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Fait partie de Annales de la Société archéologique de Namur. Tome 1
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S\),Cieté '.arcl1rolo9iqur

Uamur.

I" vol. des Annales.

LISTE DES SOCIÉTAIRES EN 1848 .

.Date de l'admission.
28 décembre 1R45. ALPUONSE BALAT, architecte.
Namur .
.TOLES BoRG!'fET, conservateur des archi\'es de l'État. • . . • • . . . Namur.

Ft1.1x ELOIN, aspirant des mines. .
Namur.
ADOLPHE BORG"ET' membre de l'Acadé·
mie , professeur à l'Université.
Liége.
FERDINAND l\lARINUS, directeur de l'Académie de pl'inture. • • . • .
Namur.
F.oGtNE ou Pat, juge d' instruction.
Namur.
JosEPn ELOIN, ingénieur civil.
Namu r·.
JEAN-BAPTISTE BRABANT , avocat, conseiller communal.
Namur.
HENRI LAllUOTTE, agrégé à l'Université
de Liége, professeur à !'Athénée. • Namur.
"
ARIIAND DEMANET, lieutenant-colonel clu
génie . • . • , .
llruxelles.
Bon GUSTAVE DE PITTEURS DE BUDINGEN,
conseiller communal.
. Namu r.
LOUIS B111ARD. , , .
. Namur.

Ct• CUAIILES DE ROMRÊE, bourgmestre.. Ferolz.
G11osJEAN, négociant.
. Temploux .
LOUIS lL\UT.
. Namur·.
L Ftns , receveur de l'enregislremc nl, etc. .
. Liégc.

Lu

.Date de l'admission.

28 décembre 1845. EUGÈl'IE DEL MARllOL , secrét. de la commission prov. de statistique.
. S1 ~Jarc.

CHARLES MONTIGl'IY, profess. à l'Atbénée. Namur.

J. GRAIIDGAGNAGB, membre de l'Académie, conseiller à la cour d'appel. . • Liéi:;e.

A. Bt11oiT, directeur des établissements
de M• le duc d'Aren berg.
, Muchc-te, . Damc~
r
ARl!Al'ID BoUBDOII , orfèvre.
Namur.
"
JosEPn I1.0111, père, membre du bureau
de bienfaisance.
. Namur .
»
EoxoND Duav, avoca t , conseiller provincial.
Namur.

JOSEPH TnoNAR , fondeur en fer.
ADRIEII A!ICUEVAL,
B0t1 JULES DE BAllt DE COllOGNE.
SYL\' All'I VAN DB WEYER, ambassadeur.

Namur.
Namur.
Namur·.
Londres .
FtuxKINET . •
• Gembloux.
22 ma1·s 1840. PETIT, curé doyen.
Leuze.

AR liAND "\VASSEIGE ' avocat , conseiller
1irovincial. •
Namur.
~
A. WESllAEL-LEGROS, imprimeur et libre. Namur.
50 mars 1846. Bon EDOUARD DE SPANDL.
Namur.
50 am·il 1846. PAUi. WILBRAl'IT, professeur de musique. Namur.
15 décembre 1846. Boa Ltol'I D'llooonvoRST.
Bruxelles.
Cl• TntODORE n'OULTREllONT.
AtttANDRE N A.l!ECBE, directeur de l'école
normale.
Ni\·elJes .
14 ma,·s 1847. FABRI·DBLVAUX, inspecteur provincia l
de l'enseignement primaire.
Namur.
Cte LALUllANT DE LEVIGNEN.
Namur.
14 octobre 1847. N. J. DB CocK , curé doyen.
WaHc:
15 janfJier 1848. NICOLAS IIAUZEUR , arncat.
. Broxelles.
»
ALBERT D'ÜTREPPE DE BOUVETTE, CO~Shon. à la cour d'appel de Liége, etc .. Bruxelles.
5 jtdn 1848.
FRANÇOIS PIÉTO!I, fils.
. ~amur .
AUGUSTE LAFOl'ITAli'IE.
. Bruxelles.

Art. 35 des statuts.
Dans toutes ses pu!Jlicalions, la société n'est nulltmcnl l'esponsahle
<lts opinions émises par les auteurs.

.\NN\LES
llf. I, \

,

SOCIÉTÉ ARUIIÉOLOGIQl,E
Ill.

NAMUR.

TOl\lE PREM l l!:R .

NAM UR.
nr0G lt\l•t11 F. UE \ . \\t-."'1\l \ti: 1.- 1.EG ROS . R UE l)t 1:,\'VGM , , .. ti~t.t

'

SoCIÈf É,
ARCHÉOLO&IQ.UE
·p1

i,

NAMUR.

LE DÉSERT DE JIARLAGNE
PAIi

L'AUTEUR D'ALFRED NICOLAS.



Je voulais dédier ces pages à Théodore Weustenraad; et la
mort l'a frappé; le terrible tléau qui vient de désoler nos contrées n'a pas épargné l'auteur du Remorqueur et de la Charité.
Prenons tous le deuil; car tous nous perdons un homme à
jamais digne des plus cruels regrets : moi, un ami, un excellent ami, un cœur affectueux, généreux, dévoué; la littérature
nationale un de ses plus glorieux représentants; la patrie un
citoyen d'élite.
Hommage, éternel hommage à Théodore Weustenraad !





TABLE ANALYTIQUE.

A.
Albert et Isabelle : les deux archiducs posent en i6i9 la première pierre de l'église du couvent des Carmes à l\Jarlagne;
page 47. - Comment la chronique du couvent fai t récit de ce
fait, ainsi que d'un repas servi sous l'ombrage par les hermites
du Désert ; 215 et suiv. - Texte de la chronique; 222. Histoire du règr~ de ces princes par i\I. Ch. Dubois; autre
histoire <lu même rèç;ne par l\l . .1 . Dieden; 239 et 240.

8

l'ADLE ANALYTIQUE.

Anve1·s: cette ville a une académie d'archéologie; 75.
Ar : syllabe étymologique; 40.
Archéologie (sociétés d') : nécessité de ces instituts en Belgique; 54. - Règlement-modèle de la province du Luxembourg; 113 et suiv.
Ardennes: étymologie; 45 et 44.
Arlon: étymologie du nom de cette ville; 40. - Réfutation
des savants qui le dirivent d'ara lwue; 4-t. - Création d'u n
musée provincial à Arlon; 67, H5.
B.

Béotien de Belgique : il relève de temps en temps la tête; 62.
Berloo : étymologie du nom de ce village; 57. - Aucuns le
dérivent de bar, beer, ours.
Beverloo : étymologie ; 57.
Bierwart : étymologie; 57.
I

B011nier : ancienne mesure agraire de la Belgique; i27.
Bouche: contre l'usage de se laver la bouche en pleine table;
1i2 et suiv.

C.
Canada : ( nom wallon de la pomme de terre) : étymolo-

gie; 155.

TABLE ANALYTIQUE.

Carmes : origine de cet ordre religieux; 108. tume; 211.

9

Leur cos-

Chartres : texte d'un diplôme de Bauduin de Constantinople,
de l'an 1237, relatif à la chapelle de Sainte l\larie de Marlagne; 101. - Texte d'une Chartre de Guy de Dampierre, de
l'an 1286 , accordant la dîme à l'abbaye de Floreffe sur des
essarts d~r ~ 11 forêt de l\Iarlagne; 102. - Texte d'un ancien
regist e. .•u~<1uant à l'an 1265 les droits des habitants de Namur
cl.- la même forêt; 104 et i 05.
Chauffage : étymologie de ce mot ; opinion de 1\1. de Reiffenberg réfutée; 23 et 24.
Clwist : une figure du Christ en carton faisant l'admiration
des étrangers au Désert de 1\larlagne; 48.
Copères : sobriquet des habitants de Dinant; étymologie; 207.
Couvents : observations critiques sur les couvents; 157 cl
suiv. - Éloge de certaines communautés religieuses (Sœurs
de Charité, Filles de la Croix, Sœurs Augustines, Frères de la
Doctrine Chrétienne); 162.
Créné: mot wallon; étymologie; 194, 196.
C,·ompire ( nom wallon de la pomme de terre); étymologie;
opinion de M. Jottrand ; f34 et 135.

D.
Diane : restes de l'autel de celle déesse à Arlon; 45.

10

TABLE ANALYTIQUE.

Dictionnaire étymologique de la langue wallonne pal' Ch.
Grnndgagnage; quelques observations sur ce livre; f96 et suiv.
Dinanderies : ouvrages en cuivre, fabriqués à Dinant au 13•
et au uesiècles; deux belles pièces à Tongres; 132, 207. L'auteur a omis de citer les fonts baptismaux de l'église de
Saint Barthélemy à Liége.
Dizaines: les dénominations de septante, oct:.ltl · • L11i-

tantc, nonante, plus scientifiques, plus systématiques e: p.
modernes, que celles de soixante et dix, quatre-vingt, quat,..,.
vingt-dix; 129 et suiv.

E.

Étymologies : rigueur des savants modernes; 23. - Systèmes
exclusifs; 56. - Règle générale en fait de localités; 4L

F.

Fagne : étymologie de ce mot; 201.
Flamaml : de la langue flamande et du congrès littéraire

flamand; 257.
Floreffe : étymologie du nom de ce village; 57.
Foramwn (Saint): habita la forêt de l\Jarlagne; 46.

TAIILE A~AL\'TIQUE.

Jl

G.

Gigot (manches à) : leur origine; 145.
Gozette : nom wallon <l'une sorte de pâtisserie; 196, 20i.
Guichardin : ce qu'il dit de la forêt de i\farlagnc; 21.

F.

lféribert (Saint) occupa dans la forêt de Marlagne un hermi-

tage qui existe encore en partie; 46 et 106.

Hermites et hermitesses : peuplaient jadis la l\Iarlagne; 45
et 46.
lfosingen : village du Luxembourg ayant son petit musée
archéologique chez M. le notaire Pondrom; f56.
ff11ita11te : royez dizain es.

J.

Jardins : étrange procédé des jardinie1·s et architectes pour
créer un jardin; doit unir l'utile du/ci; 141 et suiv.

f2

TABLE AXAL\'TIQUE.

Jésuites : veulent souiller aux Carmes leur Désert de l\larlagne; 128.

Joseph (Saint) : patron du couvent de Marlagne; 2f.
Juslenville : cimetière romain et diverses antiquités découvertes en 1.848 dans cc village et fort exactement décrites par
1\1. A. Dethicr, de Theux; f09 et HO. - Voir les bulletins de
l'Académie, année 1.849 , tome 16, page 352.

L.

L : fréquente substitution de cette lettre à la lel!re r; 38
rt 39.

Langue latine : nécessité de l'étude de cette langue; 25.
Liberchies: village du Hainaut ayant son petit musée archéologique chez son révérend curé; 156.

Liége : n'a encore ni musée d'antiques ni société d'archéolo3ie; ce qu'elle a; 73. - Ce qu'elle aura; 110. - La province
de Liége fait réparer les anciennes voies romaines; 237.
Londres : étymologie du nom de cette ville; 30 et 44.
Louis XIV : particularités plus ou moins curieuses de son
séjour au Désert de Marlagne; 84 et f50. - Dons qu'il fit en ·
le quittant; 154.
Lupicin (Saint) : habita la forêt de l\Jarlagne; 46.

T.\BLE ANALYTIQUE.

13

M.

,llalonne : étymologie du nom de ce village; 58.
Jfarlagne: synonymie de ce nom; 58, 1.00 et suiv.
Mat'lagne (Désert de) : origine, situation, description; 46,
52. - La jouissance en est donnée à l'évêque de Namur; ï 8.
- Fondatir,n de l\lonseigneur de Pisani de la G:i.ude; i9, 80.
- ErN· on du chemin de la Croix; Si. - Tombes et noms de
plusit it.. français de la suite de Louis XIV, morts ou enterrés
au ;1ês:;rt pendant le siége de Namur; 82 et f49. - Était orné
e ,;!atues, de tableaux et de diverses autres curiosités; 48,
f-5, i47, -1.48. - L'âne du Désert; 85 et 86. - Deux laïques
<lu nom de Bivort se bâtissent une retraite chez les Carmes; 86
et 251.- Déprédations et pillages; le capitaine Geogagan; f55.
- Tremblement de terre en 1692; 15ï. - Récit d'une irruption de peuple au Désert; texte de la chronique; 190 et 192.
- Acte de la prise de possession par les Carmes; 212. Acte de la concession primitive; 214. - Nombre des religieux;
noms et patrie des premiers frères; formules de leur serment ;
scel du provincial de l'ordre; 227 et suiv.
iJfadagne (forêt de): sa destruction; 21. et 22. - Étymologie
de ce nom; 29 et suiv. - Étendue de la forêt; 50. - Ses anciennes limites; 105. -Abondait d'hermites et de monastères;
.{5, 46, 51 et 52. - Rendez-vous de chasse des anciens comtes
de Namur; gibiers qui la peuplaient; 98, 105.

14

T.\BLE A:'lALYTlQUE.

Maximilien-Emmanuel de Baviète: loge au Désert de l\Iarlagne en assiégeant le château de Namur; 156 .
.Michelet: du genre historique de cet historien; 259.
Missionnaires : pionniers de la civilisation; 187 et suiv.
Musées provinciaux : nécessité de ces établissements en Belgique; ms et suiv., 110, 256.
N.

Namm·: le jour comme la nuit à Namur il fait_ clair; 55. Création d'une société d'archéologie; 70.
·,
Nervie11s : ancienne peuplade belge qui occupait la 1 ~êt de
i\farlagne; 24 et suiv.-Inventeurs de la haye classique; i>¾_
Nonante : Yoyez dizaines.
Notre- Dame-aux-Bois (chapelle de) : érigée dans la forêt de
Marlagne; 48 et 49.

O.
Octante: \'Oyez dizaines.
Oro/aunum vicus: nom romain d'Arlon; 40 .
P.

Po11lse11,.: Yillage sur l'Ourte ayant son musée archéologiqur
chez 1\I. Burton; 156.

TABLE .\l'\ALYTIQUE.

15

R.

R : fréquente substitution de cette lettre à la lettre l; 58 cl 59.

Romains : mauvais archéologues et mauvais linguistes; 26.

S.

Saint Bernard : hospice et chiens de cette montagne; 18ï.
Septante : voyez dizaines.
Serenus (Saint) : habita la forêt de l\Ial'lagnc; 46.
Sombreffe : étymologie du nom de cc village; 5ï.

T.

....
Thomas de Jésus : provincial des Pays-Bas et de la BasscAllem;rgnc; pousse à la fondation du couvent des Carmes de
l\Iarlagnc; 47. - Sa biographie ; 215.
Thuya: abus que l'on fait de cet arbre; 146.

Tongres : idée de la création d'un musée en cette ville sous
les auspices de l\I. Vrindts, secrétaire communal ; 60 et 61 . -

.

.

16

TABLE ANALYTIQUE.

Divers monuments et curiosités de Tongres; 64, 132. - Son
antique pierre milliaire transportée malencontreusement it
Bruxelles; 235.

Tournai : société historique, littéraire et archéologique de
cette ville; 234.
Trappistes : fondent l'abbaye de Westmalle en Campine;
défrichent les bruyères; texte de quelques sévères dispositions
de leur règle (silence, privation d'amitiés parliculière.s, abstinence de lectures, coucher, menu <le leur repas , etc.); 165 et
suiv. - Leur charité; 169. - Inventent un nouveau mets , la
fameuse soupe au sapin; 170. - Proscrivent l'ablution de la
bouche en commun; 172. - Leur grande recréation, 14. Proscrivent les journaux; leur mauière de mourir ; ·t' 'iL
d'un voyage fait à la Trappe de Westmalle par l\f. Eugèr
176 et suiv.

V.

Villa: définition de la villa belge; excursion dans les villas
de Belgique; 183 et suiv.
Villes : épithètes caractéristiques des anciennes villes des
Pays-Bas autrichiens; 194.
Vomitoire : nouveau meuble à la mode dans les grands repas; 172.

TABI.E ANALYTIQUE.



W.

Wallon: locutions wallonnes, cenl bonniers d'un gazon; 126.
- Emmuraillé; 128 et 129. - Réverbérisle, glot, glout, faire
le chal, faire barettc; 2{0.

LE DÉSERT DE MARLAGNE.

WAL L Ol'fl'fADE,

E30 quo, amo ar-çuo cl cutigo.
A,vcu;,,n., Hl, 19.

1.

Un Anglais me disait un jour :
- « Créer un jardin comme il faut , c'est peindre avec des
» arbres. »
L'expression me plut. Je l'étendis au-delà, et je dis à mon
tour :
- « Écrire, c'est peindre. Que fait un auteur qui écrit un
» livre? Il peint avec des mots. »

- ~o Et en effet, le premier devoir d'un littérateur, c'est de chercher à imiter la nature. Sa plume crayon~e, dessine, fait en
quelque sorte un paysage littéraire. Or, de même qu'un pays
pittoresque se compose de monts et de vallées, de bois, de
rochers, de_gazons, de fontaines, ainsi l'œuvre de l'écrivain
a quelque chance de plaire, si eUe réussit à reproduire cette
belle variété. !\lais prenons-y garde cependant. Toute qualité
côtoye un défaut : on veut être varié, et l'on devient. disparate.
Comment échapper nous-même à œt inconvénient? car nous
tenons aujourd'hui le 1.er octobre 1848; nous sommes en vacances; et l'on sait que dans cet heureux temps chacun s'amuse
selon sa fantaisie. Ne soyez donc pas surpris, mes lecteurs,
si, dans l'aventureuse excursion que nous allons entreprendre
ensemble, vous me voyez de temps en temps changer mon pas,
mon allure, et diversifier singulièrement ma route. Tel est
mon plaisir; et tel, j'espère, sera aussi le vôtre. Tantôt je
m'achemine dans la plaine à petites enjambées, cherchant çà
et là quelques jolies fleurs à cueillir; tantôt je tâche de m'élever un instant sur les hauteurs de !'Art ou de la Science; plus
loin je pénètre hardiment dans les halliers épineux de la politique; et vers la fin du jour, fatigué d'une course un peu rapide
en pays inégal, je me repose avec jouissance et mollesse aux
sources pures de la poésie. Vous voilà prévenus, mes lecteurs.
A vous de voir à présent si vous voulez me suivre. Oui, oui,
mettons-nous en marche. Le ciel est azuré; un léger vent d'Est
rafraîchit le soleil; la tasse matinale de l\loka m'excite; tout
nous promet la plus agréable promenade au Désert de
Jlarlagne.

-----~--~-~----

-

2l -

J1.

Ainsi s'appelait un ancien monastère, consacré par les
Carmes sous l'invocation de Saint Joseph, et comme perdu
dans les vastes bois qui lui donnèrent leur nom. Mais si l'asyle
des Carmes prit le nom de la forêt et s'appela le désert de
Marlagne, la forêt à son tour prit parfois le nom du patron du
monastère et se nomma la forêt de Saint Joseph: dénomination
trop moderne, trop peu scientifique et trop carme, pour que
nous puissions l'adopter dans la présente notice.
La forêt de Marlagne, qui partait pour ainsi dire des faubourgs
de Namur pour aller couvrir une grande étendue du pays
montueux situé entre la Meuse et la Sambre, faisait jadis partie de l'immense forêt des Ardennes. Le vieux traducteur de
Loys Guicciardin, dans la Description de toitts les Pays-Bas,
au livre intitulé Description générale du Pays-Bas, page 28,
nous en parle naïvement en ces termes :
« l\farlaigne est au Comté de Namur, et a ce bois son corn» mencement au Chasteau de la mesme ville de Namur, prenant
» son estendue vers le Sud West en grande largeur tirant à
» Filippeville; et va non trop !oing de la Meuse faire monstre
» et parade de son orgueilleuse beauté. »
Oui, je l'ai vue cette orgueilleuse beauté; je les ai parcourus
ces bois magnifiques. Ils cxist.aient encore il y a peu d'années.
:\lais aujourd'hui, au ~rand reç;ret des chaf;scurs, des voyageurs

-

22 -

cl des poëtes, ils ont presque entièrement disparu pour faire
place à des fermes et à des champs de blé. On assure que les
champs et les fermes aboutissent en résultats plus solides à la
bourse des propriétaires; et l'on ajoute que tous les propriétaires ne sont pas des poëtes. Qu'est-ce à dire? Tous les propriétaires ne sont pas même également heureux. Ou cite de
gros mécomptes; on montre çà et là des sillons qui ne valent
pas des laies; on remarque de minces et maigres gerbes où le
chêne se sciait en madriers puissants, où le plane, l'érable,
le bouleau, le charme s'empilaient en cordes, s'entassaient eu
fagots, se réduisaient en charbon et finissaient par se changer
en or. Plus d'un bourreau de la forêt se ruine. l\1ais, hélas!
la bien-aimée n'en est pas moins morte. Le hêtre est abattu;
le chevreuil a fui ; l'oiseau s'est envolé ; et veuf inconsolable, l'amant de la nature est là, sur la colline, pleurant sa
vieille forêt chérie, mais pleurant en silence et cachant ses
larmes.
Faisons, nous autres , quelque peu de science. La science
console. Aussi bien j'ai l'honneur d'adresser ces lignes à la
Société Archéologique de Namur; et pour un écrivain qui destine un article, une notice, une simple note même à un institut archéologique, la première chose à faire, c'est de l'érudition. Je vais donc de prime abord creuser profondément au
cœur de mon sujet. Appelant à mon aide ces deux aimables
sœurs ayant nom Science et Conscience. déités propices dont le
culte est indivisible, j'aborde sans biaiser l'étymologie du nom
de Marlagne qui se trouve en tête de cet écrit.
Chose ardue, excessivement ardue, qu'une étude étymologique en l'an de grâce et surtout de savoir 1848. Naguère
encore c'était pur jeu d'esprit : allusions subtiles, rapprochements ingénieux, chatoyantes conjectures, combinaisons

-----~-~~---~--

-

-

---------~- -- .. - ----

23 -

fantastiques, voilà e,e qui défrayait les érudits du genre. lis n'avaient qu'à se baisser pour ramasser à pleines mains les roses
dans la corbeille de l'imagination.
Les temps sont bien changés. On a vu se lever, du côté de
la Germanie, deux ou trois savants fort austères, chargés de la
réforme, et qui prétendent renfermer tout cela dans un cercle
de fer, dans un petit nombre de principes certains, rigoureux,
inflexibles, arrêtant ainsi sans pitié ni miséricorde les plus doux
élans de l'intelligence. l\lais ils auront beau faire. De quelque
façon qu'on s'y prenne, le travail étymologique conservera le
charme de sa nature première. Ce qu'il a de beau, d'agréable à
jamais, c'est qu'en s'y livrant on peut se tromper sans perdre
tout avantage, que ses erreurs mêmes plaisent toujours, trèssouvent instruisent, et servent du moins à mettre dans la
bonne voie ceux qui arrivent après.
Voyez, par exemple, où m'a conduit un petit écart de 1\1. de
lleiffenberg. L'honorable et savant académicien s'occupe aussi
parfois d'étymologie. En voici une de son invention, de sa
pure et ingénieuse invention : vrai bijou de curiosité, que je
trouve dans une quatrième ou cinquième table appelée Glossaire
roman par l'auteur, glossaire que vous trouvez dans les Monuments pour servir à l'histoire des provinces de Namur, de
Hainaut et de Luxembourg , monuments que nous trouvons
dans la Collection de chroniques belges inédites , publiée par
ordre du Gouvernement.
« CHAUFFAGE. Ce mot vient de ad (ocum ou du bas latin,
» affoagium ou affuagium. La racine est toujours (ocus et la
» forme du mot devrait être (ochage ou fauchage dont on a in» terverti les syllabes dans la prononciation pour arriver à
» chauffage. »
Très-savant sans doute, mais un peu drôle peut-être. Ayant

. -

.

--

-

24 -

relu ce passage, j'imaginai bientôt que chaud venait tout bonnement de calidtis, que chauffer, chauffage, venaient tout bonnement de cale{acere. Voilà certes une chose infiniment simple,
et à laquelle pourtant je n'aurais jamais pensé sans l'aventureuse érudition de mon habile confrère. Imitons son exemple.
N'ayons pas trop peur des érudits moroses, des secs géomètres
en étymologie. Errando s'impara, dit le proverbe italien. C'est
bien dit. Égarons-nous, s'il le faut, pour instruire; cherchons,
pensons, imaginons; et ces réserves posées, tâchons d'établir
que le nom de Marlagne signifiait en vieille langue de la Germanie la forêt serrée, fourrée, impénétrable, inextricable :
mar-l-On ou mar-lun.
L'examen de cette belle étymologie fera le sujet du paragraphe suivant.

III.

Au rapport de César, éternelle autorité des érudits du cru,
la plupart des peuples que l'invasion romaine vint heurter sm·
le sol belgique étaient Germains d'origine. L'un des plus puissants, les Nerviens, hommes rudes, vaillants, énergiques,
ennemis déclarés de la mollesse gauloise, se prévalaient pardessus tous les autres Belges de leur sang germanique. Or ce
peuple occupait précisément, mais en s'étendant beaucoup
au-delà, tout le pays situé entre la Sambre et la Meuse que la
forêt de Marlagne occupait elle-même. Il résulte de ces premières données que, dès les temps les plus reculés, un grand

-

'20 -

nombre de localités de la Belgique, et en particulier la forêt
de Marlagne, ont pu recevoir leurs dénominations des anciens
idiomes de la Germanie.
Faut-il à présent que je transcrive les textes? Pourquoi pas?
C'est du latin sans doute; mais j'aime à citer du latin, ne fût-ce
que pour faire honte à ceux qui ont le malheur d'ignorer cette
belle langue. Dans un temps où quelques barbares, se croyant
hommes du siècle et champions du progrès, cherchent à la
proscrire et l'attaquent rudement, notre devoir à nous, gardiens
académiques des meilleures traditions classiques, n'est-il pas de
la défendre, de lui prêter main-forte? On a beau se récrier; il
sera toujours vrai de dire que la langue laline est la mère naturelle et à la fois très-légitime de la langue française, qu'il est
impossible de posséder comme il faut la fille sans connaître
passablement la mère, que l'étude du latin n'est pas seulement
un apprentissage de bon goût et la clef d'une admirable littérature, mais que c'est aussi le meilleur cours de logique qu'un
jeune homme puisse suivre.
Voici le texte de César :
. . .. . . . .. Reperiebat plerosque Belgas esse ortos à Gennanis,
Rhenumque antiquitùs transductos, propter loci fertilitatem ibi
consedisse, Gallosque, qui ea loca incolerent, expulisse.
C..E5ARIS COMMEt\TARL\ DE BELLO GALLICO, LIB. li, N° IV.

Il faut joindre à ce tfüte le passage suivant de Tacite:
Neroii circa af{ectationem gennaniœ originis ultri) ambitiosi
sunt, tanquàm per hanc gl-01'iam sanguinis à similitudine et
inertiâ Gallornm separentur. - D E GERMANIA, xxvm.
Pour la commodité des pauvres de la science, des enfants et
des femmes, nous consentirons à traduire :
« César apprenait que la plupart des Belges étaient issus des
» Germains, et qu'après avoir traversé le Rhin à une époque
4

-

26 -

.,, reculée, ils avaient cltassé les Gaulois qui habitaient le pays,
>> et y avaient lh'.é leur demeure à cause de la fertilité du sol.»« Les Nerviens font grande ostentation de leur origine ger» manique, comme si cette gloire du sang mettait encore une
» distance plus grande entre eux et les efféminés Gaulois. »1\Ialgré leur bravoure et une héroïque résistance, les Nerviens furent vaincus par César comme tous les autres Belges;
la tactique l'emporta sur la force brute; les Romains s'établirent en maîtres dans le pays. On sait que ces habiles conquérants laissaient généralement aux peuples qu'ils soumettaient
leur religion, leurs mœurs et leur langue, se contentant d'un
tribut d'or et d'hommes, et confiant à la marche du temps, à
l'influence d'une domination plus polie et plus éclairée le soin
de civiliser, d'assimiler, de romaniser peu à peu la conquête.
C'est ainsi, comme l'histoire en fait foi, qu'ils conservèrent les
anciennes dénominations locales, en les pliant seulement à la
forme latine. l\Iais si les soldats de Rome étaient d'excellents
combattants, en revanche ils étaient de pitoyables linguistes,
de pauvres philologues, les plus piètres archéologues que le
monde savant eût jamais portés. Aussi, dans ce mépris muet
qu'ils affectent partout pour les langues barbares, dans leur
grossière insouciance des soins et des peines que nous devions
nous donner un jour pour débrouiller leur vocabulaire de noms
étrangers, combien de fois ne leur est-il pas arrivé d'estropier
cruellement les vieux noms belgiqucs ! Il y avait, par exemple,
les Bolgs et les füghs. Les Romains en ont fait des Belges cl
des rois. Dieu sait tout le mal que nous avons pris, M. F. Gérard, 1\1. Polain et moi, pour reconstituer les Bolgs et les
Righs ! Et encore, disons-le franchement, ne sommes-nous pas
bien sûrs de notre affaire. Citons également Wehnnann, Wods,
Herman, Atwache, toutes choses que le vulgaire, en se confor-

-

27 -

mant à l'ignare tradition des conquérants latins, appela Germains, Goths, Arminius, Atuatuca. Cela fait pitié! Et quand
on pense que c'est en grande parlie l'empereur César même,
aidé de Strabon, de Pline, de Tacite et de Diodore, qui s'est
rendu l'éditeur responsable de toutes ces corruptions! Je le dis
à sa honte : César a complètement négligé la gloire de l'archéologue; il s'est contenté de se faire grand homme.
Et pourtant je ne serais pas surpris qu'il se trouvât des gens
assez simples pour entreprendre sa défense. lis vous diront,
je suppose :
- « La langue latine était une langue polie, agréable, élé)> gante, était une langue humaine; on ne pouvait décemment
» la hérisser d'une foule de noms baroques; l'oreille romaine
était délicate, sensible, habituée à la mélodie des orateurs
,, et des poëtes; il y aurait eu conscience à l'écorcher des rudes
» et durs sons de la Germanie; tous ces mots barbares étaient
,, destinés à tomber avec la barbarie; le progrès doit s'étendre
,, à tout; les hordes germaines ne pouvaient entrer dans l'his,, toirc et dans le monde civilisé sans voir leurs noms revêtir
> une forme que la civilisation pût admcllre ; nous faisons
» nous-mêmes comme a fait César; nos grands navigateurs,
» tout savants qu'ils sorlt, lâchent, quand ils viennent à décou" vrir quelque terre lointaine, de rendre en langage d'homme
" les terribles dénominations qu'ils entendent glapir ou hurler
» dans la bouche des sauvages; un organe européen n'en sau" rait ni prendre ni supporter la rudesse; si les voyageurs se
» plaisaient à barioler leurs livres du nom des Chikkasahs, des
» Shoskonies, Jlluskohges, Mohawks , ChiJJéouays et Cochne" tVa!JOes (pour citer les plus doux, les plus présentables d'entre
» les noms de quelques tribus), nos yeux et nos oreilles se» raient t)arfaitemcnt rn droit rle s'cffaroucl1cr à l'envi, comme
>)

1

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28 -

ils s'effarouchent quelque peu desAll-Ins, des Ripes-Wares et
des Baï-Wares, des West-Goths, des Ost-Goths, des Tho rings,
» des Burh-Gimds, des Francs JJ!ere-Wigs et des Van-Dalls. »
Voilà ce qu'on peut dire. Mais il est évident que ces raisons
ne sont bonnes que pour ceux qui veulent les admettre. Une
meilleure raison, à mon sens, c'est qu'avec plus d'exactitude de
la part des anciens à rendre les noms d'hommes et de lieux,
nos antiquaires, nos archéologues et bon nombre d'académiciens n'étaient plus bons à rien, et que, si les latins, au lieu
d'appeler ilfarlania la forêt de l\Iarlagne, lui avaient conservé
son vieux nom germanique de Marlun ou lJlarlon, l'intéressante dissertation que j'élabore en cc moment devenait parfaitement inutile.
Soyons donc indulgent; soyons même assez juste; convenons
que la l\Iarlagne n'eut pas trop à se plaindre, et que sa primitive appellation a été passablement respectée. On eût mieux
fait sans doute, si l'on voulait absolument en latiniser le nom,
de dire lllarlonia ou llfarlunia. Mais il est toujours fort heureux, il est même extraordinaire qu'on n'ait fait erreur que d'une
lettre, et d'une voyelle encore, d'une misérable voyelle, chose
si insignifiante et si méprisée de l'étymologiste. Un a pour un o
ou un u, pure misère : toutes les langues abondent de cette
espèce de substitution. Nous en donnerons plus loin un second
exemple assez remarquable. II n'y a vraiment qu'un apprenti
du métier, un écolier de sixième, un académicien de Gembloux
ou de Gelbressée, qui puisse s'interloquer d'entendre llfarlania
dans les bouches romaines pour traduire la dénomination barbare de llfarlon ou JJfarlun.
Mes lecteurs ne manqueront pas ici de m'adresser une question. - « Vous parlez beaucoup, diront-ils, de llla1'lania; mais
» ce mot se trouve-t-il dans les anciens auteurs? »
»
)>

-

~9 -

~

Je conviens franchement que je ne J'ai pas trouvé. .!\fais dès
le 13• siècle il apparaît dans les chartes; et les chartes ne
créent pas, elles ne font que constater le nom de la forêt, le
nom vulgaire qui remontait bien certainement plus haut. Je
conviens de même, et je l'ai déjà dit, que la 1\Iarlagne, au
temps des anciens Belges, faisait partie de la grande forêt
des Ardennes. Mais cette immense forêt, qui allait (pour employer les noms actuels) de Cologne à liions et de Metz à Liége,
traversant ainsi divers pays et divers peuples, s'était nécessairement fractionnée, d'après la différence des localités, sous
plusieurs dénominations spéciales. Et c'est surtout la partie
appelée lllarlagne qui dut recevoir, dès les premiers temps,
son nom particulier; car elle couvrait un territoire réellement
distinct; elle formait tout un vaste canton, renfermé dans des
limites naturelles bien tranchées et bien apparentes, la Meuse
d'un côté, la Sambre de l'autre : sorte de triage à part, dirait
un forestier moderne.
Il est donc plus que permis de supposer que nos antiques
Nerviens avaient marqué d'un nom propre cette magnifique
forêt, laquelle paraît même avoir été une de leurs frontières.
Nous verrons tout à l'heure qu'ils avaient d'excellentes raisons
pour l'appeler Marlon, forêt inextricable; car la discussion où
nous nous sommes engagé doit occuper encore le paragraphe
qui suit.

IV.
En consultant Malte-Brun dans le Vocabulaire de mots géné1·iques qu'il a placé en tête de son Précis de la géographie universelle, nous lisons que le mol Ion ou lun si~nifie bois dans la

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30 -

langue gothique, c'est-à-dire, dans l'un des plus anciens idiomes germaniques.
o: On en dérive Londres, ajoute Malte-Brun, (Lunden ou
» London), ville dans les bois. »
Et si maintenant au yocabulaire de l'auteur français nous
joignons Je dictionnaire teutonique de Kilian (Etymologicurn
teutonicœ linguœ), nous trouvons d'abord que marren ou maren
se traduit en latin par ligare, lier, ensuite que marren-büchte,
mar-büchte, veut dire tricœ, capillus intricatus, en d'autres 1ermes1 cheveux mêlés, brouillés, entortillés, difficiles à démêler.
Cela posé, ne pouvons-nous prétendre que Jfarlon signifie
intricata sylva, forêt inex.lricable, forêt dont les arbres, les
rameaux, les cépées , se mêlent, se croisent et s'embarrassent
si bien , que s'en dépêtrer n'est pas chose facile? J'avoue qu'il
y a pour moi un charme tout particulier dans la sylva intricata
de l\larlagne; car au temps de ma verte jeunesse el où ces bois
eux-mêmes verdissaient encore chaque année, je les ai parcourus maintes fois en m'écartant des chemins ballus, en cherchant à pénétrer ces profondeurs impénétrables; et jamais pareil entortillement d'arbres ne saurait mieux justifier pareille
étymologie.
Je vous entends, lecteur. Les objections commencent. « Kilian, dites-vous, ne rend ainsi le mot mar qu'en le joi» gnant à biichte. »
Soit. l\Iais la réponse est toute simple. Débutant par nous
donner la signification générale et ordinaire du mot, l'auteur
traduit le verbe marren par ligare, lier. Or, n'est-il pas évident
que son mar-büchte n'est qu'une modification, une simple
nuance de la signification première, el que des cheveux mêlés,
confondus, empêtrés, ne sont. autre chose que des cheveux qui
se lient, se nouent et se rPnonent les uns da ns les autres?

-

3l -

Il est encore une certaine considération qui me sourit beaucoup, mais que je ne puis dire qu'à l'oreille d'un vieil archéoloque. On trouve au liv. II, N° xv11, des Commentaires de César,
un passage infiniment curieu.x. César! toujours César!
Nervii antiquitùs , cùin equitatu nihil passent, ....... quù (aciliùs finitimorum equitatum, si prœdandi causâ acl eos venisset,
impedirent, teneris arboribus incisis atque inflexis, crebrisque
in latitudinem rnmis enatis, et tubris sentibusque illte,jectis effecerant, ttt, instar muri, hœ sœpes munimenta prœberent : quo
non modo non intrari, sed ne perspici quiclem 11osset.
Il faut être un vieil archéologue pour comprendre toute la
portée de ces excellentes paroles. Oui, oui, c'est bien cela. En
préludant au récit de la grande bataille, de cette bataille de
Prêle, où réunis au bo1·d de la Sambre, juste aux confins de la
forêt de l\Iarlagne, les terribles Nei·viens mirent à deux doigts
de leur perte César cl son armée, l'écrivain guerrier nous apprend que ce brave peuple était si habile à mêler, serrer, entrelacer, lier ensemble et relier les arbres, qu'il était presque
impossible d'aborder leurs retraites. Oh! voilà bien la forêt
nervienne, l'antique et inextricable Mar-hm, la sylva ligata,
intricata, impeclita, de Kilian, de l\Ialte-Brun, de César et
de Gggg.
le laisse les savants rigides en penser tout ce qu'ils voudront
et en gloser à l'aise. li est du moins un point que je leur défends positivement de me contester. J'ai un peu voyagé; j'ai vu
plus d'un pays; el je puis affirmer que nulle part on ne remarquera cette belle exécution, ce fini, cette industrieuse maind'œune, telle que nous la montre le pays wallon dans l'art de
former, conduire et relier les haies. Au fait je le crois bien.
Voilà deux ou trois mille ans que les Ncrviens y ont inventé,
cultivé, perfectionné cet art; et certes, dans l'intervalle, la

-- 32 -

pratique a eu tout. le temps de se perfectionner encore. Lisez,
je vous prie, relisez César. Je vais même en donner une traduction à l'usage des dames.
« Comme les Nerviens n'ont aucune force en cavalerie, ils
o ont imaginé, dès les temps les plus anciens, un moyen d'ar» rêter la cavalerie des peuples limitrophes qui viendraient à
» faire irruption sur leur territoire pour se livrer au pillage.
n Ils coupent les jeunes arbres; ils plient et rabattent les nom•> breux jets qui en sortent et qui s'étalent en largeur; ils in» terposent des ronces et des épines; ce qui fait de ces sortes
» de haies des retranchements aussi forts que des murs, et à
» travers lesquels il n'est pas possible de pénétrer, même
» <lu regard. »
On n'est pas plus formel. Le Bon Jardinier lui-même ne
dirait pas si bien. Ces arbres encore enfants que l'on taille et
que l'on courbe, tous ces rameau.x qui repoussent en s'élargissant, ces buissons épineux que l'on y entremêle pour relier
tout ensemble, mais c'est la haie, la vraie baie wallonne; etje
défie le meilleur horticulleur de la banlieue de Namur, le plus
adroit jardinier d'Herbatte ou de la Plante <le s'y prendre autrement pour cette opération agricole. Honneur donc à nos plus
vieux pères! Honneur aux bérns nerviens, aux antiques et habiles créateurs de la haie classique! Je vous le demande à présent: n'est-il pas vrai que la forêt de l\farlagne, frontière des
Nerviens, frontière qu'ils devaient fortifier contre les incursions
ennemies, a eu vingt fois raison , toute hérissée qu'elle a
du être de ces vives et formidables barrières, de s'appeler
Mm·-lon?

-

SS -

V.

Je crois ayoir rempli consciencieusement mon devoir envers
la Société Archéologique de ~amur, en l'honneur de qui
j'écris en ce moment. Cc n'est pas tout néanmoins. Sachant
combien le goùt et l'élude des antiquités comptent de fervents
amis dans le pays namurois, combien même les diverses lumières de l'esprit el autres y ont vivement rayonné à toutes les
époques, je veux pleinement satisfaire à ces nobles besoins de
l'intelligence et pousser jusqu'au bout ma pointe d'érudition.
On connait le fameux quatrain :
La lumiète ù 1Yamttr brille en deux ra119s d'artistes;

Et <le ce double éclat JYamw· est toujours fier :
G1·âce aux savants du cru, grâce aux RÊVERBÉRISTES,
Le jottr comme la nuit li .Yamur il fait clair.
Je mis chercher à confirmer de mon mieux l'honorable vérité
renfermée dans ces vers; et en digne enfant de Namur, je vais
tâcher de porter u~ dernier, mais radieux jet de lumière au fin
fond de la forêt neniennc, si épaisses que fussent les ténèbres
qui y régnaient jadis.
Avouons-le pourtant, je ne sais trop pourquoi je m'acharnc
ainsi à ces pauvres Nervicns, vrais satml~cs de l'anrirn monde,
li

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- ~u , ivant dans les bois, sous des huttes , ennemis du commerce
et de l'industrie, chassant les marchands, repoussant même
le vin, ne sachant que se battre et façonner les baies, et qui
seraient fort surpris, je pense, s'ils venaient à sortir de leurs
tombes grossières , de se voir tant cités, remués, blutés et
ressassés par les académies, les académiciens et toutes les sociétés d'archéologie. Laissons-les en paix; nous n'en n'ayons
que faire. li est joli sans doute de reporter la sylva ligata,
l'il!tricata sylva de l\farlagnc , à un peuple breveté par l'empereur César pour l'in"cntion des fortifications végétales; mais il
peut nous suffire, pour expliquer les noms germaniques de
maintes localités, de rappeler l'irru1>tion des barbares au quatrième et au cinquième siècles, la longue inva ion des peuplades
du Nord et particulièrement des Francs qui s'établirent dans
le pays, oî1 ils finirent par fonder, CRtre la 1\Icuse et la Loire,
celle puissante monarchie dont la forêt de 1\larlagne devint en
quelque sorte la limite septentrionale.
On reprochera peut-être à l'étymologie de 1\Iarlagne, dérivant de 1lla1'-lon, une monstrueuse alliance de gothique et de
teutonique. li y aurait à disserter ici; mais je me borne à une
observation . On sait que les hordes barbares étaient rarement
homogènes dans leurs migrations; qu'elles formaient plutôt des
bandes d'a\'Cnturiers fort mêlés; que les Goths, par exemple,
entraînèrent avec eux les Vandales et divers autres tribus;
que de même les grandes confédérations des Francs, des
Saxons, des Thuringicns, des Alemans, comprenaient moins
une nation qu'une ligue de plusieurs peuples ; enfin que de cc
pêle-mêle continuel des conquérants du Nord pendant quatre
ou cinq siècles résultèrent de notables mélanges dans les idiomes germaniques.
Est-il bien nai d'ailleurs que le mot soit hybride? Les deu:\

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3:; -

parties de Mar-Lon ou Jllar-ltm sont-elles exclusivement la première teutonique et la seconde gothique? J'hésite à le croire. Je
pense même plutôt que les Goths peuvent réclamer le mm· aussi
bien que le lon ou le lun. Marren, en effet, est identique
avec le vieux teutonique manjan, anglo-saxon mea1jan, signifiant empêcher, embarrasser (impedfre); et c'est absolument le
même mot que le gothique marzjan. Eh bien, que vous disaisje? Il n'y a point ici de monstrueuse alliance. Marlon est bien
gothique, pur gothique, tout gothique. Je viens même de consulter sur ce point mon savant confrère, 1\1. le professeur Bormans, membre de l'Académie; et je puis au besoin m'étayer
largement de sa haute science.
Faut-il à présent que nous suivions les Goths dans toutes
leurs excursions par l'Europe? Devons-nous les faire arriver,
ou seuls, sous leur propre nom, ou confondus avec différents
peuples, d'abord en Belgique pour dénommer l\Iarlagne et
quelques autres lieux, ensuite en Angleterre pour créer le nom
de Londres, et ainsi de contrée en contrée? Ce serait un peu
long; n'empiétons pas sur l'histoire. Nous dirons seulement,
comme point généralement admis, qu'il y eut des nations gothiques établies dans la Germanie plus de cinq siècles avant l'ère
chrétienne; qu'il se fit de grands mouvements dans les peuples
germaniques dès cette époque reculée; que plus tard surtout,
poussés et refoulés par l'effroyable invasion des Huns, les Goths
envahirent à leur tour la frontière romaine, où ils se ruèrent
de toutes parts en préludant à de vastes conquêtes.
J'aurais eu plutôt fait, si, laissant à l'écart l'intricata sylva,
j'avais dit que mar-lun était tout simplement un bois marécageux, en donnant au mot mar son autre signification de lac,
marais, marécage. J'aurais cité lé village de 1\laredret, qui est
<l:rns ta Marlagne (mar-<ll'echl, le passage des marais?). J'aurais

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parlé de Maredsous, autre Yillage de la mème forêt (le marais d'en bas?). J'aurais énuméré les ruisseaux, les étangs, les
fondrières et les terrains fangeux que l'on y remarque çà et là.
Mais en conscience je n'ai pu éviter mes frais d'érudition; je
savais par trop pertinemment que telle n'est pas dans la Marlagne la nature générale du sol, et que le marais n'y est qu'un
accident, une exception, impuissante à soutenir une bonne et
franche étymologie. Croyez-moi, lecteur; défiez-vous des savants, fussent-ils académiciens, qui font leur métier entre les
quatre murs de leur cabinet, cl qui se mêlent de vous expliquer
la dénomination des lieux sans les voir, les étudier, les connaitre.
Il est une autre espèce d'étymologistes contre lesquels il
n'est pas moins bon de se mettre en garde : gens absolus, intolérants, qui s'attachent exclusivement à un côté des choses
et n'admettent rien au-delà. Celui-ci, par exemple, est un
homme celtique ~ pas de salut ni d'étymologie hors de la langue
celtique : tout est celtique, tout, sauf le celtique peut-être qui
est on ne sait où. Cet autre est un germanique, qui n germanisant tous les noms de lieux. Il n'est pas jusqu'au village de
Profondeville qui n'ait une origine germaine : paarcl, cheval,
finden, trouver, wild, sauvage; lieu où l'on trouve des chevaux
sauvages. Celui-là, au contraire, tout entiché qu'il est de la
la langue romane ou du latin rustique, vous dira, vous soutiendra que l\larlagne ou i\farlaigne vient du mot roman mar,
grand, et de ligm11n, en vieux français laigne ou legne, et au~
jourd'hui bois, par conséquent grand bois. Cette explication
est d'autant plus dangereuse, qu'elle offre au premier coupd'a,il une assez belle apparence. Le archéologues de campagne
pourraient s'y laisser prendre. Mais je crois bien qu'il y a ici un
petit quiproquo; lig11111n, à ma connaissance, ne si~nifie pas
hois, forêt, .iylva, 11em11s, mais seulrment hois à hnllrr. boi"-

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- - - - - ~ ~ -.....- -. . . . .-~lll!l!!!!!!a-·11!!!!!!!!1

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37 -

de chauffage ou substance ligneuse. Ce n'est donc là qu'un méchant fagot qu'il faut laisser aux btîches.
Soyons, nous autres, un peu plus raisonnables. Ici encore
soyons éclectiques. Admettons tout à sa place; ou plutôt n'ad-·
mettons 1>as tout et ne rejetons rien. Entre tout et rien il est
un juste milieu qui s'appelle quelque chose. Celtique, romaine,
germanique, chaque langue a fait son temps; chaque peuple a
marqué son passage. Et de même que le géologue reconnait
les diverses irruptions des eaux sur le globe aux couches successives des terrains divers, de même nous observons que plusieurs couches de peuples se sont superposées l'une à l'autre
sur le sol Belgique, sur la terre wallonne, et qu'elles y ont
toutes laissé la trace de leur séjour.
Veut-on du germanique? li suffira de citer le village de Bierwart, qui s'écrit aussi Birwatre dans les anciennes cartes : l'eau
des bièvres ou castors; biber ou bever-water. On sait que la famille
des castors habitait jadis la Belgique, où elle a aussi baptisé
les villages de Beverloo en Campine, de Berloo (autrefois
Bierloo) dans le pays de Liége, etc.
Voulons-nous à présent du romain, du lalin? Prenons le village
de Floreffe, qui s'étale agréablement aux bords émaillés de la
Sambre : florœ, florum ou florida 1·i11a, le rivage de Flore ou
bien la rive fleurie.
Nous faut-il même du celtique, s'il en est au monde? Eh bien,
cherchons un peu. Voici, par exem pie, le village de Sombreffe,
qui traverse un petit ruisseau appelé le Som: Som-briva, le pont
sur le Som. Reste à savoir si le briva est du celte pur sang. Nous
causerons de cela quelque jour; car je prépare une dissertation
approfondie sur toutes ces miennes et nouvelles étymologies des
localités nationales. Aujourd'hui nous nous contenterons dC'
UarlagnC'.

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38 -

VI.

