Louis et Antony Collard, Marie-Thérèse Collard : [notes biographiques de l'abbé Boët et lettres de Louis et Antony Collard]
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La BUMP possède les archives de Louis et Antony Collard : correspondances, journaux intimes, photos, récits biographiques, etc.
Cette documentation permet de retracer le destin de héros de ces deux jeunes frères oubliés de la littérature hagiographique de l’entre-deux-guerres.
Louis et Antony ont 17 et 18 ans quand les Allemands violent la neutralité belge. Ils habitent Tintigny, une petite commune dans la province du Luxembourg, et ils subissent la brutalité de l’invasion : le 22 août 1914, ils assistent au saccage et à l’incendie de leur maison, ils fuient pieds nus, avec leur petit frère dans les bras, ils regardent des voisins se faire assassiner par des troupes allemandes en furie. Ils savent qu’une partie des villageois a été rassemblée dans la prairie et a été fusillée, comme ça, sans autre forme de procès. Ils ont vu cette prairie rouge de sang. Ils ont aidé à enterrer les cadavres des 89 victimes : 82 hommes, 3 femmes et 4 enfants.
Trop jeunes pour répondre à l’appel du Roi et devenir soldat à l’été 1914, les frères Collard vivent les premières années d’occupation comme la plupart des Belges, entre souffrance et privations. En 1917, ils se décident toutefois à s’engager dans l’armée belge. Ils se mettent en route vers les Pays-Bas, pour passer la frontière, mais sont interceptés par des membres de la Dame Blanche qui veulent les recruter. La Dame Blanche, c’est le plus étendu, le plus efficace des réseaux de renseignements belges de la Grande Guerre. On dit que c’est ce réseau qui fit échouer la seconde attaque contre Verdun ; on dit aussi que le chef d’état-major anglais commençait sa journée en lisant les rapports de ces agents-là, avant même d’avaler la moindre gorgée de café.
Fin 1917, les frères mènent leur première mission à bien en quelques semaines seulement. Ils ont recruté une vingtaine d’agents supplémentaires pour couvrir une zone stratégique jusque-là ignorée des services de renseignements. En attendant les ordres suivants, ils se replient à la Villa des Hirondelles, une belle bâtisse sur la rive droite de la Meuse, un peu à l’écart de la ville de Liège, qui sert de refuge aux agents compromis et de secrétariat au corps d’observation.
Mais par un fâcheux hasard, le 8 mars 1918, la police allemande sonne à la porte. Elle cherche une certaine Madame Marcelle, une Française venue de Maubeuge sans passeport régulier. Et à la place, cette police politique tombe sur les frères Collard en possession… de documents secrets. Louis et Antony sont arrêtés, emmenés au poste allemand puis transférés à la Kommandantur et enfin à la prison Saint-Léonard à Liège. Ils sont placés à l’isolement, soumis à un régime de famine et subissent des interrogatoires musclés, au cours desquels s’alternent supplice psychologique (on les menace de tuer un de leur proche) et sentences corporelles (des coups de canne et de chaise, jusqu’à l’évanouissement). Plus d’une fois, ils sont ramenés inanimés sur la couchette de leur geôle. Mais ils tiennent bon : ils ne parlent pas, ils ne livrent aucun membre de leur réseau. Alors, en juin 1918, ils sont jugés dans un simulacre de procès : ils sont défendus sans conviction par des avocats allemands devant un Conseil de Guerre allemand. Et le 2 juillet 1918, ils sont condamnés à mort pour « trahison de guerre ».
Leur recours en grâce est rejeté 15 jours plus tard. On est le 17 juillet 1918. Il leur reste 12 heures à vivre.
Ces douze heures, Louis et Antony Collard les passent au fort de la Chartreuse dans une cellule commune, meublée d’une table, d’une chaise et d’un lit de camp – qu’importe qu’il n’y en ait qu’un, ils ne dormiront pas.
Ils vont écrire plutôt. Toute la nuit. Ils vont écrire à leur famille, et ces lettres sont disponibles à la Bibliothèque universitaire Moretus Plantin. Un prêtre passe la nuit avec eux. Dehors, l’orage éclate, rendant le huis-clos plus sinistre encore. A 3 heures du matin, un soldat allemand vient chercher les lettres d’adieu. A 4h45, les frères Collard assistent à une dernière messe.
Et puis c’est l’heure. Le 18 juillet 1918, à 5h du matin, Louis et Antony quittent leur cachot la tête haute. Ils entonnent le Magnificat, l’hymne catholique qu’ils fredonnaient pour s’endormir, quand ils étaient petits. 300 mètres les séparent des poteaux d’exécution. Bientôt, ils y sont attachés. L’auditeur militaire entame la lecture de la sentence. L’aumônier prie une dernière fois avec les condamnés. Un officier allemand leur bande les yeux. Puis il donne l’ordre au commandant de chaque peloton de faire exécuter la sentence. Il y a là deux rangs de 10 soldats, l’arme levée. Ils ont ordre de viser le cœur. Il n’y aura qu’une salve. Les corps s’affaissent, criblés de balles. L’aumônier se précipite pour donner l’extrême onction. Le médecin constate les décès. Des prisonniers russes délient les corps et déposent les martyrs dans les cercueils. Ils les descendent dans une tombe supplantée d’une petite croix portant cette simple épitaphe : Louis et Antony Collard, 18 juillet 1918.
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