entre le 64° degré de latitude australe et le
45° degré de latitude boréale, jusqu'à la baie de San
Francisco, sur la côte nord-ouest du nouveau continent.
Joseph Hooker53 croit même que cette espèce de Fucus
s'étend jusqu’au Kamschatka. On la voit souvent nager
dans les eaux du Pôle Antarctique, au milieu des blocs de
glace errants ou pack-ice (Joseph Hooker, Botany of the
Antartic Voyage under the command of sir James Ross,
1844, page VII, 1 et 178 ; Camille Montaigne54, Botanique
cryptogame du Voyage de la Bonite, 1846, p. 36.) Les
expansions cellulaires, rubanées et filiformes du
Macrocystis, qui se cramponnent au fond de la mer, à l’aide
d'organes semblables à des griffes, paraissent ne pouvoir
être arrêtées dans leur développement que par une
destruction accidentelle55.

46

Pietro BEMBO (1470-1547), cardinal écrivain, poète, historien,
traducteur, théoricien de la littérature et essayiste vénitien, connu
notamment pour son rôle dans l’établissement du toscan comme
référence de la langue italienne.

COOK. Il réalisera également un voyage en 1790 avec A. VON
HUMBOLDT à travers l’Europe. Il est considéré comme un des
principaux ethnologues, notamment sur les sociétés polynésiennes.

47

52

Cet arbre (Quercus robur), appelé le chêne de Montravail, situé
à Pessines (à 8 km de Saintes) en Charente-Maritime, est toujours
présent, quoique sérieusement endommagé par deux tempêtes, en
1941 et en 1999. Son âge a bien sûr été revu à la baisse, on évoque
actuellement le millénaire.
48

Louis Ier, dit le Pieux ou le Débonnaire (778-840), quatrième
fils de Charlemagne, roi d’Aquitaine puis empereur d’Occident.
49
HEZILO (1020?-1079), évêque d’Hildesheim entre 1054 et 1079,
bâtisseur de la nouvelle cathédrale d’Hildesheim, la première
ayant été bâtie en 815 sous Louis le Pieux, et qui brûla.

Robert FITZROY (1805-1865), vice-amiral britannique,
capitaine du Beagle, pionnier de la météorologie. Malgré une
proximité avec Charles DARWIN durant l’expédition qui dura
quatre ans, FitzRoy s’opposa à la théorie du scientifique, se
sentant coupable de sa participation dans le développement de
celle-ci.
53

Joseph Dalton HOOKER, sir (1817-1911), botaniste britannique,
ami de Charles DARWIN, directeur des jardins botaniques de Kew.
Il est le coauteur, avec George BENTHAM, d’une œuvre
monumentale en sept volumes, le Genera plantarum (1862-1863).

50

Cet églantier (Tausendjähriger Rosenstock) est toujours présent
actuellement, accolé à l’abside de la cathédrale Sainte-Marie de
Hildesheim (Land de la Basse-Saxe). Il a survécu au
bombardement de mars 1945, et sa présence est attestée depuis
quatre siècles mais rien n’indique une présence antérieure.
L’identification de cet églantier se limite au groupe canina
(https://www.dom-hildesheim.de/en/content/1000-years-agerosetree).
51

Johan Georg Adam FORSTER (1754-1794), naturaliste et
ethnologue allemand. Il est l’un des fondateurs de la littérature
scientifique exploratoire. Il accompagne son père Johann
Rheinhold dans la seconde expédition autour du monde de James

54

Jean Pierre François Camille MONTAGNE [et non MONTAIGNE]
(1784-1866), botaniste cryptogamiste français. Il a participé à
l’expédition de la Bonite (1836-1837) autour du monde et écrit la
partie dédiée aux algues dans Voyage autour du monde exécuté
pendant les années 1836 et 1837 sur la corvette la bonite, sous la
direction de Charles GAUDICHAUD-BEAUPRÉ.
55

Macrocystis pyrifera (Laminariales) est assurément la phéophyte la plus développée, mais elle ne dépasse tout de même pas
la quarantaine de mètres. Elle forme des colonies denses à l’allure
de forêt sous-marine. Sous le nom de kelp, elle est largement
exploitée pour l’extraction d’alginate.
35

BIBLIOGRAPHIE

BARKER-WEBB P. & BERTHELOT, S., 1838. – Histoire naturelle des
Îles Canaries. Atlas. Béthune éditeurs. Paris. 46 p.
KINMONTH F., 2005. – Ageing the Yew – no core, no curve ?
Intern. Dendrol. Soc. Yearbook : 41-46.
PLANCHON J.E., in VAN HOUTTE L. [Édit.], 1850. – 615. Dracaena
draco, dragonnier des Canaries. Flore des serres et des jardins
de l’Europe 6 : 255-259.