Le nom de Jlfarla,gne a été de tout temps le plus généralement usité. I\Jais il se rencontre quelques variantes. On trouve
Marlangnia, Jfarlignia, Jlfarlania, Marlaigne, dans plusieurs
chartes et diplômes que je ferai bien peut-être de rapporter en
extrait dans mes notes. Ces documents reposent aux archives
provinciales de Namur. J'en dois la communication à l'habile
et infatigable archiviste, 1\1. Jul~s Borgnet, frère de notre historien.
Un acte de l'an 1212 porte Maslania (bois de la l\leuse?).
Mais ce nom ne se présente qu'une fois; et c'est apparemment
une erreur de copiste.
Certaines chartes donnent i}f alangne , Malaigne, lUaligna,
.llalangna, Malagnia, Malagnum, lll alania, Mallanum. Ceci
devient plus sérieux. On connaît au bord de la forèt un village
appelé illallone ou Mal-One. Et qui sait, vraiment, si le nom de
ce lieu n'a pas la même racine? Ce qui est certain, c'est qu'il y
a là une ancienne abbaye qui a été bien probablement le berceau du village. Isolée dans un recoin de la forêt, l'abbaye de
l\Ialone n'a-t-elle pas tiré son nom de la forêt elle-même pour
le transmettre ensuite à la petite bourgade? Car veuillez notci·
que Mallagne ou ilfarlagne est absolument la même chose; et
cela nous rapproche beaucoup de JJl alùme, lequel nous rapproche à son tour de la racine Mm·-Lo11. Je n'ai pas besoin d,•

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~9 -

,·ous dire que les lettres l et r se substituent à chaque instant
dans les mols : rossignol pour lossignol, de lusciniola; Kallemaines pour Karlemaines, etc. Voici l'observation plus étendue
que fait à cc sujet le savant Klaproth, Encyclopèdie moderne,
au mot langues.
~ li y a un échange mutuel et très-fréquent dans toutes les
» langues entre l et r : exemples, en grec 1<üp, feu, en russe
" pyl; en grec wc:i1,:u~•, tléau, en latin, flagellum; en grec
» :..,ip,", lys, en latin lilium. Les mots français ciel, miel, sel,
• sont prononcés en bourguignon cier, mie,·, ser. Le sabre est
» en Allemand sabel; titre en français dérive du latin titulus,
., épître d' epistola, cbapi lre de ca11itiilmn, apôtre <l'apostolus;
• et orme est en latin tilmus, et en allemand ulme. Les latins
» disent aussi quelquefois ,·emures pour lemures, ,·allus pour
" mrns, stilla pour stil'ia, etc. Les Japonais, dans le plus graud
~ nombre de provinces, ne peurent prononcer l, et le rempla» cent dans les mots étrangers par r. Les Chinois font le con•> traire..... ,
C'en est bien assez comme cela. Partis il n'y a qu'un moment
des faubourgs de Namur, nous voici arrivés dans les mers de
Chine. Chose étonnante que l'érudition; assez simple du reste
et même assez facile. Qu'est-ce en effet que l'érudition? L'érudition, c'est avoir des livres.
Hélas! mon lecteur, voilà deux ou trois douzaines de bouquins qui sont là béants sur ma table. Je vous plaindrais vraiment, n'était la contrée variée où ils vont tout de suite nous
conduire. li vous souvient peut-être de l'un des premiers paragraphes de cc préambule, oit, m'attaquant de prime abord à
Marlagne et le fai ant dériver de Jfar-lon ou Jlfar-ltm, je vous
ai dit que les lettres a, o, tt, comme en général toutes voyelles,
se substituaient sans difficulté l'une à l'autre; et à cc propos, jl'

vous promellais un second exemple de cette substitution. Je
Yicns accomplir celle promesse. Nous regagnons la terre belge;
nous y rentrons même par un fort beau pays; nous arrivons à
Arlon. Voyez-\'ous cc sommet aigu qui décounc au loin la
haute étendue des Ardennes?
Adieu donc à la rive étrangère. Nous pourrions y jeter un
dernier coup-d'œil, y voir en bon nombre les a, les o, les u,
alternant entre eux , comme dans ,llarlon, 1llarlun Cl Jlarlag11e.
Nous y verrions notamment le mot germanique graben, fosse,
fossé, qui se dit en Allemand graben, grube, gru{l, en danois
grav, en russe rnv, en géorgien 1·ouwi, et ainsi de suite. Mais
toute cette science est par trop commode, je dirai même par
trop exotique. Voyons, rnyons Arlon.
Tel est, je crois, le nom primitif que portait dans les temps
anciens la capitale actuelle du Luxembourg belge, et qui de,·int,
au moyen d'un o pour un a, l'Orolaunum vicus des Romains,
ainsi que l'itinéraire d'Antonin l'indique.
Du rc te, ami lecteur, je suis bien sûr que vous avez pressenti tout d'abord ma tl.èsc. La cité d'Arlon, en effet, n'otrret-clle pas, dans sa dernière syllabe, cc mèmc Ion ou lun, bois,
forêt, dont Zifarlagnc nous a paru formé?
Quant à la syllabe ar, j'y ai beaucoup réOécbi; et je tiens
qu'il faut en cberche1· l'origine dans le très-ancien mot hartz,
hart, hard, signifiant spécialement une montagne boisée et
généralement un lieu élevé, en sanscrit ardh, en latin arduus,
en grec 6po, , Cl dont les équipollents seraient erde, erz, ort,
art, etc. Consultez, je vous prie, quelqu'un de ces auteurs qui
sont sur ma table, et entre autres, l'érudit Kaltschmidt, dans
son livre germaniqucment intitulé Sprachvergleichentles wo1·terbuch der de11tsche11 sprach , au mot hartz.
Ainsi, d'apr~s crtte explication, .'lr-/011 V<'Ht dirr une <'mi-

,,

-

,,

41 -

nence boisée ; et certes, j'en appelle à tous ceux qui connaissent la localité, il est impossible de résister sérieusement à la
beauté do l'étymologie en vue de ce cône élevé, dominant tout
le pays d'alentour, et sur lequel les capucins d'Arlon ont été
percher autrefoi:, leur aérien monastère? Avant même qu'une
ville y fùt assise, colle pointe do montagne, hérissée de bois
comme l'était alors la plus grande partie des Ardennes, avait
dù frapper les yeux des peuplades barbares qui occupaic,nt la
contrée. Ils l'appelèrent le pic boisé, le bois du pic, le bois sur
la hauteur, on leur Yieille langue, Ar-lon; et la ville qui vint
s'y placer par la suite on aura retenu la dénomination. On sait
quo c'est en général dans les phénomènes de la nature, dans
les accidents du terrain, dans la présence d'une montagne,
d'un rocher, d'un bois, d'un arbre, d'un ruisseau, d'un torrent,
d'ur , tuntaine, que los peuples primitifs puisent la plupart de
leurs qualifications locales. Plus tard, quand les tribus nomades commencent à se fixer, à s'établir, it cultiver régulièrem..·nt la terre, alors apparaissent les noms d'hommes, surtout
IQ l1oms des premiers défricheurs du sol; et de là toutes ces
dénominations do lieux, nées dans le moyen-âge, telles que
Jeha11sart, Jeha11ster, Pepinster, Géronsart, Geronster, Thiri{ays, Robennont , etc.
Je livre cos idées à la judicieuse appréciation do mes amis
los archéologues. Je souhaite qu'ils los adopte11t, et qu'on
fasse enfin bonne justice de l'étrange prétention de Bertels,
le vieux historien luxembourgeois, soutenant que le nom
d'Arlon vient d'arn lunœ, autel de Diane, comme le soutiennent
encore avec acharnement les érndits d'Aubaogo et tous les marmitons de Guirsch et d'Habergy. Au fait ils ne sont pas les seuls.
Loys Guicciardin, dans sa Description générale dn Pays-Bas,
se permet la mêm1• incongruité. Nous y trom·ons, à la DescripG

-

42 -

tion de la ville de Luxembourg, p. 449, un certain paragraphe
intitulé Gentilles allusions des noms des villes, où l'auteur s'exprime en ces termes par l'organe de sou vieux traducteur:
« Arlon signifie en Latin Ara Lunœ, c'est-à-dire l'Autel de
» la Lune, sur lequel en un temple sacré à Diane, on luy sa» crifioit avec honeur et reverence. »
L'allusion est en elfet gentille. Je la trouve même un peu
trop gentille; et sans vouloir eutrer dans une longue discussion
de mythologie, je demanderai seulement si l'autel de Diane a
pu s'appeler l'autel de la lune. Loin de moi la pensée de nier
que Diane eût été l'objet d'un culte tout particulier dans le
pays. A coup sûi· la déesse de la chasse n "Ouvait trouver un
théâtre plus favorable à ses exercices; le bd autel qu'elle y
amit obtenu, dont même plus d'un fragment se ·oit encore
aujourd'hui sur les lieux, ne pouvait être plus heureusement
placé qu'au milieu des forêts giboyeuses qui entouraient Al'J ,n.
I\Iais je ne sais si jamais on adora sous le nom de lune la D.~ne
chasseresse, si les Romains ont pu donner à un autel ~ la
Diane des bois le nom de la Diane du ciel, et dire Ara li P.
_ au lieu d'Ara Dianœ. Il y a plus. A supposer que les Romai1,
eussent ainsi appelé Arlon, comment se fait-il donc qu'ils aient ,
complétement défiguré leur œuvre, et changé leur Am lunœ en
cet Orolawmm qu'ils ont inscrit dans leur géographie? On ne
dénature pas de la sorte les propres dénominations qu'on a
créées soi-même. J'ai beau regarder cet Orolawmm. Je ne puis
trouver à cc mot une physionomie quelque peu latine; il sent
sa traduction du tudesque. Aussi n'a-t-il pu survivre à la domination romaine. Quand arrivèrent les nouveaux conquérants
germains, je crois bien qu'ils rejetèrent le nom latin d'Orolau11um pour reprendre le nom vulgaire et populaire, le nom
du pays, le nom thiois d'Arlon, que les antiques peuplades de

- Urace également germanique avaient donné primitivement i1
cette localité. Oui, sans doute; j'admire beaucoup le reste du
fameux autel de Diane; je , iens d'en relire l'histoire cl la description dans I' Itinéraire <ltt Luxembourg par le chevalier
!'Évêque de la Basse-;\JoùLurie; j'ai fait plus d'une fois ma visite à ce précieux débris, en parlant à la personne de son propriétaire, :ll. le vice-président Résibois; j'adjure même cet
honorable magistrat d'en faire hommage et don au musée naissant de sa ville natale; j'estime que c'est là sa véritable place;
je tiens qu'il faut le déposer une bonne fois dans le musée de
la commune, si on veut le sam·er d'une destruction possible et
des futurs Yandalcs; mais je ne puis aller plus avant, ni reconnaître dans la lune, dans cette étran~e qualification que
l'on se pl··· 'i donner à l'autel de Diane, le nom d'une yille,
d'un · ,..ige, d'un bourg, qui a dù exister bien longtemps
avant un monument dressé par des vainqueurs étrangers.
P(,nrquoi Guichardin et Dcrtt,~•._ se sont-ils arrêtés en si
beat hemin? 11 me semble qu'à leur Am limœ ils pouvaieut
ajo· ,cr sans peine l'Ara Dia11œ, et de là tirer la dénomination
de l'Ardenne tout entière.
Il ne l'ont pas fait, et ils ont eu raison. Bien probablement
le nom des Ardennes rient aussi du même appellatif général
hartz, hard, anl ou ar, que nous avons expliqué plus haut. C'est
l'opinion du célèbre Adelung, cité par KaltschmidL dans l'ouvrage indiqué ci-dessus, au mot hartz. L'auteur remarque que
ce mot est fort ancien, qu'il ressort des écrits des Romains,
lesquels en ont fait la forêt A rd11e1ma, ainsi que la forêt
l/ercy11ia.
A l'autorité de Kaltschmidt et d' Adclung nous pournus
joindre le témoignage de Bullet. Cc savant prétend, dans ses
.Uémoi1·es celtiques, que h• mol Arden signifie forêt sur une

-

44 -

éminence : Ar, éminence, lieu élevé, et Dm, forêt. La première syllabe Ar ne parait guère douteuse . .!\lais la seconde
,·ient-elle elfectivement de Den, forêt, ou plutôt de Dun, colline (ih'due11nœ, collines élevées)? Je me déclare pour Dun,
sauf à voir si le radical Ar, Ard, ne suffit pas à lui seul.
li y aurait encore beaucoup à disserter sur un sujet aussi intéressant. Je voudrais, par exemple, donner le sacrement de
confirmation à mon agréable étymologie d'Arlon et de l\Iarlagne, en poursuirant le ltm ou lon gothique (bois, forêt) dans
tous les coins de la Belgique où il a pu laisser trace. Nous aurions à rechercher si nos villages de Borlon, Lonneux, Lo11hie11ne, Loncin, Lonzée, Logne et Hollogn, ne sont point issus
du même père; si les villes ou bourgs fr:v,çais de Lagnien,
Lagny , Laignes, Lunel et llfelun, n'appartier.nem 1,as il la même
ramille; si la ville espagnole de Luna et les villes se1,t:.-ntrionales de Ltmden et de Lunebourg ne s'y rattachent pas é; lcment. Il conviendrait même de discuter avec les érudits si _ 1<1011, Londres, veut dire ville dans les bois, comme - ·c
soutiennent, ou si cc n'est pas plutôt le bois d'en bas, du :, ,,_
dinave down ou dawi.
On le voit. Quelle mine à exploiter! quels trésors d'érudition à exposer au jour! Quels gros bouquets de roses archéologiques à cueillir, à dégager de leurs rudes épines , à ramasser
partout dans ce jardin celtique, gothique, indo-germanique
et sans contredit magnifique!
1\Iais mes lecteurs me comprendront sans peioe. lis jugeront
~rec moi qu'il vaut mieux réserver ces grandes et générales dissertations pour une œuvre plus générale et plus systématique
que cette simple notice sur le Désert de l\Iarlagne. Une autre
raison me retient encore : je crois qu'il est bon d'altendre,
pour publier un ouvrage ad hoc, que ces sortrs d'études se

-

4ii -

soient popularisées un peu plus sur le sol wallon, de peur de
jeler loutes ces jolies perles à qui vous savez bien. Dieu soil
loué! nous n'allcndrons pas fort longtemps, grâce aux sociétés
d'archéologie qui s'organisent partout, qui répandent la science,
publient des recueils, fondent des musées, le tout à la plus
grande satisfaction et à l'insigne honneur du pays, comme nous
aurons à l'instant l'occasion de le raconter en arrirnnt au terme
de notre expédition, en faisant une balte dans le manoir des
Carmes.
Donnez-moi la main, s'il vous plaît; nous allons entrer au
Désert.

VII.

l une lieue de Namur, sur un point retiré de l'antique forêt
que nous connaissons à présent, s'élevait jadis un petit monastère dans un des sites les plus pillorcsqucs que la piété eût
jamais choisi pour y fixer son austère retraite. C'était le Désert
de .iUarlagne : vrai désert, en effet; car le couvent se cachait
au milieu des bois, renfermé avec ses jardins, ses l'Uisseaux,
ses étangs, ses prairies, dans une encèinlc de murailles que
l'immense forêt environnait clic-même.
Ce cloître ne rcmontail pas à une époque bien éloignée. l\Iai!l'bisloirc nous apprend qu'arnnt sa fondation, hcaucoup de
saints hcrmitagcs se rencontraient déjà dans la forèt de i\IarIagne. On y comptait près de deux cents hrrmites; et ce qui

-

4G -

est assez curieux à noter, c'est que ces ùévots personnages appartenaient à l'un et à l'autre sexe. Au fait c'eùt été bien triste
autrement. Rien de plus naturel. Aussi Gramaye en fait-il la
remarque sans y attacher la moindre importance.
Denique prologus, vitœ D. Jleriberti prœ{ixus, ait tùm in
.llarlaniâ (ert ducentos utriusque sexûs hemnicolas fuisse. CRAMAYE, NAMURCUll; PRIEFECTUIL\ BOYINIEliSIS, SECTIO VI.

Aux hermites des ùeux sexes ont succédé les carmes. Je ne
puis mieux offrir les annales de leur pieuse retraite qu'en rapportant le texte de Galliot, dans son Ilistoire générale, ecclésiastique et civile de la ville et province de Namur. Voici comment l'historien namurois s'exprimait en f ï89, tome 4, p. 552,
au chapitre intitulé :
LE COUVENT DE L.\ FORÊT DE SAINT JOSEPH,

autrement dit

LE Df:SEnT DE MAllLAGNE.

La forêt de Marlagne, auprès de laquelle la ville de •nur
» est bâtie, occupe la pointe du terrein enfermé entre
ri» vières de Sambre et de Meuse, jusqu'à l'espace de plus de qu
~
» mille trois cent trente-quatre bonnicrs. Dès les prem
» siècles du Christianisme, cette forêt fut .habitée par des soli" Laires qui ,·ivoient chacun en particulier et sans dépendance.
» On la jugeait si propre pour la vie solitaire que Saint Sere» nus, évêque en Asie, Saint Lupicin, évêque d'Amiens, Saint
» Fora1111an, évêque en Écosse, et Saint Iléribert, que quel" ques-uns ont fait arcbe,·êque de Cologne, la choisirent pour
» leur retraite. Tous ces hermitages furent à succès de temps
>> démolis, à la résen·e de celui de Saint Iléribert, qui existe
» encore aujourd'hui, et est habité par un religieux de l'abbaye
>> de ,Uouli11.
«

-

47 -

» L'an 1615, l'archiduc Albert d'Autriche et l'infante Isabelle, son épouse, voulant laisser en cc lieu un monument de
li leur piété, destinèrcntseptante-lrnit bonniers et demi de cette
,. forêt, pour un établissement fixe en faveur des Carmes dé,, chaussés. Deux ans après le révérend père Thomas de Jésus,
» espagnol, ayant été déclaré par le chapilrè de cet ordre, pro» viocial des Pays-Bas et de la basse Allemagne, il résolut de
" proOter du zèle de ces souverains, en satisfaisant sa propre
» inclination pour la solitude. C'est pourquoi étant venu à
» Namur le 10 septembre HH8, son premier soin fut d'y cher" cher un endroit propre à son dessein, et l'ayant trou,·é, il se
» rendit à Bruxelles pour en obtenir la propriété. Non-seule» ment cette gràcr lui fut accordée, mais encore ces pieux
11 souverains se rendirent l'été suirnnt sur les lieux , où ils
» posèrent 1_, première pierre de l'église, et augmentèrent la
» fonda Jn d'une rente annuelle de cent muids d'épeaute et
» de tr, s mille fagots qui se payent encore actuellement en
li arge • par le receveur général de Sa )lajesté, à Namur.
» Âll'C ces secours, tous les bàtiments de cc désert, et la
» vaste enceinte des murailles dont il est enveloppé, furent finies
,, dans l'espace d'un an et demi, et il se trouva rempli de reli» gicux qui y font depuis cc temps profession de la vie solitaire.
» On ne pouvait assurément trom·er un lieu plus propre à ce
» dessein, tant par sa situation peu fréquentée, que par l'a" gréablc variété <le cette retraite, capable de fournir à des
» hermites tous les innocens plaisirs d'une vie champêtre et
» laborieuse. En effet, cc sont des montagnes escarpées et ra,. botteu es, dont l'accèsdevientencore plus difficile par les épaiso ses broussailles dont elles sont ombragées; le vallon qu'elles
» enferment sert de canal 11 deux ruisseaux dont les sources
» partagées rn plui-irurs hranrlH'<; sP grossissent de la décharge

»

-

48 -

de plusieurs étangs, où des sources abondantes entretiennent en tout temps une eau vive et pure, propre à nourir du
» poisson.
» Entre tous ces objets se présente une petite plaine au mi» lieu des ruisseaux et ùes étangs, qui lui forment un fossé
» naturel. C'est en ce lieu que ces hermites ont défri ché un
» assez grand terrcin, sur lequel est bâti leur couYent, qui est
" propre et bien entretenu; et quoique tout 'n'y respire que
,> l'austérité de la vie la plus solitaire, ces religieux n'ont pas
>, laissé que de rendre ce désert digne ùc la curiosité des étran» gcrs par tous les cmbellissemens qu'ils y ont faits à succès
» de temps.
» Outre cela on trouve en divers lieux de l'enceinte dix her,, mitages, qui sont autant d'habitations s1:rarécs, oü les reli» gicux vont successivement, pendant quelque temps, se livrer
plus étroitement à la méditation et à la retraite.
» On montre dans cc couve· "'•un Christ de grandeur humaine,
,> fait en carton, qui a fait l'admiration des plus grand<; prin» ces, et qui mérite la curiosité des étrangers.
» C'est non loin de cc désert, dans la même forêt de l 11·» lagne, et à portée du château de Namur, qu'on voit une cll:•.
» pelle dédiée à la Sainte Vierge, communément appelée Notre» Dame a-u bois. Cette chapelle fut érigée en 1696 par un
» particulier qui avait obtenu du souverain tous les bois néces» saircs pour cette construction. Peu de temps après le seigneur
» de l\'iverstein, gouverneur du château de Namm pour le roi
» Charles II, obtint de ce prince, en faveur de cette chapelle,
» un bonnier et dc!l}i de bois. Il la fit aggrandir, et en même
» temps construire une assez belle maison, pour servir de loge» ment au prêtre qui la desserviroit.
» Cette chapelle reçut encore un nouveau don en t712, de la
o

»

>)

-

.\9-

)) part de l'électeur de Bavière, lors souverain de cette ville et
» province. Ce prince étant un jour allé avec toute sa cour vi» si ter cette chapelle, trouva la situation si agréable, qu'il vou» lut prendre un repas dans cet endroit. Il fit aussitôt dresser
» ses tentes à l'entour de la chapelle, et en partant il céda tout
» le terrein qu'elles avaient occupé au prêtre qui la desservoit;
>) ce qui revintàenviron un demi bonnier, et peu des jours après
» il lui céda encore, et à ses successeurs, deux autres bonniers
>) de terrein sous certaines obligations. »

VIII.

La citation est longue; mais n'est-elle pas agréable? Ce cher
monsieur Galliot! ... Eh bien, tenez, je l'aime. C'est un bon homme
qui vous dit tout naturellement son affaire. Cc qui me déplaît à
l'excès dans le style qui court, c'est une prétention à l'esprit,
un désir de l'effet, une recherche inculte, un art en déshabillé,
une affectation de langage, qui ne laissent plus de place à la
sincérité de l'âme. Aujourd'hui toutes les âmes se tortillent, et
les plumes après. Le Galliot est tout rond, lui; son âme est
toute ronde, son style tout rond. C'est un bien brave historien que
monsieur Galliot. Namur a produit aussi l'historien Dewez; elle
s'honore surtout en ëe moment de l'historien Borgnet, digne
auteur de l'Histoire d-es Belges; mais derriè,·e ces deux hommes,
réservons, je vous prie, une honnête petite place à mon ami
Galliot.
7

-- oO Ce n'est pas toutefois qu'il n'y ait une ou deux choses à redire à sa description de l\Iarlagne. Il ne donne, entre autres, à
la forêt qu'une superficie de quatre mille et quelques centaines
de bonnicrs. Oui, c'était ainsi en 1.789; mais la l\Iarlagne alors
se trouvait terriblement écourtée. Un arpentage fait dans l'année 1650 lui donnait onze mille bonniers environ; et je me hâte
d'ajouter que l'antique forêt, à cette époque, avait déjà subi
des retranchements considérables.
La Marlagne eut un peu le sort que toute la Belgique eut
beaucoup : on la rogna peu à peu comme on rogna la patrie,
cette chère et bien aimée pat1•ie qui allait jadis de l'Océan au
Rhin , du Rhin à la l\Iarne comme à toute la Seine, et qui se vit
indignement écornée, à succès de temps, par cc qu'on appelle
conquête chez les rois et tout simplement brigandage ou vol
chez les peuples, mais qui reviendra tôt ou tard, j'espère, U'en
deviens même un peu plus sûr chaque jour) à ses primitives
et magnifiques limites, à ses frontières naturelles de l'Océan,
du Rhin, de la Marne et de la Seine. Aussi je vous l'ai dit;
Guichardin, qui écrivait vers 1580, assignait à la forêt une
bien autre étendue ; il la prolongeait dans le pays de Philippeville; et cela faisait peut-être plus de vingt lieues carrées.
La l\Jarlagne a diminué. Par Saint Josepl1 ! je le crois sans
peine. Les conquêtes pieuses marquaient le temps passé. Conquérants doux et paisibles, les couvents, les moines accaparaient beaucoup. Une foi sincère ou la crainte du diable détachait à chaque instant quelques lopins de bois. La forêt appartenait au souverain, tantôt comte de Namur, tantôt duc de
Bourgogne, empereur, archiduc, électeur de Bavière ou autre,
tous vieux pasteurs de peuples qui, faisant parfois d'assez gros
péchés, commettaient, pour s'en racheter plus tard, de grosses
et saintes libéralités aux frais de la l\larlagne. Vous avez vu,

-

!H -

ces princes, comme ils y allaient! lis venaient à banqueter, à
dresser leurs tentes le long des murailles d'une chapelle; et
en partant ils disaient au chapelain: « Tenez, prenez; je vous
» livre tout le parquet des tentes. » C'était grand et noble; à
la bonne heure ainsi. Tandis qu'à présent, s'il était permis de
doter une cure d'un pouce de forêt nationale, on commencerait
par dépêcher 1\Iessieurs les forestiers, 1\Iessieurs les inspecteur,
directeur et administrateur du domaine; puis le bourgmestre
de la commune, le commissaire de l'arrondissement, le gouverneur de la province, la députation des états, le conseil provincial, toute la machine administrative serait de droit en branle;
on ouvrirait probablement encore une enquête de commodo et
incommodo; on accumulerait les paperasses; on verrait déborder les oppositions; et les journaux donc, et les chambres
représentatives qui crieraient à tue-tête!. ....
l\lessieurs les princes, ne commettons plus de péchés. li n'y
a plus moyen de satisfaire le diable et encore moins les chambres.
Je dois pourtant le dir.e. La donation de 1.615, faite aux
Carmes par les archiducs en vue de l'érection du couvent, me
semble assez mesquine. Il paraît, à la vérité, que les septantesept bonniers s'allongèrent jusqu'à cent sous l'habile main des
moines, comme nous verrons plus loin. Mais pas moins telle
fut la teneur de la donation; et c'est bien petit en comparaison
du passé. La foi déclinait sans doute. Je vous assure que dans
le bon vieux temps nos premières abbayes ne se contentaient
pas de si peu. Or, elles abondaient dans ces belles et fraiches
solitudes, sans compter les prieurés, les llermites et toutes les
hermitcsses. L'abbaye de Floreffe, qui occupait un bout de la
Marlagne, y reçut, je pense, meilleure part. L'abbaye de Villers n'y manqua pas non plus, rlle qui n'était pas même placée

-

52 -

dans la forêt; ce qui ne l'empêcha pas d'y L>âtir un village en
lui donnant son nom; c'est le Boi-s-de-Villers. Les abbayes de
Saint-Gérard, de l\Ioulins, du Jardinet, de Waulsor, de Salzinne, de l\Ialonne, d'Alne même et d'Oignies, toutes situées
dans le cœur ou sur la lisière de ces vastes bois, n'y allèrent
pas de main morte et sanctifièrent de grands et nombreux
triages.
Mais, ô fatale destinée! la sanctification ne les sauva pas des
mains de la république française, qui s'empara de tout et en
gratifia le domaine public. Celui-ci plus tard transmit la Marlagne à certaine compagnie de spéculateurs, dite Société 9énérale pour favoriser l'industrie, laquelle la transmit à son tour,
en la déchiquetant de plus belle, à une foule de particuliers
qui saisirent aussitôt la hache.
Cependant, malgré le déboisement d'une grande partie de la
contrée, une excursion au Désert de l\Iarlagne est encore aujourd'hui l'une des plus belles promenades que l'amateur puisse
faire aux environs de Namur. Il est heureux que l'esprit de
spéculation ait dû s'accorder quelque peu avec l'amour de la
nature; car il faut savoir que l'enceinte considérable du désert,
devenue propriété privée, tombée même, je pense, en société
anonyme, est ou était destinée à être vendue pour en faire le
siége- d'un domaine rural, d'une maison de campagne. Il a
donc fallu conserver à l'entour, comme aussi le long du charmant chemin qui y mène, d'assez grosses masses de bois pour
laisser au pays une partie de son ancien et pittoresque caractère. Allez donc, mes lecteurs; côtoyez la Meuse; t.rayersez les
fraîches allées du faubourg de La Plaute; gagnez le village de
Wépion, où vous quitterez la graod'route; suivez un riant vallon qui vient fendre à ce poinl la longue chaîne des collines;
entrez au Désert par s:i porte du nord; parcourez-en la verte

-

IS3 -

éLendue; sortez enfin par la porte de l'est, et au retour venez,
selon le sexe, m'embrasser ou me serrer la main, car vous
serez contents de mon itinéraire.
Une seule chose peut-être ne vous plaira que médiocrement.
Le Désert a-t-il été vendu? La spéculation se trouve-t-elle consommée? Pas précisément que je sache. Tout cc que je- puis
vous dire, c'est que la Société générale a masqué le peu qui
restait du vieux et pieux manoir par un grand vilain bâtiment,
par une affreuse fabrique, surmontée d'une longue cheminée
de machine à vapeur, où la betterave a fait de vains efforts
pour devenir fructueusement du sucre. Or, dans toute opération de ce genre, l'essentiel étant d'assurer une belle et bonne
position au directeur-gérant, on lui a bàti, à côté de la fabrique, non loin de l'ancien cloître, si pas même sur une partie
de ses ruines, une habitation large et haute, commodément
carrée, tenant beaucoup de la maison de campagne, de la villa
champêtre, avec jardin et pelouse. Faut-il vous la décrire,
vous en donner le plan avec plus de détail? Inutile. C'est une
villa belge, et c'est en dire assez : carré plus ou moins long de
briques, percé d'un certain nombre de trous que Je percepteur
des contributions appelle portes et fenêtres.
Oh, combien doit souffrir la pauvre âme demonsieurGalliot de
tous ces bouleversements et massacres! Il vous souvient de ses
douces paroles. Vous avez vu comme l'historien de Namur parle
de son cher Désert en plénitude de cœur, comme il le caresse
de sa phrase naïve, comme il décrit avec foi et amour l'agréable
variété de celte retraite, les innocents plaisirs d'une vie champêtre et labo1'ieuse, les montagnes escarpées et rabotteuses, les
épaisses broussailles dont elles sont ombragées, le val/011, les
ruisseaux, les sources abondantes, l'eau t•il•e et pure propre it
notwrfr dtt 11oisson.

-

154 -

Hélas! voilà tout ce qui reste du pieux désert : des coteaux,
des bois, des étangs, des fontaines. La nature au moins, on
ne la détruit pas; elle échappe aux mains des barbares. :Mais
le cloître et l'église, les pierres sépulcrales, le calvaire, les dix
hermitages, tout cela n'est plus; à peine en voit-on çà et là
quelques ruines douteuses. J'aperçois, étendue sur le sol, la
statue mutilée d'un saint. Est-ce Saint Joseph peut-être, le patron de l'ancien monastère, mais patron qui n'a pu sauver son
client, ni se sauver lui-même. La main de 93 l'a frappé, défiguré, renversé, brisé. li est écrit là-haut que le Ciel doit parfois céder à !'Enfer. Mes yeux cherchent et ne retrouvent rien.
Où sont tous ces ouvrages, dûs à la main patiente des religieux,
des hermites, et qui rendaient le désert bien digne de la cu1·iosité des étrangers, comme disait notre excellent Galliot?
Qu'est devenu ce Christ de grandeur humaine, qui faisait l'admirntion des princes? Il a disparu avec tout le reste. Ah, si du
moins, pour atténuer les coups du vandalisme, quelque société
d'archéologie s'était formée à Namur vers cette triste époque!
Elle aurait pu recueillir tous les saints débris, sauver le Christ
précieux, rétablir le patron du Désert sur un décent piédestal.
Mais non; et par malheur on a trop attendu; et quand l'an de
grâce 1846 voit naître enfin un institut archéologique namurois
pour conserver les choses de l'ancien âge, pour raviver dans
un monde qui craque quelque& idées de conservation et par
conséquent d'ordre, nous sommes condamnés à trouver des
gens qui, loin de favoriser cette heureuse pensée, cherchent
plutôt à la dénigrer, à la faire avorter peut-être.
Pour mon compte, je puis dormir tranquille; ma conscience
n'aura jamais ce reproche à me faire. Voilà douze ans et plus
que je parle, écris, prêche, disserte, m'évertue en prose, en
rers, pour doter le pays wallon de crs institut ions si utiles .

.,

-

55 -

Voyons donc un peu de quel genre de succès mes constants et
laborieux efforts ont été couronnés.

IX.

Je me disais souvent depuis nombre d'années : « Que de cho-

ses détruites! que de vestiges de la grandeur romaine, naguère encore fortement empreints sur le sol belgique, em» preints dans le bronze, l'argent, l'or, l'argile ou le marbre,
» et qui sont aujourd'hui complétemcnt effacés et à jamais
» perdus! Combien d'objets rares et curieux, sortis de la
» main du mystique moyen-âge, et dont rien ne se retrouve de
» nos jours que dans les descript:ons des vieux livres! 0 dou» leur! Tout disparaît; tout périt; nous ne savons rien con" server. Tandis que les villes de Gand, d'Ypre, d'autres en» core, placées dans un pays bien moins favorable que le
» nôtre, s'occupent à rassembler, à étaler dans un musée pro» vincial ou communal tout cc qui se découvre dans l'étendue
,, de la province ou de l'arrondissement, nous autres qui fou" Ions du pied la vraie poussière antique, qui voyons les plus
» grandes voies romaines traverser nos campagnes , reliant
» même encore les deux centres principaux de l'antiquité
» payenne en Belgigue, Tongres et Arlon, nous qui habitons
» les vallées de la Sambre et de la 1'Ieusc, de la Semois, de
» l'Ourte, où chaque coup de pioche un peu bien dirigé met au
» jour quelque débris précieux d'un autre âge, eh bien! il faut
»

»

- oO le dire, nous n'avons rien rechercllé, rien réuni, rien sauvé;
» tout se borne à quelques collections particulières qui passent,
n se gaspillent et ne laissent rien après elles. J'ai vu la collec,, tion-Renessc, ou la vieille patrie des 1'ungri se trouvait rc,, présentée par mille et mille objets, j'ai vu cette magnifique
» collection-Renesse vendue, dispersée, dissipée, anéantie.
» Nous parlons des Vandales; mais les Vandales étaient un peu,, pie barbare; et nous nous disons éclairés! et nous faisons
» comme eux! et nous feignons d'ignorer que ne pas réunir ou
" fonder à demeure c'est aussi détruire! Oh, levez-vous, om» bres des anciens Romains; levez-vous, César, Antonin, Au» gus te; levez-,,ous aussi, Charlemagne, Notger, Godefroid de
» Bouillon, grands hommes de la patrie; levez-vous, et unis» sant vos voix, faites entendre ces solennelles paroles : ~
Nous
>)

sommes les César et les Charfomagne; nous avons passé sw· la
» terre belgique comme cl'éclatants météores; conservez avec soin
,, les tmces de notre passage, car le temps des héros n'est plus.»

»

J'en étais ainsi à faire de l'éloquence, quand le congrès scientifique de Liégc vint me convoquer au ,ter aoùt i846. « Voyons,
» me dis-je en me frottant les mains, l'occasion me semble
» assez bonne; sortons de l'idée, et commençons l'action. »
Ainsi dit, ainsi fait. A l'une des mémorables séances du congrès scientifique liégeois je pris la parole en ces termes :
« La Belgique a été successivement occupée par plusieurs
» peuples différents, par les Gaulois, les Romains, les bar" bares, par d'autres peuples encore qui tous ont laissé la mar" que de leurs pas sur le sol natal. »
» Il arrive fréquemment que les cultivateurs, en labourant
» leurs cl1amps , les ouvriers, en défrichant des bois, en creu» sant des fondements, en ouvrant de nouvelles routes, dé» terrent des monuments appartenants à ces différents peuples,

-

!S7 -

ùes vases, des médailles, des lampes sépulcrales, des urnes
lacrymatoires, des figurines en terre, en bronze, des armes,
» des tombeaux, des autels. Il y a peu de mois que, dans une
,, commune du Condroz, 1.240 médailles romaines ont été trou» vées à la fois. Le cbamp où cette découYerte a été faite et
)> qui s'appelle la Terre à la Tour, appartient à M. Denis De
" Garcia de La Véga, lequel, faute d'un musée namurois où
, il eût pu les déposer, a distribué généreusement à quelques
» amis les 1.240 médailles. »
« Que deviennent tous ces objets que l'on découvre si sou» vent et depuis si longtemps? Tantôt ils servent à amuser la
» curiosité de petits amateurs, qui ne tardent pas à s'en dé,> goûter et à les perdre : tantôt ils se dispersent dans les col» lections particulières, dans plusieurs villes diverses, à l'é» tranger même; et ils vont ainsi se confondre, sans garder le
» souvenir de leur origine, avec ,une foule d'objets trouvés en
» Italie, en France, en Allemagne et ailleurs. Souvent ils s'é,, garent dans des mains ignorantes : souvent encore, quand ils
» offrent quelque valeur intrinsèque, ils passent dans le creuset
» des orfèvres. J'ai vu, il y a quelques années, des enfants qui
» jouaient au petit palet avec un superbe Néron, et dans un
» village de Hesbaye, une ménagère qui se servait pour attiser
» son feu d'un vieux sabre gaulois. »
« Je pense que l'on parviendrait à sauver ces restes de l'an» tiquité, en établissant dans chaque chef-lieu de province un
" musée local , un ltlusée communal. »
« Ce serait un centre fixe et permanent, une sorte de mar» ché placé à portée de chacun, dont les villageois et les ou» vriers auraient bientôt connaissance, et où ils seraient assurés
» à l'avance de pouvoir vendre avec quelque avantage et sans
» grands frais <le déplacement les divers objets qu'ils vien»
»

8

- - 08 -

draient t1 découvrir. Cet appât, cette espèce de débouché
fort commode les engagerait à conserver avec plus de soin,
•> à rechercbcr même, à déterrer avec plus de précaution bon
» nombre de cboses qu'ils brisent trop souvent ou qu'ils dété» riorcnt. »
« Et non-seulement on éviterait par cc moyen la perte d'une
» grande partie de ces monuments; mais on créerait en même
" temps des établissements qui auraient leur utilité, qui même
• pourraient tourner pour les villes à profit réel et positif. »
« Chaque province offrirait pour ainsi dire en relief l'histoire
>>
de
toutes les vicissitudes qu'elle a subies, depuis la pierre
,
>> druidique des Celtes jusqu'au casque des cuirassiers français
» tombés à Waterloo. Ces collections offriraient aux jeunes
> gens un moyen facile d'étudier les antiquités , la numisma>> tique, sciences qu'il leur est presque impossible d'aborder
• maintenant sans sortir de leur prnvince, ou sans se renfermer
> dans l'étude exclusive et peu fructueuse des liHes. Ces col» \celions auraient encore l'avantage d'offrir des modèles aux
» artistes. Elles contribueraient à attirer, à arrêter les étran,, gers dans nos villes. Elles répandraient parmi les habitants
,, des germes de goût et de science. Elles faciliteraient l'accom» plissement du vœu qu'expriment aujourd'hui les savants an>> tiquaires, en attachant à tous ces objets la connaissance du
» lieu où ils ont été retrnuvés, ce qui peut amener dans plu9 sieurs cas la solution de certains problèmes historiques. Enfin
,, clics n'auraient pas ce grand désavantage des collections par" ticulièrcs, d'être presque toujours vendues en détail après la
» mort de leurs propriétaires; et de la sorte elles maintien» draient intact l'ensemble de nos monuments historiques. »
« Il n'est pas de ville en Ilalie, si petite qu'elle soit, qui n'ait
>> son petit musée; et j'en appelle à tous ceux qui ont visité ce beau
»

»

1

1

-

!SO -

pays, il s'attache à ces simples collections un inlérêl tout
parliculier, un attrait de localité que ne présentent pas ces
» cabinets immenses où la mullitude de choses étourdit en
» quelque sorte ceux qui les visitent. »
« Ces musées locaux ne peuvent avoir de prétention : ils sont
» nécessairement modestes. Inutile de les fonder par l'achat
» de collections qui renfermeraient d'ailleurs beaucoup de pièces
» d'origine incertaine. Ils se garniront peu à peu; ils finiront
,> par s'enrichir, comme on ne peut en douter, quand on consi» dère la quantité de médailles, de vases, d'urnes antiques, etc.,
» que l'on découvre à chaque instant dans nos provinces. Beau» coup d'objets se trouvent en ce moment isolés et dispersés
» chez différentes personnes, qui s'empresseraient (il est permis
» de l'espérer) de concourir à former ces utiles établissements
» et à les doter de choses qui, disséminées comme elles sont,
» perdent une grande parlie de leur importance et de leur inté» rêt. Les noms des donateurs seraient inscrits sur un registre.
» Les acquisitions mêmes que l'on ferait successivement n'im» poseraient chaque année qu'une somme tout-à-fait insigni» fiante aux budjets provinciaux ou communaux; car on sait
» à quel prix on peut souvent acquérir ces différentes trou» vailles qui ne sont pas toujours bien précieuses par elles» mêmes, mais qui ne manqueraient pas d'acquérir de la valeur
» en se réunissant toutes en une seule collection dans la pro» vince même où elles auraient été faites. »
« J'estime qu'il est digne du premier congrès scientifique qui
» se soit ouvert en Belgique d'émettre un yœu à cet égard, et
,1 de la ville <le Liége où le congrès s'est réuni, de former un
» établissement de ce genre. »
Je me tus : on applaudit : on vint me serrer la main : on
émit le vœu : tout fut consommé : le néant.
»
»

-

60 -

Hélas! oui, je vis passer sept ou huit ans peut-être, inertes
et silencieux, sur le tombeau de ma proposition; et durant les
sept ou huit ans, je calcule qu'il se perdit encore deux à trois
mille médailles, quelques cent vases romains, une quantité de
lampes sépulcrales, des armes, des statues, des tombeaux el
le reste. l\Iais par bonheur je n'étais pas homme à laisser ma
chose reposer en paix sous la terre. J'en remuai plus d'une fois
la cendre. Je veux rarement, mais bien. Je voulus. On sait à
peu près juste ce qu'il faut de minutes et d'heures, de jours,
de semaines, de mois et d'années, pour amener la meilleure
idée à la réalité. Je n'épargnai pas mes minutes, ni même mes
années, ni surtout ma plume de ncanccs. Articles, notices,
wallonnades même, je fis llècbc de tout bois pour emporter
l'oiseau. A force de tirer je touchai le but. Un matin (c'était
le 1er septembre 1844, date précieuse, qui reste à jamais incrustée dans ma tête) je reçus de Tongres une excellente lettre, où l'on m'écrivait que la construction de la chaussée de
Bilscn avait fait découvrir un certain nombre de médailles,
d'urnes cinéraires, de pots, de fioles de verre, etc., etc.; que
de plus, en creusant le sol dans la ville même pour les fondations du nouveau palais de justice, les ouvriers avaient déterré
quelques monnaies anciennes, des vases, des fibules, des épingles en aga the à l'usage des matrones gauloises, et d'autres
objets divers; que 1\1. Vrindts, l'honorable secrétaire du conseil communal de la ville de Tongres, satisfaisant au vœu que
j'avais émis, avait réuni et déposé à l'hôtel <le ville toute cette
première collection à côté du fameux et si précieux fragment
de la colonne miliaire romaine; qu'il venait même d'y joindre
plusieurs choses curieuses, mais d'une époque plus récente, et
notamment des plaques, des colliers, des insignes de l'ancien
corps des arbalêtrierg, ainsi que le sceau gothique de la cité

-

61 -

tongroise avec son vieux donjon et sa vieille légende : tuNcnis
DICTA QUONDAM OCTAVIA LEOOIENSIS ECCLESI;E FILIA; que le digne
M. Vrindts se proposait ainsi de former le noyau d'un musée
limbourgeois; que plusieurs amateurs de la ville et du voisinage
n'attendaient que le moment où la collection naissante se trouvât rangée dans un lieu convenable, dans un meuble à part,
dans une bonnè armoire vitrée , par exemple, pour faire don à
la ville de Tongres de bon nombre d'objets d'antiquité qu'ils
possédaient eux-mêmes.
On le devine sans peine. A la lecture de cette lettre je sentis
comme un pur ruisseau de jouissance immatérielle et toute
scientifique qui me coulait délicieusement à travers ce cœur
d'antiquaire. J'allai bientôt visiter mon enfant chéri, comme
j'osai l'appeler. L'enfant n'était pas seul. Je le trouvai en compagnie de Napoléon Bonaparte, superbe buste en marbre,
œuvre de Canova, que le prestige fabuleux du grand homme
permet déjà d'associer aux Césars. La tête toute romaine de
!'Empereur, les vases, les médailles, les bronzes, le fragment
de pierre miliaire, le sceau, les colliers, tout cela me parut
inaugurer le l\lus8E LrnaouncE01s sous les meilleures auspices.
Je serrai cinq ou six fois la main à l'honorable M. Vrindts, en
l'exhortant, en l'encourageant de toute ma puissance à persister dans son œuvre. Je ne pus toutefois m'empêclrnr de lui
témoigner mon regret de ne pas voir un beau trépied en bronze,
que M. l'ingénieur Guioth venait d'emprunter pour en prendre
le dessin, paraît-il. Après quoi, heureux et triomphant, je descendis le grand perron de l'hôtel de ville; et quand je touchai
le dernier degré, je me crus en droit de m'écrier fièrement :
Veni, vidi, t•ici.

-- 62 -

X.

li faut cependant, avant que j'aille plus loin, que je donne
un avis important au public. li doit se mettre en$arde. Malgré
la chasse à outrance que la lumière et l'esprit font de toutes
parts au Béotieu de Belgique, il paraît qu'on le retrouve encore
çà et là dans quelques champs de chardons, comme aussi dans
quelques conseils provinciaux. Le Béotien de Belgique n'en
veut pas seulement à la poésie, cette éternelle ennemie des
lourds représentants de la grosse matière; mais il en veut en
général à tout ce qui tient à la pure intelligence, à tout ce qui
n'est pas immédiatement réalisable en résultats positifs, en
écus, pa1· exemple, en bifsteaks, en pintes de bière, en beurre
et en fromage. Le Béotien de Belgique devient peul-être d'autant plus à craindre, qu'il se sent battu et qu'il a recours
maintenant à la guerre sournoise, à la ruse cachée, à la malice
souterraine. Il n'ose plus guère parler haut, même de poésie;
mais Je sourire moqueur, le haussement d'épaules, le clin-d'œil
d'une ineffable ironie, l'insinuation perfide, voilà les armes actuelles du soi-disant homme. II ne cherche plus à frapper; il
empoisonne. Il creuse de petites mines secrètes pour saper peu

-

03 -

à peu les heureux qu'il jalouse. Sans doute le Béotien de Belgique aura bientôt disparu; il ne peut tarder de passer à l'état
fossile; nous verrons avant peu figurer ses os dans les cabinets
d'histoire naturelle, comme on y voit les os des ours primitifs
mal léchés, des anoplotberiums et des grands fines antédiiu,iens. Mais pas moins, durant quelque temps encore, la Société
d'Archéologie et le l\lusée Provincial doivent se défier. Ce traître dè Béotien me fait une peur affreuse. C'est que son mal est
contagieux au moins, d'autant plus contagieux qu'il s'allie
assez bien au positivisme, au mercantisme, à l'industrialisme,
à tous les plus secs néologismes du siècle. Sorte de choléra
fantasque et brutal, on l'a yu parfois s'attaquer am:. hommes,
à des hommes même ayant intelligence, instruction et capacité.
Il n'y a pas fort longtemps que deux jolis discours animèrent
la séance de je ne sais plus quel conseil de province. Un institut archéologique demandait un subside. Un membre du conseil se leva et dit :
Puis un autre membre se leva de même et dit à son tour. .

Voyons donc; qu'ont-ils dit ces deux étonnants membres?
1\lais non, mais non. Je suis belge après tout. Respect à la
patrie et aux compatriotes! c'est bien assez qu'on dise des misères; il ne faut pas les redire. Applaudissons plutôt. Louons
la franchise de nos cieux puissants orateurs. Oui, oui, vive le
Béotien de Belgique, quand il est assez bon pour montrer de
la sorte le boui de ses oreilles! On sait du moins qui l'on voit,
qui l'on entend alors; et l'on se sauve bien vite, car c'est un
cri fort désagréable.
Il va sans dire que c'est au pays wallon que se passa la scène.
Le Béotien de Belgique est rarement flamand, presque toujours wallon. Et pourquoi? Rien de plus simple. Le rôle brillant

-

64 -

que les provinces flamandes ont joué de bonne heure dans
l'histoire moderne, la haute prospérité où elles étaient montées
dès le moyen-âge, leur puissance, leurs richesses y arnfent naturalisé tous les genres de gloire, la gloire des beaux arts
comme celle de la science. Allez donc y faire un petit tour de
voyage, ô mes excellents Béotiens! Yous venez. Pas de ville,
de village, de hameau peut-être qui n'ait là-bas sa collection,
son cabinet, son monument quelconque; pas même pour ainsi
dire de chaumière qui n'ait son petit tableau à l'huile pendu à
la muraille. Non, non, cc n'est pas la Flandre qui se yit condamnée à entendre ces piteux discours. Ce n'est pas non plus
fort heureusement la bonne ville de Tongres qui est aussi flamande. Le musée de Tongres, le musée limbourgeois va poursuivre ses belles destinées sans a\'oir trop à redouter, j'espère, les
orateurs menacés de l'état fossile. Nous allons voir grandir un
établissem_ent nouveau qui ne peut manque1· d'augmenter l'aftluence des amateurs et des touristes dans la cité gauloise, dans
l'antique séjour des T1wgri.
Déjà, depuis longtemps, cette ville intéressante attirait l'étranger. On y visitait la Fontaine de Pline, répandant toujours
celte même et belle eau minérale dont parle l'ancien naturaliste : Ttmgri, ciuitas Gallorum, fontem habet insignem, etc.
On aimait de plus à y voir et ces hauts twnuli qui se dressent
çà et là dans la plaine voisine, et cette vieille enceinte de murailles crênelées et donjon nées, et les puits, les pompes, les
fontaines, toutes chargées d'inscriptions, d'armoiries, de cbronogrammes, et cette magnifique allée de maronniers d'Inde
qu'on croirait contemporaine de César, d'Ambiorix et de Cativulcus, sans compter là fameuse digue de Bétau où les braves
Tongrois de l'époque moderne affirment bardiment que la mer
vint se briser jadis. Mais ce n'ét~it pas tout. On ne pouvait

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6li -

négliger l'église de Notre-Dame. Il fallait admirer sa grande
architecture, à la fois massive et hardie, son élégant cloitre
byzantin, ses vieilles tombes, ses sombres murailles extérieures
où la tête antique et payenne d'un colossal Apollon (?) se trouve
curieusement enchâssée, enfin ses vastes fenêtres, toutes variées entre elles dans leurs broderies de pierre, et proclamant
ainsi le vrai caractère de l'architecture ogivale : variété dans
l'uniformité. Il fallait encore monter au haut de la grosse tour
pour y découvrir un immense horizon sans bornes; et dans l'intérieur même du temple, il y avait à voir les anciennes Dinanderies, un lutrin, un grand candélabre, précieux ouvrages en
cuivre portant la marque de Dinant et du 14• siècle, sans oublier surtout les fers et les chaînes des captifs pendant en exvoto, ou mieux peut-être des instruments de torture suspendus
en expiation le long des saintes parois. L'étranger même avait-il
de bonnes jambes? Il sortait de la ,ville; il suivait la riante
vallée qui conduit à Kolmond; et là, au milieu du bois, il montait sur une éminence où la ruine pittoresque du château de
Kolmond .lui apparaissait avec son triste et dernier souvenir de
la puissante famille des Lamarck.
Aujourd'hui le tour du voyageur va s'étendre encore. Il ne
pourra se dispenser d'aller donner un bon et attentif regard à
la première édition du l\lusée de Tongres, mais édition qui sera
bientôt considérablement augmentée. Elle s'augmentera notamment, faut-il espérer, de certaine amphore romaine que j'ai découverte dans la sacristie de Notre-Dame. Voici cette drôle d'histoire; drôle, non, car elle est vingt fois réchauffée. En visitant un
jour le trésor de l'église, en examinant tous ces vieux reliquaires,
figurines émaillées, coffrets ciselés et niellés, boîtes en ivoire
et en cristal de roche, ornements et vêtements sacrés relevrs
d'étonnantes hroderies, manuscrit relié d'une plaque d'ivoire,
9

-

6G -

où le Christ, adoré par les saintes femmes, présente un travail
du onzième siècle d'une admirable ciselure, en passant en revue tous ces rares objets, je ne pus m'empêcher de sourire à
voir le sacristain m'offrir un grand vase des Noces de Cana, le
même, me dit-il, où s'opéra le miracle de la multiplicalion du
vin, mais dont l'exhibition officielle me parut, à moi, des plus
compromettantes pour la sainteté du lieu et l'authenticité des
autres parties du trésor. Jé ne doute pas que le digne doyen de
Notre-Dame de Tongres, habitué qu'il est aux bonnes œuvres,
ne fasse encore cette œuvre qui sera doublement bonne : ôter
le vase de la sacristie, et sous l'approbation du conseil de fabrique, en faire hommage au l\lusée de l'hôtel de ville.
Le l\Iusée existe. Cher lecteur, vous concevez ma joie. Je
l'avais visité, vu et touché de l'œil. Mon vœu ne volait plus
au vent. J'avais invoqué l'avènement du l\lessie, et le Messie
venait enfin de naître. Je l'avais approché, adoré. Ce début
était satisfaisant; il promettait beaucoup, et il tint parole.

XI.

En effet, j'étais à peine de retour de ma course à Tongres,
quand une nouvelle lettre arriva, grossissant de plus belle ce
même et doux ruisseau de jouissance archéologique dont je vous
ai parlé. Transcrivons textuellement celte seconde et bien-aimée
lettre. Elle est aussi datée d'une ville belge, pas wallonne,

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67 -

hélas! mais plutôt allemande. Décidément Messieurs les Allemands et Flamands veulent nous fai re monter le rouge an
visage.

Arlon, te 1°• octobre 1844.

Je votts annonce, mon cher a1'chéologue, une 1wuvelle qu-i vous
fera plaisi1'. Vous avez tant de fois escaladé la bréche, qu'il y
aurait eu conscience à vous y laisser seul. Notre ami commun,
lJf. Würth, vient vous p1'éter main forte. L'honorable magistrat
s'occupe activement de réaliser vos idées dam le Luxembou1'g.
Il a déjà collecté une quantité de choses ; et il les a soigneusement réunies, sous les auspices de l'autorité communale dont il
fait partie, dans une grande salle de not1'e athénée. Il vous présente ses amitiés, en me priant de vous dire qu'il vous enverra
sous peu de jours la liste des objets rassemblés et qui se trouvent
mis en sûreté contre l'incurie et l'ignorance de la moderne barba1'ie.

Vale et me ama.
Romuald Soter.
Et vraiment, quelques jours après, je reçus un assez long
catalogue, témoignant tout le zèle et toute l'activité que
M. Würth, juge d'instruction au tribunal de première instance
d'Arlon, avait apportés dans cette affaire. Des armes, des médailles, des urnes, quelques bas-reliefs, des fragmen ls de monuments, des manuscrits, des cartes et des livres anciens, rien
ne manquait pour asseoir sur une première el solide base le
musée de notre antique Orolauuum.

-

61.1 -

Cependant les efforts individuels d'un seul homme, quelque
actifs qu'ils puissent être, ne pourraient que difficilement suffire à une semblable tâche. Un corps administratif y suffirait
moins encore sans l'assistance extérieure de quelques hommes
spéciaux. On le comprit à Arlon, ville d'intelligence. Combiner
l'action de l'autorité avec la ferveur des amis particuliers de la
science, tel était le problême. On l'a parfaitement résolu. Uue
société d'archéologie s'est formée. A peine avait-elle un mois
d'existence que toute l'administration du pays s'empressait de
lui offrir, de lui apporter son concours avec un ensemble audessus de tout éloge. Aussi l'autorité supérieure elle-même ne
tarda pas à intervenir. Le Roi, par un arrêté en bonne et due
forme, approuva les statuts de la Société. Le musée sera établi
dans une partie de bâtiment appartenant à la ville. Le règlement, les annonces, les circulaires adressées aux diverses administrations locales, etc., se publient par la voie du bulletin
administratif de la province. Un subside est alloué par la ville:
un subside est alloué par le conseil provincial : un subside
allait être alloué par le gouvernement, quand le 24 février vint
fermer toutes les bourses. Elles se rouvriront, je l'espère. En
attendant, personne dans une localité aussi avancée qu'Arlon,
ne pouvait manquer de répondre à l'appel. Tout le monde y répondit. Bourgmestre, échevins, gouverneur, députés des états,
conseillers communaux, conseillers provinciaux, professeurs,
fonctionnaires publics et simples particuliers, propriétaires de
terres, de bois, ou de mines de plomb, ou de mines de fer, tout
ce qu'il y avait d'hommes éminents ou éclairés dans la ville
comme dans la province s'honora de payer son tribut, d'associer son nom à l'œuvre de la science, de se qualifier membre
de la Société d'archéologie du Luxembourg. J'ai aussi l'honneur
rlc porter cc titrr. La Société a daigné me nommer memhrl'

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69 -

honoraire. Soyez bien sûrs, mes lecteurs, que parmi tous les
insignes académiques dont mes tiroirs abondent, il en est peu
dont je puisse me décorer avec plus de plaisir dans les grandes
fêtes de l'érudition.
L'étranger peut déjà visiter le nouveau musée. Il vient encore de s'enrichir récemment; on a déblayé le terrain sous la
colline élevée d'Arlon; et en suivant le pourtour d'un temple
circulaire antique, les fouilles ont mis au jour des bas-reliefs
d'un remarquable travail, représentant différentes scènes de
cbasse. J'engage fortement la Société bruxelloise, la Société
chasseresse de Saint-Hubert, à dépêcher un des siens pour aller
étudier ces marbres. Elle doit se montrer curieuse de comparer
la race des hunds, <les ceders et des pointers romains à la race
actuelle de nos sportmans. Peut-être même fera-t-elle bien de
s'inscrire au nombre des membres d'un institut archéologique
établi dans le pays qu'elle exploite et où il y a encore tant de
cboses à découvrir en courant par monts et par vaux. Ce serait
un peu mieux, ce me semble, que d'employer son argent à
nourrir dans une écurie de Bruxelles le même et heureux cerf
qui sert chaque année à faire la chasse à courre. Je conçois
tout le plaisirI de poursuivre une bête parfaitement apprise, ou
bien de traîner par les bois un poisson salé, d'y jeter la meute
à la piste et de suivre à fond de train cette admirable chasse
pour trouver au bout un hareng. l\Iais cela n'empêche en aucune façon de rechercher sur des bas-reliefs si les vieux Romains s'amusaient ainsi. Allons, messieurs! ne dédaignez pas
de faire une légère étude d'archéologie; mêlez un petit épisode
de l'esprit à l'histoire des amusements du corps.

-

ïO -

XII .

Pour l'amour de Dieu, comment faire? Nous venons de visiter
Tongres et Arlon. Je voudrais maintenant aborder Namur, ma
chère ville natale. Mais je tremble. Arlon, où l'autorité a tout
fait, depuis l'alpha jusqu'à l'oméga, dans le noble intérêt de
l'archéologie; Namur, où l'autorité n'a pas fait que je sache le
moindre petit bout d'iota : le moyen, je vous prie, d'accoler
cela bout à bout sans casser quelque peu les vitres? Je n'aime
pas les contrastes choquants, ni les différences par trop contradictoires. Je n'aime pas une rose jetée sur un glaçon, ni un
glaçon dans le four, ni le four dans un grenier à foin, ni le
foin dans la bouche d'aucun compatriote. J'hésite, en vérité,
à placer la ville de Namur en regard de la ville d'Arlon au
point de vue scientifique, comme aussi les autorités de l'une
trop directement en face des autorités de l'autre. li est certain
que ce rapprochement risque terriblement de blesser quelqu'un.
La position est embarrassante, la matière délicate. li n'y a
peut-être qu'un seul moyen de me tirer de gêne, c'est de rechercher si la question arclléologico-namuroise ne présente pas
quelque petit côté favorable; et je m'aperçois tout de suite
qu'elle en présente un excellent, un parfait, un digne de tous
nos éloges et de nos bravos les plus retentissant.s.

-

il -

Bravo donc! Bravo, mes chers amis, Eugène Del .l\Iarmol,
Jules Borgnet, Félix Eloin, Alphonse Balat, Ferdinand l\farinus, Henri Lambotte, B00 de Pitteurs , cie de Romrée, Eugène
du Pré, Charles Montigny, Adrien Ancbeval ! Vous avez fondé
à Namur une société d'archéologie; vous avez bien mérité des
vœux que je formais, bien mérité de la science, bien mérité de
la chère patrie namuroise. Bravo! Vivat! Avenir, gloire et
prospérité à l'Institut Archéologique de Namur!
l\lais si je m'adresse ensuite à l\Iessieurs les membres de
l'autorité communale et de l'autorité provinciale, j'ai certainement Je droit de leur parler en ces termes:
- « Messieurs, vous êtes de braves et honnêtes gens ,
,, d'habiles administrateurs, des magistrats éclairés, pleins de
» zèle, ardents amis des intérêts de la ville et de la province
» confiées à vos soins bienveillants. Allons, je vous en prie;
» donnez une nouvelle preuve de votre excellente administra» tion; continuez à déployer la même sollicitude pour le bien,, être intellectuel autant que matériel de vos administrés.
~ Voilà que le pays est doté d'une Société d'Archéologie : em» pressez-vous de l'encourager, de la protéger, de la soutenir;
,, et ne souffrez pas que vos dignes populations namuroises
» restent Je moins du monde en arrière sur aucune des voies
» de l'intelligence. »
Oui, Dieu soit loué! il en était temps; une Société d'Archéologie s'est formée à Namur. Tout périssait aussi, tout disparaissait et se perdait sur cette ancienne terre des Atuatiques.
l\fais tout est sauvé désormais. La Société grandit et prospère.
On y compte des professeurs, des notaires, des officiers, des
curés, des magistrats, des artistes, des bourgmestres et autres
fonctionnaires publics, des représentants, des négociants, des
industriels, de grands propriétaires et d'honnêtes habitants du

-

72 -

pays de Namur, tous amis et protecteurs de la science ..l\1. Van
de Weyer, ambassadeur de Belgique à Londres, s'est empressé
de s'inscrire. Le nombre des membres ne peut manquer de
s'augmenter encore. La nouvelle liste qui sera bientôt imprimée en Lête des publications de la Société, offrira, je J'espère,
plusieurs noms de regrettable absence. La Société s'étend même
au dehors. Plus d'un étranger s'y intéresse et demande à se
faire inscrire. Indépendamment du recueil qu'elle publie, elle
a déjà réuni un assez bon nombre d'objets curieux. Tout ce
qu'il y a dans le pays d'hommes intelligents et instruits, de
bons et vrais Namurois, ne peut manquer d'apporter son concours actif à une œuvre si louable. Une société particulière
peut quelque chose sans doute; mais elle peut infiniment plus
avec l'aide et la protection des corps administratifs. Les sociétés
passent quelquefois comme les individus : les corps restent.
Si l'égide de l'autorité vient à couvrir dignement un Institut
Archéologique, un cabinet d'antiques, un musée, l'établissement prend aussitôt ce caractère public et monumental qui
assure son avenir," qui impose, qui oblige. Nous comptons sur
Namur, sur les Namurois, sur l'autorité namuroise. Tous vont
aider à la plus grande prospérité d'une institution , de la seule
instit11tion peut-être qui manque encore à cette helle province.
Plût au ciel que la Société se fût constituée quinze à vingt ans
plus tôt! Nous n'aurions pas à regretter la destruction d'un
monument unique en Belgique, de cet autel druidique, vulgairement appelé la Pierre du Diable, qui amenait tant d'étrangers dans la plaine du faubourg de Jambes, et dont je ne
puis relire la description dans une multitude d'anciens itinéraires français, anglais, allemands, sans ressentir un accès de
fureur contre le moderne vandalisme. Je garantis d'ailleurs que
tons ces étrangers buvaient de la bière namnroise, mangeaient

-

73 -

du pain, des poulets et des dindons namurois, achetaicnl tics
ciseaux namurois, des couteaux namurois, et qu'ainsi la Pierre
du Diable, en les arrêtant à Namur, satisfaisait on ne peut
· mieux aux intérêts mathématiques de l'octroi municipal, du
commerce et de l'industrie namuroise. Espérons que le naissant
i\lusée fera revivre tous ces avantages.
Je dois noter ici une heureuse idée des honorables fondateurs. Le cabinet contiendra la collection des œuvres de tous
les écrirains passés, présents et futurs , appartenant à la province de Namur. Ce sera comme en relief l'histoire littéraire ùu
pays, marquée d'une couleur locale qui aura son charme et oü
du moins nous autres, enfants de Sambre et Meuse, nous avons
l'espoir de conscrYer saines et sauves nos petites immortalités
rcspecfües. Il est bien positif que l'auteur d'Alfre<l 1\'icolas et
des TT'allomwdes va soigner un peu plus son style, depuis qu'il
sait la place officielle, permanente, éternelle, Ott ses productions doivent figurer un jour, exposées aux regards des amateurs et des touristes, des étrangers et des nationaux.
Tongres, Arlon, Namur, et de trois. C'est fort bien. Mais
j'ai mes raisons de ne pas mentionner Liégc. Liége n'a rien fait
du tout. La ville de J...iégc, patrie de Notgcr, d'Hemricourt,
de Grétry, de Lairessc, de René Sluse et tant d'autres, séjour
des Arts, terre des Lettres, Athènes de la Belgique, la ville
de Liége n'a rien fait du tout. i\lais il faut le dire; la cité liégeoise a eu tant à faire, elle a tant fait ailleurs, qu'on peut bien
lui pardonner quelque chose ici. Vous savez comme moi, mes
lecteurs, tout ce qu'elle a fait. Elle a eu à tuer un parti puissant, à renverser un vieux ministère, à pousser ses hommes
ferme et haut, ü introduire la lumière non-seulement au sein
du pomoir, mais dans l'humide labyrinthe de ses vieilles rues,
étroite!- et trnébreuses. Elle a ·eu encore à créer un jardin
10

-- 74 -

botanique, des serres superbes, un vaste et bel athénée, un
musée de tableaux, des quais, des ponts, des aqueducs, une
société libérale, un bourgmestre libéral et des pompiers libéraux.
Elle a de plus à surveiller la restauration de l'immense palais de
ses anciens princes, comme aussi l'érection d'une prison monumentale oit personne, en vérité, n'aura trop de répugnance à
entrer à un titre quelconque. Elle a même à changer son fleuve,
11 le rejeter bien loin , à le précipiter, fier et aventureux, dans
des voies nouvelles, incertaines, inconnues. Liége aime assez
l'incounu. Aussi parfois commence+elle un peu sans savoir,
pour avoir apparemmenL le plaisir de recommencer. Voilà certes beaucoup de grandes choses que ie viens d'énumérer. .C'est
que Liége, en effet, comme la plupart des cités anciennes aspirant aux splendeurs de l'époque modeme, avait presque à se
refaire des pieds à la tête. Eh bien! tout cela s'est fait, se fait
ou se fera; et je dois le dire, tout cela ne se fait pas trop mal ...
il la cinquième ou à la sixième fois. Le musée archéologique,
communal ou provincial, ne se fera pas moins bien; il aura
surtout le rare avantage de coûter infiniment moins cher. Quelques sous au paysan qui découvre un vieux vase romain ou à
l'ouvrier qui trouve des médailles, des remercîments à tout
citoyen qui fait hommage à la ville d'une lampe sépulchrale,
d'une statuette, d'une pièce de monnaie ou autre objet quelconque, il n'y a pas là de quoi obérer considérablement le budget municipal. Cela même ne l'obère pas assez: raison peut-être
que rien n'est fait encore. Comme la chose coûte peu, on la
regarde comme rien. Cependant il a été créé une chaire d'antiquités à l'académie des beaux arts. J'en ai suivi cinq ou six
leçons. l\Ialgré toute l'habileté du professeur, je souffrais vraiment de le voir s'évertuer à faire l'histoire de l'art, à expliquer
aux élèves le costume antique, la numismatique, les progrès

-

75 -

de la céramique romaine, quand le moind1·e petit objet, simplement placé sous les yeux de la classe, en eût dit vingt fois
davantage. Imaginez un cours d'anatomie sans un corps humain pour la démonstration. !\fais j'en jure par le grand Saint
Lambert, patron de la cité, j'en jure par les doctes ombres de
Méan, de Louvrex, de Bertholet, de Jean Varin et de Gilles
d'Orval, Liége n'est pas femme à souffrir plus longtemps que
le vœu d'un Institut Archéologique ait été formé dans son sein,
et que ce soit précisément ce même sein qui demeure jusqu'à
présent stérile. Non, non; cela ne peut durer. Liége fera tard,
mais bien.
Il y a aussi à Anvers une Académie d'Archéologie. De méchantes langues insinuent que ce titre révèle de certaines prétentions, peut-être même des idées de rivalité, de concurrence
ou d'ambition blessée. Je n'en crois pas un mot, et me souviens
seulement que l'Académie d'Archéologie d'Anvers a été fondée
en f842, six ans après le vœu formulé dans le congrès scientifique de Liégc.

X II I.

Ainsi donc, mes chers archéologues de Namur, vous rnilü
établis. Il s'agit maintenant d'enrichir le i\Iusée namurois, de
fouiller la proYince, d'associer à vos recherches les curés savants et les intelligents bourgmestres, de recueillir, de ,sauver

-

76 -

tout ce que la main du temps et surtout des hommes n'a pas
encore détruit. Suiyez-moi, je vous prie; nous allons voir si le
Désert de i\Jarlagne ne peut rien vous offrir.
Il est wai que j'oublie de vous parler politique. Oui, je le
sais; j'avais d'abord quelque intention d'examiner avec vous la
question belge dans ses rapports avec l'archéologie, et de rechercher si le triomphe du parti libéral doit être plus favorable
à cette chère science que le pouvoir aux mains du parti
catholique. Nous avions à considérer que, si d'un côté le catholique est conservateur par essence et fcrwnt ami des vieilles
choses, d'autre part le libéral est le pro1ectcur né, le protecteur omciel de toutes les sphères de l'intelligence, obligé par
élat , par nature, de favoriser tout ce qui est lumière; qu'ainsi
l'archéologie n'a que faire de la question des majorités; que si
M. le ministre R.ogicr ne donne rien du tout à la Société d'Archéologie de Namur, tandis que i\J. le ministre de Theux lui
donnait deux cent francs de subside, c'est apparemment une
suite de cc même et admirable système d'économie qui détraque en cc moment la machine administrative, sape et ébranle
avec une incroyable légèreté le rempart de respect qui entourait encore la magistrature, et contriste, sans pitié ni justice,
la vieillesse de beaucoup d'honnêtes gens blanchis sous le
harnais des fonctions publiques.
Mais toute rél1exion faite, et sauf à voir plus tard quelle
espèce de récolte doit sortir de tout cela au grand désapointcment de certains semeurs, j'ai cru dcrnir laisser à l'écart ces
discussions oiseuses. Que poUYons-nous y faire? Le vieux caractère belge se modifie grandement. La lente et sage et arriérée circonspection de nos ])ères commence à disparaitre pour
tourner à la précipitation fl'ani,:aisc, aux monomanies du jour,
aux en~oucmentf; d'une idre, à l'exagéra lion des honncs vues,

-

7ï -

enfin à l'oubli lOlal de celle ancienne vérité qu'il n'esl souYenl
rien de plus absurde que les dernières conséquences des meilleurs principes. Je vous assure, mes amis, que nos plus telles
déductions ne serviraient à rien. En attendant que le vent
change, le mieux pour nous, croyez-moi, c'est de voiler nos
faces, de subir en silence les coups du libéralisme, et de poursuivre, s'il se peut, notre excursion archéologique au Désert de
l\Iarlagne, nous réservant bien entendu d'examiner en son
lieu la haute politique de quelques faiseurs à la mode.
Veuillez donc prêler une oreille attentive à mon dernier
paragraphe.

XIV.

Un malin, dans le mois de septembre, il y a de cela bien
longtemps, quinze à vingt ans peut-être, si pas même davantage, je voulus revoir une dernière fois mon charmant Désert,
arnnt que le fer et Je feu du siècle eussenl achevé sa ruine.
Je le reYis. Il avait encore son ancien caractère de solitude
et de foi. La vaste forêt l'environnait toujours. On n'y voyait
pas celle villa prosaïque qui s'est élevée depuis, ni ce grand
long biHiment de briques que j'ai déjà cité, percé de ceut
fenêtres el surmonté d'une énorme cheminée de machine à
vapeur, oit la vaniteuse betterave Yint faire de l'embarras durant
quelques semaines. L'œil sr rt>posait :wcc calme et bonhenr

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78 -

sur les humbles restes du manoir des Carmes en parfaite
harmonie avec une austère et sauvage nature. !\fais le prieur
et ses moines avaient dès-longtemps dispam. Le Désert s'était
fait domaine agricole. Je trouvai le fermier qui le cultivait. li
me raconta tout ce qu'il en savait. J'abrégerai son récit; mais
je me permettrai d'y mêler quelques détails que j'obtins depuis
et ailleurs.
Nous l'avons dit plus haut : la forêt de Marlagne, appartenant aux anciens comtes de Namur et pour quelques parties à
diverses communautés religieuses, entra tout couramment
dans le domaine national sous le régime des lois de la République française; et le Désert, qui en était une sorte de dépendance, en suivit naturellement le sort. Seu)ement l'Empereur
Napoléon, dans un de ces moments où il cherchait à rapatrier
l'État et l'Église, donna la jouissance du Désert à l'évêque de
Namur et à son petit séminaire; c'est donc là qu'aux jours de
congé les jeunes séminaristes allaient prendre leurs joyeux
ébats au grand air des bois et de la montagne. Le royaume des
Pays-Bas arriva ensuite. L'administration du domaine suscita
quelques dillicullés à l'évêque qui était encore l'élu de l'Empire,
l\Ionseigneur Pisani de la Gaude, français méridional. Il se
plaignit au Roi du trouble ap1lorté à sa joùissance par
1\11\1. les administrateurs. - « Ils ont tort, répondit Sa Majesté;
» qu'on vous laisse tranquille au Désert; j'entends qu'il n'y ait
» rien de commun entre un désert et le trésor public. Que
" veulent-ils faire de cela? Il n'y a là que des bêtes fauves? »" Pas si fauves, pas si fauves, reprit vivement l'évêque en
>> son nom et au nom de ses séminaristes. »
Les évêques de Namur se virent ainsi maintenus dans la
paisible détention de la chose, jusqu'à cc que le roi Guillaume,
véritable fondateur de la ~rancie industrie chez les Belges, eùl

-

79 -

fait entre1' l'opération financière de la vente des bois domaniaux dans le vaste mouvement industriel qu'il voulait imprimer à la Belgique. La forêt de 1\Iarlagne fut donc cédée,
comme nous l'avons vu, à la Société Générale créée pour
favoriser l'industrie nationale. La Société la revendit à son
tour, en gros et en détail, à divers particuliers qui commencèrent l'œuvre du défrichement; mais elle retint le Désert , en
retira naturellement la jouissance alL'i: évêques, se mit à
l'exploiter en règle, et finit par y établir une sucrerie de betterares où elle obtint autant de succès que de sucre. De cet
établissement il ne reste, je pense, en activité, que la commode habitation du directeur-gérant, cc toujours heureux
personnage des industries chanceuses.
En parcourant l'immense enceinte de murailles, je visitai,
à côté de la porte de l'est, la petite chapelle qui demeure
consacrée à l'exercice du culte. Un placard manuscrit, appendu aux parois intérieures, y témoigne du juste respect de
l'ancien évêque pour toutes les autorités régnantes, présentes
et futures. JI porte :
FONDATION
OE MONSEIGNEUR CHARLES-FRANÇOIS-JOSEPH, DARON DE PISANI DE LA
GAUOE, OANS LA CHAPELLE DU PARC DE MARLAGNE.

Je fonde une rente de deux cent quarante francs qui sera
payée au 11rêt1·e desservant la chapelle bâtie dans le parc du
Désert de blarlagne, chapelle autorisée par S. M . le Roi des
Pays-Bas; rente li vrendre sur une de mes inscriptions au grn11cl
livre de la dette 1mblique de /<'rance.

-

80 -

Ce pre'/re sera tenu de dire dans cette chapelle la messe aux
jours de dimanche et de {ètes chûmées ( les dimanches de Pâques
et de Pentecôte exceptés, ainsi que les (êtes de let Toussaint et de
Aoël). Cette messe sera 11ow· let commodité des habitants de la
campagne autour de ce désert; et ledit prêtre lew· (em une J}etite
instrnction sur les devoirs clu chrétien envers Dieu, envers le
r101wemement sous lequel on vit et envers le vrochain. A. la fin
de la messe il sera (ait au JJiecl de l'autel la prière ordonnée pour
le Roi, avec les versets et oraison: de JJl11s il récitera le JJSaume
De Profundis avec le verset et l'oraison Fidelium pour le repos
des âmes des religieux défunts et autres personnes enterrées dans
l'église détruite du couvent des carmes déchaussés établi att parc
de illal'lagne. Ledit chapelain aura pour lui l'application libre
desdites messes qu'il célébrera, lt l'exception de seize 11ar année,
savoir : quatre pour les anciens donateurs dudit parc aux pères
cannes déchaussés, deux pour les autres bienfaiteurs, deux pour
Le repos de mon âme, et huit pom· le repos des âmes des religieux défunts dudit ancien couvent et des autres personnes qui
y ont eu leur sép11lt11re.
Pieuse et touchante disposition que je me plais il consigner
ici : témoignage d'un cœur qui n'oublie pas le bienfait et d'une
foi qui cherche à relier la chaîne des traditions sacrées. Il m'est
arrivé un jour d'assister à la messe dans la solitude tic i\Jarlagne; les grandes solennités de Saint Pierre de Rome ne m'avaient pas causé une impression aussi profonde.
Un autre écriteau, placé dans le même lieu, m'apprend
également que, si l'esprit de notre âge a fait entrer l'industrie
au Désert, et si d'autre part les vieux souvenirs du passé,
comme la beauté des sites, y convient le touriste cL l'archéologue, les pratiques de la foi religieuse ne sont p~s non plus

"'

-81-

sans y appeler les fidèles. Je vais encore transcrire ce document; car il rétléchit quelques teintes de l'époque :
ACTE AUTHENTIQUE
DE r.'f:RECTION DU CHE~ll:-1 ne LA CROIX.

Nous, Louis-François Douxfils, eu.ré de Jambe, conformément it la {acuité qui nous a été accordée par le rescrit de Sa
Sainteté donné à Rome le 14 mars 1854, et suivant l'approbation écrite de Monseigneur Nicolas-Joseph dè Hesselle, évêque de
Namur, en date du 51 juillet i844, avons érigé ce jour, dans
la chapelle du parc de illarlagne, en présence des soussignés,
le Chemin de la C1'0ix, autrement via crucis, avec toutes les
{ormalités et cérémonies requises; en conséquence et suivant la
teneur du rescr-it, tous les (idèles qui visiteront les stations et
rempliront les conditions prescrites, pourl'ont gag11e1· chaque fois
toutes les indulgences que les Souverains Pontifes ont attachées à
cette dévotion.
Fait à La Plante, le 8 septembre 184-1.
L.-F. Doux{ils.
Gerard-Fallon. A-J. Lathuy, diacre.
F. Delhaye. P .-F.-J. Stiernon.
G.-J. Brichard, curé de la paroisse.
Je demande pardon à ces hommes simples el modestes de
les prendre en croupe sur mon coursier littéraire, et de les
faire galopper ainsi à la postérité sans avoir obtenu leur permission préalable, mais non toutefois sans avoir vu leurs noms
publiquement exposés dans la sainte chapelle.
11

-

U:2 -

Quelques pierres tumulaires fixèrent mon attention. Plusieurs se rapportent aux guerres de Louis XIV. On sait que le
grand roi, en 1689, avait déclaré la guerre à l'Angleterre, 11
la Hollande et à l'Espagne. La province de Namur en devint Je
théàt1·e. Une piene bleue, enchâssée dans le mur d'enceinte du
Désert à côté de la chapelle, me fit lire l'inscription suivante
au-dessous d'un écu à trois grues dont le timbre est surmonté
d'une grue avec sa vigilance:
ICY . GIST.
NODLE . ET . GEXEHEVX. SEJGNE\'fl.
C!IARLE.

DE.

LAlllUCQ\'E.

SEIGè'iE\'ll.

DE. L.\NXOY . LIEVTENANT.
COLONEL. AV. REGIMENT.
MONSEIGNEVll. DE. BRIONNE.
TVE. POVR. LE. SERVICE. DE. SA.
l\lAŒSTE. TIIES . CIIRESTIENiŒ.
LE.

4'.

IVIN.

1689.

Je voulus déchiffrer dans la chapelle même une autre ins-

cription gravée sur une tombe, mais tellement usée pal'le pied
des fidèles que toute mon étude se réduisit à ces restes :
M.

P.
NOlllLISSI.

DOMINI.

O. ODETI. l'RANCISCI. DE. HARCOURT. DOCTORIS. SORIIONIF:.
llECI.... E •.• MOSYXIS.
QUI. AU ...• NI. :XO ...... GLOR IA~!
MEI\ITIS ... A•••• V...................... .
FEllRE. IN. CASTI\JS. AD. NAMURCml. CORREPTUS.
ll\llNA ... MORTE .•. APXIS.................... . . .. PIUS.
l\lUNF.RE, OFFICIO. Ml .. A. fUNCTUS. EST. A .... IA ....
MAGNO........

CL........
ANNO.

CA..................

1692.

JUX.

25.

DESIDEHIO.

-

83 -

t.:'était sans doute un prêtre attaché à la suite ùe Louis XIV.
Je prie les archéologues, mieux pourvus que je ne le suis de
science héraldique, de chercher à remplir les vides, et surtout
à décrire en bons termes le blason sculpté au-dessus de l'inscription, lequel me fait à moi l'effet d'un écu à deux fasces. Cc
que je sais très-pertinemment, c'est que Louis XIV avait investi
~amur le 25 mai 1692; qu'il reçut le 5 juin la capitulation de
la ville; qu'il vint s'établir dans la forêt de 1\larlagnc, à portée
du Désert, pour commencer le siége du château; que le fort
Cohorn se rendit le 21 juin et toute la citadelle le 1°' juillet de
la même année.
l\Iais avant d'examiner de plus près cette grande époque de
l'histoire du Désert, faisons un pas, un seul pas hors de la porte
de l'est, marquée A sur le plan lithographié en tête de celle
notice : Porteria cmn Hospitio et Sacello; ce qui signifie, je
suppose, l'entrée principale du Désert (porteria), un bâtiment
destiné à recevoir les étrangers avant de les introduire dans
l'enceinte (hospilimn), une chapelle (sacellmn). Celle chapelle
subsiste; peut-être même l'hospitium n'en était-il que Je parvis
couvert. Elle est habitée aujourd'hui par un cultivateur il qui
le jour anive par de belles fenêtres en ogive. Une large pierre
qui en surmonte la porte présente celle inscription :
DEO. 0'. MAX.
HOC. SACELLVM.

MAGISTR

9



NMIVR.

flERI. fECIT. ET.
llElllC.\. CIJ. l'.J. CXX.

Qui sait si le grand roi ne s'est pas agenouillé dérn1enH 11t
dans cc pieux réduit, oil j'allai prrndrr une tasse de caré srrvie par une ~rol,se rniina~i•rr?
1

-- 84 -

Ce fut certainement une révolution dans le couvent des
Carmes que l'arrivée de Louis XIV au voisinage du Désert. Le
trouble, l'agitation, l'empressement de ces bons pères, surpris
dans leur solitude et dans leur vie paisible et uniforme, tout
cela perce à chaque ligne d'une relation contemporaine que
je lis dans un vieux registre intitulé Liber {tmdationis hujus
deserti sancti Joseph : document inédit , par conséquent précieux, et même ici d'autant plus précieux qu'il est plus insignifiant; car écrit de la main de l'un des religieux, il prouve
toute l'importance que ces braves gens donnaient à de petites
choses, et ùe quel vif rayon de lumière le séjour du roi vint
illuminer tout à coup ces existences ténébreuses et mortes. Je
le promets à mon lecteur en note. On y voit que Louis XIV
vint établir sa barraquc dans un jardin très-rapproché de la
porte antérieure du Désert; qu'il devait le traverser presque
tous les jours pour se rendre aux travaux du siège; que le 12
juin i692, date à jamais mémorable dans les annales du
monastère, il fit une visite officielle aux Carmes de l\larlagne,
accompagné du dauphin, du comte de Toulouse, des ducs
d'Orléans, de Bouillon, etc.; que la réception se fit solennellement et en grande cérémonie; que tous les religieux, vêtus de
leur pallium, se rangèrent dans l'église comme il est d'usage
quand on chante le salve regina; que le prieur, portant le
pluvial, offrit au roi l'eau bénite à son entrée dans le temple;
qu'alors les religieux se portèrent silencieusement vers le
chœur où ils entonnèrent l'hymne pauge linguâ gloriosi, ensuite
le psaume exaudit pro rege, et qu'enfin la bénédiction fut
clonnée à tonte l'assistance; que le roi fit prcurc quelques
jours après d'un excellent naturel {bonam indolem) en daignant
agréer de fort belles écrevisses que Yint lui offrir le prieur,
et en clisant gracieusement au ré\"érentl père de les porter à

-

8!5 -

la cuisine; que, tandis que Sa Majesté très-chrétienne logeait
aux portes du Désert, plusieurs grands seigneurs de sa cour
se trouvaient installés dans l'intérieur même du couvent et
dans ses dépendances; que le père Lachaise notamment, cc
fameux confesseur du grand roi aux oreilles cuirassées par
tant de jolies choses, avait été établi dans l'hermitage de Saint
Bernard; que tous s'extasièrent sur la beauté du Désert et
firent d'abondantes aumônes.
Oui, sans doute, il y avait lieu à extase. On peut voir le
plan lithographié et dont la date se reporte probablement vers
l'année 1640; il montre combien à cette époque le Désert devait être agréable avec ses jardins, ses étangs, ses fontaines
et grand nombre de monuments curieux dont la main des
Carmes l'avait embelli. Je tiens d'un ancien du pays, témoin
oculaire, que ces ingénieux cénobites avaient exécuté une statue
de Notre Seigneur qui versait de l'eau par ses plaies, et une
statue de la Sainte Vierge dont les yeux répandaient des larmes. De brillantes mosaïques, formées de coquillages divers
ou d'un cailloutage de toutes les couleurs, décoraient la chapelle et les oratoires. Le nombre des religieux nriait de quinze
à seize. Ils habitaient les cellules de l'intérieur du couvent.
Seulement, à tour de rôle, cinq ou six pères allaient peupler
les petits hermitages, cachés dans les arbres le long du grand
mur de l'enceinte. Là chacun d'eux faisait retraite absolue, s'(.,L
tablissait hermile et cessait toute communication personnelle
avec la maison. Cependant il fallait vivre, et pour vivre il fallait
manger, et pour manger il fallait tirer quelques aliments du dehors. 1\lais c'était un seniteur d'une espèce nouvelle qui avait
charge d'y pourvoir. Un âne, parfaitement dressé pour cet office,
partait tous les malins du monastère, seul et sans conducteur,
mais avec deux hons pani<•rs p<'1Hla11ls deçà cl <lelà, ~arnis de la

-

8ü -

provende. li allail ainsi, la clochette au cou, faire une ronde
ponctuelle, s'arrêtanl consciencieusemcnl à la porte de chaque
hcrmitc qui prenait sa frugale pitance el rcnvoyail l'âne au
,·oisin. Nous ne revenons jamais plus ces simples et naïYes
existences.
L'église et le couvent sont entièrernenl détruits. La ferme et
les granges , seules parlies imrnédialement utiles, sont restées
debout. L'ancienne et pittoresque maison que l'on voit encore
et oit venait parfois séjourner l'évêque de Namur, l\Ionseigneur
Pisan i de la Gaude, ne faisait pas réellement partie de l'ancien
monastère. On y lit cette inscri1)tion au-dessus de la porte :
STRUXIT
OOXAVIT O. 131\'0flT
AN,';O

1750.

flEPARA\'IT ET AUXIT

ll.D . DE PISAN! EP. NMIUI\C.
A~XO

1819.

t.:e lfüort, bien qu'il ne fût pas religieux, avait obtenu des
pères ca1wes la permission d'élever un bàtiment auprès du
couvent et de s'y installer. Solitude paisible, éloignement de
toutes les vaines tracasseries du monde , vie simple et régulière, site charmant, air Yif des bois et des montagnes, que
pouvait-il manquer au bonheur de cette douce retraite?
Cc qu'il y a de certain (à part le grand long Yilain bâtiment
de l'ex-fabrique de sucre), c'est que moi-même, aujourd'hui enC'ore, je m'installerais très-volontiers au Désert, et que dans la
l'isite dont je viens de raconter les détails, j'eus de la peine à
m'en éloigner. Entré ,·ers huit heures cln matin, je ne sortis que
,·ers cinq heures du soir, la tête f'ar<'ie de carmes, de cou\'ent,

-

87 -

de souvenirs, de ruines et de betteraves, en un mot, de l~us
les éléments d'une nouvelle et très-jolie wallonnadc.
Comme j'étais en vacances, la wallonnade ne tarda pas il
éclore. Aux vacances suivantes je la revis, la polis , lui donnai
le dernier coup de lime; et puis je la serrai soigneusement dans
un petit portefeuille littéraire qui s'ouvre de loin en loin à la
plus grande satisfaction du public, mais au plus grand désespoir du Béotien <le Belgique.
ba wallonnade sommeillait en paix dans ledit portefeuille,
quand un malin, il n'y a pas de cela quinze jours, j'entendis
frapper doucement à ma porte, cl je vis entrer la Société d'Archéologie de Namur qui me salua d'un air véritablement
agréable.
- « Mon cher pays, me dit-elle, je viens vous présenter une
» requête; vous ne pouvez la rejeter. Nous savons de science
,, certaine que vous avez visité 1\Iarlagne. Il y a là de l'histoire,
» du vieux et du pittoresque, trois choses qui vous inspirent.
" Je lis distinctement dans vos yeux que l'inspiration ne vous a
» pas fait faute. Or, je suis la Société d'Archéologie de Namur,
» et je publie un recueil. Vous avez une dette à me payer; j'en
,, viens réclamer le paiement; toute objection est inutile; l'ar» ticlc 203 du code civil est formel : Le père doit des aliments
» it sa fille. »
On n'est pas plus aimable. Je ne pus refuser. li était impossible de caresser plus délicatement la petite part de paternité
que je puis avoir dans la fondation de l'institut archéologique.
J'allai ùOnc fouiller Je vieux portefeuille; j'en lirai toute jaunie
la petite wallonnadc, et je l'offris avec grâce à la Société d'Archéologie en la baisant paternellement au front. Elle rougit;
car elle est jeune encore et pas trop gâtée par les doux m'amours
du public. Mais je vous assure qu'elle grandit à vue d'œil, et jr

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88 -

,ous réponds bien que Lous les vrais et braves Namurois vont
protéger comme il faut sa riante jeunesse.
Cette excellente fille me quitta fort contente. Tu feras de
même, cher lecteur. Tu vas lire et relire et réciter tout haut mon
joli poëme. Tu te garderas de me dire qu'en chantant Je Désert
tle Marlagne, je risque fort de prêcher au désert; mais te rappelant au contraire le bon sens rimé de notre ami Lafontaine,
tu me diras galamment :
Vous n'avez rien qui ne plaise;
Prose et vers, tout est charmant :
Vous parlez, j'en suis fôrt aise;
Eh bien! chantez maintenant.
GGGG.

Ernbour, 1« octobre 1848.

LE DÉSERT DE ltfARLAGNE.

WALL O NNA D E,

Souvent, quand il fait beau, je vais à la campagne.
J'allai donc l'autre jour au désert de l\farlagne :
Délicieux désert, avec de clairs ruisseaux
Endormis sous l'ombrage ou tombant des coteaux,
Avec des prés fleuris, de riantes vallées
Au milieu des forêts fraîchement isolées,
Où, dans le bon vieux temps, des moines retirés,
Ignorant ce vain monde et du monde ignorés,
S'habituant à Dieu , comme enseignait l'apôtre,
Vivaient, priaient, mouraient et s'enterraient l'un l'autre.
Je suivis de Namur le chemin vers Dinant;
Je côtoyai la l\leuse; et bientôt brusquement
12

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90 -

Je tournai sur la droite, et montai la colline
Par un joli sentier qui doucement chemine
Sous le flanc des rochers, à l'ombre des bouleaux,
Le long d'un petit lac aux transparentes eaux.
Je goûtais de ces lieux la douce quiétude;
Je respirais des bois la verte solitude;
Et mon âme, d'accord avec mon pied léger,
Allait, courait, errait en pays bocager,
Quand je vois tout à coup que ma route est masquée
Par une porte en bois de deux longs murs llanquéc.
Je frappai, refrappai, mais le bruit des vieux ais
Ne fil que réveiller l'écho de ces forêts.
Alors clouant un œil aux fentes de la porte,
Je sondai le désert. « Que le diable l'emporte!
" 1\Ie dis-je avec humeur; je n'y vois pas un chien;
» Je n'y vois pas un brin d'homme ou de femme; rien
» Qu'une longue avenue, inanimée et sombre,
,, Où le silence dort dans le berceau de l'ombre. »

Et me voilà cherchant, flairant de toutes parts
Un passage, une entrée, une brêche aux remparts.
Autant valait chanler; car sur l'ùpre colline
S'étend des deux côtés un vrai mur de la Chine
Qui se projette au loin dans les halliers épais.
Je criais, bouppelais, enrageais et pestais,
Lorsqu'enfin j'entendis comme un bruit de ferrure,
Comme un gond qui grinçait sur sa vieille penture.
Et dans la vaste porte un guichet s'entr'ouHit;
EL je vis avec joie un vivant qui me dit:
» Entrez, mon cher l\Jonsieur, au désert de 1\larlagne.

)>

-

91 -

J'entre donc au désert. Le vivant m'accompagne.
li me parle beaucoup; mais je l'écoule peu.
Ce désert, où jadis l'on se vouait à Dieu,
Parle déjà plus haut à ma pensée austère.
Car ici , voyez-vous, c'était un monastère
De carmes déchaussés, qui, loin du triste amas
Des douleurs, des grandeurs et des riens d'ici-bas,
Ne demandant qu'au ciel le bonheur de la terre,
Du sein pieux des bois exhalaient leur prière,
Et livraient à leur Dieu ce vain jouet du sort
Qui s'appelle la vie et n'est rien qu'à la mort.
Oh! combien le désert agrandit la pensée!
L'homme ici disparait comme tine ombre effacée.
Mon œil au loin s'égare, et partout je ne vois
Que !'Océan de l'air ou !'Océan des bois:
Réduit mystérieux, solitude profonde,
Où l'âme, en s'élevant au-dessus de ce monde,
Sans terrestre horizon, sans avenir mortel,
Ne pouvait plus penser qu'à remonter au ciel.
Des moines du vieux temps ce beau désert est vide,
» Me dit le paysan qui me servait de guide.
" Le désert s'est fait cense; il nous donne à présent
» De beau foin, de beau seigle et. de fort beau fromenl ,
>> Toujours comme autrefois entouré de murailles,
» Mais perdant peu-à-peu toutes ses anliquailles.
» C'est grand, oh! c'est très-grand : autour de la maison
» ~ous comptons cent bonniers ne faisant qu'un gazon.»
»

Et mon homme longtemps se maintint la parole
En riens que j'oubliai; car cc vieil agricole

-

9'.2 -

Ne voyait au désert que foin à récolter,
Que choux et canadas et navets à planter.
» Oh! oh! ce n'est pas tout, cria-t-il comme un aigle;
» Je tiens qu'un de ces jours, au lieu d'épeautre et seigle.,
» On va couvrir ces champs de merveilleux produits
» Et faire une fabrique à sucre du pays.
» Car aujourd'hui, 1\lonsieur, l'industrie est si brave,
» Qu'elle a su rajeunir la vieille betterave,
• La laver, la râper, puis la pulvériser,
» La cuire et la recuire et la martyser
» Pour la forcer à rendre un gros sucre à la diable
» Ne sucrant pas du tout.... Quel métier misérable!
» J'en connais déjà vingt qui s'y sont enfoncés:
» Il en fallait vingt-un. » - « Assez, mon vieux, assez,
» Repris-je avec aigreur, vous en parlez sans gêne.
» Ne méprisez pas tant le grand sucre indigène;
• II nourrit mille ouvriers, féconde mille arpents,
o Enlève le terrain aux seigles, aux froments,
» Et vous maintient ainsi, n'en déplaise à vos gloses,
• Le prix courant des blés à des taux grandioses. »
- » Grandiose, ah, parbleu! c'est encor plus que grand
» Apparemment, 1\lonsieur; mais soit dit en passant,
» Fau t-il payer si cher le bon vieux pain des hommes?
» Nous vivons pauvrement, nous pauvres que nous sommeR.
» La betterave au diable I Il nous faut de bon grain;
» Car nous buvons sans sucre et nous mangeons du pain. »
Je laissai le manant pérorer dans l'espace.
Adam Smith et l\Iallhus auraient péri sur place.
Mais tandis que le rustre en son grossier courroux
A la canne immolait nos végétaux si doux,

- oa Moi, je cherchais des yeux l'antique monastère.
On voyait des débris partout jonchant la terre,
L'hermitage croulant, les autels abattus,
Plus loin la niche sainte où le saint n'était plus,
Des tas de foin dressés sur le divin calvaire,
Le porc fouillant aux lieux où fut le sanctuaire,
Et l'on n'entendait plus l'oraison du Seigneur,
Mais le cri de la faux qu'aiguisait le faucheur.
Eh! pourquoi me tairais-je? Oui, ma foi, je les aime
Ces manoirs de prière et de calme suprême,
Moins les abus pourtant; et je ne sais, je crois
Qu'aujourd'hui le couvent serait mieux qu'autrefois.
Voyons, qu'en pensez-vous? N'est-ce pas un asyle
Qui, promettant à tous un avenir facile
Et pompant le trop plein de la société,
Peut absorber les flots du torrent indompté,
Adoucir, amortir l'ébranlement immense
De tant de malheureux cherchant une existence?
Mais qu'on s'y rende utile au moins; car sachez bien
Que des moines oisifs l'on ne veut plus pour rien.
Mon monastère, à moi, qui dans mes doctes veilles
De Say l'économiste ai scruté les merveilles,
C'est comme un saint. bazar, un pieux atelier,
Où tout en priant Dieu l'on devra travailler.
A quoi? Je ne sais trop. Mais cherchez, je vous prie,
Un bon travail auquel la prière s'allie;
Et si vous le trouvez, je permets le couvent.
On a déjà trouvé quelque chose vraiment.
Honneur, honneur à vous, anges de cette vie,
Qui dévouez vos jours au lit de l'agonie!

-

04 -

Filles du ciel, honneur à vos sublimes vœux !
Honneur encore à vous, trappistes courageux,
Dont la voix parle à Dieu, mais se tait pour la terre,
Qui de l'àpre Campine épousant la bruyère,
En fécondez le sein d'un fer industrieux!
Honneur à vous aussi, qui, rapprocllés des cieux
Sur les sommets glacés que l'aquilon assiége,
A l'horrible avalanche, à l'ouragan de neige,
Disputez tous les jours le pâle voyageur!
Honneur à vous enfin, messagers du Seigneur,
Demandant le martyre à la plage étrangère,
Et par la croix du Christ agrandissant la terre!
Mais si, comme autrefois, dans ces calmes réduits
Que l'heureuse Belgique a partout reconstruits,
Vont s'entasser encor des ventres et des bouches
Et d'arides gosiers voulant toujours les douches,
Si le moine s'assied sm· les degrés du ciel
Pour voir, les bras croisés, cc monde industriel,
S'il s'enferme au couvent pom· prendre et ne rien rendre,
Pour passer dans le siècle et ne pas le comprendre,
Pour dévorer l'argent, cet argent infecté
Que lègue la faiblesse à la cupidité,
Pour se traîner encor sur la fangeuse arêne,
De ces vices honteux que la richesse entraîne,
S'il vient, tout dégradé de son pouvoir mondai11,
Et d'un bonheur terrestre empoisonnant ton sein,
Noble religion, te profaner toi-même,
J'entends Dieu qui s'écrie : Anathème! Anatbi.•mc !
Ainsi donc, clira-t-on, mon esprit rococo
Raisonnait au désert tout juste à baroco ,

-

95 -

Quand mon guide, arrêtant le cours de ma pensée :
~ Voyez, me cria-t-il; ici fut la percée
» Par oiI, vers l'an du Christ mil sept cent quatre-vingt ,
» De l'un et l'autre sexe une foule survint. >)
Et le voilà contant qu'au désert dè i\Iarlagne
L'homme pouvait entrer, mais non pas sa compagne:
On prohibait la femme et la fille à coup sûr,
Excepté toutefois quand quelque pan de mur
Par l'effet du hazard et sans malice aucune
Venait à s'écrouler : alors chacun, chacune,
l\Iâle et femelle enfin, tous entraient librement.
Telle était autrefois la règle du couvent.
Or, à i\Iarlagne un jour, vers la susdite année,
La muraille tomba, par quelque rat minée.
« Les Carmes, direz-vous, étaient de fiers lurons;
» Un carme est un proverbe; et sous main nous tenons
» Qu'ils grattaient la muraille en place un peu pounic. »
Ah, l\Iessieurs, taisez-vous; car c'est là de l'envie.
Comment donc? Ne peut-on par siècle une ou deux fois
Prendre un petit plaisir fort innocent, je crois?
Et quand le temps, aidé de quelques jeunes frères,
Improvise une porte en ces murs solitaires,
Quel mal à faire entrer la vie un seul instant?
L'heureuse brèche est là qui s'oune à tout. venant.
La nouvelle aussitôt, pareille à la fusée,
File, éclate à grand bruit, de tous côtés lancée.
Namur est en émoi : de tous les environs
Il part incontinent de nombreux pelotons
Avec de pleins paniers à vider sur l'herbette
Que bourrent le jambon, le rréné, la gozette.

-

96 -

La Meuse au loin frémit du bruit de mille voix;
Et dans tous les sentiers qui grimpent vers les bois
De ces gais pélerins voyez les longues files
Serpenter sur la côte en Jougs rubans mobiles.

Tels, au lever du jour, sous les murs d'ilion,
On vit les fiers guerriers du grand Agamemnon
Se ruer, se presser, s'enfourner pêle-mêle
Au trou qu'avait ouvert le cheval infidèle:
Tels, au mur du désert, nos mille curieux,
Poussés, jetés, foulés, entraient à qui mieux mieux,
Et s'épandant alors dans la place emportée,
Roulaient partout les flots de leur mer agitée.

,

Les Carmes ce jour-là jouirent pour cent ans.
Couvent, jardins, bosquets, tout fut aux assaillants.
Tout vivait, remuait; et sous les voùtes sombres
Qui voyaient chaque soir errer comme des ombres
Les vieux pères, vêtus de Jeurs longs manteaux blancs,
La jeune fille allait, dansait, et de ses chants
Frappait gaîment l'écho de l'enceinte étonnée.
Oh! oui, la voyez-vous, de bleuets couronnée,
Folâtrer et s'ébattre, et d'un regard vainqueur
Agacer en passant le bon frère quêteur
Qui, debout sur le seuil, profite de la fête
Pour tendre un vaste plat où vient tomber la quête?
Que vous dirai-je enfin? on s'amusa partout:
On courut le désert de l'un à l'autre bout :
On visita le bois où l'eau sous les charmilles
S'épanchait aux bassins tout brodés de coquilles,

-

97 -

Et de chaque reclus les petits jardinets
Ornés de buis taillés et de berceaux bien frais,
Et le long du grand mur les humbles hermitages,
Le froid préau que l'if com-rail de noirs omb1·ages ,
L'église qui souvent apaisa des remords
Et les cellules même où vivaient tous ces morts.
1\lais rien ne peut durer. Ce tyran invisible,
Ce vieillard toujours jeune et dont la main terrible
Ne se plaît qu'à frapper, à briser, à flétrir,
Le temps ,•int à 1\farlagne arrêter le plaisir.
Et quand près d'achever son mouvement diurne,
Et dressant dans le ciel son horizon nocturne,
La terre eut ùu soleil YOilé l'ardent regard ,
La cloche ùu couvent proclama le départ.
Adieu donc à l\larlagne, aux paisibles demeures
Que dans cent ans de paix ont troublé quelques heures.
!\tais avant de quitter le bien-aimé désert,
On but à la santé d'Isabelle et d'Albert,
Nos deux bons archiducs qui du saint monastère
Avaient dans l'ancien temps mis la première pierre.
Et l'on partit alors; et le troupeau joyeux
Avec l'éclat du jour disparut de ces lieux :
Les voix, les gais refrains lentement s'éteignirent ,
Et dans le fond des bois peu-à-peu se perdirent:
Et le calme rentra dans le pieux réduit :
Et l'angélus sonna, quand arriva la nuit:
Et personne, à la fin de ce beau jour de fête,
Ne pensa que le temps, déchainant la tempête,
Allait bientôt frapper le désert de ces bois,
Et qu'on ülait venu pour la dernière fois.
I3

NOTES.

1.
Au miliett des forêts fraichement ioolées.

C'est au milieu de ces vastes forêts, abondantes eu toute
sorte de gibier, que les anciens comtes de Namur allaient de
préférence salisfaire leur passion de chasse. Gramaye, qui est
excessivement loin d'être un Tacite, exprime néanmoins en
style quelque peu lapidaire la manière dont ces petits souverains avaient jadis distribué leurs plaisirs.
AEsliva plurium Comitum Gol$ilûœ, Hybema Namurci, Nemus Comitis llfarlania.
<c Les comtes avaient leur séjour d'été à Golzinne, leur séjour
o d'hiver à Namur, leur forêt à Marlagne. »
-Namurcum, tom. II, sectio HL Dans un autre passage l'auteur se joue à l'antithèse, et nous
représente la forêt de 1\larlagne consacrée tour à tour au plaisir
el à la dévotion, offrant partout des chapelles et <les rendezvous de chasse.
Afa1'la11ia autem sylva meritù dicatur volttptati et pietati sacra, quœ sacellormn frequentiœ et venationis parit co11tinttatio.
In hac jus civibus aliqttomodo datmn disco. In Mc Sacellum it
Philip710 Comite clotatmn(an. 1295.), 1,bi ,·eligiosos olim egisse

-

09 -

colligo ex diplomate Ilonorii, confirmantis bona {ratrnm habitantimn in 1llarla11ia.
- Pl'œ{ectura namurcensis, in principio. Je crains, en vérité, d'exciter de trop vifs regrets dans l'âme
de nos chasseurs, en énumérant toutes les espèces de bêtes
qui peuplaient la l\Iarlagnc. Voici cc qu'en dit Guichardin par
la bouche de son vieu:-. traducteur:
« Au Namurois y a plusieurs Forests et Boscages, le plus
» grand desquels est celui de l\Iarlaigne, remply et fourmillant
» en toute cspece de proyc, et sauvagine, et de gibier pour le
» vol, et pour le deduit de la chasse. »
- Loys Guicciardin, description de touts les Pays-Bas, description du comté de Namur, page 454.« Et abondent ces bois et forests en toute sorte de venaison:
~ les Cerfs, Dains, Chevreux, Sangliers, Licvres, Conn ils,
» Tessons de toute cspece, et jusqu'aux Lirons et Herissons,
" n'y manquans point; ains y sont en abondance, ayans la chair
» fort bonne; mais non si aggreable et savoureuse qu'en Halie :
» et mesmcment les Lie\Tcs. Et n'y a point faute de Loups,
» de Renards, ny de Faines : mais pour obvier à cccy, le pays
» est fertil en bons Chiens prompts 11 poursuyne ces bestes;
» comme ils en ont de toute autre sorte pour la chasse, de
» quelque espece que ce soit. » - Page 28.
Sur quoi l'auteur cite l'éloge que fait du chien de chasse
belge le poëtc latin Silius Italicus; car il faut savoir que, dès
le temps des anciens Romains, nos chiens courants étaient en
haut renom.
Ut canis occultos agitai cùm belgicus apros .....
Ainsi, quan<l le chien belge au milieu des halliers
Po11rwit avec ardeur~ farouches sangliers, etc.
(P UNI COR Dl J.IB. X, VERS.

77

F.T SEQQ).

-

100 -

Esl-il besoin d'ajouter que ces lirons dont Guichardin a parlé
ne sont autres que les loirs, cl que les vieux noms de tessons,
{aines et c01111ils, restés à peu près les mêmes dans nos patois
wallons, signifient les blaireaux, les fouines et les la1>ins? On
peut s'étonner que Guichardin fasse du liron une sorte de gibier;
car ce n'est en Belgique que gibier de chat, et nous n'en tenons pas autrement compte que d'un petit rat ou d'une grosse
souris. J\Iais on doit se rappeler que l'auteur était italien : or,
en Italie, se trouye le vrai loir des naturalistes qui donne une
chair assez recherchée et qui est plus gros qL1e le nôtre, lequel
s'ap1>elle de son vrai nom le lérot (petit loir?). Guichardin aura
été trompé par la dénomiuation de loir qui s'applique rnlgat1•ement à l'une et à l'autre espèce.
La forêt de J\Iarlagne se diyisait en Haute et Basse-Marlagnc.
La Haute occupait principalement la crête du plateau qui s'élèYe et se prolonge entre la Meuse et la Sambre; la Basse occupait. la partie qui se rapproche le plus du con nuent de ces deux
rivières, ainsi que les versants qui descendent vers la Meuse.
Nous avons sommairement indiqné dans le préambule les
dirers changements d'orthographe que le nom de la forêt avait
subis autrefois. C'est dans Galliot surtout que nous a"ons
puisé ces nombreuses variantes, dans le recueil des chartrcs
qu'il a placé à la fi n de son Histoire générale, ecclésiastique et
civile de la ville et province de Namur, tomes 5 et 6.
On y trom·e à l'an 1151 in nemore st10 lllalagine : illa/a11ia, H5i : ilfarlagnia, H 54: illarla11ia, f212, 1215.
Le carlulairc de Notre-Dame de Namur nous donne Masla11ia, f2 l2 : uemoribus de Mallani, f214. - Voyez les llfo1111111euts pour servir à l'histoire des provinces de Na11111r, de
Jlni11a11t et de Luxembourg, rer11eillis et v11bliés 11011r la premifre (oifl pnr le baron de Reiffe11berg, tome 1 , page~ 155 et ï.