HUMBOLDT A., 1849. – Ansichten der Natur. Mit wissenschaftlichen Erläuterungen. Vol. II. Gotta’scher Verlag
Stuttgart und Tübingen. p. 104-118.
VON HUMBOLDT A., 1851. – Tableau de la Nature. Vol. II. Trad.
de l’allemand par F. Hoefer. Éd. Didot Frères. Paris. p. 89-102.
WULF A., 2017. – L’invention de la Nature. Les aventures
d’Alexander von Humboldt. Trad. de l’anglais par F. Herz. Éd.
Noir sur Blanc. Lausanne. 635 p.
VON

Les éléments biographiques sont extraits pour l’essentiel de Wikipédia.

36

NATURA MOSANA
reflète l’activité des naturalistes en Wallonie et est éditée depuis 1947 au nom de
la Société royale des Naturalistes de Charleroi
la Société Botanique de Liège
le Cercle des Entomologistes Liégeois
la Société des Naturalistes de Namur-Luxembourg
Les thèmes de la revue couvrent tous les aspects de la botanique, la zoologie, la mycologie et l’ethnobotanique
régionales, de même que les sciences de la Terre, et rendent compte de la prospection et de l’inventaire biologique de
la région, de même que de la conservation de la nature.

___________________________________________________________________________________
COMITÉ DE LECTURE
Pascale DEBRAS, mycologue
Wépion

Éric GRAITSON, herpétologue,
aCREA, Université de Liège

Michel DETHIER, entomologiste
Gembloux Agro-Bio Tech, Université de Liège

Michel LANNOY, botaniste
Mettet

Pierre GHYSEL, géologue
Namur

Jean MARGOT, botaniste
Chef de travaux honoraire à l’Université de Namur

Régine FABRI, botaniste
Bibliothèque du Jardin botanique de Meise

Annie REMACLE, botaniste, herpétologue et entomologiste
Châtillon
Marie-Thérèse ROMAIN, botaniste
Wellin

SECRÉTAIRE DE RÉDACTION et ÉDITEUR RESPONSABLE
Philippe MARTIN, botaniste
Bibliothèque Moretus Plantin, Université de Namur
rue Grandgagnage, 19
B-5000 Namur, Belgique
philippe.martin@unamur.be

En trame de couverture : Aristolochia clematitis, espèce d’une grande importance patrimoniale, présente dans un des hauts
lieux de la botanique mosane, les Grands-Malades (Beez, prov. de Namur, Belgique), où sa présence actuelle est bien précaire.
En médaillon : la grotte de l’Abîme de Comblain-au-Pont (photo Michel PHILIPPE).

NATURA MOSANA
La revue est distribuée aux membres des sociétés adhérentes, en règle de cotisation
L’abonnement annuel pour les non-membres est de 25 €
L’ensemble des volumes, de 1948 à 2016, est disponible sur la plateforme NEPTUN
de la Bibliothèque universitaire Moretus Plantin

NATURA MOSANA
est publiée avec le soutien de

NATURA MOSANA

nouvelle série, 72, 2019

SOMMAIRE
Michel DETHIER et Jean GODISSART
Approche pluridisciplinaire de la grotte de l’Abîme de
Comblain-au-Pont (Prov. de Liège, Belgique)
p. 1
JEAN GODISSART
La genèse de la grotte de l’Abîme de Comblain-au-Pont
(Prov. de Liège, Belgique)
p. 17
Jean-Louis GIOT et Geneviève ADAM
La réserve « Au Brûlé » à Marche-en-Famenne
(Prov. de Luxembourg, Belgique)
p. 23
Philippe MARTIN
Alexander VON HUMBOLDT (1769-1859)
et le dragonnier d’Orotava
p. 29