-

101 -

M. l'arcllivisle Borgnel m'a communiqué la copie suivante
<l'un diplôme original de l'an i 257, où l'on rencontre blarlangnia. C'est un acte par lequel Bauduin <le Constantinople
donne à l'abbaye de l\Ioulins la chapelle de Sainte-Marie de
Marlagne. « Balduinus heres imperii Romanie et cornes Namur» censis omnibus presentes Jitteras inspecturis in domino sa» lutem. Universilati vestre notum facimus quod nos deùimus
» et concessimus in puram elemosinam pro anima nostra et
» aotecessorum nostrorum abbatisse et conventui de Molins ca» pellaniam beate Marie de l\Jarlangnia cum omnibus appen» diciis et pertinenciis ipsius, salvo in omnibus iure domini
» Drogonis sacerdotis; ita tamen quod si dicta capellania re» maneat predicte abbatisse et conventui, facient capellaniam
» per personam idoneam deserviri in officio sacerdotis qui mis» sam diebus siogulis celebrabit. Preterea nolumus sub silencio
» preterire quod nisi fiat bene capellanie servicium, <lare pote» rimus ubicunque voluerimus capellaniam superius nomi» natam. In cuius rei testimonium presentibus litleris sigillum
» nostrum duximus apponendum. Datum anno domioi 1\1° CC•
» XXX• septimo, mense marcio. » Sur le dos de cette charte
on lit de capellan'iacle Mala11g11e en caractères de la même époque. -Archives provinciales de Namur, Chartrier de llfouli11s.
Nous trouvons Marlagne el iJiarlaigne en 1251 (quater), 1258
(bis), 1259, 1240, 1.287 , 1.295 : .l/arlignia., 1.256. - Galliot,

Recueil des Chartres.
1l/afag11ia, Mala11g11i<t, i274, dans le vidimus de la charte

des libertés de Brogne donnée par Hen ri l'aveugle , comte dt•
'amur, en 11.54. -Archives du royaume, Chartrier de Namur.
Jialaig11e dans une cht1rlc originale de l'an 128(\, par laquell<'
Guy de Dampierre cl sa femme Isabelle permettent au monastère de Floreffe d·e prendre toute~ le~ dimes cl<'~ fruits riui

-

102 -

croitroul sur les terres nouvellemenl essartées ou que l'on essarlel'a autour de leur manoir de l\lalaigne, et dans les limites de
la paroisse de Floreffe : « Nous Guis cuens de Flandres et mar» chis de Namur, et Je Ysabiaus sa chière compaigne, contesse
» de Namur, faisons savoir à tous kc nous avons gréeit et
» otroiiet, tant k'en nous est, ke nostre boen ami en Dieu li
,, abbés et li couvens de Floreffe aient et prengent quitement
» el paisiulement, einsi coume ùrois leur donne, toutes les
,> dîmes grosses et menues des fruis ki croisteront sour nos
» lières nouvielement sartées et k'on sartera entour nostre ma» noir de l\falaigne et dedens, si avant kom li terme dele pa» roche de Floreffe s'estendent; et se nous es dimes devanl
» dites ayiens aucun droit ou aYoir poiens par quelquonques
,, raison ce fust, nous as devant dis abbei et couvent le donnons
,, et avons donnei pour nous et pour nos hoirs, contes de
» Namur, perpétueilment à tenir; et li abbés et li couvens de" ranl noumei sunt tenu de faire servir par soufl1ssanl person<:
,i de leur église, u d'autre liu, en nostre capiele qui est assise
,i ou manoir de Malaigne deseure dit, et en celi capele faire
» dire chascune semaine quatre messes ou plus pour nous et
,, pour nos ancisseurs et nos successeurs; des queles quatre
» messes, li première sera dou Saint Sperit, li secunde de
i, Nostre-Damc, et les deus autres de requiem, pour toutes
» âmes dont on doit <lier proiier; et feront li dis abbés et li
,, couvens dès orendroil ces quatre messes coumencier à dire
,, chascune sesmaine perpétueilment; et s'il avenisl en aucun
" t.ans ke li capele devant dite fust desierte ou destruite llar au" cun cas, qui ia naviègne, li abbés devanl nonmeis et li cou" vens sunt tenu de faire désievir ceste capelerie, selonc le
., fourme devisée, declens le église de Floreffe dusqucs adont ke
» li lius scroit rcstorcis, et puis rrpairicr a11 liu et là faire dire

-

ces quatre messes coume de,•ant, et ce sera à leur frnit et i1
leur coust dou tout, einsi coume il est contenu en le lettre kc
» li dis abbés et li couvens nos ont donnée saieléc de leur saiaus.
>> Et einsi feront il, corn dit est, ceste capelerie désiervir per» péluelment, ou patronage de le quele nous ne clamons nul
» droit ains leur cuitons entirement pour nous et pour nos hoirs
» contes de Namur, se aucun en i avons, sauf ce ke quant nous
» u li uns de nous u de nos hoirs cuens de Namur sera présens
» en le maison devant noumée, noslre capelain et li capelain
» de nos hoirs aront teil droiture es oblations de la dite capele
» ke il ont acoustumci à avoir quant nos soumcs présent en
» nos autres capieles par le conté de Namur. Et pour ce ke ce
» soit ferme chose et estaule, nous avons mis nos saiaus à ces
» présentes lettres, ki furent faites et données en l'an de grâce
» mil deus cens quatre vins et siet, ou mois de Février. » Le
dos de la charte porte littera comitis et comitisse Namucensis
de capella manerii sui in .llaligna en caractères du même temps.
- Archives provinciales de Namur, Chartrier de Floreffe.
Marlaignia, capella sanctœ Mal'iœ de Malagni, dans diverses
pièces d'un cartulaire de l'abbaye de Moulins de la fin du XV•
siècle. - l\fème dépôt d'archives.
Ainsi que nous l'arnns vu, l'ancienne forêt commençait au
château de Namur, connait tout le pays d'Entre-Sambre-et1\Ieuse, el se prolongeait jusqu'au delà des frontières de France.
l\Iais son étendue et ses limites ont plus d'une fois varié. Voici
ce que nous lisons (mais par malheur sans citation d'autorité)
dans la table onomastique des Monuments ci-dessus cités de
1\1. de Reilfenberg, au mot Mallania, page 712:
« La forêt de l\Iarlagne ou Marlaigne était bornée, vers la fin
» du x,'mcsiècle, au midi par les villages de la Plante, Wé» pion et Profondcvillr jusqu'à Rivière. De là elle s'étendait le

»
»

,

10;3 -

-

104 -

long du l'uisseau de la Vicillc-Forge-d'Arbre, de la TailleMathy, près de la fontaine de Drico, du Ry-de-Vau, de la
» Villc-1\Iarlagne , près de la Fontaine de l'image, de la Cense
» des volées, de la tour de Li ben, de la Cense del Sente,' du
» quartier des Culées, de la briqueterie eL cour de l\Iarlagne,
» du vivier de Hundiau, de Bure et des Hautes-Calcngcs, cô» toyant le pays de Liége jusqu'au Bois-de-l'ÉYêque, et des» cendant aux Balances et de là à la Sambre. »
li y a fort peu de temps que j'ai inutilement recherché plusieurs de ces limites; les dénominations en semblent môme
entièrement perdues. J'ai appris que la tour de Liben était
démolie depuis quelques années : monument fort ancien, remarquable et des plus regrettables.
L'auteur ajoute :
<< Selon le mesurage fait en 1650, la Haute et Basse-1\Iar» lagne contenait 10,354 bonniers, 2 journaux et 50 verges, le
)) Bois-entrc-<leux-Vols, 500 bonniers, la commune de Profonn deville, 500, et le bois de Bubin 10 bonniel's. »
Je tiens que d'autres bois, dépendans de la l\farlagne, mais
qui s'en trouvaient détachés pour former des propriétés particulières, n'avaient pas été compris dans ce mesurage. Et cette
observation s'applique surtout à l'indication contenue dans un
registre de l'an 1265, intitulé papier velu (archives générales
du royaume), d'après lequel on n'aurait compté que 5,580 bonniers. li y a tout lieu de croire que cette mesure ne se rapporte qu'à la partie appelée plus spécialement l\Iarlagne, et ne
comprenait pas les divers cantons de bois portant des noms
particuliers, mais qui ne formaient pas moins des dépendances
de l'ancienne forèt, tels que les bois de Villers, de Profondeville, du chapitre de Fosses, du prince de Liége, etc., etc.
Scion le même registre il y avait dans la Marlagne500 bonniers
»

»

-

lOo -

de bois, la u dl de Namur maim1e11t leur biestes 11artout
ou il voelent, en gmnt et en vetit; et en toute le Maslaigne ont
le mort bos cil de Namur, cil de Fol, cil de Parfo11deville, cil
de Lesves, cil de Liebines, cil de Floreffe et tOt/$ li bans de Flo,·effe, li abbie de Floreffe et VII de leur cors ki sunt entor de
Maslaigne, pour faire toute leur volontet, fors dou vendre.
On peut voir à ce propos dans le Recueil des chartres de Galliot, 1.295, les lettres du comte Guy au sujet de quelques droits
que les bourgeois de Namur réclamaient dans le bois de l\Iarlagne.
Les juristes n'ont pas toujours été d'accord sur Je sens qu'il
fallait donner à l'expression de mort-bois; d'après le registre
cité, ce mot s'entendait de toute espèce de bois, excepté li
faus et li kaisnes (le hêtre et le chêne).
Un autre droit dont jouissaient dans la l\larlagne les bourgeois de Namur était celui de faire paître leurs pourceaux moyennant le paiement du droit de panage. Le registre aux couvertes
rouges dit aux esselles, porte à cet égard ce qui suit : tout bourgois de la ville et franchise de Namur veuvent boutter la nuyt
saint Remy apres douze heures, leurs pourceaulx sur Jlfarlaigne
en 11ayant att prou/fit de l'empereur ou de ses fermiers le dixieme
pourceau ou le dixieme denier de la valeur desdits pourceaulx.
Les monnayeurs, arbalestriers et archiers sont francqs de 11011
payer veisnaiges à l'empereur par 1n·ivilege, pom· leur provision
seulement de leur maison, et s'ils en, ont plus avant nouris ou
hyvemez et qu'ils les vendent, ils doivent payer peisnaiges aux
dits fermiers pour le sui11lus de leur provision (archives générales du royaume).
Pour achever la monographie de 1\Iarlagne, nous devons dire
encore que les anciens comtes de Namur, se ménageant tous
les agréments de la chasse dans la forêt, y avaient disposé un
14

-

106 --

pied-à-terre où ils allaient parfois séjourner. L'histoire n'en dit
pas grand'chose, et le temps ne l'a pas respecté; j'en ai inutilement recherché les vestiges. Seulement nous lisons dans 1\1. de
ReiO'enberg {Ibidem) que, vers la fin du XVIII• siècle, on découvrit à la Cense du Roi, nommée le Jlfanofr, les fondements d'une
ancienne habitation ou maison de chasse des comtes de Namur.
Saint Héribert fut un des premiers et des plus illustres bermites qui habitèrent la forêt. C'était au commencement du
XII• siècle. Son hermitage était situé à une distance très-rapprochée des lieux où les Carmes vinrent se fixer plus tard; et
c'est là peul-être, au milieu des bois, au murmure des vents
et des fontaines, que le Saint composa plusieurs de ses ouvrages; car la solitude et l'étude sont sœurs. Un traité tel que
celui de fine mundi annonce une imagination repliée sur ellemême et qui s'exalte dans l'éloignement des hommes et les
inspirations du désert.
Le pieux bermile mourut en 11.20. Un siècle après, en 1224,
Philippe de Courtenay, comte de Namur, donna dix muids de
méteil (musturœ ou mosturœ) pour l'institulion d'un chapelain
à l'hermitage (Galliot, tom. 1, pag. 261; Cartulaire de Moulins, aux archives provinciales de Namur). En 1257, par la
charte que nous avons rapportée plus haut, page 101, Bauduin, comte de Namur et dernier empereur de Constantinople,
donna la chapelle de Saint Héribert, qui s'appelait à cette époque la chapelle de Notre-Dame cle JIIarlagne, à l'abbaye de
Moulins; et dès-lors un religieux de cette maison y résida habituellement (Galliot, tom . 4, pag. 551).
Cés divers renseignements, pris aux sources, nous font douter
un peu de la complète exactitude de la note de 1\1. de Reiffenberg sur le même sujet(lbidem); nous ne savons pas d'ailleurs
oil il en a puisé les éléments. La voici :

-

107 -

L'empereur Baudouin avait fait bât-ir auprès (du manoir ou
maison de chasse) une chapelle en l'honneur de saint Jiél'ibert l'ermite, qu'il donna e1i f21o à son aumônier Drogon, avec
six bonniers.
Drogon était-il aumônier de l'empereur? nous l'ignorons;
mais la date de 1215 nous est surtout suspecte.
Gramaye consigne également sur le même sujet une date
qu'on ne peut guère admettre. Il dit dans la note que nous
avons transcrite à la page 98 : In hac sacellum à Philippa
comite dotatmn (an. f293); car cette année n'eut pas un comte
de Namur du nom de Philippe; et c'est apparemment de la
charte de 1224 qu'il est ici question.
De nos jours où tout se démolit l'antique chapelle de Saint
Héribert n'a pu échapper à la commune destinée : elle a été
démolie. li ne reste que la demeure du desservant, reconstruite en 1750. C'est aujourd'hui une propriété particulière; et
l\f. Wiame, qui la cultive fort bien, ne pense pas, que je sache,
à faire un traité sur la fin du monde.
2.
.. .. . . . . .. .. . . .. . . . .. .. . .. et montai la colline
Pa,· 1m joli se1itier q1d doucement chemine
Sous le flanc des roche1·s, à l'ombre des l>uuleaiu;,
le lo11y ,l'mi petit lac atix tra11spare11tes eau.-v.

Depuis que l'industrie s'est installée à Marlagne, il n'existe
plus ce joli sentier qui, devers le village de Wépion, partait
de la grand'route pour aboutir au Désert. Il est devenu un
large chemin ferré, mais, je dois le dire, toujours sinueux,
ombragé, pittoresque.
Quant au petit lac, que la prose des vulgaires touristes ne
peut manquer d'apprler tout simplement un étang, je crois

-

108 -

qu'il s'est trouvé des plus compromis dans le tenible orage
du 4 mai 1841 , qui porta ses ravages sur tout le cours de la
1'Ieuse; une partie des digues fut emportée par l'inondation.
On voyait deux autres étangs dans le même creux du vallon;
mais ils sont aujourd'hui à sec. Je suppose qu'ils contribuaient
autrefois avec les réservoirs et les pièces d'eau de l'intérieur
du Désert à alimenter la cuisine des Carmes qui ne vivaient que
de maigre._
5.
Ca1· ici, 11oyez-11ous, c'était mi mo11astèt·e
De carmes déchaussés .....

L'ordre religieux des Carmes tire son nom du mont Carmel,
en Syrie, où la tradition porte que le prophète Elie avait fixé
sa demeure, et où Je patriarche Jean de Jérusalem avait, en 400,
institué des hermites en l'honneur du prophète. Au xnesiècle
ces pieux solitaires se réunirent, reçurent en 1205 une règle
du patriarche Albert, arrière-petit-neveu de Pierre l'hermite,
obtinrent leur confirmation du pape Honorius en 1227, et s'introduisirent en Europe en 1258 sous les auspices de Saint
Louis.
Les Cannes déchaussés ont été établis dans le XVIe siècle;
011 sait que cette congrégation n'était qu'une réforme des Carmes primitifs opérée par Sainte Thérèse. Cette sainte, en 1562,
avait d'abord réformé les couvents de femmes, les Carmélites,
dont elle était religieuse au couvent d'Avila en Castille; mais
aidée des pères Antoine de Jésus et Jean de la Croix, elle fit
entrer la même réforme dans les maisons d'hommes, qui prirent dès-lors le nom de Carmes déchaussés, ne pouvant porter
que des sandales sans bas.

100

4.
Le désert s'est fait Cense ......... .

Je ne sais trop pourquoi j'ai souligné ce mot, puisqu'il se
trouve dans le dictionnaire de l'Académie française. A la vérité
il est peu usité en France; mais c'est le vrai mot wallon, et il
n'y a que nos précieuses et nos précieux ridicules qui pensent à
le supprimer. Pour moi, je tiens que nous devons conserver
toutes nos richesses de langage; nous n'en avous pas trop;
sachons seulement en faire usage à propos avec tact et convenance. L'Académie est moins difficile que nos beaux parleurs.
CENSE (dit-elle) . .Métairie, ferme. Ce mot n'est en i1sage que dans
certaines parties de la F1·ance et de la Belgique. - CE~SIER,
CENSIÊRE (dit-elle un peu plus loin). Celui, celle qui tient une
cense à ferme. - J'avertis mes lecteurs étrangers-que les wallons prononcent cinse et cinsi.

5.
Maz·s perdant peu-à-peu toutes ses antiquailles.

En cela le Désert de i\Iarlagne n'a subi que le sort que subit
encore journellement, en fait de curiosités archéologiques, la
Belgique tout entière. Au moment où j'écris ces lignes, je reçois communication d'un mémoire fort intéressant de M. A. Detbier, de Theux, qui signale la découverte faite le 20 novembre
dernier, à Juslcnville, d'un cimetière romain et de plusieurs
pierres tumulaires chargées d'inscriptions, avec des monnaies
et des médailles à l'effigie de Jules César, des poteries, des
armes, des bouteilles en verre, etc. La plupart de ces choses
se trouvent déjà dispersées en divers lieux et en différentes

-

110 -

mains; quelques-unes sont déjà perdues. Il est vraiment déplorable que la ville de Liége n'ait pas le moindre petit bout de
!\fusée, où les possesseurs de ces objets eussent pu les déposer.
Il n'y a pas bien longtemps que M. le comte Eugène de Méan
a eu la bonté de m'apporter deux pièces d'antiquité, une sorte
de couteau de sacrifice et une bague en bronze;• trouvées dans
une carrière de sa terre de Xbos. - « Je veux, me dit-il, sau» ver ces reliques d'une perte à peu près certaine; et je viens
~ vous les remettre à la condition de les placer au Musée de
» la ville de Liége, s'il vient à s'établir. »
Je sais bon nombre de personnes qui sont animées des mêmes sentiments.
l\Iais voici mieux encore. Jadis, dans les temps de foi, il y
avait généralement dans tout testament llonnête une disposition
qui contenait quelque legs pieux. Eli bien! aujourd'hui (sans
prétendre le moins du monde que l'un doive empêcher l'autre),
je tiens de très-bonne source que plusieurs actes s'élaborent
où il y aura quelques petits legs archéologiques en faveur de
nos Musées présents ou futurs; et j'ai tout lieu de croire qu'une
clause de ce genre deviendra peu à peu de style pour le plus
grand profit de la science.
Les amateurs, les étrangers, les touristes, tout le monde
visite en ce moment à Liége la belle et curieuse et nombreuse
colleclion de M. Albert d'Otreppe de Bouvette. Mais soyez bien
sùt· que nos enfants ne la retrouveront point parfaitement intacte, et qu'ils verront un jour tel ou tel objet d'origine namuroise
figurer au l\Iusée de Namur, et tel autre objet d'origine liégeoise
orner le l\Iusée hypothétique, éventuel, de la ville de Liége.
Voilà en face de moi un secrétaire à nombreux tiroirs, lesquels contiennent cinq à six cent médailles et monnaies anciennes, trouvées en grande partie dans le lit de la Sambre it

-

Ill -

son embouchure dans la Meuse. Je réponds bien que plus tard
elles retourneront sur la terre classique où elles ont reposé
pendant deux mille ans, et que de ces trente pots romains qui
ornent la corniche de ma bibliothèque, dix rentreront dans la
ville d'Arlon qui les a exhumés et qui a son l\Iusée, quatre à
Namur d'où ils sont venus, neuf dans la ville de Tongres,
attendu qu'ils ont été découverts dans l'antique patrie des
Tungri, et les sept derniers dans le l\Iusée hypothétique, éventuel, contingent, de la ville de Liége.
Je n'en finirais pas de citer tous les hommes honorables
aspirant à la générosité, et qui n'attendent que le public établissement de locaux convenables pour y déposer les divers objets
qu'ils possèdent. Naguère encore l\I. le baron de Sélys-Longcbamps, qui a déjà beaucoup collecté , a fait exécuter des
fouilles intelligentes sur le plateau voisin de Waremme ayant
nom Atwache ( Atuatuca? dénomination générale des vieilles
cités gauloises?); et il a retiré d'un hypocauste plusieurs morceaux curieux, notamment des plâtres peints, qui ne peuvent
manquer de prendre place un jour où vous savez bien.
Cependant il faut tout prévoir. Il y a de petites collections
dont le plus grand mérite consiste dans l'ensemble, et qu'on ne
peut diviser en renvoyant chaque chose en sa province, sans les
déprécier quelque peu. li y a aussi des amateurs qui, s'étant
donné beaucoup de peine pour réunir , ne se rendraient pas
facilement à l'idée que tous ces chers objets se disperseraient
après eux. Respectons ces affections humaines; sachons les
concilier avec l'intérêt de nos Musées naissants. Or , pour accorder tout cela, je n'ai pas imaginé le moyen qu'il convient d'employer; je l'ai tout simplement appris dans l'un de mes voyages.
J'ai donc vu dans le cabinet d'antiquités d'une petite ville
d'Italie, à Bolsena, si ma mémoire est fidèle, j'ai vu quelques

7
-

11'2 -

armoires vitrées et quelques montres particulières, portant
une inscription en lettres d'or où je lus : COLLECTION DE MoNsmun
(le nom du bienfaiteur suivait); - COLLECTION LÉGUÉE PAR ....COLLECTION DONNÉE PAR .... - Et je me dis : « C'est bien; de la
» sorte on frappe un double but; et quant au classement ri» goureusement scientifique, par exemple, des monnaies, il
» n'y a que les grands i\Iusées nationaux qui puissent y
» tenir.»
i\I'est avis que nous n'avons rien de mieux à faire qu'à imiter
cet exemple. Je suis convaincu que l'exécution portera son fruit,
et que nos descendants liront quelque jour dans nos divers
i\Iusées de ProYince des inscriptions portant en lettres d'or :
COLLECTION DE M. JULES PETIT. - COLLECTION DE M. FERDINAND
DESOER. - COLLECTION LÉGUÉE PAR M. LE BARON GUSTAVE DE
PITTEURS. - l\IÉDAILLIER DE l\I. LÉON LECOCQ. - l\IÉDAILLIER DE
1\1. LE BARON GUSTAVE DE ROBIAKO. - COLLECTION DONNÉE PAR
M. LE v1co)1TE DE BARÉ DE CoMoGNE, etc.
Et à ce propos je ne puis résister au plaisir de consigner ici
un beau trait de bienfaisance archéologique. M. de Lafonlaine,
ancien gouverneur du Luxembourg néerlandais, mais dont le
cœur a gardé le souvenir de l'ancienne patrie luxembourgeoise
dans son intégrité, vient de faire hommage au Musée de la
ville d'Arlon, à peine inauguré, de mille médailles romaines
qui faisaient partie de son magnifique cabinet. A l\I. de
Lafontainc honneur et gratitude!
Les dispositions prises dans cette bonne province du
Luxembourg pour la conservation des objets d'art méritent bien qu'on les publie. Elles pourront servir de modèle
à celles de nos cités qui n'ont encore rien fait. Voici ce
que nous trouvons dans le .Mémorial administratif de l'année 1847, n° 41 :

113 -

Arlon, le 28 mai 1847.
AUX ADMINI STRATIONS COMMUNALES.

J'ai l'honneur· de vous communiquer ci-après un arrêté 1·oyal
en date du f2 avril 1847, par lequel Sa JJfajesté a approuvé l'ar1·êté en date du 2 septembre 1846 de la Députation 11ermane11te
du Conseil provincial, qui établit des mesures pour la conservation des objets d'art existant dans la province de Luxembourg.
Veuillez, je vous prie, communiquer ces dispositions aux
colléges que la chose concerne, et, '.le cas échéant, en assurer
l'exécution.
Le Gouvernem·, Smrs.

LÉOPOLD, Roi DES B ELGES,
A tous présents et à venir, salut.
Sur la proposition de nos Ministres de l'Intérieur et de la
Justice;
Nous avons arrêté et arrêtons :
Art. i••. Est approuvé l'arrêté en date du 2 septembre 1846,
par lequel la Députation permanente du Conseil provincial du
Luxembourg établit des mesures pour la conservation des
objets d'art existant dans cette province.
Art. 2. Nos Ministres de l'Intérieur et de la Justice sont
chargés, chacun pour ce qui le concerne, de l'exécution du
présent arrêté.
Donné à Bruxelles, le 12 avril 1847.
Par le Roi :
LÉOPOLD.
Le Ministre de l'Intériem·, Comte DE THEUX.
Le Ministre de la Justice, B011 D'ANETHAN .
Ili

-11/4 -

A rlo11, le 2 septembre 184G.

LA DÉPUTATION I'EIIMANENTE DU CONSEIL I'ROVINCI.\L,
Vu la dépêche en date du 8 juillet :1846, par laquelle
l\Ionsicur le l\linistre de l'Intérieur réclame d'urgence l'adoption
<l'un règlement pour la conservation des ouvrages d'art dans
la province de Luxembourg;
Considérant qu'en attendant que le Conseil provincial puisse
être saisi d'un projet de règlement complet sur la matière ,
il importe d'arrêter quelques mesures provisoires de conservation;
Vu l'art. 107 de la loi provinciale;
Arrête ce qui suit, sous l'approbation du Roi :
Art. ,t.er. Il est formé dans la province de Luxembourg,
une société pour la conservation des monuments historiques
et des œuvres d'art.
Le but de la société est la recherche et la conservation des
monuments historiques et archéologiques, ainsi que des œuvres d'art que renferme la province de Luxembourg.
A cet effet, les tableaux, les statues et tous autres objets
d'art existant dans les églises, les maisons communales et. les
établissements publics et ceux appartenant aux communes,
aux fabriques d'églises, ou à d'autres institutions publiques et
déposés par elles dans des locaux privés, sont plus particulièrement placés sous la surveillance de l'administration
générale.
Art. 2. Les monuments et les objets d'art dont la société
obtiendra la disposition, formeront un musée provincial.
Art. 5. La société est composée de seize membres effectifs
et de membres correspondants dont le nombre est illimité.

-

]Hi -

Les membres effectifs ont seuls voix ùélibéralive clans Je,;
réunions.
Les fonctions de membres effectifs et de membres correspondants sont gratuites.
Art. 4. Le Gouverneur cle la province est en outre membre
de droit de la société.
Lorsqu'il assiste aux réunions, il en a la présidence.
Art. 5. Sont nommés membres effectifs de la société,
l\Ii\l.
1. Tinant, membre de la Députation à Arlon;
2. Dury, membre de la Députation à Arlon ;
3. Wurth, conseiller communal à Arlon;
4. Résibois, vice-président du tribunal à Arlon;
5. \Vallet, procureur du Roi à Arlon;
6. Dutreux, ingénieur en chef des ponts et chaussées à Arlon ;
7. Tandel, inspecteur provincial de l'enseignement primaire
à Arlon;
8. Prat, chef de division au GouYernement provincial à
Arlon;
9. Noblom, chef de bureau, archiviste au Gournrnemeut
provincial à Arlon ;
10. Jamot, architecte provincial de 1' 0 classe à Arlon;
if. Davreux, inspecteur diocésain des écoles primaires de
Bastogne;
12. Geubel, juge d'instruction à i\Iarche;
13. i\faus, inspecteur cantonnai de l'enseignement primaire
à Vieux-Virton;
14. Ozeray, père, à Bouillon;
15. Henroz , fils, conseiller provincial à Champlon ;
16. Pirottc, conseiller communal i, Saint- Hubert.
Art. 6. La société nommera ultérieurement ses memhrc);

-

116-

effectifs; elle nomme dès à présent ses membres correspondants.
Art. 7. La société désigne dans son sein et parmi les membres effectifs, un Président, un Conservateur-Trésorier et un
Secrétaire. - Ces membres sont élus pour cinq ans, ils sont
rééligibles.
Art. 8. La société, après avoir recbercbé les objets d'art, en
formera un inventaire et proposera les mesures pour assurer
leur bonne conservation.
Art. 9. Chaque fois que la société juge utile de faire visiter
les objets d'art par un ou par plusieurs de ses membres, les
colléges que la chose concerne leur faciliteront l'accès des
monuments ou des établissements confiés à leurs soins.
Art. 10. La Députation permanente, avant d'autoriser, sous
l'approbation du Gouvernement, l'échange, l'aliénation ou la
vente d'un objet d'art, consulte au préalable, la société sur
l'opportunité de cette mesure; aucune restauration ne sera faite
à un objet d'art qu'après que la société aura été entendue sur
la nécessité de la réparation et sur le choix de l'artiste.
Aucune restauration ne sera autorisée par la Députation, sans
l'autorisation du Gouvernement.
Art. H. L'administration provinciale pourra invoquer le concours des lumières et l'appui de l'expérience des membres de
la société, alors qu'il s'agira de construire ou de réparer un
monument public, ce qui encore ne peut avoir lieu, sans l'autorisation du Gouvernement.
Art. i2. La société se réunit en assemblée générale, tous
les semestres, et délibère quelque soit le nombre des membres
présents.
En dehors des réunions semestrielles, la société est rnpTésenlée par un comité permanent composé du Président , du

- 117 -

Conse1·vateur-Trésorier, tlu Secrétaire et de deux autres membres
à désigner annuellement par la société. - Le comité se réunira,

sur la convocation du Président, aussi souvent que le demanderont les besoins du service, et rendra compte de ses opérations
en assemblée générale, à la plus prochaine réunion semestrielle.
La société adressera, chaque année, un rapport de ses travaux à la Députation permanente, qui en transmettra une copie, avec son avis et ses propositions, s'il y a lieu , à chacun
des ministères de l'Intérieur et de la Justice.
Art. 1.5. Dans les réunions et sur la demande du comité permanent, les sociétaires communiqueront le frui t de leurs recbercbes. Dans la première réunion générale de chaque exercice, le secrétaire fait un rapport sm· les trarnux de l'exercice•
précédent.
Art. f4. La société pourra s'adresser à l'État et à la province
à l'effet d'obtenir des subsides; elle pourvoira, s'il y a lieu, à
d'autres ressources financières par des mesures à arrêter ullérieurement.
Al'.t.-i5. Immédiatement après son installation définitive, la
société arrêtera un règlement pour la marche de ses opérations.
Ce règlement déterminera spécialement les devoirs et les
droits du comité permanent, du Conservateur-Trésorier et du
Secrétaire. - Il sera soumis à l'approbation de la Députation
permanente du Conseil provincial.
Le Président, (signé) Sl\IITS.
Par la Députation:
(Signé) PROTIN, Greffier.
Approuvé pour être annexé à Notre arrêté du 12 avril 1.847 .
. Par le Roi:
LÉOPOLD .
1
le Ministre de l'Intériem·, C • DE THEUX.
Le Jllinistre cle la Jt1stice, 8°" D'ANETHAN .

-

118 -

Lc N• 89 du même Mémorial Administrntif porte encore cc
qui suit:

Société pour la conservation des objets d'art et d'antiquité dans
ln province de Luxembourg.
Arlon, le 50 novembre 1847.
AUX ADfüNISTllATIO~S COMMUNALES.

J'ai eu l'honneur de vous communiquer au numéro 4i du
Mémorial administratif de cette année, l'arrêté de la Députation du 2 septembre 1846, approuvé par arrêté royal du
21 avril 1847, qui établit une Société pour la recherche et la
conservation des monuments historiques et archéologiques, ainsi
que des amvres cl'art que renferme la province de Luxembourg.
Cette Société a été installée par le Gouverneur de la province
dans une réunion générale, en date du 16 août 1847. Dans celle
même réunion, le comité permanent de la Société a élé composé comme suit :
Président: 1\1. Watlet, Procureur du Roi à Arlon;
Membres: MM. Tinant , l\Iembre de la Députation du Conseil
provincial, et Wurth, Conseiller communal à Arlon;
Secrétaire : l\I. Prat, Chef de division au Gouvernement provincial à Arlon ;
Conservateur-Trésorier : M. l\'oblom, Chef de bureau, archiviste au Gouvernement provincial à Arlon.
La Société a ensuite arrêté son règlement d'ordre intérieur,
qui a été approuvé par la Députation, le 50 aotit 1847. Cc règlement vous est ci-après communiqué.
Les statuts du 2 septembre 1846 et le règlement d'ordre in1érieur du 16 août 1847 indiquent suffisamment qnel est le bul

-119 -

que se propose la Société, avec les encouragements du Gouvernement et de la province; ce but est spécialement déterminé
dans les articles 57 et 58 du règlement du 1.6 aotlt i847.
Je vous prie de donner à la Société et à ses membres en particulier tout l'appui possible, afin, notamment, de faciliter le
don ou l'acquisition pour les collections du l\lusée proyincial,
de monnaies anciennes, de médailles, de chartes, de diplômes, de livres, etc., ayant trait à l'histoire de l'ancien Duché
de LlLxembourg. Vous voudrez bien à cet effet laisser visiter
vos archives et prendre copie des pièces, sceaux et autres documents dont la connaissance pounait être utile; vous youdrez
bien en même temps user de votre influence auprès de ceux de
vos administrés qui posséderaient des collections de l'espèce,
pour que les membres de la Société puissent examiner ces collections et en prendre note au besoin.
Il est enfin une dernière recommandation que je dois vous
adresser. Des objets d'art, des monuments existants dans les
églises ou ailleurs peuvent exiger des réparations; veuillez, je
vous prie, m'en informer, en me faisant connaître succintement
quel est l'objet d'art ou le monument et quelle peut être son
importance.
D'un autre côté, des découvertes d'objets antiques ou de monuments romains se présentent quelquefois sur des terrains
particuliers. Veuillez donner des instructions pour qu'on vous
en informe sur-le-champ, et le porter immédiatement à ma
connaissance.
Je compte, Messieurs, sur tous vos efforts pour le succès et
les progrès d'une institution dont la haute utilité est révélée
par ses statuts mêmes.
Le Gouverneur, S~UTS.

-



-120-

RÈGLEMENT D'ORDRE INTÉRIEUR.

La Société pour la conservation des monuments historiques
et des œuvrcs d'art dans la province de Luxembourg;
Vu l'arrêté de la Députation du Conseil pl'Ovincial du Luxembourg, en date du 2 septembre 1846, approuvé par arrêté
royal du 12 avril 1847, établissant des mesures pour la conservation des objets d'art dans la province, ainsi que les statuts de la Société;
Considérant qu'il y a lieu, aux termes de l'article 15 des
statuts, d'arrêter le règlement prescrit pour la marche des
opérations de la Société;
Arrête ce qui suit, sous l'approbation de la Députation permanente du Conseil provincial :
§ 1.. Composition cle la Société.
Art. 1••. On ne peut faire partie d~ la Société, soit comme
membre effectif, en cas de vacature, soit comme membre correspondant, à moins d'être présenté par deux membres effectifs.
La présentation sera adressée au Président, etcommuniquée aux
membres effectifs, un mois avant l'une des réunions gé,nérales.
Art. 2. Les candidats seront ballottés au scrutin secret, en
assemblée générale, et devront, pour être nommés, réunir au
moins les deux tiers des suffrages des membres présents.
Art. 5. Le membre effectif qui, pendant deux années entières, n'a pas pris part, sans motif légitime, aux travaux de
la Société, ce qui sera constaté par la correspondance et les
procès-verbaux, est censé renoncer à sa qualité de Sociétaire.
§ 2. Des réunions.
Art. 4. Les réunions générales sont indiquées en mars et en
aotît de chaque année. Celle du mois d'août sera obligatoire.
Les réunions auront lieu à Arlon , au local du l\lusée.

-121 -

Art. 5. Les convocations seront faites par le comité permanent, qui déterminera les objets qui seront mis en délibération.
Toute convocation est faite au moins quinze jours avant la
réunion et indique l'ordre du jour.
Art. 6. Le Gouverneur de la province est prévenu de l'époque
et de l'objet de chaque réunion.
§ 5. Des séances.

Art. 7. Les séances sont ouvertes et closes par le Président.
Art. 8. A l'ouverture de chaque séance, il est donné lecture,
par le Secrétaire, du procès-verbal de la séance précédente.
Art. 9. Après la lecture et l'adoption du procès-verbal, le
Secrétaire donnera connaissance sommaire de la correspondance qui aura eu lieu dans l'intervalle des deux réunions. li donnera avis à l'assemblée de tous les objets que la Société
aura acquis et de ceux dont elle aura obtenu la possession par
donation ou par dépôt.
Art. 10. Dans toutes les réunions, l'assemblée votera au
scrutin secret, toutes les fois qull trois membres le demanderont. Dans les autres cas non prévus par le règlement, les
membres voleront à haute voix.
En cas de partage d'opinion, la voix du Président sera prépondérante.
Art. 11. Tout membre a le droit de faire consigner au procès..
verbal son opinion, lorsqu'elle est contraire à la décision de
la majorité.
Art. 12. Toute proposition importante, présentée par un
membre, doit être faite par écrit et remise au Président au
moins un jour avant la réunion.
§ 4. Du comité permanent.
Art. 15. Le comité permanent est chargé de l'examen cl de
16

-

122-

l'expédilion des affaires courantes pour lesquelles le bureau ne
juge pas nécessaire de consulter l'assemblée générale.
Art. 1.4. Le comité permanent est réuni chaque fois que le
président le juge utile.
Art. 15. Les dispositions des articles 7, 8, 9, fO , H et 12
sont applicables aux séances du comité permanent.
Art 16. Il est tenu un procès-verbal à part des séances du
comité permanent.
§ 5. Du burec,u.
Art. 17. Le bureau de la Société est composé du Prési<len t
et du Secrétaire.
Il représente la Société hors du temps de ses réunions, soit
en assemblée générale, soit en comité permanent.
li est cbargé de la correspondance et de l'exécution des mesures relatives aux affaires qui sont de la compétence de la
Société.
Art. i8. Tout procès-verbal, avis ou décision de la Société
est signé par le Président et le Secrétaire. - Ce dernier signe
les actes de correspondance qui n'impliquent aucune décision
ou avis de la Société.
§. 6. Du Président.

Art. 19. Le Président veille à l'exécution des statu~ et <lu
présent règlement. Il dirige les travaux et les discussions soit
en assemblée générale, soit en comité permanent.
Art. 20. En cas d'absence ou d'emp~cllement du Président,
le plus âgé des membres du comité permanent en remplit les
fonctions.
§ 7. Du Secrétaire.
Art. 21. Le Secrétaire est chargé de rédiger les procès-verbaux des séances, les rapports, les avis, etc., etc.

-

12.S-

II s'occupe, sous la direction du Président, de toutes les
affaires qui sont du ressort du bureau.
Art. 22. Les fonctions <le Secrétaire seront , en cas d'empêchement, remplies par un membre du comité permanent
désigné par le Président.
§ 8. Du Conservateur-Trésorier.

Art. 25. Le Conservateur-Trésorier a la garde et la conservation de tous les objets composant les collections du l\lusée
provincial. - Il en dressera l'inventaire qui sera vérifié, tous
les ans, par le Président.
Art. 24. Il adressera, tous les ans, au Président, un rap-port dans lequel sont énumérés en détail les objets qui, pendant l'année écoulée, auront enrichi le Musée.
Art. 25. Le Conservateur-Trésorier est chargé des recettes
et des dépenses de toute nature. - Il ne pourra effectuer de
paiements que sur mandats signés par le Président et le Secrétaire et spécifiant l'objet de la dépense.
Art. 26. Tous les ans, à la première réunion générale, il
rendra compte de sa gestion.
Ce compte sera immédiatement apuré.
§ 9. Des recettes et des dépenses.

Art. 27. Les recettes de la Société se composent des subsides à obtenir de l'État et de la province, ainsi que des rétributions annuelles des membres à déterminer, s'il y a lieu ,
par un règlement particulier.
Art. 28. Tous les ans, la Société présente à la Députation
permanente du Conseil provincial, le budget de ses dépenses
présumées pour remplir l'objet de son institution.
Art. 29. La Société régie l'emploi des fonds. Les dépenses

-

124 -

de moindre importance peuvent, en cas d'urgence, être faites
par le bureau, sauf à en rendre compte en assemblée générale.
Art. 50. Les dépenses extraordinaires excédant les ressources
de la Société seront l'objet d'une proposition spéciale et motivée à soumettre au Gouvernement.
§ 10. Des collections.
Art. 5,1. La Société fera tout ce qui est en son pouvoir pour
réunir, dans le l\Iusée provincial à établir à Arlon, les documents historiques et archéologiques concernant l'ancien Duché
de Luxembourg.
Elle recueillera, dans cc but, les débris épars des monuments ruinés.
Art. 52. Dans l'inventaire qui sera dressé des différentes collections, on indiquera l'origine et l'époque des acquisitions
qui seront faites.
Art. 55. Le l\Iusée provincial sera ouvert au public à l'époque
et aux jours à déterminer ultérieurement.
Les étrangers qui voudront visiter le l\Iusée pourront être
introduits par le Conservateur-Trésorier.
Art. 54. Le déplacement des objets déposés au l'\Jusée n'aura
lieu que sur permis délivré par le Président. - Ce permis sera
contresigné par le preneur en forme de récépissé. - Il ne
sera délivré qu'aux membres effectifs; il n'est ,,aJal>le que pour
huit jours, mais il pourra être renou\·elé. L'opportunité de la
délivrance de ce permis est subordonnée à l'appréciation du
Président. - S'il y a plusieurs demandes pour le déplacement
du même objet, il y sera satisfait, s'il y a lieu, de huit jours
en huit jours, scion l'ordre des demandes. - Les délivrances
ainsi autorisées seront faites par le Conservateur-Trésorier qui
en tiendra note dans un registre auquel seront annexés Ici.
récépissés.

- 12:S § 11. Des mémoires.
Arl. 3~. Les rapports cl les mémoires présentés par les
membres effectifs ou les membres correspondants seront lus
en séance, ou si l'assemblée le décide ainsi, ils circuleront à
domicile entre les membres effectifs.
Ces rapports ou mémoires, apr~s la lecture ou la circulation, seront inventoriés et déposés aux archives.
Art. 36. Le rapport général prévu par l'art. 12 des statuts
sera imprimé.
La Société pourra y joindre l'annonce de quelque découverte
qui mérite de la publicité, et sous la responsabilité de l'auteur,
les monnraphies, les mémoires, etc., présentés dans le courant de l'année.
§ 12. Des devoirs des Membres.
Art. 37. Les devoirs des membres sont déterminés par les
a1·ticles 1, 8, 9, 10 et 11 des statuts. - En conséquence, tous
les membres s'efforceront, par des démarches personnelles,
s'il est besoin, de rechercher et de faire connaître à la Société
les objets d'art et les monuments historiques et archéologiques
qui existent dans la province, et notamment ceux qui auront
besoin d'être restaurés et qu'il serait utile de conserver.
Art. 58. Les 1\Icmbres s'efforceront encore de réunir et de
transmettre à la Société les objets suivants qu'ils pourront se
procurer personnellement ou dont l'acquisition pourrait être
faite par don ou achat ; savoir:
Les monnaies romaines, gauloises ou du moyen âge, en
indiquant le lieu de la découverte et les circonstances qui s'y
rallachen t;
Les pierres romaines avec ornements ou inscriptions, statues, débris de monuments d'architecture religieuse ou militaire du moyen â~e;

-

126 -

Les vases, ustensiles, armes et autres antiques de l'époque
gallo-romaine, ainsi que du moyen âge;
Les chartes , archives et sceaux ;
Les livres et manuscrits concernant tant l'histoire générale
que des chroniques locales; journaux, monographies, relations
de quclqu'évènement particulier, autographes;
Les tableaux anciens ou modernes ayant trait à l'histoire
du Grand-Duché de Luxembourg et des pays voisins, portraits
d'hommes célèbres, scènes de la vie privée ou publique,
plans d'édifices existants ou détruits, etc., etc., cartes de géographie, etc., etc.
Ainsi arrêté à Arlon, le f6 aoùt i847.
Le Gouvemeur-Préside11t.
Sl\lITS.
Par ordonnance :
Le Secrétail'e, G.-F. PRAT.
Vu et approuvé.
Arlon, le 30 août 1847.
La Députation du Conseil provincial ,
Sl\lITS, Prési<len t.
Par la. Députation :
PROTIN, Greffier.
6.
C'est grand, oh l c'est très-yrand : autour ,le la maison
Nous compto11s cent bonnie1·s ne faisattt qu'un gazon.

Voilà encore une de ces bonnes locutions wallonnes à laquelle
pour rien au monde je ne voudrais renoncer. Les puristes,
pour exprimer une certaine quantité de terres d'une même continuité et ne formant qu'un ensemble sans interruption, diront

-127-

vingt, trente, cent hectares tout d'un tenant, ou bien tout en
un seul tenant, ce qui sent son sec géomètre. Mais en dépit de
l'Académie, nous disons, nous autres, cent bonniers d'un seul
gazon ou ne faisant qu'un gazon, expression pittoresque et 11
la fois exacte.
Quand donc l'Académie de Belgique se décidera-t-elle à faire
un dictionnaire de la langue nationale? car après tout nous ne
sommes pas français; et si nous parlons la langue française,
cette langue doit nécessairement se plier sur la terre des Belges
à leurs usages, à leurs mœurs, à leur histoire et à leurs institutions.
Je n'ai pas non plus compté par hectares ou arpents, mais
bien par bonniers, parce que telle est l'ancienne mesure agraire,
la mesure vulgaire et courante du pays , qui ne correspond pas
précisément à l'hectare, mais vaut en général un peu moins,
variant du reste selon les différentes localilés. Le mot hectare
n'est pas très-littéraire, et le mot arpent n'a véritablement
pas de sens en Belgique. ·
Quant à l'étymologie du mot bonnier, voyez le Dictionnaire
étymologique de la langue wallonne, par Charles Grandgagnage,
au mot bounî. Une observation cependant; c'est que l'auteur a
négligé de nous apprendre que si l'on dit botmi au pays de
Liége, on dit en général bonni au pays de Namur.
D'après le censier qui me servit de guide au Désert de Marlagne, il parait que l'enceinte emmuraillée contient cent bonniers, tandis que nous avons vu l'historien namurois Galliot
ne lui en assigner que septante-huit. Lequel des deux à raison?
Je ne sais. Mais s'il faut en croire les mauvaises langues, voici
la cause de cette divergence.
La donation, faite au fondateur par les archiducs Albert et
Isabelle, ne portait en effet que septante-huit bonniers et demi;

-128 -

mais les Carmes étaient avec les Jésuites les malins de l'époque; et ils firent si IJien avec le géomètre envoyé sur les lieux
pour mesurer l'espace, que les septante-huit bonniers en devinrent cent tout juste, on ne sait trop comment.
Cependant les Jésuites, plus malins encore, cherchèrent à
souiller à leur confrères les Carmes cet excellent. morceau.
Aucuns disent méchamment qu'ils sont un peu coutumiers
du fait, et que naguère encore on les a surpris essayant de
souiller aux évêques leur université de Louvain. Quelle histoire! ... Donc ils saisirent jadis une occasion favora!Jlc pour
adresser une supplique à ]'Empereur d'Autriche, leur gracieux
souverain, en faisant valoir certains services qu'ils avaient
rendus, et ne demandant J>our toute récompense que le bosquet de Soigne, l'hcrmitagc de Marlagne et le moulinet de
Sambre. La chronique ajoute que !'Empereur était au moment
d'accorder la chose, tant elle paraissait de peu d'importance,
quand un malencontreux conseiller de la couronne fit naître
quelques doutes, lit prendre quelques informations, et fit enfin
connaitre que le bosquet de ~oigne ne comprenait que neuf à
dix mille IJonniers de superbe futaie, que l'hermilage de 1\Iarlagne consistait en cent bonniers entourés de murs, et que le
moulinet de Sambre, placé au beau milieu de la ville de
Namur, n'araient que onze tournants au revenu annuel de dix
mille florins. Sur quoi le malencontreux conseiller fit dessiner
le plan du bosquet, du moulinet, de l'bermitage, et l'adressa
aux révérends pères Jésuites qui durent s'en contenter.
Je demande pardon au lecteur d'avoir encore employé tout :t
l'heure une expression wallonne sans prendre soin de la souligner. J'ai parlé de clos emmuraillé. Le poëte français 1\Iarot
dit emmuré. L'Académie ne donne ni l'un ni l'autre; ce qui
n'est pas raisonnable, ce qui nous condamnerait à user de la

-

129 -

froide périphrase environné de murailles, et cc que je ne puis
attribuer qu'à l'incurie de plusieurs des faiseurs du Dictionnaire, lesquels n'ont pas pris la peine de consulter les sources
de la langue. M'est avis que nous ferons bien de garder notre
emmuraillé ou du moins l'emmuré du poëte l\Iarot.
Il me reste à faire une dernière observation à propos de langage. J'ai mentionné sans la moindre hésitation les septantehuit bonniers donnés primitivement aux Carmes. Scptantehuit!. .... ô Noël! ô Cba1)sal ! ô Académie! ô sainle grammaire
française, réimprimée en 1848, chez Wesmael-Legros, rue
de l'Ange, à Namur! ..... J'entends d'ici nos élégants, nos prétentieux qui s'écrient : « Septante-huit! Est-il permis de parler
» gothique à ce point? »
Eh bien, oui, je veux parler ainsi. Car de même que nos
braves et dignes Wallons se plaisent en général à marcher
dans la vieille ornière de la bonne foi paternelle, de la franchise et de la probité, également ils aiment à employer les
formes simples de l'ancien idiome; et moi-même, sévère académicien de je ne sais combien d'académies, mais wallon, wallon
avant tout, j'éprouve une indicible jouissance à répéter avec le
bon Galliot que la donation faite aux Carmes déchaussés comprenait septante-huit bonniers dans la forêt de l\[arlagne : expression patriarchale qui me rappelle la langue de mon bon
vieux père.
Je sais bien que nos langues dorées se croiraient à jamais
déshonorées à s'exprimer de la sorte. Laissons donc ces Messieurs et ces Dames m'écouter avec un fin sourire, et se regarder malicieusement entre eux, et me reprendre en pinçant
les lèvres, et dire et répéter soixante cl dix-huit avec une irréprochable correction pédantesque : pauvres gens, qui croyen1
se placer par cc beau laniage dans toute la pureté moderne du
17

-130-

français, dans la jeune, nouvelle et dernière école à la mode!
A la mode, soit; mais jeune et nouvelle, oh! non pas, s'il
vous plaît. Il y a quelques trente, quarante, cinquante ans
peut-être, nos grammairiens ou nos jolis parleurs (je ne sais
trop lesquels) ont cru faire du neuf, par conséquent, du beau,
du bon, du merveilleux , en sub~tituant soixante et dix ,
soixante et onze, quatre-vingt-dix, quatre-vingt-douze, et ainsi
de suite, à septante, septante-un, nonante, nonante-deux,
comme avaient dit leurs pères. ~lais les ignorants ignoraient
qu'ils faisaient là du nouveau qui était vieux autant que moyenâge. Oui, vieux et très-vieux; et qu'on sache bien que nos plus
vieux aïeux ne parlaient et n'écrivaient pas autrement.
li fut un temps autrefois, temps de ténèbres et presque
encore de barbarie, où nos populations fort incultes savaient
à peine calculer. Le moindre chiffre un peu élevé déroutait ces
pitoyables arithméticiens du dixième et du onzième siècles. Ils
n'auraient guère pu se rendre compte de la yaleur d'octante
(ou huitante), de nonante, de septante, s'ils n'avaient décomposé ces nombres, et dit quatre fois vingt ou quatre-vingt,
quatre-vingt-dix (quatre-vingt et 1mis dix), soixante et dix, etc.,
comme ils disaient encore six-vingt, sept vingt, huit vingt,
pour cent et vingt, cent et quarante, cent et soixante. C'était,
en un mot, le premier bégaiement du calcul. Je crois bien que
le mot soixante, dans l'échelle ascendante des dizaines, était
alors le dernier degré, la dernière expression systématique
en usage, si tant est qu'on n'ait pas dit trois-vingt; pour aller
au delà de soixante, il fallait reprendre les chiffres inférieurs et
les combiner entre eux .
Mais l'arithmétique, en faisant quelques progrès avec la
marche des années, en se popularisant davantage, tendit naturellement, comme toute chose qui se perfectionne, à simplifier

- 18 1 -

l'expression, ou plutôt à la condense!', à la rendre pl us complexe; on put dès-lors continuer le système des dénominations
simples au-dessus de soixante; et l'on a dit septante, octante
ou huitante, nonante, formules plus méthodiques, plus scientifiques, et que certes nous eussions beaucoup mieux fait de
garder comme portant le cachet d'une époque plus civilisée.
Peut-être aussi la renaissance des lettres y eut-elle sa part d'inlluencc. La propagation de la langue latine au seizième siècle
a pu certainement contribuer à introduire les noms simples de
ces trois dizaines ; car ils se tiraient tout naturellement du
latin, septuaginta, octoginta, nonaginta.
Veut-on les preuves matérielles de ce que j'avance? On n'a
qu'à jeter les yeux sur un grand nombre de chartes du onzième,
douzième ou treizième siècle. Ceux qui les ont écrites (sauf
peut-être quelques lellrés ou clercs) n'en savaient point assez
pour écrire septante, huitante, et ils écrivaient tout bonnement, comme le vulgaire, quatre-vingt et soixante et dix.
Aimez-vous mieux les inscriptions anciennes? Eh bien, vous
avez pu lire cc quatrain, inscrit sur un pilier qui marquait à
Paris un grand et mémorable débordement de la Seine :
.llil quatre cens QUATRE-VINGT-TREIZE'
Le septiesme jour de ja11vier,

Seyne fut iti à son aise,
Battant le siége <lu pillier.
Les vers ne sont pas fameux. 1\Iais le mot y csl. Quatl'c-vingttrcize, entendez-vous?
Préférez-vous peut-être une inscription du pays, une inscription nationale? Soyez satisfail. Vous n'avez qu'à entrer
dans 1'6glisc de Notre-Dame à Tongres. Là , clans le chœur,
vous remarquerez tlcux objets en c11i1Tc extrêmement curieux ,

-182 -

lcs seuls à ma connaissance qui exislenl encore (du moins en
Belgique) de ces anciens ouvrages appelés dinanderies, oit
excellaient, vers le XIII" et Je XIVe siècles, les ouvriers ou
plutôl les artistes de la ville de Dinant. L'un est un magnifique
lutrin. !\lais approchez-vous de l'autre, je vous prie; voyez cet
énorme candélabre de sept à huit pieds <le haul; cl lisez sur
une de ses saillies :
JEH.\:-.S JOSES DE Dl~ANT )IE FISTE LAN
DE GRAS MCCCLX ET XII .

L'orthographe laisse un peu à désirer; lan de gras est joli ;
mais le millésime n'en est pas moins parlant. Lisons-nous là
septante-deux? Du tout. Dans cette inscription du XIVe siècle
nous lisons: L'an de grâce mil trois cent soi$anteet douze; car à
cette époque d'ignora))ce littéraire la langue de l'arilhmétiquc
n'élail pas plus avancée que l'orthographe elle-même; et cc
n'est qu'un ou deux siècles après (je suis bien tenté de le
croire), que nos pères plus éclairés ont dit septante-deux,
comme je prétends qu'il faut dire encore. Aussi des savants,
des liltérateurs recommencent à écrire septante, octante ou
huitante, nonante; cl nous devons les seconder; il est temps
de supprimer une bonne fois les quatre-vingt, les six-vingt, les
soixante et dix, les qualre-vingt-douze, formes trop longues,
trop gothiques, trop en arrière de la banalité actuelle de la
science des nombres.
7.
.. .. .. .. .. .. .. .. .. . . .. . .. .. car ce vieil ag,-icolc
Ne voyait au désert que (oiti à t·écoltel'.
Que choux et canadas et navets à pla11ter.
,< CA:-.Ao.\ (topinambour),
la ta11g11e wallonne . »

dit le Diclio1111aire étymolor1iq11e de

-133-

C'csl court. i\fais est-cc bon?
Oui et non.
Oui; car à Liége, à Verviers, à Spa, canada veut dire en
effet topinambour, ce tubercule étant originaire de l'Amérique
septentrionale et saus doute de la partie de cette contrée dont
il a pris la dénomination.
Non; car l'auteur oublie de nous indiquer la grande et supérieure signification du mot canada dans la plupart des localités
wallonnes. Voici la note savante qui se trouve sur ce sujet à la
suite de ma wallonnade de b/011fort, note 7 :
« Dans quelques parties de nos provinces, et surtout au pays
» de Namur, la pomme de terre s'appelle canada. L'origine de
» cette dénomination qui a beaucoup occupé nos érudits et
» dont la Société des Bo tan ophiles Ardennais se propose de faire
» l'objet d'une question de concours, cette origine, dis-je, me
» paraît assez simple. »
« La culture du topinambour a précédé d'un assez grand
>> nombre d'années la culture de la pomme de terre; el l'on
» sait que cette plante produit un tubercule qui a quelque ana>> logie avec celui qui de nos joms dispute au pain le prix de
» l'alimentation générale. »
« Or, le topinambour portait un second nom : il s'appelait
» aussi artichaud du Canada; et le docteur Lejeune, de Ver» viers, dans son intéressante Flore des environs de Spa, nous
» apprend que le topinambour s'y appelle vulgairement, non
,, pas artichaud du canada, mais simplement canada, par une
» syncope fort ordinaire, et dont nous trouvons un nouvel
» exemple dans le peuplier du Canada que nous n'appelons plus
• guère que canada tout court. Ainsi, quand la culture du
» topinambour fit place à la culture de la pomme de terre, on
,, donna à celle-ci la dénomination de l'autre à cause de leur

-rn4mutuelle analogie; et la pomme de terre s'appela canada sur
plusieurs points de la Belgique. »
« La même chose absolument eut lieu en Angleterre, quant
» à la patate, et même dans quelques parties de nos provinces.
» La patate, comme on sait, est une autre espèce analogue
,, de tubercule, qui fut introduite longtemps avant la pomme
» de terre dans la plus grande partie de l'Europe. Quand la
» pomme de terre arriva en Angleterre et dans certaines loca» lités des Pays-Bas, on lui donna le nom de patate qu'elle y
» a toujours conservé depuis (potatoes, 11atates, pataten). »
Cette note était parfaite. Il n'y avait rien à y dire, et l'on n'y
a rien dit. i\Iais par malheur j'avais été plus loin ; avant le
canada j'avais entamé la crompire; et M. l'avocat Jottrand y
a trouvé terriblement à mordre.
Voici ce que je m'étais aventuré d'écrire :
La pomme de terre s'appelle crompire dans le patois de
'» Liége. D'après la langue française ce tubercule est une
» pomme; mais c'est une poire dans l'idiome liégeois : du Oa" mand krom-peer; veer, poire; krom, tortu, contourné. C'est
,, donc une poire de forme plus ou moins bizarre. »
« Je ne sais pourtant pas si la pomme de terre porte le nom
" de kromz1eer dans quelqu'un des dialectes Oamands. J'en
" doute. Mais peu importe à notre étymologie; car, sans re,, courir à la langue flamande, nous trouvons dans le patois de
" Liége les mots cran et peûre, qui signifient absolument la
" mème chose que les deux mots flamands que nous avons
» cités. Plusieurs localités ont même reçu leur dénomination
, du mot cran, telles que Cro11champs, Cronfosse, Cronmoiîse
,. (promenade près de Liége où la Meuse se détourne cl fait un
" grand cou<'l e) . »
Il m'en a cuit de cPttc méchante cron-peùrc. i\I. Louis
»
»

(1

- 1S5-

Jotlranù, en m'adressant un jour ses charmantes Excursions cle
vacances à notre (routière du norcl-ouest, saisit cett.e occasion
pour relever la chose; et je trouvai ses raisons si bonnes que
je lui demandai la permission de les livrer au grand jour de la
presse pour sauver le public de ma grave erreur. On peut voir
le feuilleton de l'indépendance du dimanche 5 janvier 1845; on
y lit.cc qui suit, après quelques autres observations critiques:
« Je finirai par quelque chose de plus substantiel; je veux
" parler de la pomme -00 terre dont notre auteur recherche
» curieusement les diverses dénominations wallonnes. Ne lui en
» déplaise, le mot crompire, qui est la dénomination liégeoise,
» ne vient pas de crompeer ni de cron 11eure : pareille étymologie ne s'appliquerait qu'à une espèce de pommes de t~rre,
» celle qui, dans la plupart des patois du pays, s'appelle
» kwam1e de gatte (corne de chèYrc); or, ce n'est pas cette espèce
» qui semble avoir été connue la première dans notre pays.
» Crompire vient de grundbim (poires de terres), comme disent
» les Allemands. L'évidence de celle étymologie est le motif
» qui vient de me faire prendre un ton si affirmatif, quoique
» je m'expose à paraître Gros-Jean qui veut en remontrer à son
» curé.»
Non, non, monsieur Jottrand; vous n'êtes pas le Gros-Jean
ici. Si je suis le curé, vous êtes le haut prélat à coup sûr; je
m'incline en toute humilité devant la justesse de-vos observations; et si le cœm· vient à vous prendre un jour de faire (pour
l'écrire ensuite, je l'espère,) une Excursion de vacances à notre
frontière du sucl-est, à Tilff ou à Chaudfontaine, par exemple,
je vous engage fortement à ne pas ouhlier Embour, à gravir
mes Alpes éburonnes, et à venir goûter chez moi quelque chose
de mieux que ma pauvre cron-peùre.
En attendant, permette1.-moi de YOns citer encore; car le
>)

-

136-

même feuilleton contient d'autres choses qui vont si bien à mon
flme d'antiquaire, comme à l'objet principal de cette notice,
qu'il y aurait conscience à me défendre de les répéter et d'en
régaler la Société d'Archéologie de Namur. Vous parlez donc
d'un petit bronze romain trouvé dans certaines (ouilles faites à
Poulseur pm· M. Burton, habitant de cette commune, et dont la
maison s'élève pittoresquement aux bords de l'Ourthe, clans un
massif de tilleuls, vis-à-vis des ruines de Montfort ..... Ce petit
bronze (ajoutez-vous), var(aitement expertisé par 111. le z1ro(esseur Roulez, membre de l'Académie, a été religieusement rendu
ù, Ill . Burton, qui l'aura 1·eplacé parmi d'autres fragments d'antiquités 1n·ove1ws des mêmes (ouilles et qti'il conserve p1·obablement encore. Poulseur a donc chez cet excellent homme un de
ces J)etits musées communaux, dont l'auteur des Wallonnades
provoque avec tant de chaleur l'établissement partout où il y a
quelque chose à recueillir pour les arts ou les sciences dans notre
plantureux pays. - A ce propos, notre auteur apprendra peutêtre encore avec plaisir que son idée a été adoptée d'elle-même el
sans aticune intervention de commission académique ou gouve,·nementale, dans vlusieurs de -,ws provinces. C'est ainsi que le
curé de Liberchies, z1rès de Charleroi (Hainaut), a une fort
nombreuse collection de médailles et d'autres menus objets, recueillis dans sa paroisse et daus les environs sur l'ancienne voie
romaine de Bavai à Tongres, qui traverse Liberchies, et que les
paysans appellent CHAUSSÉE Bnuxo (sans doute chaussée de Bru11ehaut, à cause de beaucoup de constructions clu même genre
attribuées dans le pays à cette célèbre reine qui n'était pas romaine cepe1ula11t). C'est ainsi que lll. Pondrom, notaire à Hosingen (Luxembourg), a tille collection de pots et de petites unies,
trouvées dans les TUMULI dont les Ardennes sont couvertes le long
des rivières Our, Sure et leurs aflluents. C'est ainsi en(in qu'1111



-

IS7 -

i11génieur des ponts et chaussées, originaire <le Liége, l,J. Guioth,
possédait également un petit musée d'a11tiquités gauloises et 1·0maines, recueillies autour d'Arlon et da11s tout l'arrondissement
de ce nom, où l'on trébuche à chaque pas sm· des co11stmctio11s
en mille de la plus haute a11tiquité. n ne faudrait peut-être
qu'un bon joumal scientifique, fondé pour servir de voie de commtmication à tous ces savants amateurs entre eux, pour que
l'idée de l'auteur des lVallomiades se trouvât réalisée sans le concours d'aucune commission.....
M. Jollrand apprendra lui-même avec infiniment de plaisir,
j'en suis sûr, que son idée a été adoptée, augmentée et perfectionnée, qu'indépendamment de l'Iostitut d'Arlon, une Société
libre d'Archéologie s'est formée à Namur, publiant un bulletin
scientifique où nous comptons que l'auteur des Excursions de
vacances voudra bien payer de temps en tem1)s son tribut, lui
qui a le bon esprit de se dégager peu à peu des rudes épines
de la politique pour cueillir délicatement les roses de la science
et de la littérature.
Il est seulement un petit point dont M. Jottrand ferait bien

de s'inquiéter; c'est de savoir cc que deviendront apr~s eux les
collections de l\IM. Burton, Guioth, et du curé de Liberchies.
Espérons que ce deroie1· n'oubliera pas dans son testament I<'
musée de Mons, que M. Guioth se souviendra du musée d'Arlon,
et que M. Burton fera aussi quelque chose pour le musée hypothétique, ércntucl, contingent, de la ville de Lié~<'.
8.
Je tiens qu'un de ces jom·s,

ati

lie" <l'épeatttre et seigle,

On t:a com>rir ces champs de me,-veil/eu:c produits

Et faire une fabrique à aucre du paya.

La fabrique ne fabrique plus du tout , ainsi que nous l'avons
déjà dit; mais il se pourrait que la villa du dirccteur-gé1·ant
18

7

-

138-

fùl Loujours habiLée. Nous en avons assez mal parlé dans le
préambule. Bien plus, nous avons donné de la villa belge une
définition générale aussi peu aimable qu'elle est juste : carré
plus ou moins long de briques, vercé d'un certain nombre de
trous que le percepteur des contributions appelle portes et fenêtres. C'est qu'en effeL la recette infaillible pour faire une Yi lia
belge esL Loule simple; la voici:
- Prenez la première grange venue; ouvrez-y bien régulièrement des fenêtres et une porte; relevez le tout de deux ou
quatre cheminées; et l'extérieur de la villa est aussitôt trouvé.On voit bien par-ci par-là quelques petites variantes dans la
façon du toit. Certains architectes le font plat; et c'est merveilleux, attendu qu'ici, comme en orient, les habitations sont
très-basses, attendu surtout qu'ici, comme en orient, il n'y a
jamais ni pluie, ni giboulée, ni deux ou trois pieds de neige
dans la saison d'hiver.
Les Belges voyagent peu : ils ont tort. Les voyages forment
le goût, élargissent les idées, dissipent les préjugés, excitent
l'imagination, infiltrent peu à peu, et pour ain~i dire à l'insu
du voyageur lui-même, bon nombre de connaissances. Je
n'exige pas des propriétaires et des architectes de nos villas
de Belgique qu'ils aillent au bout du monde. Non, du tout;
pas même en Italie. i\fais l'Angleterre est à deux pas de nous.
La vapeur, cette moderne reine de la terre et des eaux, nous
emporte à Londres en quelques coups de piston. Nous voilà aux
bords de la Tamise, sur ces verts coteaux tout semés de maisons champêtres. Poussons un peu plus loin. Nous avons sous
les yeux les élégants paysages du Hampshire ou les collines
ombragées de Brighton. Voyez, contemplez. Que dites-vous de
tant de jolies villas, riantes, fraîcl1es, gracieuses, cent et cent
fois variées dans lems formes pittoresques, et s'encadrant avec

-

139 -

un charme infini, avec la plus parfaite harmonie, dans la belle
nature qui les environne? A tout le plaisir de cet agréal)le et
utile voyage je ne vois qu'un inconvénient, assez grave peulêtre; c'est que nous risquons au retour, en rentrant dans ces
masses carrées qu'il nous plaît d'appeler nos villas, de nous
sentir aux mains une méchante démangeaison de démolisseur.
En vérité, j'hésite à le dire; mais nos pères qui étaient,
comme chacun sait, des êtres infiniment bornés, s'entendaient
néanmoins un peu mieux que nous en archilecture campagnarde. Je connais sur tel et tel coteau de la Meuse telle et
telle demeure de quelque ancien tréfoncier, chanoine ou bon
bourgeois de la cité, dont je ne puis trop admirer les gentilles
tourelles, les balcons , les terrasses , les petits ponts-levis,
les pignons crénelés, la saillie des combles , la découpure
irrégulière des toits, l'agréable diversité des croisées, en un
mot, la légère el élégante tournure. Je doute qu'il en existe
encore de purs spécimens aux environs de Namur; mais on
en retrouve deux ou trois vers Liége; et j'engage beaucoup
nos sociétés d'archéologie à les dessiner en album. Ce sont
œuvres du passé, qui ne seront plus bientôt qu'à l'état de
souvenir; car elles font place tous les jours à ces lourdes et
monotones villas, écrasant la colline ou la plaine de leur massive carmre.
Savez-vous quelle est, en général, la cause de cette plate
monotonie? C'est, je le crains bien, pauvreté d'idées, défaut de:
goùl, ou pe1,1t-être la manie, suppléant au goùl et aux idées,
de tout renfermer dans un type unique, de tout réduire à une
seule règle architecturale, la symétrie. Au fait rien de plus
simple que la symétrie, rien de moins coùteux en frais d'invention et de génie; c'est coulant comme les quatre petites
ri'gles de l'arithmétique. JI y a iri une porte : donc en fa ce il y

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aura une autre. Voilà deux croisées d'un côté : donc de
l'autre il y aura deux croisées. Ab, que nos pères l'entendaient
sottement! où il fallait une porte, ils n'en faisaient pas deux;
où il fallait trois fenêt1·es, ils n'en faisaient que trois; où il
fallait beaucoup de jour, ils faisaient une large voie de lumière;
où il en fallait peu, ils ne faisaient qu'une médiocre ouverture.
Et chose remarquable, c'est que les parties d'un bâtiment qui
sont nécessaires, qui sont mises à leur place et chacune dans
sa juste mesure, manquent rarement dans leur ensemble varié
de produire le plus agréable effet, tandis que l'éternelle uniformité quaiul même n'est que trop souvent fort ennuyeuse à l'œil.
Nos artistes construisent la plus modeste villa comme ils construiraient k Louvre ou Versailles ou Laeken, ou tout au moins
quelque grand château : vastes proportions dans les choses de
détail; parfaite et irréprochable régularité de formes, sauf il
condamner après coup, s'il le faut, ici, à l'extérieur, telle fenêtre qui ne sert à rien et ne donne aucune vue, là, dans l'intérieur, telle croisée ou telle porte qui gène et contre laquelle
on place un canapé, un piano, une table, un buffet, mais
que l'on a grand soin de conserver en apparence, de peur de
ne pouvoir compter deux et deux font quatre. C'est bien triste.
Aussi je sais quelqu'un (devinez le nom) qui, pour sorlir de
la commune ornière, vient de faire, défaire et refaire une· petite villa selon sa fantaisie et sans prêtcrlemoindreboutd'oreille
aux cris de l'architecte. Mais qu'a-t-il fait le cher homme? La
plus drôle de chose qu'on puisse imaginer : chose fantastique ,
bleue, jaune, rouge, contournée, balconnée, tourellée, tonne liée, cnlierrée, envignée, et qui lui plaît ainsi. Aucuns som
de son goùt; aucuns non. Il faut le dire toutefois; cc Monsieur
ne. se dissimule en aucune façon la di01culté du problêmr.
« Pour al'lcindrr, dit-il, aux cha rmants clfcts qu'ohtenairnt nos
CJl

-141 -

)) pères, il faut ou beaucoup de bonheur, ou beaucoup de sirn" plicité naïve, insouciante, ou beaucoup d'art, de talent, de
" génie. » - « Il est étonnant, ajoule-l-il, que la source de
» toutes ces choses soit à peu près tarie; je ne sais, pour Dieu!
» ce que l'homme devient; génie, simplicité, bonheur, tout se
» sauve à la fois. »
Il y a certainement plus d'une exception en Belgique : on
peut y citer deux ou trois villas. Chaque constructeur ou propriétaire se croit une exception, une très-louable exception.
D'autres diront que l'heureux possesseur de la villa de l\Iarlagne
est parfaitement dans la règle. l\Ioi, je suis trop poli.
Quant au jardin particulier qui l'entoure, je laisse à chacun
le droit d'en juger. On y voit, je pense, de petits jets-d'eau;
les ruisseaux, les fontaines ne pouvaient suffire; ils se trouvent
même cachés en partie dans des canaux souterrains; c'est trèsbien. l\lais cela convenu, et sortant de cette étroite enceinte
pour m'élever au large point de vue de la Belgique entière, je
dirai que nos architectes de jardins sont aussi d'admirables
artistes. Comme leurs confrères de brique et de mortier, ils
ont leur type incrusté dans la tête, et comme 1\1. Beaufils, ils
ne sortent pas de là. Voulez-vous savoir comment ils procèdent? A peine daignent-ils donner un coup-d'œil rapide au terrain qu'il faut embellir. Mais en revanche, rentrés dans leur gîte,
ils élaborent curieusement sur le papier un plan magnifique,
un jardin superbe; et le plan achevé, ils vont l'exécuter sur
place, la plupart du temps malgré la nature, à grand renfort
d'ouvriers, à grand remuement et bouleversement de terres, à
grand renversement d'arbres et de toute espèce d'objels qu'ils
trouvent sur leur chemin, bien convaincus sans doute qu'u11
jardin qui coùte cher est u11 fort beau jardin. Oh, mais ce n'est
pas tout; Ir plus dirrrtiss:int dr l'hisloirr, e'rst cl'cnlrndrc après

-14'2-

cela le naïf propriétaire qui vous raconte et vous décrit longuement tout son ex-terrain, toutes les terres remuées, déblayées,
remblayées, etc., etc. C'est bien curieux, vraiment; comme si
la beauté résultait de ce qui a été et non de ce qui est!
Vous autres, gens mal-appris, vous pensez que l'art, le grand
art véritable, consiste à tirer parti des choses telles qu'elles
sont, des lieux tels qu'ils sont, et à varier à l'infini les plans
de jardin d'après l'infinie variété de la nature, en se bornant à
la régler, à l'orner, mais sans jamais la contrarier. Erreur,
erreur. Laissez-là vos idées. Elles demandent de l'étude, de la
combinaison, de l'imagination, du goût; cc ne sont pas là des
idées. Allez bien ,•ite trouver l'arcbitectc qui a ses plans tout
faits.
Ce malheureux a surtout horreur de l'utile. li n'imagine
même pas que l'utile s'allie à l'agréable. Il couvre vos pelouses
d'acacias, de syringas, de lilas, d'azaléas , de catalpas, de
magnolias, de glédilzias, de thuyas, et ca~tera. 1\Iais n'allez
pas lui demander la pose dn moindre petit arbre fruitier ; il
vous refuse tout net; il aura même grand soin de clore hermétiquement le potager, de le dérober, le masquer, le cacher, le
couvrir comme chose vile et ignoble.
Ame stupide, va! qui ne sait pas qu'un potager bien tenu
est justement, dans une promenade de jardin, le lieu qui fait
toujours le plus de plaisir à voir, et où l'on est sûr de trouver,
depuis le f er mars jusqu'au dernier bout de l'automne, la plus
incessante diversité, le plus rapide, le plus brillant changement de décorations de nature! Quant à moi, je ne sache pas
de jardin plus agréablement anglais, plus cossu, plus complet,
que celui oit les longs et sinueux chemins Yous conduisent il
un heau potager qui se confond dans l'ensemble, tout Oaml><i~•anl d'alu·icots, de cerises, ltm1riant cle haricots bien Yerts

- 143 -

et de pois bien jaunes, de fraises, de raisins, de framboises,
de groseilles, de nèfles et de cornouilles, vrai crésus de poires
et de pommes, de reines-Claude, de pêches et de brugnons
succulents comme on mange au Ciel. N'avez-vous pas les reins
assez forts pour monter ainsi dans le grand? Eh bien, mariez
avec goût vos plantes d'agrément à vos plantes utiles; quelque
humble que soit l'espace, vous aurez toujours l'heureux clos de
poëte: utile dulci. Allez, je vous prie, allez voir aux Vennes,
près de Liége, le modeste et délicieux jardin de notre ami
Hennau, le docte professeur, tout mêlé de fleurs et de fruits,
de tulipiers, de prunie1·s, de dahlias el de choux-fleurs, de
fraises et de roses; c'est riant, c'est friand; tous les sens jouissent. Aimez-vous mieux le grandiose? allez à Beaufraipont;
entrez au superbe potager de mon excellent voisin, le baron
Patrick Osy de Zegwaart; et vous reviendrez, j'en suis sùr, porter quelque peu la hache dans l'éternel massif de ces thuyas
pointus qui donnent trop souvent à vos jardins l'aspect d'un
cimetière turc.
Dans quelque temps peut-être, quand un loisir de vacances
me permetlra de soigner de nouveau l'impression d'un li He ou
d'un simple article, j'essayerai de publier une nouvelle et trèsjolie Wallonnade, intitulée Embour, oùje décris un jardin comme
on n'en fait pas. J'y recevais un jour la visite d'une jeune et
belle et très-aimable dame; et la voyant sourire à quelquesunes de mes richesses végétales, je me hâtai de lui expliquer
mon idée qu'elle approuva du reste; j'alignai ces rimes :
Vous riez, Coralie? ..... oui, oui, de ces groseilles
Dont la grappe se mêle à mes roses vermeilles.
Oh! je sais mon Horace; et je veux suivre ici
Son précepte excellent, son utile dulci.

-144-

Voyez, voyez partout. La tendre violette
Fleurit sous les buissons oü mtlrit la noisette;
Le bel abricot d'or brille au sein des rameaux
Où le lilas se courbe en suaves berceaux;
Au velours vert clu pré qui nourrit la génisse
Eclatent l'hyacinthe et l'odorant narcisse;
.lies murs ne sont que vigne; et mes larges vommiers
Pendent, chargés de fruits, sur les frais aliziers.
Voyez donc le verger, mon beau verger que j'aime:
C'est village un verger; c'est la campagne même;
Est-il rien de plus gai qu'tm champêtre verger
Avec pinson qui chante au haut de son pommier?
C'est tout rempli d'attraits et tout rempli de pommes:
L'un ne gâte pas l'autre au grand siècle où nous sommes.
Et quand le doux pl'intemps, faisant arbres nouveaux,
.De sa neige fleurie a blanchi les rameaux,
Quel charme à respirer cette aimable espérance
E11 savourant de loin l'automnale abondance!
A l'hiver même enc01· mon bon verger soui'it,:
Souvent, dans la cité, près cl'un feu qui reluit,
Je sens dans mes pommiers mon fol esprit qui trotte
En m'attaquant au plat de la saine compote.....
Je me suis demandé bien souvent d'où pouvait provenir celle
antipathie de l'utile qui caractérise notre architecte, notre
Vitruve, notre homme à jardins. C'est apparemment une manie
aristocratique. Les riches , qui possèdent de longs et larges
hectares, ont trouvé sans doute grand et noble, pas du tout
bourgeois, fort peu à la portée du commun des propriétaires,
l'usage de placer ici, dans l'immense pelouse, mille et mille
arbres de pur agrément, et là, dans un recoin caché, les arbres

-

J.4lS -

de rappo1·t. Un pareil jardin a l'air de vous dire : « Voyez,
» mon maître est riche; c'csl un richard , un seigneur, un
• prince; tout esllm:e; la pelouse est pure du moindre buisson
» qui donne. "
A la bonne heure. l\Iais c'est bien fâcheux pour le prince, le
seigneur et le ricl1ard, qui se prive ainsi de vues fort agréables et du charme de la perpétuelle Yariété dans les formes,
les teintes, les aspects successifs de ses plants. Sait-il tout cc
qu'il perd ?li perd une soixantaine de jolis contrastes. Les effets
de fruits jaunes, blancs, noirs, rouges, de toutes les couleurs, il
les perd. li perd tous ces passages de la feuille au bouton, du
bouton à la fleur cl de la fleur aux fruits. D'après mes calculs
que je crois exacts, il doit perdre emi ron un quart de la nature. Ce n'est pas tout : il perd encore toute l'animation, toute
la vie des travaux horticoles. li perd, il perd enfin l'application
de cc vers charmant que ne comporte plus sa morne et immobile pelouse :

Poma co,·onatos curvantia pondere ramos.
liais après tout il le veut ainsi ; c'est son goût; il a de
vastes terres; il est riche. Le plus grand niais n'est pas là. li
est chez celui qui, n'ayant de place et de moyens que pour le bon
mélange de l'agréable et de l'utile, sacrifie sottement, mais,
j'en conviens, sacrifie très-aristocratiquement son carré plus
ou moins grand de jardin à l'inutile qui est moins agréable.
Tout cela me rappelle un peu certaine affaire de mode. Nos
grandes dames, voulant rompre une bonne fois avec la toilette
de leurs femmes de chambre qui arnicnt la prétention de les
imiter, imaginèrent un jour ces énormes manches à gigot qui
disaient aussi : « Voyez, nos maitresses sont d'opulentes
19

-U6-

banquières ou de hautes baronnes; elles ne travaillent jamais;
» il serait bien impossible, vraiment, qu'elles fissent la moindre
» chose, chargées comme elles sont de ces paquets d'étoffe qui
» leur pendent au bras. »
Pourquoi pas? qui pouvait défendre à ces grandes dames de
se faire noblement ridicules et laides? Les plus mal inspirées
étaient nos gentilles demoiselles et surtout nos bonnes femmes
qui adoptèrent aussi la mode de ces fagots, et qui se virent
obligées, pour mettre le bœuf au pot, pour épousseter leurs
meubles ou recoudre un bouton au haut-de-chausses de leurs
hommes, de se lier les deux manches avec des ficelles.
C'est ainsi sans doute que notre fabricant de jardins s'est
mis en tête de prohiber l'utile. Il aime, il flatte naturellement
le riche; et ses affections végétales se règlent en conséquence.
La vue d'un poirier lui donne le frisson de la fièvre. Il se détourne pour ne pas voir un prunier, ce grossier petit arbre qui
sent la roture. Pour rien au monde il ne voudra reconnaître à la
forme ronde de nos pommiers du nord l'aspect que les orangers donnent au.~ paysages des régions du sud. L'élégant cerisier même ne trouve pas grâce devant lui, à moins que ce ne
soit le cerisier sans fruit. Il ne souffre au coin de la pelouse,
ni l'abricotier en plein vent malgré ses belles pommes d'or, ni
le pêcher au délicat feuillage malgré ses délicieuses fleurs roses.
En revanche il aime, il adore le thuya, ce cousin-germain du
cyprès, aussi morne et aussi raide que lui. Non pas, s'il vous
plaît, que je n'aime aussi le thuya, moi qui vous parle; mais
je l'aime comme il faut, quand il est à sa place et qu'il n'est
pas prodigué. Notre homme à jardins le prodigue à outrance.
C'est étonnant l'abus que l'on a fait du thuya. On a tout bourré
de thuyas. Nos parcs, nos jardins, nos jardinets, nos cours
mêmes, tout regorge de thuyas, de thuyas. En vérité, je le
»

-147-

disais tout à l'heure; je ne puis plus entrer dans le moindre de
nos enclos de verdure sans me croire transporté dans un cimetière. Quant au noyer, je le cherche inutilement sur le vaste et
fade et fastueux boulingrin. Notre homme l'a repoussé. Oui,
oui, le noyer lui-même, le superbe et royal noyer, juglans
regia, géant aux vastes bras, colosse de verdure dont les groupes se massent en forme si grandiose, eh bien! le monstre
l'exclut, le proscrit, refuse de le planter, l'abattra même, s'il
le peut, l'abattra, vous dis-je, si l'arbre a le malheur de se
trouver sur la ligne routinière de son ignare compas.
Je sens que je me fâche ..... l\Iais voyez de grâce le plan qui
se trouve lithographié au commencement de cette notice; observez le jardin, les bosquets, les étangs, les prairies; et vous
direz, je pense , que les vieux pères Carmes de l\Iarlagne avaient
compris leur désert à peu près aussi bien que les architectes et
les directeurs-gérants de l'époque moderne.

9.

11/oi, je cherchais des ye1u; l'antique monastère.
On f!oyait des débf"is 71a1·tout j01ichant la te,·re ,
L'hermitage c1·oula1it, les autels abattus ,
Plus loin la niche sainte où le salnt n'était pl1u.

D'après la chronique des Carmes de l\farlagne, plusieurs
statues ornaient autrefois leur Désert. On en retrouve une
seule, mutilée et_ tristement appuyée aux murs d'un oratoire
en ruines. Je me demandais dans le préambule si ce n'est pas
peut-être le patron du couvent; mais la tradi tion porte que c'est

1.

-

148-

le fondateur, tradition conlil'mée jusqu'à un certain point par
le passage suivant de la chronique :
Anno 1655 die 21• sept. R . P. N. Hilarius a S 1• Augustino
vicarius 1n·ovincialis..... cora_m tota communitate jtissit erigi
statuam lapideam R di Patris n" Thomœ a Jesu quam fieri curaverat in œtemam tanti vfri et {undatoris nostri memoriam, in
ipso introitzi portœ claustri cmn elogio illius supra illam magna
omnium consolatione. - Extrait d'un registre reposant aux archives provinciales de Namur et intitulé : Liber {undationis
hujus deserti S1; Joseph, fol. 12 v".
Je ne veux pas trop accuser les Carmes; mais peut-être outils oublié ici que, si le père Thomas est réellement celui qui
eut la première idée de fonder Marlagne et qui fit toutes les
démarches nécessaires pour arriver à ce but, il n'est pas moins
vrai que les archiducs Albert et Isabelle en ont été les véritables
fondateurs, et que ce titre même leur avait été formellement
réservé par une clausse expresse de la concession de terrain.
La chronique porte, fol. 5:
Archidux et in{antissa liberalissime huic donationi consenserunt die ..... clecembris 1618, hac unica apposita conditione,
nempe quocl lwjus sancti deserti {undatores nomi11arentur.
Un autre passage atteste que plusieurs monuments décoraient l\farlagne et que les Beaux Arts n'avaient manqué à aucune époque de trouve1· des encouragements chez les Carmes.
Amw 1705 ..... R"•• P. N. prior ..... plu1·imas novas statuas
acl decorem hujus loci per diversa loca collocavit , veteresque
omnes imagines et picturas 1·epingi curavit. - fol. 52.
JI n'y a que ce JJicturas repingi qui m'affiige un peu, en me
J';'l f)pelant tous ces malheureux repeints et replâtrages opérés
1\ diverses époques par des moines i~nor:ints.

-149-

Parmi les monuments de Marlagne échappés à la main du
temps et des révolutions, nous avons indiqué dans le préambule quelques tombes dont les inscriptions nous reportent aux
guerres de Louis XIV. La chronique que nous venons de citer
mentionne les noms de plusieurs autres français qui avaient
reçu la sépulture au Désert. En voici l'extrait, au dernier
feuillet :
Nomina mortuorum quibus dedimus sepulturam tempore obsessionis castri Namurcensis anni 1.692.
Dominus Cat·malion primus (JJOst dominum Vauban ejus
avunculum) regis clwistianissimi ingenüirius, lesus fuit 1° die
quo oppugnatum est castrum Nanmrcense et def1mct1is est die 9°
ejusdem mensis....
Dominus Rocuert lieutenant des grenadiers à cheval mortuus
est 14 mensis junii. ....
Item le sous-l'ieutenant ejusdem legionis .....
Nobilis abbas de Beuveron doctor Sorbonicus 11ecnon Ludovici
decimi quarti elemosina1'it1s, gaudet sepultura fratrum nostrorwn, obdonnivit in domino die 26 junii, et die 27 expleto solemniter exequiarum o{ficio, corpus ejus in furno superiori ante
atrium nostrœ caveœ repositum fuit.
Dominus Beuiller legionis regie capitaneus .....
J'espère bien que, dans ce siècle de travail et d'esprit pacifique, personne ne s'avisera plus de venir assiéger le château
de Namur. Mais si ce malheur avait lieu, la seule chose qui
pourrait m'en consoler un peu, c'est que les nécessités de la
guerre manqueraient difficilement de ramener 1\Iarlagne à sa
nature première et à toute sa beauté pittoresque; car il serait
parfaitement impossible au commandant du château de laisser
deboul , sans loul compromellrc, je ne dis pas peut-être la

-

150 -

villa du directeur-gérant, mais à coup sûr le grand bâtiment
de l'ex-fabrique de sucre où des régiments entiers d'assiégeants
trouveraient à se loger.
Puisque nous sommes à parler du siége de Namur, c'est ici
le lieu de rapporter le texte de la cbronique dont nous avons
traduit un fragment dans le préambule et où sont racontées
certaines particularités du séjour de Louis XIV à Marlagne.
Feria 4• ejusdem hebdomadœ (semaine de la Pentecôte) transivit christianissimus rex ante portam sacrœ hujus eremi anteriorem, omnesque tune temporis religiosi debebant addesse
capp'ÎS vestiti, et tune Rd"' pater noster prior transeunti regi
Ludovico 14° obtulU unum placetwm in scriptis, postulans ut
dignaretur rex ab incursibus militum eremum nostram cle{endere, et sub regia sua protectione recipere : per quam benigne
accepit rex istud placet ex manibus R di P. N. prioris. Non intravit rex Wa vice in eremum nostmm, sed al'iquot illustres viri,
inter alios marchio de la Sale, qui cum aliis multis regem comitantibus, ab aliis disjunxerunt et conventum nostrum ingressi
sunt et largam eleemosynam erogarunt. Rex reverte11s iterwn
circa tertiam JJOst meridiem, tmnsivit iterum ante portam nostram anteriorem, et dominus dux de la Rouche{oucaux inclamavit : ubi est Rd•• pater prior, qui tune ibi non aderat, et
dixit ibi aliquibus religiosis ibi adstantibus regem vism·is : concedit rex patri priori quod postulavit, scilicet protectionem.
Neque hac vice ingressus est rex desertmn nostmm; sed dominus dux de la Roche{oucaud magnus regis vestiarii magister
cwn domino duce de Bouillon intravit in eremum, conventum et
eremitoria separata visitavit, et nostrum vivendi modum edoclus,
ma.ximopere œd·ificatus fuit, et lotmn sese obtulit ad nost1'U1n
obsequium, et rei eve11t11s probavit non fuisse verba ejus vel'ba
{ucatœ urbanitatis.

-

HH-

Die Sanctissimœ T1'initatis, circa horam secundam pomei'idianam, venit eminentissimus cardinalis de Bouillon sanctum
nostrum desertum invisurus; et dictis vesperis quibus interfuit
in choro , peractisque cere-moniis pro ejus receptione juxta manualis nostri ritum, egredie11s e-minentissimus dominus choro
humiliter sese religiosorum prœcibus commendavit, deinde conventum et eremitoria sepamta ingenti cum animi satis{actione
visitavit, et dixit non sine admiratione : ecce pulchra eremus !
Nostrœ eremi zmlchritudi11e et de-votione captus eminentissimus
dominus cardinalis ad illam itenan accessit die {esto corporis
Christi, et indutus habitn cardinalitio nobiscum comedit, et adverte11s moclum nostrum in serviendi , legendi , surge-ndi ad
faciendam charitatem servitori et lectori miratus est, advertens
etiam 1·eligiosos modica sua porlione contentos nihil vel parnm
accipientes e lancibus cardinali.s ipsis oblatis, optime œdificatus
est de nostra moderatione in usu eibi et potus.
Post vesperas, quibus ad{uit eminentissimus dominus, {acta
est more solito p1·ocessio corpo1·is Christi, tulit dominus cardinalis ve-nerabile sacramentum, et duas more canlinalitio dedit
benedictiones; ad{uerunt processioni mulU duces JJ1'imœ nobilitatis gallicanœ inter quos dominus dux de Bouvillie ,
omnino vir pius et loti curiœ exemplar virtiitum, clux d'Estré,
dux de Charau, dominus de Ponpon minister regis, marchio de Chatauneuf, dominus de Sancto, introductor legatorum, etc.
Eodem die corporis Christi, valde mane, dedita est Gallis
urbs Namurana cum capitulatio11e, et sic rex cogitavit de mutandis castris cmn sua euria, quod factum est die sabbathi ejusde-m hebdomadœ, et circa meridiem appulit non longe a nostm
eremo ubi castra pos,uit. Aliquot viri magnœ notœ hospitati sunt
in nostra eremo. Eminentissimus domimis cardinalis de Bouillon

-lo2-

habuil pro suo hospitio cubiculum ltospitumsœcularium; cellas adjacentes habuentnt domestici ejus. Dominus comes de Grandmont
hospilatus est in cella unius religiosi, domim1s Milor Staphor
hos-pitatus est·in cella alterius religiosi, Rd•• pater de la Chaisse e
societate Jestt confessarius regis hospitatus est in eremitorio separato S 1• Bernardi et prope eremito1·ium positum est tentorium
ejus ubi comedebat. Ilospitimn in porteria lwbuit Rd•• pater de
la Bourdonnet, soc. J. confessarius ducis <l'Orleans fratris 1·egis,
ipse non habuit tentorimn. Fuit etiam hospitalt1s in nostro conventu pistor regis, nost1wnque pistorium habitit ad coquendos
vanes, et ultra aliam mercedem omnes panes nobis necessarios
acl victum quot-idianuin elargiebatur.
Culina cardinalis (acta est in illa donws parte quœ vulgariter
a 11obis vocatur la ménagerie, et in loco adjace11te ubi 11onitur
currus comedebant domestici ejus.
Paulo post quam appulisset rex cum sua curia et castra posuisset in horto parmn distante a porta nostrœ eremi anteriore,
visitavit nostram eremum dominus <lux d'Orleans frater regis,
et ingressus nostram ecclesiam dixit: hroc ecclesia est devota.
In cella unius religiosi per aliquot horas quievit, et sex ludovicos
in eleemosynam erogavit.
Die 9• mensis junii reassumptœ sunt pulsationes diurnœ pariter ac nocturnœ, et altemato choro media nocte surreximus ad
horas matutinas, quœ antea media nocte propter nocturnas vigilias non fuerant JJersolutœ.
Notamlum hic aliquando acl pnulentiam pertinere, omittere
vulsationes maxime de nocte, clmn sunt in sylva discurrentes
militmn copiœ, et hoc ne ad sonmn campanœ conventum adeant
et 1·eligiosos molestent; ....
In <lie octavœ corporis Christi, scil-icet 1.2• junii, expositum
est tota die in nostm ecclesia venerabile sacmmentmn, dataque

-

loS-

esl vel!peri circn horam sexlwn ejusdem smwlissimi Sacrame11li
benedictio ab eminentissimo domino cardinali de Bouillon. Adfuit rex chrislianissimus, dominus delphinus, dominus dux
d'Or/ea11s frnter regis, dominus comes Tholosanus filius 1·fgis
naturalis, et quam plurimi duces et 1n-incipes. Prima vice intravit rex hac die in nostram eremu.in. Recepimus autem ilium
non eo modo qui per ma1111ale 11ostrum vrescrib'itw·, quia Jwc non
placuil domino canlinali qui super hoc consultus fuerat . i)fodus
vero quo ewn recepimus, quique carclinali visus est convenitior
hic fuit. Religiosi omnes palliis induti disposuenmtseinecclesia
ut moris est quanclo canitur Salve Regina, et i11gredient-i regi obtulit cum aspersorio aquam benedictam Rd.. P. N. JJrior vtuviali
indutus. floc facto, intraverunt religiosi chornm sine cantu; tune
cantatus est hymmts Pange lingua gloriosi , deinde psalmus
Exaudiat pro rege; postea data est beneclictio sacrame11ti, et sic
absolutum est ofliciwn et rex abiit cum sua cwia.
Sœpius postea et fere quotidie bis transivit rex cmn sua cut'ia per nostram eremum, unde porta anterior et inferior qua
itur Namurcum debuerunt patere clizt noctuque. Non possum
vrœtermittere narrationem tmius eventus qui bonam ùulolem
et affabilitatem christia11issimi regis Lmlovici 14; mani,festavit.
Uno rlie intel' alios, regem adiit Rd•• P. N. prior ei oblaturus
munusculmn cancrorwn in nostris rivulis captorum. Cmn accederet Rd•• P. N. prior domwn regis, quœ ex lignis, ut in castris fit, extrncta erat, erat rex ad fenestram cwn suo fratre colloquens, et videns Carmelitas ve11ie11tes : Pater mi, dixit 11riori,
acccdc quid est, aut quid vis, vel aliquid si mile. Accedens
prior, obtulit regi suos cancros, rogans suam majeslatem ut eos
<lig11aretur habere gratos; respo11dit rex benignissime : llabeo
cos gratos, et misit Ra... P . priorem ad c11li11am, ut illuc deferret il/os cancros. Culinn autem regis (rebat in ntstica11a
20

-ltH-

quadam domo cujus appendix est hortus ille in quo rex hospitalus erat et castra posuerat (fol. 26 cL 27 ).
Le château de Namur emporté, Louis XIV fit ses préparatifs
de déparL, mais se garda de quitter Marlagne sans laisser au
Désert des marques de sa royale munificence.
Denique expugnato Castro Namurce11si die 30 mensis junii
a11ni 1692, declit«m est Gallis cum capitulatione quod inceptmn
erat oppt1gnari die 7. Cogilauit rex de s110 re<litu in Gall'iam et
pridie, ni fallor, ante ejus discessmn qui fuit die 3 julii, vocatus
est R dv, P. N. prior eique ex mandalo regis numerati (uenmt
centum Lmlouici aurei, principes ac duces largam pariter eleemosynam aogarwt(, et dominus cle Barbesieux nobis dixit quo<l
ce11tum et quinquayi11ta modii speltœ quos a reye catholico habebamus mutaret in tot mvdios tritici et scliginis. Acceperamus
etiam ante duodecim sacqos bonœ farinœ ex munifice11lia regis,
qui, c111n cognovisset nostram in hac parte 11ecessitatem, voluit
ei ex chl'istianissima charitate succurrere. Toto etiam tempore
quo castra regis posita fuere ante eremmn nostram accepimus
quotidie in eleemosynam ex regis liberalitate ova, panes et 4 vini
laye11as et ttbi scivit rex esse aliquos ex nostris œgrotantes, jussit quoticlie dari nobis carnes necessarias..... -fol. 27 v0 •
Voilà de fort beaux dons faits par Louis XIV aux pères Carmes. Tous les jours, durant toute la durée du campement à
l\larlagne, des œufs, des pains, quatre bouteilles de vin, pour
les malades plusieurs livres de viande, une fois même douze
sacs de bonne farine, et cent louis d'or au départ, sans compler
la conversion promise de certains muids d'épeautre en muids
de froment. et de seigle, c'est fort bien à coup sûr, c'est on ne
peut mieux, c'est royal ; Louis XIV faisait grandement les
choses; hâtons-nous d'ajouter que tous les princes et ducs de
sa suite s'empressèrent d'imiter un si noble exemple. Après

..

- l oocela, vraiment, je ne serais pas surpris quo ces excellents Carmes eussent désiré plus d'une fois l'aubaine d'un nouveau siége.
A les entendre parler avec tant de soin et d'amour des douze
beaux gros sacs bonœ (arinœ, on sent distinctement qu'ils en
ont la bouche pleine.
Cependant, nous devons le dire, les pieux cénobites n'avaient pas toujours été aussi heureux; je ne sais même si la
générosité du grand roi leur fut une suffisante compensation de
tous les pillages qu'ils avaient antérieurement subis de la part
de conquérants moins aimables. En 165!, des troupes du duc
de Lorraine , logées dans le voisinage , à Bois-de-Villers,
avaient fait irruption au Désert et s'étaient emparé de toutes
les provisions. Six pages entières d'une écriture fort serrée
sont consacrées dans la chronique à cc récit pitoyable : Relatio
i1·ruptfonis militum duois Lotha1·ingiœ in hoc nostrum desertum
S•• Joseph llie 1.1a decembris anni 1651. l\Iais il faut dire aussi
que ces méchants pillards et maraudeurs avaient pour commandant à Bois-de-Villers le colonel GEOCACAN, nom terrible,
nom féroce, tiré sans doute du calendrier des Huns, et digne
de figurer dans un roman dont les scènes se passeraient aux
sombres et sauvages profondeurs de l'antique forêtdel'llarlagne.
En 1652 nouvelle irruption, nouvelles déprédations, nouveau récit et nouvelles lamentations des pères Carmes. Décidément les provisions et la bouche jouaient leur petit rôle dans
la vie de ces bons solitaires; car elles en jouent un grand dans
leur naïve histoire. C'est avec un profond sentiment de satisfaction que la chronique enregistre à l'année 1627, qu'on a
reconstruit plus solidement le logement des domcsti<tLtCS,
l'étable des vaches, le fournil, le poulailler et cc qu'on appelle
vulgairement la mesnagerie, qui était construite en argile et
menaçait rnine depuis plusieurs années.

-

150-

11 va sans dire que, Namur occupé par les Français, cc fut
aux autres de venir occuper Marlagnc pour commencer le siégc
à leur tour. Pauvre Belgique! voilà sa destinée pendanl sept
ou huit siècles : nous en avons fini, je l'espère; chacun désormais restera chez soi . Arrivent donc, en 1695, les armées alliées
sous le commandement de l\faximilien Emmanuel de Bavière.
On entreprend le siége du château, et !'Électeur vient naturellement se loger au Désert avec les généraux de Bavière cl d'Espagne. l\Iais il fut très-mesquin. li confirma la susdite conversion d'épeautre en froment; voilà tout; du moins le surplus me
semble un peu douteux; il y a, dans le passage suivant de la
chronique, un cmn financiis que chacun est maitre de traduire
comme il veut (fol. 28 v0) :
Anno 1695..... notandum est quod tem11ore obsidionis dux
Bavariœ cwn suis aulicis domi degebat; dux occupabat tres cellas
hospitii et aulici cellas religiosonun. Denique capto cast1'o die
JJrima mensis septembris 1695, cwn dictus dux redivisset Brnxellas, in signmn affectus erga hune conventum, modios speltœ,
quos rex Calliœ in lot modios frwnenti et scliginis mutaverat,
cum financiis confirmavit.
Si le duc de Bavière finança en effet, cl si le nombre des louis
d'or eût été quelque peu ronflant, soyez bien sûr que le bon
chroniqueur n'cûl pas manqué d'emcgistrer affectueusement la
somme.
Nous regrettons que la longueur et l'inanité de certains
passages nous empêchent de publier dans son entier la chronique des Carmes de 1\Iarlagne. Oui, c'est long, dilîus et prolixe; nos lecteurs pourraient s'en fatiguer; mais pas moins 0 11
y prend sur le fait la vie du monastère; cl c'est dans ces sortes
de documents que les Waller-Scott vont surtout puiser tous le~
détails intéressants de l'existence intime de leurs personnages:

-

lü7-

documcnts insignifiants pour l'histoire, mais quelquefois précieux pour les genres moins sévères de la littérature. Il s'y rencontre une foule de choses diverses que chacun envisage à son
point de vue; ce qui ne dit rien à l'un parle souvent à l'autre
avec abondance; cc que passe l'antiquaire est avidement saisi
par le poëte; l'homme du monde, le philosophe, le canoniste,
s'accommodent chacun de son fragment à part; il n'est pas jusqu'à l\I. Quctelet, notre savant météorologiste, astronome et statisticien, qui ne lirait arnc une véritable satisfaction, dans la
chronique des Carmes, que, le 18 septembre 1692, un tremblement de terre ébranla le Désert cl détruisit en partie, devant
la porte de l'église, une petite chapelle dédiée à saint Joseph.
Vous voyez bien que toute chronique a son prix; car tout le
monùe y trouve.
10.
11Jai11 qu'on s'y rende utile au moins; car sachez bilm
Que des moines oisifs l'o11 t1e veut plus pour rien.

li ne faudrait pas s'étonner toutefois que l'opinion publique
vînt un de ces jours à se modifier grandement à l'endroit des
couvents. Je connais déjà d'habiles économistes, de profonds
publicistes, qui n'osent plus trop se prononcer; d'où jè conclus qu'ils ne sont pas éloignés d'approuver les ordres religieux simplement ascétiques et contemplatifs. Ces ordres ne
vivent, après tout, qu'aux dépens des riches qui leur font l'aumône; et c'est encore là peut-être un moyen de faire couler le
neuve de l'opulence dans les petits canaux ùesséchés. N'est-il
pas permis d'ajouter que la concurrence Llevient chose tellement formidable cl menaçante , qn'/1 côté des producteurs il

-lü8-

n'cst pas ll'op mauvais do voir s'établir de simples consommateurs? Et puis, vraiment, nous pl'ions en général si peu (l!l'il
n'est pas excessivement fâcheux que de bonnes âmes passent
leur temps à prier pour nous. J'en parlerai à mon ami Honnau,
le savant professeur d'économie polilique à l'université deLiégc;
el je vous communiquerai son avis dans ma seconde édition.
En allendant, je dis que mon observalion s'applique principalement aux couvents de femmes. Toutes n'ont pas les dispositions nécessaires pour se livrer à l'enseignement; toutes ne
sont pas de force à se consacrer au soin des malades ou à la
garde et à la moralisation des prisonnières, ou bien encore au
redressement des jeunes filles qui se perdent et qu'il faut séquestrer, ou enfin au service des établissements de femmes
aliénées : institutions admirables, mais qui exigent la vigueur
même physique. Dans ce siècle, surtout, où la fortune est le
grand mobile du mariage, où beaucoup d'hommes se contentent <l'un honteux libertinage, et où tant de femmes se ,•oycnt
condamnées à une existence solitaire au milieu du monde, n'y
aurait-il pas cruauté à leur refuser la vie douce et paisible de
la communauté religieuse, en exigeant d'elles autre chose que
les devoirs de la prière et la contemplation d'un céleste avenir
qui leur promet plus de bonheur?
Dès l'année 185a, l'auteur d'Alfre<l Nicolas a émis quelques
idées fort extraordinaires sur le chapitre des couvents modernes; mais il paraît qu'il a fait un nouveau pas depuis. Est-cc
que par hasard il serait en train de pousser à une restauration
complète de l'ancien régime monastique? Halle-là! ... Nous y
mettrons bon ordre.
Par malheur les nécessités de son sujet et sa franche déclaration de guerre au romantisme oit il avait dès-lors flairé, dans
les écrits dissolvants des Hugo, des Sand, des Janin et de~

-

lü9-

Sue, le germe de toules les anarchies et excentricités sociales
qui ont surgi depuis, tout cela avait conduit cet excellent auleur à de certains délails, à de certaines choses ..... Hum!
hum!. .... je ne sais trop comment dire; et je dirai seulemenl
que, son livre ne pouvant être livré aux mains de tout le monde,
il n'est guère permis d'y renvoyer les lecteurs. Nous n'avons
donc qu'à citer le passage relatif aux couvents du siècle; c'est
un dialogue où le fidèle Gaspard, remarquant aux bords de la
Meuse deux ou trois abbayes, l'une convertie en maison de
campagne, l'autre en manufacture, mais toutes épiscopalcment
situées, s'adresse en ces termes à son maître, lJf. Alfred
Nicolas (tome 2, chapitre XI):
- Savez-vous bien , Monsieur, que ces farceurs de moines
devaient jouir comme des Salomons dans ces belles abbayes?
On y mangeait bien; on y buvait mieux encore ; on y dormait
tout son saoûl; et puis ..... mais chut! voici l\I. le curé..... et
après quelques morceaux de la journée donnés au service du
Seigneur, je ne sais pas vraiment ce qu'ils avaient d'autre à
faire que rire et s'amuser.
- Oui, par malheur, dit le curé qui a déjà figuré en tête de
ce chapitre; oui , voilà justement cc qui les a perdus. Les
fléaux de la richesse et de l'oisiveté tombèrent sur les maisons
religieuses : elles ont disparu.
- Oh! disparu..... dit en souriant M. Nicolas au curé qui
lui semblait bon enfant; disparu, disparu! le mot, même à
présent, n'est déjà plus fort exact. Que sera-cc bientôt?
- Je crois bien que vous avez raison, reprit le respectable
ecclésiastique. J'espère seulement que la fainéantise en sera
bannie, et qu'il faudra d'une manière ou d'une autre s'y rendre
activement ulile à la société. Je ne serais pas même fâché, je
vous le dis franchement, que la faculté d'acquérir fût renfermée

-

100 -

ùans de justes bornes. Autl'cment tout est perdu encore. Plu3
riches et plus puissants seront-ils, plus terribles devront être
les futures révolutions pour rcnYerscr les nouveaux abus.
-Eh quoi! dit 1\1. Nicolas, voiHt donc le pays tout repeuplé
de moines, de noirs récolets et des sales capucins!
- Des capucins, des récolets, dit le curé, je n'en veux pas
plus que vous, monsieur. l\Iais vous avez de l'instruction, et
je ne doute pas que vous n'ayez lu et médité tous ces ouvrages
d'économie politique qui paraissent depuis quelques années.
C'est une étude devenue indispensable, à laquelle j'ai cru devoir consacrer moi-même mes moments de loisir. Vous savez
donc que les nouveaux économistes ne peuvent trouver des
paroles assez fortes pour s'élever contre l'excès de la population, qu'il n'est pas de moyens qu'ils ne proposent pour diminuer le nombre des mariages et arrète1· la multiplication de
l'espèce. Peu s'en faut, en vérité, qu'ils ne prêchent l'infanticirle, ou du moins que leur doctrine ne tende à le justifier.
N'est-cc pas même proposer indirectement un infanticide général, un nouveau massacre des innocents, que de recommander
vivement, comme ils font, la suppression de toutes les mai5ons
d'orphelins, d'enfants trouvés et de femmes enceintes? C'est
qu'en elîet l'excès de la population est une plaie qui dévore
l'Europe. Tous ces ouvriers sans travail, tous ces prolétaires
inoccupés, que voulez-vous qu'ils deviennent? Mendiants,
émeutiers ou voleurs. Que peuvent faire tous ces jeunes gens
pleins d'instruction et de talent, mais sans carrière par excès
de concurrence, et d'autant plus à plaindre que leurs têtes actives leur font senlir tout cc dont ils seraient capables? Ils
s'agitent et se tourmentent; ils se jettent dans la polémique
facile et déchaînée du journalisme; ils répandent dans des livres
immoraux ou impies 1out le fiel qu'ils ont amassé contre un

-

)(li -

ordre de choses qui ne leur donne pas à vivre, qui du moins ne
leur donne pas à vivre comme leurs têtes exaltées l'entendent,
c'est-à-dire, au milieu de toutes les jouissances etde toutes les passions satisfaites. Les rnilà donc en état d'hostilité permanente
contre là société, et d'autant plus acharnés qu'ils ont vu leurs amis,
leurs condiscit)lcs, leurs égaux, souvent même des gens qui
étaient loin de les valoir, s'élever par l'effet des révolutions aux
plus hautes positions sociales. Et combien oc pensez-vous pas que
soi Lredoutable une massede cette espèce, une masse d'hommes il
têtes intelligentes, qu'anime toute l'énergie de la jeunesse, toujours prêts à se soulever au moindre signal, ardents à renverser
l'ordre actuel pour trouver à s'arranger dans le bouleversement!
- Sacristie! messieurs, s'écria brusquement Gaspard, voilà
ce que j'appelle parler comme en paradis; mais jusqu'à présent
on ne dit rien des moines.
- Eh bien! continua le curé sans paraître fai re atlention à
cette interruption peu séante, j'ai tout lieu de croire que les
monastères, si on les rend utiles, pourront en grande partie
porter remède à ces inconvénients. Vous riez, je le conçois.
Vous êtes jeune; mais un jour vous pourrez penser autrement.
Les monastères recevront une foule d'hommes qui surchargent
la société. C'est une nouvelle carrière à ouvrir, où il sera facile
de donner une direction louable aux ambitions de savoir, de
talent et même d'éloquence. C'est une nouvelle carrière, je ne
puis trop insister sur ce point; et je pense qu'on ne peut en cc
moment creuser trop de canaux pour procurer un écoulement
paisible à ce torrent fougueux d'existences désordonnées qui
menace de tout engloutir. Oui, la vue de ces paisibles asiles
,·ous y habituera peu à peu. Les 11ères et les mères pourront
de bonne heure y préparer leurs enfants. Le cours des idées ne
pourra manquer de changer !i cet égard, quand on reconnaîtra
21

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162-

que tous les genres ùc capaciLés peuvent s'y exercer <l'une manière utile. Et croyez-moi, monsieur; les époques d'exaltation
cl de crise sont plus fayorables qu'on ne pense aux progrès des
idées religieuses. Puissent seulement les ministres de notre
sainte religion n'agir que par un zèle détaché de la terre! Puissent-ils se renfermer dans le temple, et ne se montrer au-dehors que dans les voies de l'humilité, loin de l'arène des partis
politiques et des riens de cc monde! Puissé-je les voir encore,
comme aux premiers temps, comme aux grands jours du christianisme, d'une main relevant l'homme, et de l'autre ne tourhant que le ciel!
11.
Honneur, honneur à vous, atiges Je cette vie,
Qui dév01,ez vos jours au lit de L'agonie!
Filles di, ciel, lto11t1eu1· ci -r;os sublimes t:œux !

Il y a longtemps que les sœurs de la charité existent pour le
plus grand bien de l'humanité; mais depuis l'année 1855, oil
a eu lieu le fameux dialogue de la note précédente, plusieurs
des idées qui s'y trou vaicnt jetées ont été suivies; et plusieurs
congrégations utiles, très-utiles, ont été instituées. Nous citerons, entre autres, les tilles de la Croix qui ont été préposées
dans quelques localités à la direction des prisons de femmes et
qui s'acquittent de cette pénible mission avec un zèle au-dessus
de tout éloge. Des maisons pénitentiaires pour les jeunes délinquantes, des maisons de refuge pour les prisonnières libérées et pour les lilles repenties, des maisons de dépôt pour les
mendianl"1>, leur ont été également confiées. Ajoutons que visiter les pauvres et soigner les malades se trouve encore dans

-

163-

lcurs attributions, sans parler de leurs écoles gardiennes, de
leurs écoles primaires, du soir et dominicales, toutes gratuites.
Nous avons aussi les sœurs Augustines ou de saint Charles
Borromée, établies en Belgique par la bienfaisante famille des
comtes d'Oultremont de Warfusée et qui se consacrent au
service des hôpitaux militaires dont elles sont les providences.
L'autre sexe n'est pas resté en arrière. Les frères de la Doctrine Chrétienne ont pris heureusement en mains la direction
de quelques prisons d'hommes. Parlerai-je enfin de l'ordre des
i\lissionnaircs ou frères prêcheurs qui se sont répandus dans
le pays, surtout dans les campagnes? Je crois que cette institution pournit rendre à son tour d'éminents services; mais je
crois en même temps qu'elle a été mal conçue, mal comprise,
ou du moins que l'œuvre a été mal exécutée.
Tous ces travaux de moralisation et de charité, cc nouvel
apostolat de l'époque moderne, ces sacrifices de tlérnucmcnt
et d'abnégation, vous ne pourrez jamais les obtenir de mains
mercenaires; il faut les demander aux âmes. Ce n'est qu'en se
détachant des choses de ce monde et en s'occupant de plus
hautes pensées, qu'il est possible d'accomplir dans toute leur
plénitude ces rudes et laborieux devoirs.
En laissant à l'écart le côté moral et à n'envisager la chose
qu'au point de vue administratif, on ne saurait croire combien
d'abus, de malversations, de gaspillages et de mauvaises dépenses sont évitées par l'administration de ces êtres dérnués
qui ne demandent à la terre pour prix de leurs services que le
llain quotidien. C'est à cause de cela sans doute qu'ils complent
plus d'un ennemi. Peut-être aussi les idées mesquines d'un
étroit et intolérant libéralisme (si l'on peut appeler cela du nom
glorieux de libéralisme) sont poul' quelque chose dans les tl'acasscl'ics et les déboires que suhil rn cc momcnl une de CC!->

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164 -

dignes inslitutions de femmes. l\Iais on en reYiendra; et nous
n'aurons pas, je l'espère, à citer des faits.
On connait l'origine de l'ordre de la Charité, qni n'eut dans
Je principe que des frères.
Jean de Dieu, natif de la ville de l\Iontemor-o-noYo en Portugal, assistait un jour à une prédication de Jean d'Avila, surnommé l'apôtre de l'Andalousie. Il se sentit tellement ému des
paroles de l'orateur chrétien, qu'il renonça au monde pour se
donner entièrement à Dieu dans le service <les malades, comme
Moréri s'exprime. Plein de cette idée, il se relira à l'hôpital de
Grenade, où il s'occupa aussitôt d'organiser l'ordre de la Charité que le pape Léon X approuva en 1520, mais comme simple
société. Pie V lui donna quelques privilèges. Enfin Paul V confinua la congrégation comme ordre religieux, où, indépendamment des trois vœux ordinaires de pauvreté, de chasteté
et d'obéissance, on en fait un quatrième, le vœu de se consacrer au service des malades.-Jlloréri, D1cnoxxAmE 111s1oniQl:F.,
aux mots Jean de Diez, et Charité.
Les frères de la Cllarité ne tardèrent pas à être introduits en
France et en Italie, oü on les appelle (atte ben (ratelli, 11 cause
que le bienheureux Jean de Dieu, leur fondateur, allant tous
les jours à la quête pour les pauvres malades, criai L à hau le
voix par les rues : (atte ben, {rate/li, 71er l'amore <li Dio; faites
bien, mes frères, pour l'amour de Dieu.
Les frères de la Charité, dit i\Joréri, ne fon t aucune étude;
ils ne recherchent pas les ordres sacrés ; et s'il y a quelque
prêtre parmi eux, il ne [lCUt jamais parvenir à ancun degré
clans son ordre.
Serail-il vrai qu'il y <'Ùl là quell]ue cliose dérivant d'une profo11dc connaissance du cœur humain, cl que pour trouver de:-.
créalurcs entièrement flérouées :1 une mission aussi dure, il

- 165 -

fallùt non-seulement mettre obstacle à tout gem1e d'amhilion,
il toute pensée d'élévation, mais encore éviter le~ intelligences
trop développées? Je veux en douter. Je pourrais citer, non pas
un, non -pas deux, mais de nombreux exemples du contraire;
et j'engage même nos très-chers frères de la Croix, de la Miséricorde ou de la Doctrine chrétienne qui viendraient à se charger de la direction de toutes uos prisons d'hommes, à ne pas
trop imiter l'existence inculte des anciens frères de la Charité.
Quant aux sœurs, on sait qu'elles ont été instituées en 1634
par saint Vincent de Paul de concert avec madame Legras, née
de Marillac, qui, étant restée veuve assez jeune, se consacra
au service des malades et des enfants trouvés, et fut la première supérieure de la congrégation.
12.
Ho11neur e,icol'e à vous, trappistes courar1e11.r 1
Do11t la voix pat'le à Dieu, mais se tait pou1' l<t terre,
Qui de l'âpre Campine épousant la bruyèt·e 1
Et1 féco11dez le seiti d'u11 {et· industrieux!

Voici encore de pieux personnages qui ne sont pas trop inutiles.
L'abbaye de Westmalle, située dans la Campine, au milieu
des sables et des bruyères, eut pour fondateur dom Augustin
de Lestranges qui, s'étant sauvé de la Trappe fran çaise vers
l'époque de la terreur, était allé établir une colonie de Trappistes dans l'ancienne chartreuse de la Val-Sainte en Suisse,
rl'où il envoya d'autres colonies du même ordre en Angleterre,
en Allemagne, en Espagne, en Amérique même et en Belgique.
L'arrivée des Français, en 1i94, chassa les religieux de

-

WO-

Westmalle; ils se 1·éfugièrent en Allemagne. Mais vers l'année 1802 , corpme le calme commençait à renaître et la religion
it respirer sous l'intluence de Napoléon Bonaparte, dom Augustin de Lestranges s'occupa de repeupler la Trappe de la
Campine, en y envoyant quelques religieux qui entreprirent
l'œuvrc de la restauration, bâtirent une église et se mirent à
défricher les bru)·ères environnantes. Leurs travaux pros11èrent; ils ont entrainé de nombreux imitateurs parmi les propriétaires du pays. Le désert inculte qui sé1lara longtemps les
\'illcs d'Anvers et de Turnhout se rétrécit tous les jours; grâce
aux laborieux solitaires qui sont venus s'interposer entre elles,
ces deux villes se rapprochent peu à peu et ne peuvent tarder
à se donner la main par une suite de cultures.
Indépendamment de l'abbaye de Westmalle, nous avons en
Belgique un autre monastère du même ordre, le prieuré de
Saint-Sixte 1wès d'Ypres.
L'extrême séYérité de la règle des Trappistes est devenue en
quelque sorte proverbiale. Malgré cette rigueur, ou peut-être à
cause de cette rigueur même qui ne leur permet pas de rester
un seul instant oisifs, on remarque en général chez ces austères cénobites un air de satisfaction et de santé que les ennuis
ou les plaisirs du monde ne comportent pas toujours. Existence fortement réglementée, régime simple et absolument régulier, travail constant , exacte distribution du temps pour
chaque jour, chaque heure et 1>resque chaque minute, précaution minutieuse dans les moindres prescriptions de détail à
écarter tout ce qui peut agiter, frapper, ébranler l'âme ou le
corps; cet ensemble complet d'ordre et de calme est bien fait
sans doute pour amortir l'homme sensible, pour lui sauver an
moins beaucoup de soucis et de peines.
Jérémie a dit : Sedebil ,ço/ilnri11s el tacebil. Le mot du

-167-

proµhète a été pris à la lettre par les solitaires de la Trappe. L'absolu silence est le point fondamental, le chapitre premier de
la règle : ce qui toutefois n'a pas empêché l'institution des couvents de femmes trappistines, six en France et un en Angleterre, le prieuré de Stappe-Hill.
Pour éviter toute occasion de se parler, ajoute textuellement
le statut, jamais deux ,·eligieux ne se trouveront seuls 11roche
l'un de l'autre; et si on en trouve, on considèrera cette faute
comme la rupture du silence, et la pénitence sera la même.
Ce n'est point assez de supprimer la langue; il faut encore
supprimer le cœur. Ecoutez :
Les frères prendront garde de ne jamais témoigner quelque
affection ou inclination particulière pour quelqu'un Jllus que
pour un autre, n'y ayant rien qui ruine davantage l'union et la
charité et ensuite tout le bien qui veut êtt·e dans une communauté, que les amitiés particulières.
Ce n'est point assez d'arracher le cœur et la langue; il
faut de plus briser les nécessités de la vieillesse. Ecoutez
encore :
Pour empêcher les relâchements qui s'introcluisent d'ordinail'e
par les avantages que les plus anciens 1·eligieux s'attribuent à
cause de leur grand âge, on observera avec grand soin que les
plus anciens aient en toutes choses ce qu'il y a de moindre et de
plus vil, comme pou,· le manger, 11ou1· les vêtements, pom· tes
cellules, s'il arrivait que l'occasion s'en présentât, et même pour
les travau.x selon la disposition de leur santé, la force de lem·
corps, la prud~nce et la discrétion du supérieur .....
L'esprit est aussi chose scabreuse qui peut avoir ses périls;
enchaînons l'esprit.
Personne ne JJeut aller à la bibliothèque qu'avec la JJermission cltt supérieur, lctquelle 'il n'accordera que très-rarnment ,

-

168 -

n'y ayanl rie11 de si onli11aire aux religieux que de succomber
la tentation de la science et ù la curiosité des lectures.
On conçoil que le corps ne se-ra pas mieux traité. C'est ici
que le Trappiste apparait dans toute sa beauté rigide. Coucher
sur la dure, se relever au beau milieu de la nuit, hiver comme
été, pour aller it matines, voilà qui est tout simple; el certes iI n'y
a pas grand mérite à quitter une couche médiocrement moelleuse.
On repose la nuit avec ses habits réguliers, même avec la
coule, sur ime paillasse piquée de deux ou trois doigts d'épaisse111' tout au plus, et soutenue de deux ais sur deux tréteaux
sans {a~n; le traversin est de paille battue, et on se met sm· sa
vaillasse aussitôt que la retraite sonne .....
C'est en effet sans beaucoup de façons. Qu'avons-nous à
redire, si l'on y dort d'un sommeil paisible? Je connais une
grande dame qui vient d'adopter la paillasse trappistine, y relJ{lSC au mieux et ne fait pas de mauvais rêve.
l\Iais ce n'est pas tout. Il faut craindre l'abus d'un mobilier
mondain. Que dis-je? Le nécessaire est presque du superllu.
Pardon, excuse, cher lecteur; mais que voulez-vous? La règle
est formelle.
On ne se sert de son pot de nuit que depuis le son de la cloche
pour la retmite jusqu'à prime, et on le tient fort net .....
Quant à la table, elle est aussi des plus primitives, fort peu
excitante et pas excessivement variée. Voici le menu d'un
Trappiste :
On ne servira jamais que des légumes, des racines, des herbes et du laitage pour les JJortions de la communauté, et jamais
de voisson ni d'œufs .....
On ne sert jamais qu'une portion avec le potage au dîner, et
cm souper qu'une seule, et le plus simplement 111'011 peut, chaque
chose e11 son espèce .....
à

,

- 169-

On ne servil'a jamais de beurre, et on n'en mettra jamais
dans les portions .....
On n'usera jamais d'aucune épicerie ni d'herbes fortes comme
le thym .....
On ne fera jamais ni JJâtisserie, ni gâteau, ni rien qui en approche.....
Et pas même du pain frais!
On doit éviter de servir du pain cuit le même jo1ll' ... ..
El pas même du pain blanc!
On n'en servira jamais de blanc à la communauté, non pas
même aux hôtes, ayant s01went éprouvé qu'ils n'en veulent vas
d'autre que de celui qu'on donne aux religieux .....
N'exagérons rien cependant, et ne manquons pas de signalèr
un dessert quelque peu splendide.
On peut donner quelques noix aux deux repas, et quelques
raves au diner .....
Des raves et des noix, ob, les Lucullus!
Jamais de viande bien entendu, si ce n'est pour les malades
et d'après un tarif très-sommaire.
En revancbe, si ces braves Trappistes se traitent si rudement eux-mêmes, nous allons les voir doux, généreux, humains à l'égard des autres. Après la nomenclature des rigueurs
qu'ils s'imposent, on ne peut lire sans émotion les dispositions
suivantes:
On aura grand soin de secourir les pauvres, et outre le pain
et les viandes communes du réfectoire qu'on leur donnera en la
manière accoutumée, s'il y en a quelqu'un qui ait un besoin particulier, on lui donnera jusqu'à un écu ou une demi-pistole selon
sa nécessité: ce qui s'entencl des passants et des gens qu'on ne
connait 11oint; car pour ceux du 11ays et du voisinage, on n'y
met voint de mes1we, et on les assistern selon leurs besoins,
22

'

-110-

autant que les biens dtt 111011aslèl'e pourront le pel'mettre. l e
cellériel' aura un soin très-particulier de s'informer de leurs nécessités, et de l'exposer att père abbé.
Bravo, mes frères! J'espère bien que les communislcs, les
fourriéristes, les proudhonnistes n'iront pas vous prendre vos
noix et vos racines, puisque vous donnez tout le reste aux pauvres.
!\lais voyez pourtant oi1 la science gastronomique peut aller
se nieller! Je veux être un historien fidèle, exact, complet; je
ne veux rien cacher; et je dirai que MM. les Trappistes, malgré leur simplicité si frugale, n'ont pas laissé de faire faire un
pas à l'art culinaire, de pousser au progrès de la bouclle, et
que le monde gourmand a retenti naguère d'un mets nouveau,
d'un mets vraiment extraordinaire qu'ils ont inventé. Comme
ceci est très-grave, je décline toute la responsabilité du récit;
je laisse parler l\J. Delméc, curé d'Haulchin, qui a fait comme
beaucoup d'autres un voyage à la Trappe de Westmalle, et qui
nous raconte en ces termes le premier repas qu'il y fit : (Histoire des Trappistes, Bruxelles, Vandcrborght, 1841 , p. 255):
« Je demandai à manger au réfertoire avec les religieux, cc
» que j'obtins. Je ne pourrais vous dire quelle était la couleur
» de ce que je mangeais. »
« ( Ici quelqu'un de l'assemblée devant laquelle 1\1. Delméc
» racontait cette histoire, l'interrompit; il lui fit observer que
» les Trappistes ne mangeant que des herbes, des racines et
» des légumes, il était facile de voir de quelle couleur était la
» nourriture. l\I. Delmée, questionné plusieurs fois, répondit
» toujours que les portions n'avaient aucune couleur). »
« Le premier jour, continua+il, que je mangeais au réfec)) Loire, à la troisième cuillerée de potage je fus arrêté tout
» court. Je vis dans ma cuiller un morceau de matière toute

-

17 l -

,, différente du resle de la soupe, et qui me parut fort dure. Je la
regardai lrès-atlenlivement, je la touchai, je vis que c'était.. .. »
Devinez, lecteur. Eh bien, c'était un copeau de sapin ! Ces
damnés gourmands de la Trap1)e ont inventé la soupe au sapi11!
l\Iais laissons notre digne narrateur continuer son récit.
« Après cette découverte, je m'arrêtai pour considérer les
» religieux; ils mangeaienl tous de fort bon appétil. »
« (Ici encore on arrêta 1\1. le curé d'Haulcllin : on lui dit
» que c'était sans doute l'épicerie dont on assaisonnait les mets
» de la Trappe : que s'il y avait pris garde, il aurait découvert
» que c'était un morceau de canelle). ,,
« Non, non, reprit M. Delmée d'un ton plus ferme, d'un air
» plus décidé: non certes, ce n'était pas de la canelle, c'était
» du vrai sapin; je le posai sur le bord de l'assiette, et je con» linuai mon diner avec assez d'appétit. J'avais pour voisin un
» de nos amis; il venait d'arriver à la Trappe. Sachant que j'ai» lais au réfectoire, il voulut faire comme moi; je lui montrai
» par signe ce morceau de sapin; il ne toucha presque pas à
» ses portions; dès qu'il fut sorti de table, il n'eut rien de plus
» pressé que de gagner la porte du monastère et de s'en re» tourner. Quant à moi, je· me hâtai au sortir de table d'aller
» trouver 1\1. l'abbé Coquelet, l'ami intime de Dom l\Iartin, abbé
» de ce monastère, qui était alors à la Trappe. Je lui racontai
» mon aventure au réfectoire el lui parlai aussi de ma couche
>> dure qui me brisait les os. 1\1. Coquelet, loin de me plaindre,
» se mit à me plaisanter; il me dit d'un ton charmant que lors» qu'on pensait à faire un voyage à la Trappe, et qu'on voulait
» y passer quelque temps, il fallait se munir de graisse et en
" ilOrter une bonne dose avec soi, alin de n'être pas pris au
» dépourvu chez les Trappistes qui ne donnaient d'autre assai• sonnemcnt à leurs mcls riue celui du bois de sapin. >>
»

-172-

ll faut que j'aille goùter de la soupe au sapin. J'engage aussi
i\l. i\Iorren, mon savant confrère , qui depuis dix ans s'occupe
d'inventer un nouveau lég~me pour remplacer la pomme de
terre, à diriger sérieusement son attention et ses expériences
sur la fameuse soupe au sapin.
Un mot encore, s'il plaît à mes lecteurs. En vérité, je ne puis
me résoudre à quitter cc brillant et parfumé réfectoire, ni cette
table fantaslique où les mets n'ont aucune couleur dans la
langue des hommes. C'est qu'en outre j'y trouYe à puiser plus
d'un enseignement fort utile. Je me fais surtout plaisir et devoir
de consigner ici quelques prescriptions importantes, essentielles, d'autant plus nécessaires à rappeler qu'elles sont à
l'adresse de tout le monde et tro1l souvent enfreintes par les
gens du siècle, quand ils sont à manger.
On 11e mangera ni trop vile ni trop lentement. On gardera
un juste milieu entre ces extrémités .... On sera extrémement
vropre, .... sans se 11encher sm· ce qu'on mange.... On n'aum
jamais les bras sur la table, vom· les y tenir quelque temps,
plus avant que le poignet ....
Parfait. i\Iais il y a bien mieux, cent fois mieux, mille fois
mieux. Attention, mes lecteurs! je convoque à haute voix tous
nos gourmands, nos viveurs, nos mangeurs mâles et surtout
les femelles, à la lecture du paragraphe qui suit; et je les
somme de médi_ter profondément ces admirables paroles adressées à qui se trouve à table :
On ne s'y lavera jamais la bouche.
Grâce à Dieu! on ne s'y lave pas la bouche; et de la sorte
nos décents Trappistes échappent à tout le dégoût de cellr
dégoûtante opération qui marque aujourd'hui la nn de nos banquets. Non, je ne sache rien de plus odieux, de plus ignoble,
que celle mode nouYrlle cl<' s(•rvi,• à chaque comire un bol d'eau

-173-

tiède, avec a oucoupe, pour nettoyer et purger toute la ma·hine mangeanle. Vo ez-moi cette jolie femme 'attaqu r au
IJol; cl ce n'e L point a ez de 'y laver les doigt ; il faut enore y puiser des gorrré s, faire jouer l'eau dan la bou hc
pui la rejeter, la cracher, la rnmir impure et en lessive ....
Pouah!. .... et tout cela par quinze ou vingt per onne à la
foi !. ... bruit général, clapotis, gargouilli , crach 'mcnl, vomi ement de tou au nez de tou ... c'est à en vomir tout de
bon. Qu'on s'étonne en uitc i plus d'un amant en a eu a ez
<le on amante à la voir se polluer ain i !
Il e l un en timen t inné de délicate e, de bon goù t et même
de pudeur, qui doit rcpou er dan l'ombre, à l'écart, dan le
ecret intérieur, tout , ces pauvres néce ité , toute ce mière de la nature humaine. ou nou ravalon à faire devant
le autre de cho e qui di enl: « L'homme c t un être . ale,
n déo-oûtant, fétide; a bouche garde des lamb aux de chair
» qui Jlourri ·cnt; on, et ., etc. »
J'approuve beaucoup tout
pèce de propr ·té; on ne peut
trop e laver, se nclloyer, ·e purger la bou he et le re -tc.
fai je vou en ·upplie, mes belles dame , allez vou rincer tout cela dan vo cabinets de toilette. Lais. ez le bol
impudent à l'orgie de la décadence romaine ou aux ripaill
de filles.
Et l'on a · ure pourtant que le progrè ne 'arrêtera pas H1.
L'u age de vomitoire n'e t qu'un premier prélude. Bientôt,
dit-on, nou v rrons no brillant laquais apparaitre au de· 'Crt
avec des vase nocturne t d •s chai es percée . Ce cra bien
commode.
Quant ü moi, homm, de ancien jours, fort p u entiché
de l'excè - model'lle n tou:; genr •· , mais grand parti au cl, !"article 1 nx du rr~lcmrnt de, Trnprist >. ro111· 1~ réfcctoir , je

- 174 -

l)l'O[IO 'C à tous l •· cœurs bien nés de graver sui· la porte de
toute le alles à manger !'in cription uivanle en «randis imc
caractère :

TABLE
0

1
1

E

LA EL
JAl\JAI .

BO CHE

Faut-il parler à pré ent d'une multitude de petites pratique
t1ui 'impo ent au Trappi te dan le moindre détail de on
exi tence? fonière d manger, boire,
chauffer,. e coucher,
entrer, sortir, marcher, e tenir, e rencontrer, saluer, laver
1• pied , travail! r, bala er, épous etcr, ouvrir le portes, le
fenêtre , lire, prier, bailler, cracher, mourir, rien ne manque
il la règle : l'homme phy ique et moral 'y trouve anal sé 1\an
chacune de se· fibre·. fais comme le dit en fort bon termes, à
la page 378, l'auteur de l'Hi toire des Tmpz1istes que nous
avon citée, rien n'c t plu· propre à tenir l'homme dans le
devoir, que cette exactitude délicate qui de cend ju qu'aux
oio le plu minutieux. C'est ce que di ent au si no· généraux d'armée, nos colonel et nos ero-en l -major . Il n'y a que
la manière dont no bra es moines doivent 'y prendre pour
défricher le bru ères de la Campine qui ne e trouve pa réglée par chapitre , articles et parao-raphe ; et c'est pourtant
l'une de troi cho es qu'il font le mieux à mon "ré. Devinez
les deux autre .
D plai ir s Ion le mond , il n' n ont aucun. On refu e
m·me lt la r <'I' alion son ,, •ritabl · nom; c la 'appelle coni ·rcn •.

-17ll -

011 se seruil'a de ce terme de conférence et nullement de celui
de rec1·éation, qui est un mot inconnu à nos pères aus i bien que
la chose qu'il signifie ....
Et voulez-vou · savoir tout l'agrément qu'on y trouve? C'c t
de se réunir le dimanche ou quelque autre jour de fête ous la
présidence du supérieur; de e lever et de se découvrir sur son
ordre; pui de se ra eoir et de e couvrir m· sou ordre encore; pui de prendre la parole, toujours sur le même ordre;
puis de rapporter en peu de mot et avec simplicité ce qu'on a
remarqué de plu édifiant et de plu · portant à Dieu, soit dan ·
ses lecture particulières, soit dan celle qui e font en public; pui eu fin de se lever de rechef et de e découvrir, de
s'incliner devant le upérieur, de se ra eoir et de e couvrir
définitivement en silence. Et ainsi de suite les uns après les
autre , an jamai s'interrompre, san e parler même à
l'oreille , . an élever la voix, an action , ans ge te, san ·
s'interpeller ni jamais parler deux à la foi ..... Ah, grand Dieu
du ciel et de la terre, que ne peux-tu donner un seul brin de
cette règle à l'a semblée nationale de Frauce et autre lieux!
On le voit; la récréation n'est pa infiniment récréative; ce
qui n'empêche pas ladite règle d'ajouter ces mots :
On s'étudiera d'y (aire paraîl1'e un visage gai, qui soit
comme la mai·que de la paix du cœur et de cette tra11quillité
d'âme que goûtent ceux qui sont contents de leur état.
Voilà qui part d'une profonde connaissance de l'homme.
Combien de gen e lai ent :iller il l'ennui, au <légoùt, au
chaarin, par lâcheté, pares e ou défaut de volonté! Eh, qui
ne sait par expérience qu'il e t une foule de cas dans la vie, ot1
le moindre effort, même pby igue, que l'on fait pour dérider
sa face ou des errer se dent , entraîne une Yéritable réaction
morale et réu sil à ramener la gaieté, le calme?

-

liO-

J'o c à peine dire c qui uit. Je crain d livr •1· la Trappe
aux d · nt de farouche journali te .
Mon Dieu, oui, le journaux ont exclus de la conférence.
Hèn-lc audacieuse! Peut-on braver à cc point le· journaux qui
tu nt tout, el qui pourraient bien se prendre à tuer le Trappi t •
à on tour? Vou avez beau dire; rien n'échappe à la goutte
d'eau qui, chaque jour, chaque matin, tombe régulièrement à
même place. Le trône fût-il de roc, la ociété de fer el la Trapp
de bronze, la goutte d'eau permanente, l'iné itable goutt d'eau
le creuse, le mine et le di loque à la fin, urlout au pay
de têtes chaude . 1ou v rron dan vingt an . . . . Pauvr,
monde! Pauvre Trappi te ! je tremble.
On /Ja1111ira ab olument les entretiens de gazettes.
Et cela ne umt point encore. Le moine est mort aux homme ; il e t mort aux choses, au siècle et aux gazelles; il n'e t
lllu · dan le temps; rien n'existe pour lui que l'avenir du ci 1
t le froid pas é de la terre. fai gare que la conférence ne
vienne xpo er son âme au oleil brùlant d on époque.
On n'y rapportera point <l'histoires et on n'y variera point de
cho es arrivées depuis quarante an .
C'e ·t I ublime du genre. Il jouerait de rualh ur le Trappi t
dont la tête 'échaufl'erait à ce régime.
n conçoit que la mort n ait rien de bien terrible au milieu
d'un pareil détachement. ous vivons pour mourir, mo1-it11ri
te salutant, pourraient dire au i ce pai iblc athlète . EL cependant pour eux rien de cc qui peut adoucir le moment suvrême. ne foi qu'ils sont malades, entré et renfermé dans
l'infit•merie, ver onne, pa même le plu proches par nt ne
p uvent le approcher. Dan l'état d anté ils ont creusé leur
fo se; L aujourd'hui qu'il meurent, il doivent as.i ter au
·pr ta le de leur mort. Règl terri hl !

-

li7 -

t'infinnier préparera de hi cendre et de la paille pour y mettre le malade, lorsqu''i/ sera 11rêt d'expirer.
Je ne puis mieux terminer cette monographie des Trappi le ',
qu'en rapportant la relation d'une vi ite que fit à la Trappe de
We tmalle, il y a peu d'années, un de me excellents amis.
Yoici comment M. Eucf:~E D. 1\1. nous raconte son agréable
YOyage.
((-On a beaucoup parlé, écrit et discuté, pendant ces derniers
temp , sur le meilleur moyens à employer pour fertiliser le:;
terre · inculles que po ède encore la Belgique. li n' t guè1·e
- de sénateur, de représentant, de journali te ou d'agronome
qui, en celle matière, n'ait jugé à propos d'émettre un avis
plu ou moins conyaincanl.
« A part la loi qui a eu tant de peine à sortir des m, in de
no lén-i lateur , un des principaux résultats de toutes ces
di eu ions, a été d'allirer l'attention ur deux contrée bien
intére 'antes et bien peu connue de notre pays : le Luxembourg et la Campine.
« Combien de Belges, en effet, connaissent ce bruyères
et ce lande arides qui couvrent encore une notable portion
du ol de notre patrie? Combien sa ·ent qu'au mi lieu des ables
de la Campine, une communauté d'homme alliant aux plus
mdes au térité de la vie monastiqu les plu pénibles travaux
de l'agriculture, a fécondé, et féconde chaque jour davantage
par sa laborieuse persévérance le plaines stériles qui l'entourent?
« C'e L au couvent des Trappi tes ùe Westmalle qu' l'on
peut être témoin de ce phénomène.
« J'arnis dé iré plu ieurs foi d'examiner par moi-mème
celle réunion de la vie contemplative des siècles passés a\' c la
Yie toute industrielle du nôtr , mais toujours l'occasion ou
mes occupation m'en a\'aicnt. empêché.

-

178 -

(( Enfin, il y a de ela quelques années, je me décidai, pat·
une belle matinée du mois d'août, à mettre mon projet à
exécution et à fuir la capitale, oil le olcil de la canicule avait
transformé l'air en une véritable fournaise.
« lais voyager seul e t cho 'e in ipide. Je fai. donc part de
ma ré olution à un de me ami , qui lui-même la communique
à un autre; plusieurs dames se mettent au i de la partie, si
bien , qu'au moment du départ, nous nous trouvon une
ociété complète dans la salle d'attente du chemin de fer, où
e t le lieu du rendez-vous.
« A peine installés dans un e bonno diligence, le signal est
donné, le convoi. se met en moUYement. emblable à un vieux
cheval pou sif, la locomotive emble d'abord vouloir se refu er à
J'cffor'l immense que l'on exige d'elle ; des gémissement
paraissent 'échapper· de a poitrine; peu à peu cependant ,
les a piralion de son ha leine se multiplient, pui cessent tont
à coup, et la voi là lancée arec la rapidité d'un torrent ur la
route veloutée qui 'ouvre devant elle. Arbres, mai ons,
campagne , tout a heau 'évanouir deYant le voyageur avec la
promptitude de l'éclair, il voudrait encore stimuler cette
pui ance nouvelle qui l'entraine; il voudrait, au itôt parti,
avoir atteint déjà le but. ne demi-heure s'e ·t pourtant
à peine écoulée que i:lfalioes nous montre avec fierté a tour de
1-Rombaut; Malines, qui, "lie au si, n'a pu échapper à la
penle du siècle, et dont les clochers, le dôme et les vieilles
maisons à pignons s'effacent aujourd'hui derrière le palais de
l'indu trie. Bientôt, à l'horizon, apparaît une masse gigant sque. Enveloppée d'abord dans les brouillards, ses formes
e <lessinenl peu à peu, et la cathédrale d'Anvers nous montre
,nfin son élégante Oèche, dont le ommet se perd dans les nue .
« C" t i i que se tcrmin
notre YOyage féérique , et que

-

179-

nous dcrnns nou ré igner à écbangcr le doux balanccmcnl de
notre berline cont,·e les cahot d'une diligence de Campine .
. ous disons donc adieu i1 regret à la noire machine qui
nou a fait dévorer , en une heure , le huit lieues c1ui
séparent les tour de Saintc-Gudulc de celle de otreDame , et nous cheminons modestement parmi la cité du
commerce et des beaux-arts. fais cc n'est pa la première
visite que nou lui fai ons; l'ac:ivité et le mouvement de on
port nous ont déjà charmé plus d'une fois. ous avon admiré
plus d'une fois l'architecture simple et majestueu e de l'église
Notre -Dame, que dépare un malencontreux maître autel, et
Saint Jacques si coquettement orné de on remarquable jubé,
de se statues, de ses culptures Cil bois. ous cannai on le
merveilles de la Desccme de Croix, et tous le chefs d'œu\'l'C
du pinceau de Rubens et de Van Dyck, que renferme le Mu ér.
Nous nous bâton de gagner la voiture qui doit nous conduire
au but de notre cour e.
« otre Yoyagc va prendre maintenant un nouYel a pect.
Ju qu'à présent nous avons voyagé ail centre du pays, dans le
fo er de sa plus lmlle ci ilisatîon; l'industrie et le commerce
se sont olfcrts ~1- nou dans leur plus grand développement;
l'agriculture nou a montré e plus riches produit ,, les
beaux-arts leurs plus admirable monum nts. laintenant
l'indu ·trie va di paraître corn piétement, l'agriculture s'appauvrir à chaque pa que nous ferons, et les beaux-arts
participer à cette décadence.
« Borgerhout, Deurne, W neghem, ont. encore de véritables villages llamands, villages qui, partout ailleurs, rourraient passer pour de villes, avrc leur nombreuse popul:llion ,
leurs longues rangée d maison con!iguë., et lrur cla se
moyenne si ronfortnhlrment cas11c dan . de jolirs llahilntions

- - 180 -

1Jrilla111e tic Jll'OIH'eté; mai peu à peu vous vo · 'z tli ·1>araîlrc
la fertilité du ·ol, cl avec elle la riche.·' de habitant . Jci
l'ob er1·at ur peut as Uer à cette «uerrc bienfaisante que
l'llomm a li\'l'ée au dé ert' il peut voir le travail conquérant
chaque jour de nomellcs t rre , et la grande route, son plu
pui ant auxiliaire, bordée d'un rubai1 de moi ·ons dorées
qu'elle a ub liluées à 1:1. bruyère qui y croi sait jadis. Parfois
un bois de apin vient rompre l'uniformité d'un t)aysage où le
regard se perd dan de va te · Il laine d'un ·able lJlanc.
« Le ·apin est la riches c de ces contrées peu favori éc de
la nature. emé très épais, ·e premier élagages ont conrerli.
en fagot ; se j une piani - , que l'on abat pour éclaircir le
!Jois, ont v 'ndu comme percbe ; nlin le gro arbre · ont
réser\'é. pou1· le boi de con truction.
« 'c t aprè aroir fait enYiron quatre lieue dan· ce pays,
nouveau . pour nous llabilant · de la capitale, que nou • décourron · ·ut· notre gauche, peu a\'ant le village de We lmall 1111
bùlimcnt am: mur de briques, aux toit ùe tuile.· , sembla hl'
il une ferme, et qui en est cffccliv ment une, mai· qui y
joint aus i une de tinalion un p u plus rrrave, car 'est un
C'OU\ Ill de p r '<l la Trappe.
« Cinq à ix cents pas eul ment te sétlarcnt de la route, cl
cc court '. pac • uffit pour appr •ci •r J, hut de celle corporation
el le · bi •nfaits qu'elle répand autour cl' Il•. u mili u du
désert que ,·ous ::t\'Cz p~u·couru, une verte prairie vient tout
n coup r pos r vos ye ux. Cc conslra te ,·ou saisit d'abord,
L rous comprenez c que les habilanl rou · apprennent d •s
imm nsc Lra\'aux qu'a nécc.silé
t OU\'1'~1gc, de nombreux
cngrai. cl amcud ment qu'a dérorés c . o! a\'anL de proclui1· •
f'l' qu'on 1•xig_(•ai l 11' lui.
n 11:1rlicu!ic1· s'y ftit ruiné; il fallail
!a p't'sli1anc • ronlinue et dé,;i1111•rl's~fr d'ttnr corporation 1)0111'

-

181-

olltcnir un pareil ré ·ultal. Près de là, de ou Hier· sont
occupés à préparer <les tas d'engrais mélangés avec de la
chaux, cette ubstance si précieuse mais si rare dans cc
contrée , tandi que çà et là dans la campagne, un moine d
la Trappe, piochant la terre revêtu de a longue robe blanche,
!H'Oduit un effet des plu pittoresque .
« Cependant nou voici dans uue courte avenue de hêtre ,
et bientôt paraît devant nou la porte du couvent surmontée
d'une petite croix de bois. 1ous sonnons; aus itôt vient s'encadrer dans un judas la figure respectable du port.ier, dont
la longue barbe grisonnante tombe jusque sur la poitrine.
l i e l1âte d'ou rir, et e jcLte pieusement à o-enoux. Celle
manière de recevoir les étranger ne paraît pas pre crite par
le tatuls de TrapJ)i te , mai elle était pratiquée par le
portier, digne homme , réputé aint. dans les environ . Il
·emblait, après toute ce formalités, que nous du sions
enfin être introduit , mai une petite circonstance que je
mentionne pour la gouverne de futurs visiteurs de la Trarpe,
nou retint quelriue in tants hor de l'e~ceinte sacrée. Le
sexe est curieux, dit-ou ; je n'entreprendrai point ici une
discu sion sut· un ujet aussi délicat et aus i controversé; j
dirai seulement que nos aimables compagnes de ,·oyage,
ignorant l'exclu ion qu'ont prononcée contre le fil le drs
hommes les rigoureu e loi de l'ordr·e des Trappi tes, Yonlaient à tout prix forcer la fatale con igne. Je m'abstiendrai
encore de rechercher le motifs ù'nne ùispo ilion qui interdit
l'entrée de l'asile du silence it un exe qui a l'amabilité en
partage, mai on 11ou · amrme que trois jours d'excomnrn11ication frnppcraienl le co:1,·enl qui :111rait laissé transgresser
rett • loi. o. dames, à ces mots , 1,c rési gnèr nt; on les
intrnduisil dans un<' d<'s rr llult\ ext él'ie111·rs , sans flout e

-

182 -

rés rr ·es en parlie à c L usag ,
nou pûme commc11 •r
notre vi il , rruidé par un frère ho pilali r, auquel s
fonctions permettent l'u a«c de la parole.
l< Ri n ·daus l'aspect de l'abba ·e ne dénote a évère de tination.
notre 1>as"age, plusieurs enfant jouaient dans la
cou,·; c ont de enfant auxqu l le Trap1)i tes donnent
l'in truction cl appr nnent un métier; il ont Jorrés dan
l'établi ernent même. Dans la J}l'emiè1·c salle qui 'offrit :t
no r «ards, des étranrrers a is autour d'une table prenaienL
un fru«al repas; tout pas ant peut Yenir ain i réclamer une
ho pitalité qu'on 'cmpre e de lui accorder. n e calier nous
condui'it aux appartements up •rieur où nou vi itàm ·
d'aùord l'imprimerie récemment 'tablie, et dont le produit.
sont remarquables par leur luxe ty1>ographique. Les livres
de piété ·ont, 011 le pense bien, le seul qu'on y imprime.
Le réfectoire présentait encore quelques tl'ace du dîner qui
\'Cnait de . c terminer; deux bancs en bois régnaient autour
de deux tabl longue , et à la place de chaque convive •
trouvait une pelite;,lanchc sur laquelle était raré on nom, u11
petit va e de terre, et un morceau de linge fai ant vraisemblablement fonction de er\'iette. La place de l'abbé était
au mili u d'une table placée en fer à heval à la uite des
autre , el d'où il pouvait tout obscrv r. Le Trappiste clin •nt
à onze heur ; il ne fai aient aut.rcfoi qu ce eul repa.' ,
au si la plupart <les décès avaient-ils lieu par uite d'indi~e lions. Le Pape, juste appréciateur des pri, ation qu'il
n'est [)a donné t1 la nature humaine d'excéder, a pro crit,
en ·1 ,•anl le couvent de , e tmallc au rang d'abba e, que se ·
r •li<ri ux prendrai nt dé ormaL un cc nd r pas le soir. C ' ll r
. aae di po ilion parnlt a\'oir e~crcé un inllucn ' Ir -farnrnblc
sur la . anté des Trappistes dont la vie arti\' . limule à. t .1 point
1

-182-

l'ap1)élil , qu'a11n de modérer leur avidité, l'abbé • l encore
obligé d'agilcr parfois a onneLte pendant le dîner. Dans la
salle du cbapilre et dan les corridor , plusieur religieux
éLaicnL en prière; complètement ab orbés dan cc pieux devoir,
1 ur immobilité le fai ait re embler à de tatues que l'on se
serait plu à habiJler; d'autres e promenaient &à cl là ·ans
c1ue notre présence eût l'air de les inquiéter le moins du monde.
« En général, je fus frappé de l'air de calme et de tranquillité
que je rencontrais sur tous les vi ages. Les hommes qui habitent cc couvent ont cependant, pour la plupart, vécu dan le
monde, ont participé à se' vice , à se passion ; comment
ont-il pu recouvrer le rcpo qui emble aujourd'hui leur partage? E t-ce le dégoût, e t-ce la religion qui a produit ce résultat 1 Probablement c deux causes réunie . li n'est pas
donné à l'homme de pouvoir se livrer longtemps à ses passion ;
un vide finit par e faire enlir chez lui quand ces mêmes pas·ions ne suffi ent plus i1 alimenter son âme; la religion s'offre
alor à lui comme un port oü il se bâte de se réfugier. D'autres
nommes ont conduit là par le seul pouvoir de la religion;
pour eux le monde n'a jamais eu d'attrait ; ils y ont vécu, y ont
rempli leur devoirs, mai · la religion les appelait depuis longtemps à elle, et il ont aisi la première occa ion qui leur a
permi d'écouter sa voix. De ce nombre était le fr'>rc bo pitalicr
qui nou · fit voir le couvent. li avait été uni pendant de longue
année à une femme qui Je rendait heureux; mai laper ·pcclive
d'une pieu c retraite avait pri ur lui un empire irré i tiblc. li
avait fait part à a femme de a détermination de fuir le monde s'il
venait à la perdre, et cet événement 'étant réali é, il avait mi ·
on projet b. exécution. Il lai ait un vieux père plu qu'octogénairc
auquel il ne t'e tait d'autre relations avec son fil qu'une corrc. pond:rnce p u active, la cule qui soit antori, ée à la Trappe.

~

184 -

Qu ,11e qu'ait été la c:1u e première ù I ur ré olution, 1
membre ùc c ll ommunaulé e recrutent prin ipalemenl
parmi de' homme doué · d'une rnlonté énerrriqu . Connai anl
le rirroureu e lois de -l'ordre, il 'y ont oumi volontair ment; car la v1·aic religion et le vrai repentir trouvent-il
jamai trop lourd les acrifice qu'on I ur impo e? li cherchent plutôt 11 le aggra\'er, et le Trappi te n'accueillirent
qu'arec peine I oulagernent que le Pape apporta à la sé\'éril' d leur r :,Yime. Dan un si cl spéculateur et indu tri •I
conun 1~ nôtr', il n'e t donné qu'aux ùme ardentes de •
. ou traire t1 la sphère qui les nvironne pour aller cmbra cr
le jou"' mona tique; plu e jou"' c t pe ant, plu il fait d
prosêlylc . insi l'abbaye de We tmalle comptait, quand je la
ri ilai, cinqu:i.nte-qnalre religieux, •t deux couvent du mème
ordr cxi laient, l'un dans la Flandr , l'autre dan la CampiM,
tandi que 1, ahba e' d'Everbode et de Ton,,.erloo, aux règles
moin au t res des Prémontré , étaient 1wesquc déserte .
« Le dortoir consi te en une série de l Lite cellules de lon«ueur d'homme et d'une larg ur de trois à quatre pieds, cncaùréc · de plan ch s, et c fermant par devant à l'aide d'un morceau d gl'ossc toile grh~ qui li nt lieu de rideau; l'intérieur
n'e t garni que d'une mince paillas e et d'une cou,, rtur d
laine.
« D:i.n I é"li e, dont le proportion ont as cz va Le , on voit
ur le maître autel un tableau de Pa •liuck, repr :, entant l':i.doration de · bergers; cc tableau c t d' un bel O'et. Un magnifique
mi 1, orli d s pre ses du couv nt, c trouvait à la place réservée d:i.n l chœur it l'abbé, et prè de là était a cro e artist ment culpLée.
" Le Trnppi tes ont fréquemm nt app lé à l'église pour
l'accompli-- Pmcn t d • 1 ur llevoirs. LPnr vi c p:wtage ntrr

-

1115 -

la prière, le ·ilen c el le lravail. Il desscrYenl au si le cur s
\'acante da.ns les cnri1•on ; c'e t pour eux un moment de r lâche à c ttc terrible loi du ilencc, an cloute une de plu
pénibl que pui se 'impo er l'homme; car pins d'une foi 1
r ligieux dé igné pour aller célébrer la m' e hor du momlst re up1llie quelque villag oi de l'accompagner afin d'avoir
l'occa ion de parler avec lui pendant la route.
« uprè de l'égli c e l le cimetière; plusieurs rangée de
croix de boi indiquent où se trouvent le tombes de religieux
qui ont quitt I celte vie. Une fo e e t toujour ouverte, prêt
à reccroir celui qu la mort viendra frapper le premier. En
entrant dan cet a ile, notre conducteur nou dit : u oi i
notre champ de repo . » En s'exprimant ain i, il voulait parler
an dont de l'ab ence de toute fatigue corporelle, car le repos de l'àme il devaient l'avoir acquis sui· celte lerr par leur.
pénible sacrifice . Un petit jardin d'agrément touche au cimetière; de dahlias y étalaient I ur fleur aux brillantes couleur ;
mais au milieu des jouis ancc que peut trouver en cet ndroit
le promen ur, on rcrrard, en se portant hors d l'enceinte, 1,
ramène an cc e à de idée plu grave ; la pcn ée d la mort
ne doit- lie pa être toujours pré ente à l'e prit du Trappi te?
« Il nou restait à i iler le quartier de étranger , ot1 l'on
accorde !'ho pilalilé pendant plu ieurs jour à ceux qui viennent la ré lamer. li y trou ent une bonne chambre avec un
lit, et lout œ qui peul leur être nécc saire. Un appartement
compo é d'un salon et d'une lrnmbre à coucher, c t ré er\'é
pour le cardinal-archevêque de l\lalinc , et meublé pr que
avec luxe au milieu de l'au térité qui règn partout aill ur .
« otre \"Î ile e termina par la bil liotbèque, rn te sali·
dont le · rayons n'étaient encore q1te m 1diocremcnt garnis. 011
nou . montra rependant un superh mis. cl manuscrit, dign
Q

2/4

.
-

186 -

cle l'attention des amaleurs. n portrait de l'abbé actuel, le
premier qui ait porté cc titre, e trouvait au fond d la bibliothèque.
« En pa ant dan· la ba · ·e-cour, nous eûme la curiosité
d'examiner le étable , objet important dan un établis ement
agricole. L'étable de vache tait t nue avec c ttc propreté
que l'on rencontre généralement dan le pay Oamand; ce ont
le Trappi t eux-même qui 'occu1) nt de Lou le travaux
qui y ont rapport. Dan une econde écurie ont le chevaux
qui erv nt aux ouvrage de la campagne; des dome tique
ont là pour le oi,.,.ner et l conduire; il tran portent à An" r le produit de boi , et en ramènent le engrai que J
cou enta oin de e procurer.
« otre vi ile étant terminée, nou nou bâtâme de rejoindre no dame qui nou atlendai nt avec la plu grande
impatience, car le Lemp leur arnit paru Ion,.,. dan la cellule
Olt elle
trouvait r léguée ; plus d'une foi même, l'envie
leur était venue de franchir la redoutable cnc iute. Elle fur •nt beul'Cl1 ement dédommagée de leur long confinement par
l'arrivée du fr 1·e ho pitalier qui nou accompagnait. li leur
fournit de petite croix bénie auxquelle ont attachée des indulgen , t répondit obligeamment aux que Lion qui lui
furent fait , en racontant le motrn qui l'a aient conduit à la
Trappe.
« notre r tour, nou eûme- nou -même à rendre complc
de ce que nou · avion vu et éprouvé à l'abbay de We tmallc,
et c'c l cc que je vicn de tenter de fair pour le 1 leurs qui
rai nt curi ux d'aller la vi iter ».

- 187 -

15.
JJ01111eur à vous attssi, qui, rapprochés <les cie11.v
Su,· le so1m11els glacés que l'aqttilon assiéye,
A l'horrible avalanclie, à l'om·agan de t1eigo,
Dispute::. tou, les juurs le pâle voya9eu1·!

Qui ne connait le célèbre ho pice fondé par saint Bernard de
Menthon, en 982, ur l'un des ommet le plu élevé de
lpe pennine , 1 Grand- aint-B rnard? Qui ne ait que c'e t
le plus baut point ha bilé de l'Europe? Qui enfin n'a ntendu
parler de religieux de l'ordre de aint-Augu tin, le quel de servent l'hospice, cberchent et recueillent le malheureux
voyageur urpri par le froid, égaré ou en eveli dan le
neiges, et pour mieux 1·emplir cette belle et digne mi ion
d'humanité, e font accompagner dans leurs recherche au milieu des montagne par de chiens de haute taille t d'une
admirable inl lligence qu'il. dres ent 11
·ervice?

u.
l/011neur à vu11s e11fin, messagers d,i Seiy,umr,
Dema11<la11t lo 111arl)'re à la playe étrangère,
El pa,· la cruix du Cln·isl ayramlis ant la terre !

L'hi toire de mi ion rcligieu e 1)1'ouve, en effet, ombien la ci ili ation générale du monde doit à c I bomm · d ·
foi et d'enthou ·ia m , à cc ardent apôtre · de l'Évangil , qui
alfrontent mille foi la mort pour port r la lumi r aux p uIllade · barbare . u i ju lice lem· e t- Il rendue de tout s
11arl ; t nagu r encorr nn é ri vain a. ez mal disp sé du
I

-188-

re ·te, appartenant m1mc, cmble-L-il, ü une ·cclc dissid nl ·,
s'exprimait n ce' terme ur 11 omptc de quelques ancien ·
mi · ionnaire. catholique :
- « L'E pagne envoya au Mexique beau oup de crâne ton uré · dont la incérité n'e t pa quivoque.
« Dan toute l'étendue du pays, il n'y cul pas une tribu indi nn que ne vi ita s nt le moine et le frèr • · prêcheurs.
iUoin d'un ·i le après la conqu ;te dLt Mexique par le Espagnol , e religieux entbou iastc avai nt pénétré ju qu'au
fond d' r gion inho pitalièrc du ouv •au- lexique, à plus
de dix-neuf enl milles de la vallée d' nahuac. Comm ut
réu. ir nt-il' à urmonter l ob ta le tiue la nature oppo '
à la trav r ée de c dé cri ? Comment échapp rent-ils aux
péril qui menaçaient cha un de I ur pas, à la cruauté de ·
peuplade · indig'nes dont il ignorai nt la langue? Ce ont lit
des qu lions prc que in olublc encore aujourd'hui pour 1 s
rnyag ur qui o nt s'aventurer dan e imm n e olitudes.
«Quoi qu'il n oit, on ne aurait refu. r on admiration au
courag de aints pionnier de la 'i\'ili ation, qui abandonnèrent alor la vie paisible de mona ·t r pour se d ·vou r il
le fali!"U . Cl ~l d tlan g r qu les plu simple in! •lligen CS
devaient infaillibl ment pre scutir ........
« Dan · la aliforni le bosc e pas. 11 rent b au oup mi ux:
moin fon l r nt d'abord des établi em nt mocl te •t an.
grand apparence, form ,rent le Indiens à l'agricultur , t
acquir nt I.Jic11tôL ur eux a: cz d'inlluence pour leur faire acccp t r la cloucclll' de leur domination; il 'difièrenl pour leur.
mi i II dr. bâtim ni ommode cl bi n fortifié , abondamm nt pourrns d'arme·, bien approvi ionn · , et dé~•ndus par
1111 rrarni n a s •z nornhr u
pour défi r tout' aUaqu , L s
pn, te. rtai nt toujour. . oi~ncus ment cnlourrs <Ir .iarclin:-.
1

-

18!) -

ma nifiq ues cl de vignes pro père. ; le plaine vo1sme étalaient
au loin l'or de leurs mois on , tandi que I bétail dome tique
installé dan le plu riche pâturage , gro i ait ince amment en nombre et multipliait au centuple.
« Rien de plu beau que l'a pect extérieur de ce mis:ions,
pour Je voyarr ur qui vient de traver er I arides dé ert du
Nord-Ouest. Les mur du couvent, urmonté · de la croix,
symbole de paix, et du beffroi qui appelle le chrétiens à la
prière, e cacltent ou des ma ses de feui\larre ,·erùoyanl.
Le figuier , le bananiers, les ceri ier , le pommier , les
platanes aux large fcuill s, le bo quels d'oliviers offrent aux
bon père de ombrage ou. 1 quels il aiment à fuir la chaleur du jour. Le jardin , cullh-és de leur propre· mains,
aue ·Lent leur cien e horticulturalc; les vignes épanchent leurs
riche produit pour le pa cr de leur fatigues et le con oler
de leur exil . On voit errer au loin, dan - l plaines, d' 'norme
troupeaux de bétail à demi auvagc, des bnn<lc ' d ch \'aux et
de mulets dont il nrrivc ou vent que pas un sui· mi lie, depui.
a nai an e ju qu'à a mort, n'ait nLi le poids d'une selle ... »
-(Fréd. G. Ruxton, Li{e in the Far-TVe t).
Celte d ription riante nou offre le ré. u!Lat mai Il
lfacerail un peu l'idée de n rifice surhumains qu'il a fallu
faire pour y parvenir, si le nom d'une mu!tiLude de local il· · n •
re, taient pour en perpétuer la mémoire : la rivière des ~Iartyr ,
la rivière des A mes, la vallée cltt Sang, etc.
Je crains de multiplie,· le citatio11 outre me ure; mai il~aurait encore à rapporter i i quelque fragment de l'histoire
de ce jeun mi ionDaire ' du Japon ou de la Chin , enfants
1> r,lu du Chri liani m , c1ui, apr\ avoir étudié deux ou troi:,.
an Je Jan uc indigène · (da11 · un courent cl· l\facao, j' Jl •n ·c),
montent sur un bâtim nt \'Ont s . fair débarquer sur qu 1 11u'
I

- 100COle déserte, et sans voir les terribles supplices dont ils ont

menacé , pénètrent dans le pays, seul , san appui, san
guide, n'ayant que leur foi dan l'âme et le signe de la rédemption à la main.
15.
Quand mp11 g1iide, an·êtant le cours de ma pe11sée :

" Yoyez, me cria-t-il, ici fut la percée
• Par où,, vers l'an dit Christ mil sept c611t qtiatre-t,i11gt,
• De l'1m et l'a1,tre sexe u11e foule survint. n

li faut entendre de la bouche même des Carmes le récit de

cette irruplion de la multitude au Désert par suite de l'écroulement d'un mur : grand et mémorable événement, l'un de plu
ai i ants qui parai sent avoir frappé le· paisibles cénobite ,
et qui va élever le langage de leur chroniqueur à toute la hauteur de la plus dramatique éloquence. Ecoutons. ou allon
voir comme les bons père e mettent d'abord à prote tel', :1
fulminer contre la foule indi crète qui veut forcer l'entrée, et
puis, cette prudente et orthodoxe protestation faite, comme iL
se radouci ent au itôt et finis ·ent même par trouve1· fort
agréable le spectacle de cette ubite colonie, animée, variée,
urtout hi exuclle, qui peuple leur solilude. Au i l'utriusque
sexiis e t-il deux fois répété par le naïf narrateur, surpris el
ra i de la nouveauté i gracieuse de oie du père Philipp .
« - En l'année 1750, au moi de eptcmbrc, les cataractes
du ciel 'ouvrirent tout-à-coup; et le volume des eaux qui arrivent au Dé ert gro sil à un tel point, que, ne pou ant pénétrer en entier par le passage ordinaire de ainlc-Calherinc,
elle altaquèrent et emportèrent le mur. On ne auraiL imaginer avec quell impétuo it ·, quelle fur ul', lies fir nt alors

-

101-

irruplion dan l'enceinte, porlanl leurs ravao-cs de toutes pat'ls,
déracinant le arbre , enlevant les haies, roulant pêle-mêle
d'énormes bloc de rochers, inondant à dix pied de hauteur
la source de Saint-Bernard, en un mot, lai · ant partout, au
Dé·ert comme au voisinage, des trace, de malheur et de dé.5olation. Mai ce fut surtout le pauvre L Renson qui souffrit
cruellement dans e cher étang ; il y en eut deux de
détruit . Pour ce qui nou concerne, nous tenon · à miracle
que la porte inférieure et le mur qui s'y trouve eu' sent pu
rester debout.
« Ce ful durant la nuit que la catastrophe arriva. Dè le poinL
du jour, averti par les dome tiques, le Prieur courut éploré
m· le lieu du dé a Ire, à la brêche du mur. 0 douleur! il voit,
sur une étendue de près de deux cent pieds, l'entrée au Désert
ouverte à tom venant. tupéfait il s'arrête et ne ait que faire.
Enfin il e résout à faire clore immédiatement la trouée au
moyen de piquets et d'épine pour empêcher du moin l'accè
aux séculier . ain efforts! inutile défen e ! La nouvelle de la
chüte du mur e répand partout avec la rapidité de l'éclair. On
accourt. Les deux sexes s'empre ent (ulriusque sexû.s). Epine·
et piquet , tout e t arraché. On e moque du Prieur, on se
moque de Carmes ; le Dé crt e t pris, envahi, couru d'un bout
à l'autre. De minute en minute la curiosité s'accroît; la multitude s'accroit; il faut bien e ré igner; et la porte principale
'ouvre à tout le monde. Incroyable, étonnante, la foule <les
deux exes (utriusque sexlis) qui vint nou visiter du matin
jusqu'au oir. C'étaiL une proce . ion continue et errée; el
comme il apportaient pre que tou des provisions de bouche
en solide et en liquide, rien n'était agréable comme de voir
Lou ces groupe , as is çà et là dan les sites le plus riant
du Désert, man~er, boire t prendre joyeux éhal .. Personne

-192-

de la il!e de anHtr qui n'arrivât un ou deux fois dans la
journée aYcc quantité d'étrangers.
« Cependant le ré\' ·rend père Prieur avait réuni force ouvriers
pour réparer le mur. Le mur e releya, le Dé ert se rcfel'ma,
cl nou renll'âmes dans notre ancienn quiétude.
« Tout cela ne nous a pas empêché de vaquer le même jour
aux omce du chœur. JI faut dire au i que le frère quêteur,
po té à la grande porte ne lit pa une collecte médiocrement
mince. De plus, en co11 idération de :cet accident, nou avon.
fini par obtenir, après vive et nombreuse ollici tation , une
somme dedeux cents llorins de le ieur de la cour de finances
à Bl'uxelle . - »
« Die ... septembris mmi 17o0 catamclœ cœli aperli s1mt el
tanta fuit aquarnm copfrt ut lotaliter in Desertmn fluere 11011
valens ver aclilum ordinariwn Sanctœ Catherinœ, eruperit murus noster in hac 1Htrle; dil'ulo igit11r muro, ùwredibile est quo
impet1i et {11rore ciqua fl11xerit et quot damna 110bis et ali'is inlulerit: arbo,·es eradicavit, epes everlit, i11ge11tia saxa ex11ortavit, fontem 5,; Bemardi immersil ad 10 pedes allitt1di11is, et,
ut verbo compleam, 11bique doloris et moesliliœ vestigia reliquil
se<l prese1:tim in stagnis <lomini Rinsom, quorwn duo 11e11it11s
eversa fuenmt. Pro specie cujusdam mirac11li habi1imus quoll
vorta 110s/m i11ferior et mtll'us ejus incolumes steteri11t. llœc
onmia lempore noctis eve11erunt; igitur summo mane a domeslicis admonitus prior, acl muri labefaclionem lacrymaln111d11s
cucul'l'il. Proh Dolor ! aditus in Desertwn per spatimn fere 200
peclum omnibus patebat. Jlœret 11rio1· stupefaclus el qu.ilt fi,eri
OJIUS nescit. Tandem resolvit et jubel statim ut adilt1s circwnducatw· perticis et spinis ne quis sœculariwn intus Deserti intraret; secl incassmn, 11am 11biq11e fraclœ clausurœ rumore
spm·so, venenml multi 11/riusque l'XUS auulsisque pertiris l'i

- 103 -

pi11is, invilo B. P. priore, invilis omnibus, co11ve11twn et omnia
loca Deserli lu ll'anmt; de die in diem crescente curiosilale,
crescenle populo, porta zirincipalis omnibus JJaluil et tune i11credibile est quotquot gentes ut1'itt que sexus venerint ad nos; a
summo mane ad vespermn eral continuata et presse, JJroces io;
et cwn omnes fere haberent apud se commestibile et potabile,
jucundum erat perspiciendi eos hinc inde in amœnis locis Deserli
sedentes manducare et bibere. 7ullus est ramurci qtân semel et
itermn veneril cmn multis extraneis. Interim multos opernrios
appl'icuit R. P. prior ad re{ectionem muri eversi eoque elevato
desiit apertio clausurœ in pristinamque tranquillitalem reducti
swnu ; interim non abstinuimus ab actibt1 chori. 'on lei em
eleemosynam recepit quœstor ad hoc appositus in magna vorta;
etiam in istius eventus consùleratione eleemosynam 200 {lor.
a dominis aulœ financiarum Bntxellis accepimus post mullas sollicitationes. (Liber fundationis, fol. 49, v et 50).
Telle est donc la chronique. J'a ais fait mon récit en wallonnade, depui fort longtemp , ur les souvenir d'un liommc
de l'ancien temp , de mon xcellcnt père. li a ait été de la
partie; et ·a mémoire fidèle m'avait mis au fait des plus petils
détails. Plu tard I. l'arcllivisle Borg-net m'a communiqué la
narration des Carme . La date diffère; mai I fond e t le
même. Peut-être au si y a-t-il eu deux in asions dans le Dé crt;
l'une en 1.750, par suite d un violent orage et de clôture rompue; l'autre (celle de mon vieux père), vers 1780, par gratttlmenl de muraille en place un 11e1t pourrie.
De nos jours l'écroulement d'un mur de couvent 1·isqu •rait
fort de pa cr inaperçu et urlout de ne point se pcrpétu •r
dan le récit traditionnel d'un père à ses enfant . Chaqu
malin, en li ant Je journal, à p ine nous ntons-nou encore
émus de la chût d'un empir '.
1

0 ,

-

194 -

Il->.

Ncmmr est

c11

émoi : tle tous les environs

il part i11co11li11e11t de nombl'eux t)elotons
Ai;ec do pleins paniers à vider s1w l'lic1·bello

Que bo1t1Te-t1t le ja11ibon, le

Cl'éllé,

la (l"OZCLlc.

Créné, orle de pelit pain au beurre qui sert tlrincipal m rll
au déjeüner de friand
amuroi . Oui, friands; car on
onnait l'épitbète caractéristique dont nos pères c1ualifiaient
jadis fort agréablement cliacunc de vieille' cités belgique :
BnLxellc la belle, Lou min la a ante, Ialine la propre,
Mon la nobl , Tournai la gasconne, Gand la grande, Brugc
la riche, nvers la bigote et amur la friande.
Pour rendre à la lellre le dicton de nos p re dans on francai -wallon Olt plutôt dan son , allon-français, je de rai <lir
la gloutte en parlant de amur. Dure te, s'il y avait quelqu •
autre erreur ou omi ion dans cette nomenclature, je pri mes
amis le écrivains belges de vouloir bien la relever, oit dan
leurs prochaine publication , puisqu'il ont la plupart du
1emp l'extrême bonté de m'adre ser leur œuvre , oit clans
le lellre biem•eillantes ou critiques qu'il ont au i la bont;
<le m'adr sser parfoi à l'occa ion de mes publication nourell . Il me feront peut-être ob mer qu'à Jaline la propre
il convient d'accoler Liégc la sale; mais je pense que cc n'e L
lil qu'une interpolation dans le texte primitif, et que le dicton
llopulaire, dù à la . pirituellc intelligence de habitant de
Pay -Ba e pagnol , ne pournit embra ·ser la ville de Liég'
qui n' 'll fai ail poinl partie. Je ne dis pa préci ément qu
l'é1Jilhète soit loin d'"•tr méritée; mai je dis que ce n'est pas
1

-

195-

la faute ù • la villè de Li g , i clic c trouve placée au milieu
de la noire région houillère; je di de plu que cette sale poudre de houi!Je t la raie poudr d'or pour le heureux Liégeois .
ne que ·tion gm1e a été propo ée parl'Académie de cienc
hi toriques et morales de la vill d Fos es : Pourquoi Namur
a-t-elle été bapti ée la gloutte?
Le annale namuroi es ne citent aucun atel, aucun ar~me aucun rrrand cuisinier, hef ulinaire ou cordon bl u ,
qui ail brill I d'un éclat exlraordinair . La cicnce de la ga Lronomic ne mentionne aucun plat mémorable, aucune combinai on nouvelle, aucune sau e, pa même une soupe au apin,
qui aurait ét I inventée dan l'anlique cité de Atuatiquc .
1 l'exce1)lion du créné, de la gazelle, comme au i de la tari
aux fruits, du boudin t de la auci se, je n a he ri n qui
pui se méril r l'attention éricu d'un beau et noble man"Cut'; ct ncor , il faut l)icn le dire, cc ne ont là cru met ,
a z vulgair et de m 'diocre importanc'.
1\Iai répondant à la que tion propo ée par l'Acad ;mie de
Fo e , un membre de l In titut ac héologiquc de Gembloux,
bomm in truit, au i amateur de bonne Itère actuelle que
d'lli toire ancienne et de vi ux I rie à brac, a fait ob erv ·ra c'
beaucoup d en qu le Namur de uos pèr s, n ironn 1
omm il était alor de for t • immen , placé au conl\ucnl
de deux rivière , au milieu de vallé s ruis elantc d ourc ,
et de fontaines, a i de plus au uil d s gibo ·eu·' Ai-ri nncs, était la eule vil!' un peu con idérabl de ay -Ra
riui fùl au i ayantageu cm nt itu 1e pour e procurer toujour
l't à p u d frai. toute sp
d' bonn • ,, nai on dt• hon i ihi r,
d bon. poL on d'eau cloue , truite. , ecr vi !'.Cs, gri\'C. ,
béca' . , hrH •uil t l l'l', l , •t qu dan 1111 tcmp~ oü lt's

-

100 ·-

voi • de communication, de tran port, étaient beaucoup moins
facile L fréquentes qu'aujourd'hui, tout ce xcell ntcs
cho ·e ne 'exportaient gu re el e concentraient ai émeut ur
le tabl de amur oi1 elles re laient pour ain i dire à la portée de chacun.
oilà cc qui s'appelle une répon e adéquate et complét m nt
ali fai ante. Je souhaite même chance aux question de concour de I' cadémie royale de Belgique.
Revenon au créné Jlour noter que e mot mporte a ec lui
son évidente étymologie : un cren (prononcez crin), c'e t-à-dire,
un p titc fente, une raie, un ilion qui creu e d'un bout à
l'autre en longueur la partie upérieur du petit pain au bcurr
de ramur.
Le ub tantif créné ne
trouve pa dans le Dicti-0111iai1·e
étymologique de la langue wallonne. Quant à la gozette, voici
ce que nous lisons, auf le étern Il et trop ouvent in aii saille abréviations dont j'épargn la fatigue au lecteur :
- Gozâ golzd, (tourl aux pomm ), en nainuroi gozau .
ozète (tourte plu délicate que le o-ozà), en namuroi de m •m .ur
deux ou Lroi ligne· je me p rm ttrai troi petite:,
ob er alion , i pa quatre.
1° Je croi qu l'on dit au i golzatt dan qu lquc localit 1,
namuroi ·• .
2" Tourte aux pomm es, a traduit l'aut ur · mais je p n •
qu'il ùt ét: plus exact de dire cbaus on de pomme -; la lourt
n'esL pa précisément !a même bo c. Apr s cela, n'allez pa.
vou imagin er que le boulang r ou le pâli si r, quand il n'. a
plu de pomm , renonce à faire d • goz •Lt • ·. li n fait alo1·s
aux ccri.t• , il en faiL m m aux prune. : p rman nt l impt•ris. able produ ·1ion du 11élrin wallon.
5" Il m •mhl • 1111r• l'aul ur, au li n cl(• non. ùirc 10111

-

107-

simplcm nt que la gozette est plu délicate que le gozau, auraiL
dû nou indiquer que la première e t le diminutif de l'autre ,
plu délicate sans doute, mai en premier lieu plu petite.
4° Cozète, écrit-il. J'avoue qu)I m'est parfaitement impo i!Jle d'adopter cette ortbographe. Beaucoup prononceront gozaite, tandi que les "ail on prononcent excessivement brève
la dernière s llabe.
J'ai peine à comprendre les motif qui ont pu déterminer l'au
teur à écrire constamment ainsi cette forme de terminai on.
li ignale lui-même comme diminutifs le mots boultète, cosète,

ahelète, copète, coirnète, favète, brokète, coriète, canète, hinelète, cabuzète, et une mullitude d'autres. Pourquoi donc alors
ne pas écrire cabuzette, copette, et ainsi de suite, quand, d'après une règle généralement convenue dans le français, dan
l'italien, peut-être encore dans d'autres lan gues , mais san
doute au i dan le wallon qui n'e t fort souvent que du français primitif ou modifié, quand, dis-je, la désinenc ette, etta,
et non ète, eta, marque uniformément le diminutif? ' t-ce
pas faire quelqu peu d'arbitraire? 'est-ce pas renoncer aux
tradition reçue , et rompant en cc point la chaine qui unit de
langues au moins sœurs, créer des anomalie , de complication , de difficullés, là oit il était si nécessaire de simplifier?
Le wallon n'a pas vraim nt à l'Ougir de on étroite tlarenLé
avec le belles langue que nous venons d'indiquer. Quel be oin
pour lui de chercher dan de.s biga rrures d'orthograpl1c 1•
moyi.;n de faire band à part? C'e t au fran çais qu'il touch
principalement, ce me emble, dan on lexique comm dan
sa ,,.rammair el dans sa syntaxe ; loin de l'en séparer, j'aurai.
roulu qu l'auteu r l'en ùl rnpproch le plu. pos ibl de tou
le côt: où 1'110 cl l'autre s • li •nncn t pnr li n <le famille .
L'éLUd est nou,· Il• , la mnlii•r , discuté à fond pour la

-1!l8 -

[H'Cmi rc fois, le suj 'L difficil,; il fallait donc eu faciliter la cè ·
et 11 pa l'embarra cr Lout d'abord par une orlhographe xcep1io1111elle dont la néce ilé ne m'e L pa ju qu'à pr·é ·ent démontrée. Pourquoi encore écrire holète, bw·ète, berwète, chè1·ète, alouwète, Le., etc., puisque c mot ne ont en définilivc
qu le mot françai luette, charretle, brou ttc, burette L
lloul ll ? J'en dirai autant de la finale elle. Pourquoi (rumèle
(femelle), bâcèle (bacell ), carcèle ( car elle), damehèle (damoi elle), cordèle ou coirclèle (cordelle), brasaclèle (bra · adellus,
L i i deux cntor e · donnée· au radical, l'un dan la double l
et l'autre dan la doulll s)? Tou ce mot de deux langue
étant du m •mer ·giment, ne faut-il pa même uniforme? Quelle
·i pui ante rai on de 'écart r de l'u ag • con acré, quand i i
encor plu ieur d e mot ne sont que d diminutin·, quand
non- eul ment n français, non- eulement en italien, mai d,
plu dan le lalio qui e L notre père à lou , la dé in nce elle,
ello, ella, ellu , ellum, est au - i un i,,.ne du diminutif? Pue/la,
(enestella, 11avicella, capsella, floscellu , flagellum, te.
Puisqu • nou · y omme , allon un p •u plu loin. Ego qiws
amo argua et castigo, dit ma bonne d vi e; et ici surtout j e
lui crai fidèl e. Car d'abord l'auteur du Dictionnaire étymologique de la langue wallonne porte au - il nom de mon cxc •Il ni
)11-rc; il faul dou bi •n que j pou e mon examen ritiqu /1
toute la haut ur de l'amour du ang. En econd lieu plus un
uvra" in pire d'intérêt, plu il , t ulil •, in tructif, ,· :rilablement r marquablc, t plu on voudrait le trQu r parfait;
plu · on lent d'effort pour le mcllr n voi d I deveuir'.
L'aut ur nous ignifi au début d, , ou li\ r • qu toutes c · .·
;;ont dur , . Fort hicn. L . E pagnols ont fait c •la (•n onsti 111ant l •ur lan 11 u 11 son orizin '; I' dur allait i1 leur "OlÎt , i,
1 ur g ni ; rli•::; 1 principe dl c t ri ,cnu • la ri•,,.I . Mais pour

-

190 -

ce qui est du wallon, il ne 'agit plus de Je prendre à son !)erceau, ùe le form r, l'élever, l éduquer comme on le ouhaile,
pour le lancer n uile à es hautes destinée lilléraire . Bon
gré mal gré nou devon prendre le wallon comme il est, non
pa ·eulemenl comme idiome mort ou trè -peu s' n faul,
comme idiome qui a fait son temp , mais encore, mais surtout comme idiome qui e t à la foi père et fil du françai , ou
frère germain lout au moin : cela po é, je dis que votre s dure
en fait quelque cho e de bizarre, de terribl •ment gênant pour
le pau re lecteur, et particulièrement pour le lecteur wallon
qui e·t françai après tout, qui est gaulois, gail, gael, k Ile,
1ralate, waclch, welche, belge, volke, wallo-franc, gallo-fra11c,
tout cc que vou voudrez, mai qui n'a pa sucé votre s dure à
la mamelle de a mère. Cosin pour co in (en françai cou in),
asî pour a i (c ieu), case pour casse (caisse), {os1 pour fo si
(fos oyer), ecasl pour eca si (cnchâ ser), ecaser pour cca er
( ncai er), asîze pour as ize (as ' i ·e), {èsî pour fc i ( fa er,
fc er), bâsl pou1· ba i ~>élier), probabl •ment de bassaris, dit
l'auteur qui dè -lor n'écrit plu le nom du fil comme le nom
ùu père, oilà toutes nouveauté qui font plus que me choquer
l'œil et m'impatienter, qui me déroutent et me trompent vérilablement. Ile tcuricuxd'entendrelirelc Dictio1111aireétymologique
à ce différent mot par un lecteur même du plus pur sang wallon; il 'embrouille si hien dans l's dure, il vou prononce i
joliment cozin, bazi, etc., que cela devient un vrai galimat Ilia .
Est-il bien sùr qu'un grammairien, ftit-il grammairien wallon,
ait le droit de rompre avec tous le usages cl d'impo cr une inolite prononciation de son autorité privée? Encore une foi qu 1
i grand be oin de 'éloigner de la bonne ieille orthograph
françai e, urtout quand le mot ont identiques dan les deux
lan:-rues, quand I<> cosin n'c. 1 aul r •que le coussin, quand le ~oson

- .200 -

lui-même n'e t peuL-èLre que le vieux cossou ? EL virwt autre
cxcmpl s. En vérité, on rail tenté dc·soupçonner là-des ou
qu lque prétention du wallon à renier a famille, à
faire
pa er a cc fatuité pour un étranger, à re êlir une petite apparence per onnelle pour e donner les airs de quelque clio c
de plus neuf et de plu original qu'il n'est réellement.
Observations trè - uperficielles sans doute, assez hétéroclile , et qui émanent vi iblement d'un profane fort ignare dan
l'étude de langues et en parLiculier dan la cicnce de la langue walloune. lai pa moin ce profane prend lare pectueusr
liberl de soumettre le cas à l'autcurduDictionnaireétymologique;
il a l'intime con iction qu'une répon e de tous points sati fai a11t
ne c fera pa attendre, et qu'on va 'cmpres er de lui meur
en main une clef facile, commode, simple, légère et bien tournante, qui lui permettra d'aborder ans peine un li re plein <le
bonnes choses, de choses neuves, savantes et fort intércs antes.
On dit que les érudits allemands s'accommodcn t très-vol on Liers
d , livre ces, osseux, laborieux à lire, d'apparence obscure,
hérissé de ignes abréviatifs, posant la pbrase comme une lign •
algébrique; et c'e t à eau de cela an· doute, comme l'on a
dit encore, que les idées allemandes, pour se faire jour dan· le
monde, ont be oin de pa er par les plume françai es. Très bien
dit. ou ne ommes pas allemands, et je tien que le Dictionnaii'e étymologique 1-_e la langue wallonne est écrit en françai .
n mot encore, s'il vou plait, sur un certain mode d'orthographe que fai l'extrême regret de ne pou oir pa adm Ur
davantage. Je veux parler de fanië. Coroprenez-vou , le leur?
Comprenez-vous, mes braves et cher , allons? J'en doute; car
j'en ai fait plu d'une foi l'épreuve; je me sui amusé à écrire
le mot et à le mettre sous le nez de nos \lins fort wallonnisanl :
pas un seul n'a compri. .

- 201 -

Eh bi n ! l' Lrall.,.C (anië, c'e l tout bonnement le mot {ag11e
que tout le monde connail, que lout le monde écrit de toute
éternité comme je iens d'avoir l'honneur de l'écrire, et qu'il
plait à l'auteur du Dictionnaire étymol-Ogique d'orthograpbier
de cette drôle de façon par je ne ais quel ultrà-rigorisme germanico- cientifiquc. 'est-ce pas là encore c que nous dL ons
vulgairement de l'embrouillamini?
Et notez, je ou prie, que nou avons un assez grand nombre de localité dont le nom , c compose du mot fagne, cl qu
tou le dictionnaires, toute les cartes de géograpbic, ain i
que les chroniqueur et les historiens, écrivent invariablemenl
Villen(agne, Villers-en-Fagne, Offagne, Elle(ag11e, Sarte11(ag11e, Bo11ssu-en-Fag11e, Coquai(agne, Bernanl(agne. li nou
faut chang r tout cela; no hi loriens, nos chroniqueurs et
no géographes auront à faire des éditions noLLrclle ; et nou
leur donucron sur les ongles, 'ils n'ont pa soin de faire imprimer Sartenfanië, Ellefanï', OO'anië ....... Pardon, lecteur, si
je m'arrête un in tant. J'ai à écrire une lettre très-pressée à un
de me ami , à M. le baron Joseph de i\lenfanië .......
Faut-il, en pa ant, jeter un oup-d'œil sur l'étymologie de
cc mot? Pourquoi pa ? Rien de plus amusant; c' st toujours
un peu de l'archéologie.
L'auteur du Dictionnaire étymologique fait lie fagne I' ·quira\ent du mot français (ange.
De mon côté, dans une note du pr cédent recueil intitulé
Wallonnacles (Liége-Oudarl-1845), j'ai avancé, à la page H5,
que fagne pourrait bien signifi r forêt de llêtr , , silva-(agi11a.
Crnm1nali certatd, et adhùc s11bjwlice lis est.
Parlez, 6 yra1m11afriens ! dcb,·ouiliez le procès;
Disc!llez, disputez: 1101is .f11gcro11s a.p,·ès.
'2G

- 202 -

Je n sache pa · que l'une ou l'au Ire o ·iété avaute ait 'Il • r ·
jug . En au ndant, j'aj ut rai un mot aux di cr
rai on
qu j'ai déj11 fait valoir. li cxi te à ma onnai ancc deux va 'l •·
IJ i • dont le ol n'c Lpa autrement fangeux ou marécag ux
t qui s'ap1l \lent tou I deux la fagne. L'un se trouve dans
1 ommune d'Ombrct-Rausa et Ama de la province de
Liégc: l'autre e t ilué dans le Hainaut; c'est l'immen e forêt
d • la Fagne qui 'étend au nord ur le hauteur d
nvirons
d hima , t qui t voi inc <le l'anci nn forêt jadi
hre d la Thi 1rarch . Or j'aurai qu lque peine à compr ndr
qn l'on ei1t donné le nom de fange, t rrcs fangcus • , à de
grande étendue de terri Loire boisé qui n'offrent guère cette apparcnce.
JI com•ient au i de not r que 1' mot 'écrit en général (aifJlie dan le vieux documents, ce qui emble nou rapproch r
un p u plu ncorc de déri é de {anus. La faine, fruit du
h Ir , n'est pa · autre ho. c que la 1mx fagina : la fai n 011
fagne n' t- lie pas de on côté la ilva fagina?
« Dodo, abbé cle , c I re en aignc ..... » oyez De Marne,
necherche historique et critiques ur l'ancien comté de Lomme,
à la suit de l'llistoire du comté de. amui·.
Il y a plu ; un diplôme clu comte Bauduin, de l'an 104~
cil· par Mirœu (Diplomatum Belgicormn 'oua Collectio, tom.
IV, cap. VJll, p. 179), •n parlant d'une for t du même nom,
appartenant à l'abba c de 1\Iarchi nne · dans la l•lan<lre français , n de. ous de Douai, sur la carpe, porte textu 11cm 111:
« ilva autcm, qu:.c fagus di itur ..... » EL n note marginale du
livr ' Limprimé le mol faig11e. C ci, m parait-il, tlonoe en
far ur de mon opinion un argument a ez forl. L'auteur du
diplôme va droit au h •1re, à fagt1s, pour xprimcr la faigne en
lalin. i pourlanl I mot faignc ou fagne a jamai . ignifié ln
I

1

-

0:3-

fange dan · l'idiome local, pou von -nous suppo er uu'il eùL t 1lement di paru en ce eo ù · le ue iè le, qu'on en vînt alor
à le lradui1·e par hêtrn?
Jadis l'e ence de hêLr dominait en général dan les bois
et ùomine encore aujourd hui dan le peu qui 11 re te, noneulement en Belgique, comme je di ai à la page 112 d
Wallo,mades citée , mais dan tout l'occident de l'Europe. On
conçoit donc que plusieur forêt aient tiré de cette circon tanc leur clénomination, qu même le mot fagne, ilva fagi11a,
oil de enu une ·orle d'appellation génériqu . Et le rôle important du hêtre n'e t-il pa également prouvé par d'autres
mot fran~ai ? L fagot n' ient-il pa de fagus plutôt quo d
fasci ? La {tllaie (même mot apparemment que foutelaie, d ·
fau, foutcau), n'a-t-elle pa la même origine? oyez, m I cteurs; herchez, examinez; tâchez urtout de juge1· une bonne
fois la grand question de fagnes; mai jamai , jamais, je
vou en conjure· jamai n'écrivez fanië.
ou ferez bien aus i d'engager mon honorable ad r air ,
quand il ém t une opinion conte tée, à ouloir bi 'n indiquer
l'opinion contraire. J'ai quelqu • exp •rien ce de procè · ; L te
plaideur qui veut plaider tout ul m'est loujour u pect. « On
» a cont té, dit-il a sez vaguement., que le haute
fanÏ'z
» fu
nt ré li ment fang u . u On n'a 11a coule l < c la
d'une manière ab olue; mai on a conte ·t beaucou1l plu ·
L pa un mot cependant ùe la silua {agina ùa11s l'article. C'c, t
bien mal.
Je rai an doute beaucoup mieux d'accorù a,· e l'au! ur
clu Dictio1111ail"e étymologique de la langue wal/01111e, :i, clé · rtanl I cham1l d la critiqur oit j'ai pu m'6"al' r •ll'ang m nt
moi-mêmr, j'arriv' ü lui dire que j'applaudi d' m •s cieux plu.
~ranci s main . r, . on œurrr. Oui, l'auteur a rendu un ,·é1·ilabll'

-'2.0-1-

r\'ic , 11O~-seulcm nl aux wallon · t à leur ancien i<li me,
mai · t\ la cicncc g néralc de la lin"ui tique; car son livr' l 11chc à tout les origin du la1wa" , cl il c L de tiné à j l 1·
un grande lumière sur I racines mêmes de la langu française.
Cc n'e t pas la première foi qu ce uj Lm'o cupe. Déjà,
dans le préambule de précédente H'allo1111ade (Liége- u<lartf84l'>), j'avai con acré deux ou troi paragraphe à certain
observation ur nos vieux paloi . Toul en fai ant a cz bon
mar hé ùu patoi au point de vue littérair , je di ' ais combien
I' 'tude n était utile, i pa nécc air , pour remonter ûrement au. om·ces du françai , pour bien comprendre I ancien auteur , le hoi ard, 1 Cha telain, le Philippe de
Commines, mir même les Charron, le · Montaigne, Lpour nr
lla tomber dans d'assez lourde mé1,ri e , comme a fait le avant Bucbon dan son \'OCabulaire d F1•oi ard, faute de O11nailrc nos idiome vulgaires.
fai il paraît que tout le monde n'a pa été de mon avi ·.
Nou · llabilon un étrange pay
t nou avon parfoi • d'étrange ompatriote . Au li u d'encourager l'aut ur duDiclio1111aire
étymologique et d'appré icr ju tement un livre qui a coûté dr
longue étude , de laborieu ' rech r lt s, voi i paraître dans
le Journal de Liége un article de plu ncourageants, ur mon
àm ! i l'on a,•aiL dit dan c t articl que l'aut ur a parfoi ·
une ingulière orthographe, qu'il a omi plu _d'un mot, qu'il
n'est a ez complet qu'en lié"èOi , quand néanmoin on tilr ,
fait une égale promc se à toute la langue wallonn ', qn' •nfin
il é ril on Iexiqn un p u trop au coin d on feu, an • ,,
donn •r la peine <le pr ndre 'annc t hapcau pour ourir lt•
pay. , pour r ·colt 'r c rtain mot namurois, hcnuu rs, ardennais, . ambr •tin·, trop nh. ni cl on livre ; oui, à la bonne
1

1

-.:!O!S-

h •ure, i l'on avail diL Loul cela, je n'aurais rien à redire. Mais
on a fail aulr cho e dan· l'article du Jour11al de Liége; on
vous traite tout unim nL de pédant l'auteur et
pareil .
Pédant! L'honn le et gracieu e épithète! Je tien , à la vérité,
que l'arti ·le est d'un pédagogue, d'un professeur de langue l
de littérature françai e , lequ 1 ans doute, menacé lui-même
tl l'honnête t gracieu épith te, 'e Lempre é de la jeter
aux autre .
fa foi, je commence à craindre pour quelqu s écrivain.
locaux, pour notre excellent curé Duviricr, pour i\l I. orir t
Ma et, pour C J. Pi roue, \ a ige, Dejardin t Bailleux. Il
tra aillent, il · composent, il collectent du wallon; il fri cnt
d'a ez prè l'épithète. Je le, engage à bien e tenir, cl m ~me
à déchirer ju qu'à la rlerni re feuille de leurs bon , mai · p dante·questra aux.
Il n'e t pa jusqu au di"'nC et re pcctable imonon, l'aut ur
de la Coparèie et de lita Tante Sam, le pirituel l)atriarche d •
la langue t de la Jittéralurc wallonne , le grammairien novateur de l'idiome liégeai , qui n'ait gémi an· doute, à la fin
de a oeil t fructueu e carri re, d • e trouver être un pédant..
Quant à l'auteur du Dictionnaire étymologique, j' n ui vraim •nt aflligé pour lui; mai il n'e t pa moy n d'en orlir; nou
d von I déclarer le 1·oi du pédantisme; car en élaborant on
lexiqu , il élè c la cannai ance d • no vieux paloi au ra11
de vraie cien e; il e livr à Llll trnvail éri ux, érullil, pr fond; il fait pour le wallon cc qu'il faudrait a oir la fore et le
coura<rc d faire pour la langue française, :1 laqu li <lu r •·Le,
comme oou l'a,,on dit plu haut, il rend d jà ou c ra11port un éminent ·ervice.
Chari
odicr, après avoir 1nonc' bcau('oup de r rl ho1111 s
cho es ur 1 'tutl • de r,alois, conclut en c l 1·m·s (e tc rtP

- -08 -

il ~ ,·ail lr p commode de ombatlr a conclu ·ion, 11 ï.! i.JornanL à lui appliquel' au isagc l'honnête et gracieuse épilhèle) :
i le patoi n'existaient I lu , il faudrait créer une Académi
, cxpr pour les· retrouver.
lais il xistent par bonheur. Le érudit de toutes I s contrées
c ont chargés et se chargent encore en ce moment de on ta ter leur exi tence, de les explorer, les étudier, les ana1y~cr
en les déclarant les père trè -légitime de no langue formées, et pères qu'il faut ab olumcnL connaître pour bien connail r et apprécier leur~ enfants. Héla ! I. le profe ur d
langue et de littérature françai e ·, M. l'aut ur de l'article du
Journal de Liége ne paraît pa · 11 dout r. li sait beaucoup d,
cho -e ; il est très-l'on, dit-on, en opéra , vaudeville L
ari ·tlc ; mai on ne peut tout avoir; et il ne ait pa le al'ante recher hes de talder et des chmcll r ur le. paloi.
d I' llemagnc, le importants travaux de Roqu •fort, de auvage, de
chnakcnburg, des Ionnier, d Cordi r, de ·
Champollion, :mr les patoi d la France, ni le excur ions du
célèbre Dicfenbach dan le même uj •L. Qu'e t-ce à dire, bon
Dieu ! Iai le grand Empereur lui-m me, l' lexandrc, le
t:é ·a,·, le Cllarlemagne de no Lemps mod rnes, avait ,,oulu
aLta !ter on nom à J'élude des idiomes populaire . Tout 1
monde sait, en elfel (excepté YOus avez bien qui), Loulle monde
·ail que, par l'ordre de apoléon, le bureau tati ·tique du mini t rc de l'intérieur a ait été chargé d' •ntreprcndre un travail
:ur tou le· patois d' l'Empire, travail qLP le évènem nls
politique ,·inrenl malh •ureu emenl interi· mpr '. l\Iais il faut
en onvenir; l'Emper ur était m mbre d l'In lit ut de Franc•
C'l qu •lqu peu p 1dant.
C' t ·gal. Du ·-j méril •r moi-mème l'agréable qualifi ali u, j • rcux pou er jusqu'au bout I • ujct de cclt • noir; .i«1

(1

l)

l

- 207 -

veux tàlcl' encore du gozan et de la gozette, du yolzau, du
yolza, du gai.a : ét mologic cabrcu e, épin use, ab 1rnse,
r1ue l'auteur même du Dictiom1afre étymologique ne eut pas
ahorder, terriblement sédui ante. fais que ri que-l--on apr'- ·
tout? Erran<lo s'impara, avons-nou dit prudemment dan le
préambule. Pénétré d'une llorrcur instiuclire pour le vide de
l'inconnu, et Loujour tenté d'y jetcrr une idée pour comm nccr
à combl r !'abyme, je ne voi pa , vraiment, ce qui peut m'empêcher de communiquer au lecteur une ob ervation plu ou
moiu singulière et plutôt mienne que bonne. ous avons don
vu qu'il a ait là du chaus ·ou de pommes et une façon de
tourte. Or, Je golza liégeoi t le golzau namuroi signifient
au i la plante oléagineuse, a11p lée en françai colza, dont on
fait de tourteattx. Tu d ine , lecteur. E ·t-ce qu'une certaine
analogie de fabrication et de forme entre le tourteau de ·colza
et la tourte aux pomme n'a pu amener le colza à donner 011
nom au produit de la boulangerie? lais je ne force per onn • il
avaler cela.
Quoiqu'il en ·oit de cetle explication, elle vaut toujours bien,
à mon gré, certaine étymologie que nous donne l'auteur du
Dictionnaire, et qu'il pous donne uu peu à l'aventure malgr
la raideur habituelle de son puritanisme. « CortRERÈIE, nou
» dit-il (fer ine copèrerèie : faire une gaucherie, une école),
» en namuroi copèrerîe. Cette exprcs ·ion vi nt du obrique1
,, copêre (compêre) , que l'on donne aux Dinan lai , auxf]uel
n on attribue, de même qu'en France aux Champenoi , aux
» habitant - de Baune (et a ec au si peu de rai on), une foui
» de balou1·di ·e . ne co11èrerèie, 'est donc un trail de co7Jêre,
» c'est-à-dir de Dinantais ..... »
D'abord je remercie l'aute 1r de n'avoir pa indiqué la sourc •
oi1 il avait pui . é cett , ét. mologie: car I' tt.ymolo1rie me paraît
1

'

- 208 -

·u 1>, l ·, t la ource pourrait bi n ne m'ètre pas om1>lèt •rn •nt trangère. On lit e qui uit, n eff t, <lan j ne ai quel
livre, intitulé Voyage el aventures d~ M. Alfred ricola au
royaume <le Belgique, tome 2, chapitre 4 : « Je croi moi, tout
» bonn m nt, qu'à la vue de toute cc
Lour<lerie que l'hi » Loire ou l mauvai · voi inagc imputent aux bon Dinantai ,
» qu !qu'un 'est é rié jadi : Voilà de fier compère ! - ou
» mieux encore en patoi" : , oilà de fier copère ! 'oit le
» cop re ·, d'où Je
opérie ..... »
li était a urémenl permi de ha arder celle idée dans un
ouvratTe à la façon d'Alfred 1'icolas, quelque peu ri qué luimême, qu !que peu facéliCLLX. lais il n' a ait pa - que c la
dan le pa age; comment e fait-il donc qu l'auteur du Dictionnaire ait adopté une leçon peu cientifique, quan_d, à la
page précédente de Voyage et aventures, il a pu lir' la vraie,
la Donne, l'évidente L inconte table étymologie, l'étymologie
1la ·e à l'état hi torique chez no écrivain le plu re pectable , t dont il n dit pa néanmoin un mot. Alfred r;colas
n'e l plu tout eul i i. cuillez con ·ult r Villenfagne ( non pa
illenfanië) dan es Recherches sur l'hi toire de la ci-devant
11rillcipauté de Liége, tom 2, page 194 : « Les manufactur s
» en cuivr de la ville de Dinant étaient r gard e depui long» temp comme le plu bell
de l'Europe. Dan une pi ·
" manu cri te du i5 · i cle, intitulée : le Proverbes, 011 lit,
cuivre de Dinant, parce qu'on le trouvait tllu parfait el meil» 1•ur qu c lui qui
fabriquait ailleur . Le Ano-Jai en fai» ai nt un grand usa e, t n'en voulaient pa d'autr : d là
u I nom d Coper qu'il avai nt donné aux Dinanlois ..... »
C'c t rnoin irnpl et oulanl que le fier compères; mai
c' t plu · ' ara nt, plu archéolo ique. Le · Dinan Lai excellai nt
1ellem nt d:rn. l':1rl cle tra aill r le cuin (copper) , qu'on n
i,

-209-

vinl à le confondre, à le identifier avec le métal même qu'ils
travaillaient i bien, et qu'on e plut à les appel ·r les cuivre
(coppers). C tte figure cloit porter en grammaire un certain
nom qui ne me revient pas. erait-ce J>eut-être la méton •mie?
l'effet pour la cause, la cause pour l'effet, etc. C'est ainsi qu'un
!)Cintre a sez connu c t appelé partout 1\1. Lejaime, parce qu'il
affectionne cette couleur et la fait éclater à tou le plan d
e tableaux. J'ai entendu plus d'une foi donner à notre grand
peintre, iertz le nom de 1\1. Patrocle. On connait dans le vaude,•ille le personnage de fadame Fayence du nom de sa boulique.
Le famille Dufer et Dacier ne sont pas non plus inconnues.
On a longtemp distingué, divisé les Brouckèrç en Brouckèrecllambre et en Brouckère-zinc; et nous appelons I. Pl01nb un
malencontreux avocat de campagne qui e t excessivement lourd
dans ses phra e .
L'histoire exalte l'habileté de ancien ouvriers dinantais.
Citons Philippe de Commines, notre grand historien wallon.
li dit, en parlant de la ville de Dinant, qu'elle était très-riclt
à eau e du grand débit de ces ouvrages en cuivre qu'on appelle
Di11a11derie, qui sont pots, vois les et choses semblables. 1\lais
voici bien mieux. Rabelais, Rabelai lui-même s'occupe de nos
copères. Du moins Leducbat, l'un de se commentateur , incline à pen er que JJar les deux iles, vides et sa11s forme de
Tohu et Bohu, l'auteur de Pantagruel a voulu désigner la Yi lie
et la banlieue de Dinant; et notez, je vous prie, qu'il f9rlifi,
sa conjecture de la signification de ces deux noms en hébreu.
« Cette ville, ajoute-il, fameu ·e et riche par es ou rage d
« cuivre, fut pri e d'a saut en 1.466 et réduite en cendres par
« le duc de Bourgogne .... EL dans le pillaO'e, toute la Dinan« derie, comme poesles, chaudrons, coquasses, en ayant été
« enlevée, il était vrai à la lettre que Pantagruel et sa suite
27

- 210 « n'avaient trouvé que frir . » - Voyez Viti nfagne, Recherches, etc., parre 269. - Quand on e t de cette force sur le
cui\'r , quand l'Europe entière, quand l'Angleterre surtout
ret ntit du bruit d s chaudrons et de· coqua e dinantaise ·,
rien d'étonnant que le nom du métal mi en œuvre devienne
comme le nom propre de l'ouvrier lui-même. Et n'oublion pa.
que la scène se pa e au moyen-âcre, à l'époque où tous le
genre de obriquet et de surnom ' nais aient, pullulaient t
!loris aient partout.
Je terminerai mon intére ·ant \'O age de découverte dan la
langue wallonne, en rappelant un mot dont je me uis servi
dans I préambule de cet ouvrage; je veux parler de réverbéri te. li e t ai é de comprendre que l'on appelle ain i celui qui
e t chargé d'allumer le lanternes publiques, les réverbère :
en français, lanternier.
on pas que le mot appartienne à proprement parler au
wallon. Il faut savoir, à ce propos, qu'entre le wallon et le
françai un langage intermédiaire e t venu prendre place, le
wallon francisé. Je croi bien que réverbériste est de cett
famille. amur la gloutte en e t également; car le mot patois,
pour exprimer friand, e t glot, glotte. lême chose encore de
Ja locution uivante : fafre le chat (à amur), faire barette
(à Lié"C), c'e t-à-dire, faire l'école buissonnière. Je tenais i1
fairn cette ob ervalion qui doit s'étendre à une foule d'autres
mots, parce que, clan une matière aussi importante, au i
e entielle, aussi considérable, on ne peut trop cher her il
prémunir les sa"anl. conlr' toute err ur pos ibl .

-

211-

17.
To1,t vivait, remuait; et sous les voûtes somht-es
Qui 'f!oyaient chaque soit· e11·er comme des ombrns
Les viemi: pères, 'f!êtus de leu,-s longs manteaiu; blattes,
La jemw {Ule allait, damait ... .

Joréri , Diclfonnaire historique , au mot Carmes , nous
ùécrit en ce termes le co turne de l'orùre :
« Leur premier babil éloit blanc, et leur manteau chamarré
« par en ba de plusieurs bandes; mai comme cette orle de
« vêtements étoit peu conforme à- leui· état, le pape Honoré IV
« leur commanùa de le changer. lis ôtèrent les bandes, et
« pom· ne rien perdre de leurs couleurs, il prirent l'habit mi« nime sous le manteau blanc. »
Je ne ache pas que la réforme de Sainte-Thérèse eût modirié le costume pour les Carmes déclwu és, auf l'absence
de ba t les impl :andales.
18.
Et quand vrès d'achevç,- son mowce111e11t diurne,
Et <fressant da11s le ciel son lwrizotl noctm·,w,
La terre eut d" soleil voilé l'ardetit rnganl ,
La cloche d1f com;ent vroclama le dépa,·t .

.le ne ai ' si dan ces ver j'ai réussi à décrire le prétendu
coucher du soleil d'une manière bien exacte, bien cicnlifiqu ,
et de façon à atisfaire mes ieur le astronomes. l\fai il a
. i lon°'lemps que le poëtc et les pro at ur. font monler 1
ri 'scendre c la Lre au grand r •grel de Gal il 1 •, <111e j':ii cssa.vé
de fair un peu de neuf en faisant d la yfrilé.

-212-

On ail que le soleil semble faire le rom· du ciel en Yingtquatrc heures, d'orient en occident, -e levant par conséquent
tou le jour , gagnant le méridien et se couchant en uite;
mai on ail au si que ce n'e t là qu'une vaine apparence due
au mouvement diurne de rotation de la terre, mouvement
qu'elle exécute en vingt-quatre heure d'occident en orient.
Ain i, pour le passager qui court en barque ur un 0eu c ratlide, le rivage paraît fuir en sen inver e, tandis que c'e t la
barque qui court et fuit cllc-m0me. La terre est une grande
barque emportée dans l'espace; et le soleil e t là, fixe, immobile, qui la regarde pa cr.
Pauvre oleil ! En voit-il de cho e ? Ah, 'il savait rire ou
pleur r .....
J'en con iens du reste; l'aurore aux doigts de rose, qui
ouvre le porte du ciel au dieu de la lumière, el puis le char
radieux de Pbébu qui se précipite au sein de !'Océan, toutes
ces image clas 1ques offrent quelque chose de plus aimable et
de plus amusant que le rectangle de la science moderne.
19.
llfais avant de quiete1· le bien-aimé désert,
On but à la santé d'Isabelle et d'Albert,
Nos rlewi: botis architlucs qni dii sai11t 111011astère
Avaient dans l'ancien temps mis fa pre,1lière pien-e.

oici l'acte de mi ·e en possession du terrain concédé par I s
Archiducs. On aime à voir deux religieux ,·enir planter 1:1. croix
sur le ol pour l'appréhender au nom du futur mona ·1ère,
comme on a, de no- jour encore, pr ndre pied dan qu 1que ile dé cric au nom d'un ouv rain qu •!conque.
« Auiounllmy dixie me iour de l'an
\ 1c dix noeuf, nous
» Adri n nauxi r"cuirr licutcnanl hailli clt•s hois 'l b uri r-

- 21

-

me ·tre de la ville de amur, Simon de Gosée con eille1· et
receveur général de Archiduques au pai et conté de amur
» et Toussaint Hueson ubslitut greffier du ouvcrain bailliage,
» prins pour adjoincts homme à la requcste du R. P. Chari
» de la 1ère Dieu et frère Lambert de S1 Hilarion, ambedeux
» religieux de l'ordre de Carmelites De·chaulx de pardeça,
» transporté au boi · de la ba se l\larlaigne appartenant à leurs
» ltezes éréni imes au lieu dict le Vivier Wairon, où, en
» uittc de lettres patentes de leurs dites Altezes donnée à
» Tervueren au mois de décembre dernier et aultres lettre
» postérieures de l\Ie eigneurs des finances du vingt qua» triesme du mesme moi·, avons mis lesdits père et frè1·e
» au nom dudit ordre en la réelle et actuelle pos ·ession de
» trente quatre bonniers, que boi , que terre et eauves men» tionnez esdites lettre patentes au contenu de la désignation
,, et aux charges et conditions plus amplement y reprinse ·;
» ·uivant quoy iceulx père et frère y ont fait planter la croix
» pour enseigne et marque du cloistre qu'il entendent y faire
» ériger, le tout en pré ence de licbiel Taienne bourgeois el
» marchant de la ville dudit amur, Henri Gritte concierge de
\) la maison du tordoir le Conte, Jean et Estienne l\Ia sart,
» Nicolas Lam billon, Jean Jennot manans ré ·iden à la Haye
l) à Folz et Wepillon re pectivement, Jean\ authy fermier de
» la cen e du lanoir, ntoine Pacque mas on ré identenJambe,
» Jeau Sauvage demeurant à la Plante, Jean Werotte vigueron,
Henri Gillain et Pierre Gallet charpentier au i bourl{eois
o dudit amur et plusieurs autres pré ens, les iour, moi et an
o que de su . Et e loit signé : Adrien Dauxi, Simon de Go ée ,
» T. Hueson substitut greffi r du ouverain Bai liage de amur. »
- Archi\"es de la province de amur; Carmes déchau sés;
copie a1111tcnti<1u • de 1641. -

»
>>

l)

-'2111 -

Celle J)rise de J)Osses ·ion est mode tement conforme à l'acte
de la conces ion J)rimitive, dont la teneur est en effet comm
il uit :
« ALDEnT ET I ADELLE, etc, çavoir faisons à tou J)resen el
» a enir, que à l'humble UJ)plication de Religieuse per onne
» Père Thomas de Jésus Provincial des Carmelites Deschaux
» en no Pays de par deça, au nom de Pere dudit Ordre et
» Religion, afin qu'il nou pleut leur ceder certaine place en
» no Boi de Jfarlaigne à une lieue de notre ille t Cité de
» Namur, pour y bâtir un Cloître ou 1/eremitage, auxquel il
>> puissent
'addonner conlinuellement à l'oraison et conlem» plation, et ob erver perpétuel silence t clôture, à l'imitation
» des
. Peres du De ert; .... avons à iceux ..... donné, cédé,
» tran porté et accordé, donnon , cédon · , tran porton et ac» cordons .... trente quatre bonniers de boi à nous a1>parte" nan , et ituez en notre dite forest de Iarlaio-ne ..... Bien
» entendu, que si cy aprè Je. dits Pere vin ent à delai er,
» et abandonner ledit lieu, que lor de fait, iceluy retournera
» à ou , ou no
uccesseur ; et pourron reprendre icelluy,
» et réunir à notre Domaine. Et à condition hien expre
» qu'ils. el'Ont obligez cle ou reconnoitre pour Foiulateurs du
nouveau Convent qu'il ont intentionez cle faire con truir
» au dit endroit ..... »
- Iirœu , Divlomatum Belgicormn ova Collectio, tom. IV,
cap. CL, pag. 328. Je n'ai retrouvé nulle part l'acte qui augmente cette onccssion première et la porte au chiffre de septante-huit bonnicr
'L demi, chiffre authentiquement donné par Galliot d'aprè le.
archives du couvent, ain i qu'on l'a u dan · le préambul .
.\lai nous \'a von cléj1l dit au i; Ir . père · Carme étaient trop
bon · renard · pour . c con l nler de si étroit terrier. Cc n'c. l ici
>)



- 215-

qu'un premier _pas, le eu! qui coûte un peu; a cc u11 lH'i11
d'adre se on gan-ne in en iblement de l'e ·pace; ou fouille, on
crcu e de ainte petite mine· outerraines; et le terrier 'allonge. De trente-quatre à eptante-huit bonnier la distance
n'e t pas démesurément grande : de septante-huit à la centaine que la commune r nommée a signe au Dé ert, ce n' . t
vraiment plu qu'une simple enjambée. ous le verron tout à
l'heure au fait, ce excellent pères.
Car aux acte officiels que je viens de rapporter et qui e
renferment dan leur.; formes un peu sèches et toutes acramentellcs, je préfère de beaucoup la chronique de farlagne,
quand elle vient à nous raconter avec une naïveté touchante,
non- eulement la po e de la première pierre de l'égli e du
Dé ert d Carmes, mai aussi le zèle que l'on mit à sai ir
cette heureuse occasion d'obtenir quelque chose encore. A la
bonne heure un récit pareil; YOilà du pilloresquc. Renouons
donc un in tant connais ance avec ce digne espagnol, le révérend père Thorna de Jé u , qui a bien quelque peu le droit
de partager avec les Archiducs le titre de fondateur du Désert,
et dont l\lirams, à l'endroit cité, page 529, nous donne en
deux ligne la biographie :
Fr. Thomas à Jesu, Bœticus Hispanus, Cannelita Discalceatus, Paulo V. Pont. proéante, delluxit Cannelitas suos in
Galliam ac Belgittm. Hîc prœ{ttil Provinciali , Serenfas. Principibus nostris Ul'll!issimu , et scriptis et pietate clarissimus.
Obiit Romœ anno f 627.
A présent lai ons parler la chronique; je ne m'éleverai
n-uère au-des u du rôle de impie traducteur.
Nommé provincial de Pa -Ba et la Ba e- llemagne par
1 chapitre de Carmes déchaussé , le père Thoma arrive en
no contrées, et il veut ur le champ marqu r son arrivé pnr

-

216 -

une action d'éclat. L'ordre des Carmes déchaussés manque 1,
la Belgique; la Belgique aura de Carmes déchau sé , ou le
pèro Thomas ne mérite plus son tilre. li court le pays : il
côto e le bords enchanté de la leu e : il monte aux collines
et s'enfonce dans les vastes solitudes de la forêt ùe Iarlagne.
Là, par une belle matinée et par un ciel superbe, une délicieuse vallée vient à surprendre son regard. Il s'arrête en
exta e. Il écoute avec ravi ement le bruit des fontaine , le
murmure du vent dans le rameaux de ieux chênes et le
chant de mille et mille oi eaux. De lapins et des lièvres 'échappent de tous côtés dans les taillis oisin . Plus loin, an
fond de bois, on entend le cbe reuil qui brame et le sanglier
qui gronde. Les truite brillent dans le cri lai des eaux comme
de lame d'argent qui jouent au soleil; cl même çà t là, ur
la rive, plus d'une écrevi e attardée regagne lentement on
humide manoir, après avoir brouté pendanl la nuit l'he1·be
grasse de la prairie.
Plein de ces douces images, ravi surtout de ces poisson
délicat qui font la terre tre ambroisie des Carme , le pèr •
provincial se transporte incontinent au château de l\Jarimont,
aborde les Archiduc , leur fait une description séduisante,
mai juste, du site de la l\Iarlagne et de l'ordre des Carmes
décbau é . Les bon prince e laissent attendrir; il concèdent tout le terrain nécessaire à l'érection d'un cloitre. Quant
au ré érend provincial, il ne dormira plus 'il ne met la main
à l'ouvrage; il songe, il rumine, il combine; et le voilà qui
dépêche bien vite un certain père de on ordre, lequel, au
mo en d'une certaine somme d'argent, provenant de certaine
aumônes et de certains arbres vendus, se met immédiatement
à fonder, à pou ser le construction du nouveau mona Lère.
Le pèr Thomas, lui, reste à Marimont pour ne pas laisse,·

-

17 -

refroidir le fer, polll' ne pa perdre de vue le Séréni simes et
Cel i sime bienfaileurs. Averli que les travau(avancenL, il se
rend de nou eau prè de l'arcbiduc Albert et de· l'infanle I abelle. a requête est accueillie. Le deux noble époux acceptent avec empre ement, même, on peut le dire, avec un plai ir
indicible, l'offre qui leur est faite d'aller po er la première
pierre de l'égli e; et il ne tardent point à parlir, emmenant
une uile nombrcu e. On va d'abord pas er un jour à Namur;
t le lendemain matin on ort de la cité pour aller entendre la
me se à l'oratoire du Dé ert. Le ciel était pour la cérémonie;
car après de longues et abondante pluies, la journée fut cla!re
et Sl}reinc comme par une grâce spéciale. Pour que rien ne
manquât à la fète, l'évêque de amur célébra l'office; et le '
pieux Archiducs po èrent la première pierre. fais on fera si
bien, qu'ils en eront aussi aux frai de la dernière. Et l'opération terminée, nos gracieux souverains, uivi de toute leur
cour, commencent à parcourir le Désert, en font tout le tour, et
mettent deux heures et un quart à cette agréable promenade.
Cependant arrive l'heure de la réfection. On se réunit sous
l'ombrage, sous un va te berceau que forment les rameaux de
arbres ingénieusement entrelacés et artistement arrondi .
L'Arcbiduc, l'infante et ·toutes ses demoiselles d'honneur entourent gaîment la table. Quant aux hommes, il paraît que 1
bon moine chroniqueur n' a pas pris garde; il n'a eu ses deux
yeux que pour les belle filles d'Eve; et le homme de la uitc
mangèrent comme ils purent, as is, debout, ùans le berceau,
hors du berceau, enfin d'un manière quelconque ignorée d •
l'bi toire. Il a sans dire que Je dignes Altesse· avaient apporté leur prnvi ion avec elles, pour ne pas trop rançonner
les nais ants hermites. Elle irent donc apparaîlre ces vivres
fa tueux sous 1, verd feuillage. lai quel plai ir pouvnicnt28

-'21H -

elles prendre, bon Di 'U, à cet éternel ordinaire? icnt-on au
D: crl d farlagnc 110ur diner comme eu on palai , ·plendidem nt, nnu eu ment, comme on a diné hier, comme on
dînera d main? on, non; point de ui in royale. peine
no lt c toucbent- He ·. lai voilà, voilà ur hl table d
certain gro plat de légume ervi de par les Carme , t
certaine écr vi , t certaine truite xigu , tr -cxi,,.ue, mai
pêché dan I rui seau voisin; voilà e que no d ux Alles e
avourcnt avec délice , et particulièrement l'infante, nou dit
1 hroniqueur. Oh! oui, c est bien cela. Le t mme ! le
femme ! omme elle appréci nt mi 'UX tout le charme d'un
nouveauté piqnante ! Et le repa fini, de parcourir encore la
Ya t ét ndu de l'enceinte, de 'inform r de tout avec curioité, de e répandre en éloge , en admiration , ur la beauté
de lieux, et de faire remarquer tout pécialement combi n I •
Dé ert ·t favorable au but divin qu la r li ion propo . La
journée entière y passa. L' xcellente Infante a déclaré dcpui 11
on confe eur que de t~us le jour de a vie le jour de l'excur ion i.1 i\Iarlagne a ait été le meilleur. Je le croi an peine.
n rui eau, des boi , de colline , quelque mets impie ,
quelque · plat du cru ou le frai ombrage, le chant de
oiseaux pour orche Lre, la forêt pour décoration, et pour amphylrion d hermite , c' Lbien mieux vraiment qu le vainc
et le marbre , et le riche pâté , t le dinde ro al ment a ai onn , et le froide eérémoni de Marimont t
d Brux li' . J gage que l'on dîne mieux à rdennequ'à La ke.
Il ne parait pa que le révér nd Thoma de Jé us e fût mis
d' la pat'tic. CétaiL un fin compère. 11 avait été le premi r à
demander et tt obtenir quelque ho e : un nouveau vi ag était
mi ux l'affaire pour d mander et obtenir ncor : le isag .
qui d mandent "'u t'\nl vile.

-'219-

oici donc I tour tle ce père Carme, du digne père qui avail
été dépêché pour commencer le llfemiers travaux et qui ient
de faire aux rchiducs les honneurs du D · ert. Averli ou
main par le comte de gnover, gentilhomme de la suite de
princes, il ne pouvait manquer d'obéir à l'adroite in inuation
de ce eigneur et d'accompagner les nobles visiteur au sortir
de Marlagne ju qu'à la vill de amur. Là, toujour ur le conseil du même et habile comte, il ré olut de 'ou rir à la partie
femelle de deux Archiduc , à la bonne Infante, pour la upplier d'achever le con truction de concert avec son époux, et
de se faire ainsi tou les deu: les pieux patron tant de la
mai on même que du ol. Pa mal, pas mal. Au i le jour uivant (toujour d'aprè l'a i du même comte, ajoute le prudent
et circon pect chl'Oniqueur}, le père Canne eut l'honneur d'approcher l'infante et de lui prés11nter la supplique n ces terme :
« Que le
éréni simes et Cel i imes prince , étant les fonda» teurs du Désert, devaient revêtir ce tilre en tout et pour tout,
1, et compléter leur œuvre de bienfaisance en terminant les bâti» ment du cloitre de manière à pouvoir
loger t entret nir
» ingt-quatre hermites; que cet entretien n'exigeait pas d'au» tre nouveaux revenus que le froment nécessaire au pain et à
~ la bière, rien de plu , attendu que des hermite , avec du pain,
» de la bière et quelques choux au jardin, pouvaient trè -bien
» traver er la vie. 1>
L'infante promit; le père Carme retourna fort atisfait au
Dé ert; et le lendemain malin, il recut des lett.res de l'excellent comte ou plutôt de on bon compère Agnover, lequel 'emllres ait de l'informer que le Ar hiducs pr nai nt à I ur charg •
tous le frai de con truclion du mona l r , en accordant de
plus la quant il• de froment congrue pour la uh i tanc les
hermilc .

-220 -

Ain i dit, ain i fait. La cllo e e règla définitivement sur c
pied avec l'administration de financ ; et en effet, i nou ·
ouvrons irreu , nou pou on y lire une belle el bonne ordonnance de la teneur suivante :
« A.LnEnT, ET I ADELLE, etc., çavoir fai on , à tou pre en
» el à venir, qu'à l'honneur et gloire de Dieu notre createur, et
» affin que on saint om soit continuellement loué, et parti» culicre· grace luy ·oient rendue , par devotes prierc , de
» tant de bienfait , que ou avon receu de a di ine Maje té,
» me me affin que tant que luy plaira ou con erver en ce
» monde, il ous veuille maioteuir en a ainte grace, et aprè
» ou faire parti ci pans de a gloire, au sy pour le bien et
» pro perité du Roi Philippe troi ième de ce nom, notre trè
honoré eigneur et frere, et de e Etal , et les ôtre , en)) semble pour le salut et repo de am de Princes no P1'c» deces eur ,
« rou avons, à l'humble supplication de Reli"ieu e pcr» onne, notr cher et bien-aimé Pere Thoma~ de Je u , Proincial de Carmelite De chaux de no Pay de pardeça, au
» nom des Peres dudit Ordre et Religion, par o Letlre
» Patente du mois de Deccmbre mil six cent di:diuit, leur
» donné, cedé, et tran porté de grace e peciale trente-quatre
» bon nier de boi , ituez n notre fore t de l\Iarlaigne, en
» notre Pa et Comté de amur, pour y batir un Cloistre ou
» Hermitage à l'honneur de Dieu, de otre Dame la benoite
» Vierge farie, et de Mon ieur t. Jo eph, ou ils pui ent
» s'addonner onlinuellcmcnt à l'orai on et contemplation, et
~ ob erver p rpetuel sil nce et clau ure, à I imitation de
ts.
» P rc du D crL ... ...... .
« El d ·irans maint nant de plus ampl grace pour\' •oir à
» I' ntr t n m nt n c s air de vingt-quatre religi ux audit
l)

-

21-

D ert, ous avons re olu de doter icclluy loitre de cent et
" cinquante muid d'espautle pour chacun an; affin que le dil
» Religieux ayent tant meilleur moyen pour vivre, an e tr
» di trait· à le procurer d'ailleur , ains pouvoir oigoeu ment
» vaquer au er ice divin elon leur Regle. Par quoy e t be oin
l) de leur faire depe cber oo Lettres Patentes de Don, as igna» tion et amorti ement de la dite Rente .......... »
iennent aprè cela le charge de la fondation et la li te
a ez longue des me se et orai On' que les Carme devront
dire à l'intenlion de fo_ndateur , pour leur anté tant pirituelle que corporelle, comme au i pour la conservation et
augmentation pirituelle et corporelle de la Mai on d'Autriche.
Ce titre de fondateur préo cupe ingulièreroent no deœ
rcbidu . Ce n'e t point a cz de l'oraison quotidienne qu
le Carmes leur doivent en cette qualité (Protege, Domine,
Famulos tuos Albertmn et Isabel/am, lmjus Eremi Fundatores
subsicliis 11acis, et beatœ Mariœ semper Virginis patrociniis co11µde11tes, à cunctis hostibus et JJericulis redcle securos); l'acte
porte en outre qu'il era placé dan la acri tic une lame de
cuivre, ur laquelle seront in crit · ce mot :
TOU

ET CHACUN DE

PRE TRE

DE CETTF.

Al ON ONT OBLIGATION DE PRIER DIE
EN

LE RS

ACRIFICE

PO R LE

ARCHIDUCQ

ALBERT ET l ABELLE CLARA EUGENIA
PATRON

ET FONOATE R DE CE
DE ERT.

Cette plaque de métal ne suffit pas encore. Il e t de plu
Lipulé que deux tatue , de grand •ur moyenne, eronl érigées dan l'église aux deux côté de l'autel, an compter qu
la acri lie doit recevoir en outr • un ccond inscription:

- 222« Item, que l'on mettra une Table grande en la Sac1·i ·tic,
où eront escrite tou ces oblin-ation .
« Item, que l'on mettra le Pourtraits de ous deux, d
» moyenne grandeur, aux deux costez du grand Autel, taillez
» en pierre, ou bronze, comme bon nou
emblera; affin que
» notre memoire en demeure toujours fraische et unie. »
Héla ! tou les soin pri par ies i!lu tres fondateur n'ont
pa empêché le temps de souffler ur Marlagne. fe es obituaire , orai ons, statues, lame de cuivre, acristie, égli c
mêm , tout a fini, tout a disparu. La Société d'Archéologie de
Namur a fait jusqu'à présent d'inutile effort. pom retrouver
le deux précieux portrait t le métal in crit. li n'en re te
plu peul-être que le ouvenir con igné dan ces note ; car
ici-ha l'hi Loire eule fait des immortels.
ous transcrirons à présent le texte même, le texte inédit
de la chronique dont nous avons donné la traduction plu haut.
Quindecima die septembris eju dem anni, non sine speciali in
Deum ffrlucia, Pater {Thomas à Jhesu) amm·cum apulit (quod
distal Lovanio itinere u11iu diei) , et sequenti die cmn socio
Patre fratre Francisco à Jhesu (qui tune temporis vicarit1s erat
conventus Antuerpiensis et ea de causa venernt Lovanütm) amurco agreditur, qu.em etiam comitatus est quidam nobilis ejusdem urbis nomine domintlS du Bois, apud quem ho pilaban(ur.
Per totum diem cursitantes varia loca lustmrimt, nec quicquam
quod acl rem faceret inve11ientes, staluenmt pro illa nocte 1·everti
amurcum. Cum jam ab eatlem civitate non longe abessent,
Pater (ratel' 1'homas solus prœibal, (socio cum illo nobili aliquantulum in via detento), Deumque exorabat ut sibi pro voto
locum aliquem deteaere dianaretur. Stans i{Jitur in upercilio
cujtlSdam montis (11rbs si quiclem amurceu is in convalle vrofw1da ila e t) , aciem dfriae11do iier u a/iam JUosœ (lmninis
,J

-22~-

partem, montesintuebatm· in qwibus valde densa nemura applirebant; inde su ricabatur quod ibi secundum animi sentenliam
situm invenire posset : 110bilem illmn virum imul et socium
ibidem expeclabat, quibus apulsis, ait: « Domine mi, irnpo i» bile mihi videtur itum quem quœrirnu in illis partibus non
» inveniri. » Et ille se idem pro certo censere asseruit : Ibi
» enim, dicebat, larlagnia yhra ita e t, et i quis Iocu ad
» propo itum in lota Namurcen i ditione sila it, in prœfalo
» lnco reperiri nece c est. »
Postridie, conducta cimba super JJfosam fl.uvium iler trium
milliarum veregerunt (ver idem enim spatitttn Marlanicum 11emus extend'itm~, et ut de sitû convenienti aliquid acciperenl
aliquos super hoc sollicite interrogabant, nommllos per modmn
examinis scrutabantur : duobus explet'is milliaribus didicenmt
quod in sylvœ hujus interiori fons reperiebatur et locus amœnus
ac solitarius; stalim Rd•• admodmn Pater frater Thomas, socitLS,
ac nobilis ille in terram vrosilientes pedibus incedere cœvenmt
monlem altmn Sttbezmtes. Et quamvi Pater, ob defl.uctiones a
quadam sciat.ica 1n·omanantes, vix ambulare pos et maxime ad
montis accens-um, cwn nec per planiciem sine cUf{foullate pergere valeret, nihilominus tamen tantum suscepit animum, ut
ad fontem de quo clictum est, non sine soci'i stupore, perveniret;
frustra tamen lassal1ts est, cmn situs ad id quod prœtendebatur
nimis improportionatus inveniretur.
Omnes ergo iterum cimbam ingressi sunt et nihil eis supererat videndmn, nisi situs qui zn--iclie in vertice mont'is a Patre
delectus fuerat ....... Pater (etsi dies inclinata esset) prœcepil,
ut simttl cum dllObus vel tribus ali'is sœcularibus socius sitmn
i11viseret qui ver medium milliare a fl,uvio di tabat. Festi11a11ter
e navicula egressi s1111t in qua 11obiNs ille 11fr rema11sit qui, ob

-

224 -

senilem œtatem, de(atigalt1s erat et simul cu1n eo Pater {rater
Thomas, qui ob eam causam malamque valetudinem multo magis las ilucfüie premebatur; nihiwminus quiescere nequibat desiderio v-idendi prœ(atum situm. Comites prœmiserat et, media
hora ab eo tempore laJJsa , nobilem illum rogabat ut tantisper e
cimba egrederentur et, recreationis gratia, quamdam fornacem ,
in qua a mineralibus {errmn extrahebatm·, inviserent; adjacebat
eni1n /1,uvio et navi.culœ, nec non in semita Deserti positus erat;
et vir ille Pa tris petitioni assensit. Viso (ornacis œdificio, 11edetentim Pater lpsum attraxit ad medium duorum magnœ altitudinis montium, et ibi, ut dicebatur, Deserti iter erat. Necdttm
modicos passus emiserant, quin bonw; ille nobilis de regressu
serw cogitaret, et callem hune in tuto non esse, nec unquam
peregrasse, af!innaret : persuasibilibus tamen rat-ionibtis Pater
ipsum vigebat, dicens quod jam jam comites redeuntes o/Jvios
haberent.
His ille non nihil animabatti1·; at necdum centum 11assus con(ecerat cum Uerum remeare vellet; quadam argentea fistula,
quam secum deferebat, sibil.os promere cœpit, si forte quis inter
meclios montes responsuin daret, et cwn nullus redderetur sonus, Patrem vehementius ad regressum urgebat, cujus instantiam et formidinem intuens, eum rogare cœpit ut ad cimbam
rnpedaret, solus enim sit1tm Deserti pertingere cupiebat quamvis
ipse viam et regionis idioma ignoraret, nec non in tam aspem
solitudine versaretur : in Deum enim svem omnem repo11e11s in
omnibus sibi auxiliaturum non ambigebat. Tandem bonus ille
vir Patris animum et tleterminationem intuitus, non est ausus
eum solmn in via deserere, ne aliquod discrimen incurreret, et
ita ad situm usque comitatus est , ibidemque redeuntes o{fenderunt eos qui ad explorandam promissionis terram missi erant,
ac bomnn nuncimn secum (erebant; volttit tamen Pater propr·iis

-225 -

oculi de omnibus certior reddi, et non nisi magna {'atigalione
et labore tmdique lustrato situ non modicam ex eo co11solatio11em
suscepit. Quicquid enim ad Desertum desiderari poterat, invenit;
nempe montes, valles, valde amœnam planiciem, totum de11Si
arboribus consitum, nec non aquarum copiam, duo quippe comvetentis magnitudinis rivi pet' medütm defluunt; ibi etiam varii
surgunt fonte et duo inge11tia stagna cer-nuntwr, quorum lo11git11do mille pedibus et lalitudo trecentis et ultra me11surari potest. Pater ergo supra moclum circa loci oportunitatem consolatus nocte illa Namurcmn repetiit.
Statim ac Rd•• admodmn Pater frater 1'homas donationem
accepit, quiescere vix poterat donec operi suo 1n·i11cipium daret;
et ita que11dam Patrem prœmisit, qui nonnullas seeum eleemoynas deferebat , quas a quibusdam religio11is bene(aetoribus
mendicarat, ut ic fabricam inchoaret; ex his ergo et ex aliquib11s vendilis arboribus cœptmn est œdi,fi.cium. onnullis tra11actis diebus,Archidux et Infantissa, qui tune temporis in castro
{arimonli commoraba11tul', ad Patris requisWonem promplo ac
supramodum hilari animo pro(eeti sunt, ttt in ecelesia sa11cti
Deserli vrimam vetram 11011ere11t. Inaentem secmn ltabuere comitatum, venerunt 'amurcum per spatium tmius <liei, sequent i
vero de mane -civitatem œg1·essi sunt, ut in ora.torio De erli
missmn atidit'e possent. Tantis imbrib1ls dies illi re(erti fuera11t,
ut specialis gratia œstimata sit hune in eorum adventu clarmn
ac serenum tenuisse. Et ne quicl in ipsa solemnitate deesset, Epi ·copus namurcensis pereait o{li.cimn et Archiàux et I11(a11ti a
primum posuere lapidem. Expleto officio, Pater eos comitatus
est per situm Deserti, ipsumque illi et eormn curia 71erar1ranmt semelqtte per circuitmn totwn lustrm'll11t, et in hoc JJer
sparium duarum horarwn cum qtwdrante immorali s1ml.
29

-226-

lnlerim 1·efectioni hora advenit ac {ronaibus arbormn valde
ordinale dispo ilis ibidem ArchidttX etl11{a11tissa omnesque illius
domicellœ accubuerunt, et quamvi in mensa clapes ordinariœ
(quas secum SS. CC. attulerant) appositœ sint, nihilomim,s
tamen 1wnnulla herbamm {ercula a religiosis Deserti ipsis oblata
unt, truta etiam valde exigua ibidem capta et cancer; hujuscemodi autem simplici edulio ita delectati unt, ut vix ordinarium
tetigerent, :pecialite1· Serenis ima Jn{ans. Sumptaque re{ectione, itermn interiora Deserti percurrere voluerunt de omnibus
à Patre inquire11tes; locique capacitate et pulchritudine mirabiliter capti sm1t; similiter etiam multum affeciebantur dum
cemerent quam totum aptum esset ad id quod religio 11rœtmdebat. Tola die, et usque quo instaret hora redeu,uU amurcum,
pet De ertum vagati unt.
Tarn hilares discesserunt ob loci vi am amœnitatem, ut pos/ea con{essori suo Jn{antissa significarit omnibus diebus vitœ
suœ illum computas e meliorem, prœ{atumque deprecata est ut
Desertmn invisere vellet, quod exacte idem adimplevit. Pater
amurcmn usque eos comitatu est (ita insinuante comite cle
Agnover), et ecundum ejusdem comitis consilium decrevit alloqui ln{antissam ad hoc ut {abricam per{icere dignarentur, et ut
situ et domus pariter patroni essent; et ita sequenti die, prou/
consuluerat comes, Pater ipsam co11ve11it ac exoravit dicens :
quocl cum SS. CC. {undatores dicerentur, in omnibus et per
om11ia la lem sibi titulum ass-umere velle11t, et sic opem ferrent
ad hoc, ut {abrica verficiatur el t1t su tenlari 11ossit numerus
viginli quatuor eremitarum, nec alios redditu petebat prœter
triticum 11ro alimenta et cervisia. rihil amplitts quœsivit Pater,
cum crelleret, quod eremitœ, qui vanem, ac cervi iam, nec non
ex horlo aliqua legumina haberent, vitam lransigere posse11t.
Promisit Infantissa quod istud procumret, et ita Pater 1·epeliit

-

'27 -

l)esel'tum, el statim facto mane sequentis diei littera.s accepit a
comite de Agnover in quibus significabat quod Principes circa
fabricam swnptus omnes prœstarent, triticmn qtwque quocl
Pater jtulicaret necessat'iton e e ad eremitarum su tentation m;
et ita1ecerunt, et hœc stabitita fuit eleemostJna et prius Financiis e:rhibita ut {ieri solet. (Liber fundationis, fol. t v<>-4).
n manu. crit intitulé Essai cle l'flistoire de amu1· par ttn
amurais, 1740, manu crit que po ·sède L J. Borgnet, nou
donne la date préci e de la pose de la première pi 'rre de l'égli e
(29 juillet t6t9), et nou apprend que le muids de froment
étaient a ignés sur le moulin de ambre.
Et à ce propo le regi tre du couvent nou font une pelite
révélation qu'il e t bon de noter. On a u que ce brave et
digne Carme avaient demandé et obtenu la quantité de bled
uffi ante pour la nourriture de vingt-quatre hermites. ai
j'ai beau con ulter leurs livres; je ne trouve partout que le
nombre de quinze ou seize reJirrieux peuplant le mona tère.
langeaient-ils comme vingt-quatre? C'e t pos ible. L'air e t
if dan le boi et ur le haut ur . Aprè cela le bons moines 'étai nt dit apparemment que, !or qu'il y en a pour vingtquatrc, on e t bien ùr qu'il en a pour quinze.
Ce n t qu'au début, parait-il, que l'on avi a de sauver 1 ·
apparence . La chronique nou apprend, en elfet, qu'on chanta
la premi re me e dan la nou elle église le 14 cptembret620,
en pré cnce du révérend et vénérable père Thomas de Jésus,
provincial de l'ordre, que le même jour eut lieu la premièr •
ollation pirituelle , et qu'on in talla vingt-un religieux
comme premier hcrmile l conveoluel du Dé rt. Or, vingtun n'c t pa loin d vingt-quatr . lai le nombre diminue par
la uil quinz n t6
iz II f690 et quinze encore
n 1 91 . C' i;t un p u l'hi. t ir d tou , 1 • r làchem ni. ; cl

-

28-

pui nou tlevon roirc qu'il vaut mi ux quinze Carme bien
nourri que vingt-Quatre tout maigre . joulon , pour continuer à être ju te, que la cherté de vi re" avait peut-être ui\•i
une marche progre ·ive, et qu il fallait bien e rattraper ur
le pain et la bière.
i le· Belges sont en majorité m· la li te de vingt-un premier moine , il n'e t pas moin vrai que Iarlagne e recrutait dans tou le pays, et que l'Italie, la France, l'Angleterr
et la avoie fournirent leur contingent. C'e t le propre de l'in titution mona tique, comme de l'égli e catholique en général,
de e montrer univer elle, humanitaire, à toutes le poque ,
et de ne point e renfermer vulgairement dan d' troite limite
de territoire et de nationalité, comme ont fait trop longtemp
le . gouvernement et le race . Et de là an doute la grande
for e du chri tiani me comme élément civili ateur, fai ant de
tou le· peuples un seul peuple de frère , couvrant le monde
de la pcn ée de Dieu et tle la grande id e de l'unité humaine.
Die 14a mensis septembris mmi 1620 ..... presente reverendo
ac venerabili paire 11ostro ThomaaJesu provinciali ..... cantatwn
fuit primmn sacrum in nova ecclesia, et ipso die incœpta ....prima
collatio spiritualis, assignatis infrascriptis religiosis qui om11e
adera11t pro primis Eremitis et conventua1ibus hujus s,; Deserli :
Rdu, Pater fr. Vincentius iJfaria a S 1• Ubaldo, 11riot, Tlalus.
Id.
Jacobus a s,a Teresia, S11Jlpl'Ï01',
Sabaudus.
Id.
lrinœus a S Pelro,
Burgwulus.
Id.
Joarme Baptista a S Carolo,
!talus.
Id.
Joseph a Jesu Maria,
Luxemburg.
Id.
Gera1'dusaS'a lJ/atrenostraTeresia, Tor11ace11sis.
Id.
llenricus a . S.""' Trinilate,
Leodius.
Id.
Lambertu a S lli/ario11e,
leodius.
Id.
Urbanu a ,a Maria,
Gallu .
/ri.
C.t1rill11s a ,a faire nosfra Teresia, A rlesiam1 ·.
( udom) .
10

10

10

- '229-

Fratres Chorislœ.
Frater Lzulovicus a S .llatre nostra Teresia,
Id. Elias a Jesu,
Id. Francisctt a Jesu,
l<l. Petrn a '• Joa,me Bapti ta,
Id. Alexius a S 1• Joseph,
Id. Jacobus a S 10 Magdalena,
Fratres Donat i.
Frater Joa,mes b/aria a 10 iYicolao,
Id. Fra11ci eus a conceptione,
Id . Benedictus a nativitate,
Id. Joseph a sancto Vincentio,
Frater Joamzes Bapti la a S 1• Joseph, novitit1s,
- Liber fundationi , fol. 10 10

Llamwniu .
A11glt1 .
Hesdinien ·i •.

Burgundus.
B11rg111ulus.
Illonle11 is.
ltallls.

Stabule11si ·.
/talus.
Y11re11sis.
Duacensi .

Nou trouvon dan le même livre , folio 4 , le doox
formule du erment que prêtaient le Carme du Désert. 1\
n'e t pa généralement très-fort en liturgie; et i l'on vient il
dire que l'une de formule s'appliquait aux novice ou aux
frères servant·, l'aulr aux frère ordinaire , comme font les
candidat et pui le doct ur , on ri quera peut-être de
tromper; il e t même po· ible que les deux erment e prêtaient à la foi lor de l'entr e au couvent, comme il emble
résulter de l'e pèce de procè -verbal que nou allon tran crir
et où il ne 'agit que d'un eul et même frère :
- « Je, frere Pierre de i. Jean Bapti te, vouë, jur et
11 promets de ervire a la premicre table a mon tour quand je
)) seray marqué ur la table d'office et de uppleer audit office
» la emaine uivante quand le
rviteur d'otuce era ab ent;
• de plu , de ervir a la premiere table toutes le· t te 1
» dimanch s quand le en·ileur t
lu qui doit y uppl er
u eront ab ent d I lie . ort que je era toujour r puté le
» plu j une par r::iporl ::iux prr Ir s. De plus j' jur , rou ··

- 2~0-

)) et promet de la cr le· plats et de faire l'office d'humilité
lor que je seray marqué ur la table d'office, comme aus de
» balaier la place qui me era designé sur la table commune.
I Jean' Baptiste fais ma profe
c< Je frere Pierre de
ion et
» promets a Dieu et la bienheureuse vierge larie du mont
» Carmel et a notre reverend pere Ildefonse de la Presentation
» de la tres sainte vierge Marie, general des freres Carme
)) de chau sez de la congregation de S1 Elie, et a ses succe >> eur , obei sance, chasteté et pauvreté elon la regle primi» live dudit ordre jusque la mort. De surplus, je promet de ne
» pretendre aucun changement d'habit ny aucune ele alion a
>1 quelque plus haut degré que celuy dont jay été apellé de Dieu.
» Vota mea domino reddam in conspectu omnis
» populi ejus in atriis domus domini.
igné) Frere Pierre de S1 Jean-Baptiste
F. Joseph Ignace de S1 Louis prieur
F. Fulgence de S1 Jean-Baptiste sousprieur.
i l'on est curieux de connaître le cel armorié d'un provincial de Carme déchaussé de la province Belgique, en voici
le de sin tel qu'il e retrouve dans les ancien papiers du mona tère, et tel qu'il sera curieusement reproduit dan l'annuaire con titutionnel de la nobles e belgique où il 'en voit
d moin authentiques et de plus plai ant :
»

-2 1-

20.

Et persom1e à la fi,1 de ce beati jour de fête
Ne pensa que le temps, déchainant la temp~te ,
Allait bient6t fmpper le dése,·t de ces bois,
Et qu'on était t!enu pom· la deniiere fois.

En effet, la révolution françai e ne tarda pas à éclater et à
venir faire aux muraille du Désert de farlagne une large, une
irréparable trouée, où pénétrèrent pêle-mêle, non plu de jo eux
promeneur , de cmieux, de compagnons du plaisir et de
jolies namuroises, mai un rama sis d'étrangers, ùe péculateurs et de républicain sans culottes, mais à vaste· poches.
Alors tous nos couvent di parurent pour ne reparaître (un
peu grandement du moin ) qu'en l'an de grâce t850.
l\lon cher Marlagne, lui, ne reparaitra plu .. C'est même en
vain que j'appellerai à on aide quelque nou elle communauté religieu e : tout serait à refaire; plus de cloître, plu
d'église; le aint établi ement de l'ancien régime n'a conservé que la impie et mode te retraite, où deux frère , sans
embrasser néanmoin la vie monastique, étaient v nu e fixer
pour termine,· pai iblement leurs jours.
ous allons voir dan le pas age de la chronique qui pari
de cette retraite, construite par les deux frères Bivort, qu'elle
était destinée à dev nir après eux un ho pice; et c'est peutêtre celle pieuse de tination qui l'a sau ée d'une de truction
totale, comme l'intérêt personnel a également sauvé le bâtiments de la ferme.

- 2 2i 7• 110vembri 1739, debilis cum licentiis, recepa sunt in hac
acra eremo oplimi domini lle1wic11s et icolaus Bivorts, quornm
primus cilicet Heul'icus, mille qui11ge11tos florenos contulit in
co11slntclionem œdifi.cii novi quod in habitant et quod postea aut
œgrolis, aut hospilibus i11serviet. Httic utilitati in deli11eatio11e
prœdicti œdificii intentum est et reliquum expensœ eremus 11ostra
suppe<litavit. - Liber {imdation'is, fol. 46.

POST-SCR lPT

1.

'il e t trè -amusant d'écrire, il est fort ennuyeux d'imprimer. Écrire, la pen ée : imprimer, la matière. Je n'aime pas
la matière. Corriger une épreuve e Lchose qui m'accable; au si
j'y mets le temps, ou plutôt je n'en ai guère le tcmp . la
plume ne se plaît pa mal, durant quelques semaines de vacances, à courir, à autiller, à tracer légèrement ce qui n'en
e t pa moin fort ouvent le fruit de longue· observations et
de réOexion trè - érieu es . lai le manuscrit ache é et la mioctobre arrivée, voilà que le graves occupation reparais ent;
on perd on goût aux petite fleurs de la rhétorique; on c
trouve à peine le courage de pa er çà et là dan la correction
d'une épreuve quelque matinée de dimanche. 1'ant il y a que
de eptembre en eptembre la copie s'accumule, que le tiroir
du ecrétaire déborde, et que le public en a peut-être pour
vingt an encore à ,•oir publier de loin en loin ces ancienn
rncances littéraires.
0

-234En .cela, comme en toutes les choses ùe cc monde, de

avanta«e et de inconvénient .
n avantage réel à laisser de la sorte pas cr sur le écrit
un certain lap de temp , c'e t d'arriver à m(Lrir un peu plus
sa pen ée et à saisir beaucoup mieux les plus gros défauts effaçables. onmnque prematur in annuin, disait le sage Horace.
euf an , c'e t un peu long . Pour nous autre , modernes, les
jour sont tellement plein qu'ils en deviennent de année .
Le temps nouveau a une allure plus dégagée que le temps
antique. Je suis bien ûr que l\IM. ue et con orts, grand
écrivain· du reste, grand et habiles sculpteurs de la pensée,
ne mettent pas neuf jours tout entiers à modeler leurs maquettes
d'argile.
Iaii; un véritable inconvénient que le retard de la publication entraîne, c'est tantôt que l'intérêt de la circonstance
abandonne quelque recoin de l'œuvre, tantôt qu'on voit disparaître Je charme ré ultant de l'inconnu et d'une petite trouée
faite au voile de l'avenir, tantôt qu'un fait loué ou critiqué au
moment de la confection du livre, voir même au début de l'impression, ne e trouve plu exister au tirage de la dernière
feuille.
Voyez, par exemple, là, dans le préambule, ce qui a été
dit du subside que !'In tiLut archéologique de amur était
en droit d'e pérer du Gouvernement. lor , M. le Iini tre de
l'Intérieur n'avait rien accordé; et raiment, en conscience, on
ne pouvait se refuser à noter un fait au i extraordinaire. Aujourd'hui un bel et digue arrêté royal, n date du 24 mar 1 49,
accorde quatre cent francs à la ociété archéologique de amur
pour l'aider à continuer se tra aux. C'est trè -bien. on pas,
je me trompe; ce n'est ni bien ni mal. C'est tout simplement
M. le finistre qui est dan sa nature; car encourager le

-2

o-

ci nce , le lellres el les beaux-art , c'e t M. Rogier louL
entier.
Également quand j'écrivai ce même préambule, la ville d
Tournai, du moin · à ma connai ance, n'avait encore ri n fait
pour l'archéologi , elle qui cependant compte d i dia-ne r pré entant des art , de la littérature et de l'érudition . Tout
ce que j avai , c'e t qu'on avait détruit un pont romain il
a peu d'année . lai voici à pré ent que la ociété histol'ique
et littéraire de To11rnai vi nt d nommer dans on ein un
comité a,·chéologique, dont MM. Renard, chanoine oi in et
Frédér. Henn bert font partie. ou comptons ur ces main
habile , non- eulement poUI' dre ser et rédiger l'inventai1·e
de toute 1 riche es qu le t mp pas é · ont légués à celte
ancienne cité, mai aussi pour mettre ces riche ·es à l'abri de·
auvage .
Ainsi encore, en énumérant les divers objets qui figurent
au nouveau mu ée de la ville de Tongre , je cite en premièr
ligne la fameu e pierre milliai1•e découverte en cette ville il y a
déjà fort longtemp . J'apprend aujourd'hui que le Tongroi
e trouvent dépo édé de cette pierre, qu il ont ain i perdu
l'un de leur monument le plus remarquable , et que le
gouvernement, par le oin • de 1. Sella. e , con ervat ur
du mu ée ,le Bruxellc , l'a fait tran port r dan ce dernier
local.
Eh bien! c' t un malheur, je le déclal'C hautement. l\Iai entendons-nous cependant. A coup ûr je ne pui donner trop d'élog s
:rn z le infatirrablc de I. chayc . Cràce à sa igilance et à on
amour clairé d anliquit 1 , un trè -grand nombre d'obj ts,
appartenant aux diver e pro ince du royaume, ont échappé à
un de truction certaine el · tronvcut ras embl dan la capitale, dan· c mu ée qu le "arnnl con ervatcur a u m ubler t

-2 6-

garnir en un très-}JCtit nombre d'année . Et ce n'est pa
seulement son cabinet chéri qu'il enrichit, qu'il care e;
l'amour de l'art le retrouve partout; naguère encore noul'avon vu ra\'ir à la main des barbares le grand tmnuli
d'Omal.
Comme moyen de salut c'est parfait. Qu'on réuni e à
Bruxelles, qu'on y sauve tout ce qu'on peut, rien de mieux,
en attendant que le diver musée provinciaux d'Arlon, de
Tongre , de Liége et de amur, oient organisés d'une manière con\'enable. fais ce moment arrivé, je tien que bon
nombre d'objets devront retourner dan leurs patries re pective ; car beaucoup ne peuvent avoir de valeur ni offrir un
véritable intérêt que sur I lieux même où il ont été dé ouvert . Il faut bien le dire : j'ai vu plus d'un étranger, plu d'un
amateur, ourire dans le cabinet bruxellois à la ue de certains ieux débris, morceaux ou pauvre fragment quelconques, de tous points indigne de figurer dans le musée de la
capitale où ils ne disent rien, où il signifient peu de cho e,
mai qui, réunis sur les di ver point de la Belgique où la
main de anciens les avaient placé , réveillent sur le champ
de ouvenirs locaux, racontent !'hi Loire particulière de antique cité qui le expo enL, et prennent un intérêt de localité
qu'il ne auraient avoir autrement et ailleur .
La pierre Longroi e elle-même, la pierre milliair , toute
précieu e qu'elle pui e être, perù as urémenl une grande partie de on prix à se dépay cr, à se montrer Join du forum oi1
le Romain l'a,•aient érigée. C'e t à Tongrc qu'elle doit tr ;
c' t à Tongre qu'il faut ab olument qu'elle retourne un jour;
c'e t à Tongres qu' lie doit appeler, convier, attirer le anliquairc · t le tourist , oit rétablie dan I mu ée local, , oil
mieux ncor dr ssée par les soin, de l'autorité ur l'une des

- 2 7-

placcs publique , et marquant toujours sur ce vieux sol gaulois les di tance hi ·toriques qui séparaient la grande cité de
Gaules, 1'Atuatuca Tungl'ormn, de di erses station romaine
ra onnant de ce centre ver la Gaule cellique et ver la Germanie. Il y aurait barbarie à ne pa relever sur sa vraie base
ce monument mémorable. Allez voir à Bavai, sur la grande
place de Bavai, la colonne milliaire qu'une administratiqn intelligente a restaurée (en fac- imile du moin ). Que serait-elle
à Pari , posée ob curément contre les parois d'une aile?
Voilà donc quelque -unes des rectification que j'avais à
faire par uitc de ma lenteur à publier un livre. Il y aurait
bien encore par-ci par-là quelque peu de pareilles cho e
à modifier; mai· inutile de les reprendre en détail ; mon
lecteur les avi era sans peine; il en sait à présent la eau e
et l'excu e.
Je dirai seulement que, par une inexplicable erreur, l'imprimeur a donné le prénom de Loufa, et non de Lucien, comme
il le fallait, à . l'avocat Jottrand. li sumt. Tout le monde
connaît parfaitement le nom et le prénom de notre écrivain
belge, de l'auteur qui vient encore d'obtenir un succès littéraire, en composant Les églises d'état, ouvrage couronné au
concours Halclimand dans le canton de Vaud.
J'ai peut-être au si à me reprendre ur Liége. J'ai dit que
ju qu'à présent l'archéologie ne devait rien à cette ville, et
c'est vrai. fai la province commence à faire exécuter un grand
travail d'utilité publique, lequel fort heureu ement doit à la
fois tourner à la ati faction des archéologue . On y fait rechercher, remesurer, relever, réparer, restaurer les grandes
,oie romaines qui tra er aient le pays et qui s'étaient fort
détériorée dan les derniers siècle , tantôt indign ment rognée par le propriétaire. ril'erains q11 i u urpaient ain i le

-2 8-

dornaine public, tantôt même complétemcnt envahies et tout
à fait perdue . ous allons donc revoir ces lono-ue , droit · et
belle ligne que tracèrent le légion· de Rome, et qui auront
l'extrême a antage de recoupe1· en tous en t de relie1· entre
elle le oies modernes de communication.
J'aurais bien encore à parler d'un grand événement qui
s'est produit pendant la correction de dernières épreuve ; je
veux dire ce Congrès Littéraire Flamand, ou ert à Gand,
le 26 août f 49, et où ·e réunirent le Rhétoriciens mo en-âge,
1 littérateur ogivaux et pur- ang de la Flandre flamingante,
brave gen tourmentés, dit le prospeclu , dtt dé il' d'une lmnsformation propre au grandi ime profit de l'unité belgique, t
qui 'empre ent de rétrograder de deux ou trois iècle pour
aller reprendre en ou -œuvre la haut littérature flamande
d pui longtemp tombée. ai je doi m'ab tenir. Je reconnais que ce sujet ne rentre pa · préci émcnt dan le cad1·e du
Désert de Uarlagne, à rnoin peut-être, comme je le pré urne,
que le oral ur du congrès flamand n'aient fait au i bien que
d'aller prêcher au Désert.
on, non, il auront beau faire : Lou leur effort n'empêclrnront pa le pauv1·e vieux flamand de continuer à reculer pa
à pa d vant le grand soleil de Bo uet t de Corneille, d
Fénélon t de Racine. Et de même qu'aujourù'hui le françai
· ul t parlé dans l'ancien vissengaet de aremme, comm'
dan tou le illage né flamands de Bcrloo, Donglcbert (Dongelberg), Aillebroux ( Aygebroeck), l\lolembais, Opprebai ,
(llfole11beek, Opve,.beek), Orbai , Thorembai , orbai , arbai , Pietrebai , Bierbai , Glal>bai , et ainsi à l'infini sur
1out la ligne wallonn , ou i l'on veut l'Omane, d même le·
malheureux pa ans de. canton de 1 hiell L de Roui r , toto
divi o ol'be, finiront j l'e. p'>r , par êlr allcinl du Ilot
1

_,. 9 -

bienfaisanl, par jargonner françai , et par prendre d, la ·ort
une place un p u plu large, plu commode, au banquet de la
nouvelle civili ation du monde.
Lais on donc le flamand; occupons-nou plutôt de son h ureux fr re et vainqueur. Oui, naiment, j'aurais grand plai ir
à rappeler en quelque mol , comme je fais d'habitude, le
diver e production· littérnire orties des plume belge dan
le cour de l'année, et qui ont écrites en belle et bonne langue de Gerlache et de Quetelet, de Warnkœnig et d'Arrivabene
voir même d'Hamilton l'éco ai , comme au i de an de
\ eyer, Devaux, de Decker, choonen , errure, Cooman et
autres 0amand de la grande école. oilà qui e t comme il faut
au moin ; voilà qui s'adre e, non plus à quelque leuré des
faubourg de DL mudc ou de Poperinghe, mais à la bonne
Belgique, une et indivi ible, mai à l'Europe, mai à Loule la
terre. J'aurai à citer, par exemple, le tant belles poésies de
~ eustenraad , de Wacken , de fathieu : les nouvelle
et
charmante fable du baron de Sta art et de M. Rouvroi : les
avante recberch ' de nos du lortier, de Ram, Gachard,
de Clos et, de Reume, etc. : la remarquable Hi toire de l'architecture en Belgique par le confrère chayes, et l'excellente,
la piquante Rh 1torique du confrère Baron : 1 jolie œu re
de Gaucet, de Potvin, le ulile publications d'Eenen , le pirituell
t en ée originalité de Jobard pour ne pa dire autre chose . lai I auteur craint de subir encore une foi un reproche a ez mérité; on dira, on redira qu'il e fait un jeu de
j ter pêle-mêle dans se notes tout ce qui lui pas e en tête,
et de vi er à faire cbang r le ieux mot à JJl'Opos de botte en
cet autrn à 11ropo de wallonnade.
J'ai néanmoin le droit de mentionner spécialement deux
livres, vu qu'il e rattachent plu · ou moin directement à mon

-

2-10-

fail, c'c ·t-à-dire, à deux de m princii)aux per ·orrnage , aux
illu tr fondateur de· Carme de Ial'lagne : l'un e t l'lli toire d' lbert et d'Isabelle, par M. Ch. Duboi , fil du Rot child liégeoi ; l'autre e L l'ouvrage de I. J. Dieden, avocat 11
la our d'appel de Bru. elle , ur le règne de même prince ,
ouHage auquel l'Académie a décemé le bonn ur d'un prix L
de l'impression.
oilà deux livre bon et con cienci ux qui honorent le pa ·
li prou ent que no jeune écrivain rompent décidément av
le nouveau genre hi torique françai , avec la mode nouvelle
et pourtant déjà bien surannée, avec l'onduleuse histoire à la
façon de M. Iichelet. Je convien · que la façon de M. Iichelct
forme un je ne ai quoi des plus amu ants, des plu piquant ,
de plu drôle ; mai j'ai toujour dit et écrit que cette fa<:on
d'hi toire n'avait rien de bien érieu ement hi torique; j'ai
toujour demandé par quelle étran"C aberration l'univer ité d
France avait pu rendre clas ique cette romantique >t autillante histoire.
Car ce n'e t pas la pr mière foi que je parle de M. 1 hi torien lichelet. J'ai déjà proféré sur on compte de parole qu
je croi ju tes et qui ont par con équent a ez dure ; j'ai
même eu l'occa ion d'extraire quelque échantillon de a carte
bigarrée et de les offrir au public. Or, à cette époque, on 'étonua grandement de me voir traiter avec une telle irrévérence
le hardi novateur, le célèbre hi torien, l'illu tre historien,
comme disaient alor le journau. parisiens. Au fait la chose
était inconcevable. Comment! un écrivain belge, un pauvr
auleur walion s'attaquer au favori du journali me et du libérali me françai ! Et cependant je n'élai pa eul; je m'appuyai
de la grave autorité du profc eur chlo er, d'Heidelberg,
qui pari• aus i du bo11rsoufl1é lichelel. lai ,·oici mieux

-241 -

maintenant; l'opinion vire partout; les écrivains de France viennent nou pr 1 ter main forte; triple baro de France, de Belgique
et d'Allemagne. on, je ne pui ré i ter au plai ir de citer le
pa age uirnnt; il confirm trop bien l'opinion émi ·e ur
ce que je m'étai dè longtemp permi d'appeler l'onduleu e
hi toire à la façon de M. Ili b I t :
cr La cience, décorée de no jours du nom pompeux d
philo ophie de l'bi Loire, a, pour expliquer le de tinée difp férente ré ervée aux peuples, de procédé
très- impie et
» de argument péremptoire . Ré olue de trouver la rai on de
» tout et de vaticiner sur le pa é comme le prophète
ur
» l'avenir, une certaine école ignale tantôt dan le accident
» du sol ou les influence atmo_phérique , tantôt dan le
» caractère L le tempéramment des peuple , parfoi dan l'é• mail de ·e1Lx, la couleur de la hevelure l jusque dan la
» coupe de vêtement , le eau e de plus grands pbénomèn
» de l'histoire. Pour elle, le fait usuels, les naïfs détail de
» la vie dome tique, ont mille ignification
ymboliques qui
» vou échappent et vou confondent; chaque terroir a a
» vertu, chaque race a sa mi sion, chaque co turne a sa portée
» philo opbique, et le tailleur travaille en vertu d'un {i,at d'en
» haut.. C'e t le côté hiératique de la nature qui échappe au
» ,'lll"aire, et dont les arcane ' ntr'ou rent de ant le cul
initié . Telle province doit fournir des philosophes, t lie au» tre de jurisconsultes, une troi i me e t la patrie pr 'de tiné
» des poëtes ou des orateur . II sumt d'observer la forme
» de certaine montagne ou de uivre en rêvant l cour·
» de certain· fleurn pour avoir la perceplion di tincte de
» crrande
cènes du pa é , t , pour peu qu'on ob erre
avec attention, par exemple, la coiffure de Caucboi e ,
~ il e t impo ible de ne pa devier la conquête de I' ngleterr
J)

1)

1)

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-

4

par les ormand '. oyez l\J. Iich let, histoire de France,
lome II. l)
« La France, pays du bon
n , a fait trop d'honneur à ce ·
» ing nieu e pauvrelés en leur permettant de s'étaler devaut
" elle avec leur garniture de clinquant, au temp même ou
" le étude historique prenaient, ou la plume d'historien
» publici te et d'écrivain homme d'Etat, des proportion
» qu' lie n'avaient pa atteintes ju qu'alor . En prêtant l'o,1 reillc à ce puériles affirmation , au
i bi n qu'en accoutu» mant se yeux à l'éclat facile de œuvre pittore que et bril" Iantée ·, elle a rendu ingrate et pre que impos ible la tâch
» des écrivain qui respectent encore la con cience publique.
» Il e t devenu difficile de prendre beaucoup de peine pour un
» public ré olu à en prendre i peu de lui-même ................. »
(Loui de Carné, de la constitution de l'unité nationale en
France).
n ne peut rien ajouter à ce bonne paroles; je ne pouai rnieu · finir qu'en les transcrivant; et il ne me re te qu'à
engager pères et mères, comme au i maître et profe eur
qui ont à leur tour pères et mères, à cesser de meure I. !'hi torien Jichelet aux main de leurs enfant .
fais à moi, cher lecteur, qui vai vous dire au revoir
t me taire à !'in tant, , ou me permettrez , je l'espère ,
d'engager tout le monde à meltre aux main de tou Le Dé ert
de blarlagne.
A ant donc ain i fait, écrit, compo é, ayant une bonne foi.
orrigé l'épreuve et sati fait à mes devoir d'académicien, ayant
même divulgué un vieux péché poétique , un péché de jeune e, en le gazant de préambule et de note , à pré ent, me
lecteur · , je ou prie de outîrir que je consacre ce qui m
re te de vacances à mon petit bien- tre corporet. lion fair'
»

»

- 24'3-

Ulle excur ioo pédeslr , délier no mu cle , aigui er l'app Lit ,
alourdir le ommeil; allon rejoindr quelque bon confrères
et ami , t nou a ocicr à leur heureux loi ir ; dépo on la
1>lume; parton , marchon , pêchon le goujon de la leu e ou
la truit ardennai e; tendon le lacet à la grirn vorace; uivon.
m me au loin dan le boi la meut abo ante, qui nou promet pour I prochain fe tin I noir civet de lièvr , le râbl de
chevreuil, la hure épicée d anglier ou p ut-êtr qu lqu •
or ill far i du Béotien d B lgiqu .

Cedat penna {eri : co11cedal A710/lo Dia11œ .
GGG .

Embour 10 eptembre 1849.

.

.

NE PIERRE MYSTÉRIEUSE.

Parmi no rares amateur de promenade olilaires, pluieurs san doute connai enL la petite vallée que forme le
Houyoux non loin du cimetière de la ,,me.
En arrivant à cette vallée par le chemin qui traver e la campagne de Froide-mse, le promeneur rencontre d'abord l'ancien
château d'Ilastimoulin avec sa petite chapelle antique et a
tourelle pittoresque ; pui , à quelque distance , un moulin
à farine qui fait entendre ince samment le bruit de ses rouages ; enfin , bientôt aprè , une modeste mai on de pay an
proprement blanchie à la chaux, et précédée d'un étroit jardin
potager où quelque fleur encadrent agréablement les carré
de légume .

7
-24G-

Sans intérêt pour la plupart des pa sants, ce jardin attirait
pourtant, naguère encore, l'altention du petit nombre d'archéologue qui enaient à longer la baie d'épine qui le sépare
du chemin. C'e t qu'en effet il pouvaient apercevoir de là,
maçonnée dan un mur servant de soutien à une terra e, une
pie1·re dont la forme étrange ne manquait pas de piquer leur
curio ité. En ap1wochant de cette pierre taillée en ronde bos e,
et haute d'environ deux \)ied , ils di tinguaient le buste d'un
guerrier revêtu de sa cuira se, portant dans ses deux main
une tête de mort détachée du tronc où l'on voyait encore le
traces de la décollation. Sous le buste, un ocle contenait cette
m térieu e inscription : Une heul' viendra quy tout paiera;
puis la date de io62, et enfin le initiales P. . entrelacées
dan un nœud d'amour.
Etonnés de rencontrer ce lugubre monument au milieu des
fleurs et des légumes d'un jardin de maraîcher, les promeneurs
s'empres aient d'interroger à ce sujet les habitants de la maison; mais ceux-ci, la plupart du Lemps impies locataire ,
ne pouvaient répondre aux questions qu'on leur adressait. Quelquefoi , il e Lvrai, ils se ba ardaient à dire que le bu Le du
guerrier provenait d'un caveau découvert jadis dans la côte
aride qui domine leur habitation, mai aucun témoignage ne
venait confil'mer cette opinion. Quant à des reuseigneruents
sur la signification du monument, il fallait renoncer à en obtenir. Entretemps, expo é aux intempéries des aisons, celuici menaçait de se dégrader, lorsqu'il y a quelques mois,
M. Louis Briard a bien oulu en faire hommage à la ociété
Archéologiquede amurqui l'a fait transporter dans sa collection.
Toutcfoi cette translation, llâtous-nous de le dire, o'a point
éclairci pour nous le m •stère du drame sanglant que le lecteur a sous les yeux.

-247-

Quel t ce guerrier qui montre ainsi sa tête décltarnée t
qui emble prédire qu'un jour a mémoire cra vengée? Pourquoi la pierre qui nou retrace son tri te sort ne nou apprend-t-ell pa en m •me temp qui il fut? Tout parait porter
ici l'empreinte d'un jugement ccret qui n'aura point permi
que l'on fit connaître le nom du condamné ni le motif de la
condamnation. fai quelle est la victime qu'il a frappée?
E t-ce un homme pui ant que l'on redoutait; un chevalier
convaincu du crime de félonie; ou bien un malheureux Jhrré
aux bourreaux comme hérétique, quoique la date de 1562 nou
reporte à une époque antérieure aux persécution du farouche
duc d'Albe? Et
initiale qu'enlace un n u~ d'amour, n'indiquent-elles pa qu'une épou e ou une fiancée a vu frapper
celui qu'elle aimait et a dû, peut-être, lui faire élever clande tinement ce tombeau? .....
Suppo ·ilion qui ont toute permi c , et que le lecteur peut
développer au gré de on imagination, car aucun indice n'est
venu ju qu'ici le combattre ni Je confirmer.
La tradition orale ne nous a rien fourni, t le rech rch
que nou avons faites dans le recueil des sentence du con eil
provincial de amur, ans crainte de dépoéli er notre sujet,
ont été complétement infructueu e . A côté des registres de
l'ancienne cour de 1- erni· , trop récents pour donner l'explication d'un événement au· i éloigné, il re tait à con ulter
le regi tre aux obit de la cure, dont 011 pouvait e pérer un
meilleur ré -ultat; malbeureu ement il ont été tou anéantis
ou di per é à l'époque de la révolution françai e.
Mai , i l'hi Loire du chevalier sans tête e ·t demeurée un
myst re pour nou , du moin ommes-nous parvenu à connaitre oü e trouvait originairement le monument con acré à
:a mémoire. Il ré ull de r n. cignements r neillis aupr~s d<•

-248-

dilfércnt iei llards, que cette pierrn provenait de l'ancienne
chapelle de '-Servais, dont on ne Yoit plu maintenant aucun
ve tige. Le tradition e perdent i rapid ment aujourd'hui
que beaucoup de per onne iguorent raiscmblablemcnt où
était ituée cette cbapelle. ous leur ùiron donc qu'elle exi tait au yiJlage de 1- crvai bien avant l'érection de l'égli e
actuelle de la te-Croix. Placée entre 1 chemin qui conduit aux
fond· de Rhi le et le moulin dit de l'Escaille, à l'endroit où
la route de amur à, avre fait un coude pour se diriger ver
le vallon de la Papeterie, la cbapcllc dont nous parlons semblait remonter à la plu bau te antiquité.
ne ancienne légende porte que, dans le premiers temp du
cbri tiani ·me, 1- ervai,, é, êque de Ton"re , venait célébr r la me e, pui se mettait au itôt en route pour Tongrc ,
où il arrivait a sez promptement pour dire une econde me e
peu d'in tant aprè avoir terminé la première. Comment '
prenait-il pour franchir avec tant de 1·apidité une distance au i
considérable, à une époque surtout où le voie ùe communication étaient en quelque orle impraticable ? On erail tout
naturell ment porté à croire qu'un pareil voyage 'accompli·ait à l'aide d'un miracle. éanmoin , uivant notre tradition,
1
er ai n avait ici recour à aucun mo ·en urhumain,
mai il profitait habilement de la rc mblance qui exi tait
entre lui t un ecclésia ·tique de a connai ance, pour
sub ·titu r celui-ci à a place toute les foi qu'il le jugeait
convenable.
Cette légende, pleine d'un esprit de critique peu en harmoni ,
avec la foi naïve empreinte général ment dan de récit de cc
gcur , n' t pa du re te racontée de même par tous le vieillards. D'apr une autre ver ion, un prêtre, dont le nom n' L
pa il , r mpli ait alternatirem nt le fonction de on

-:U9-

ministère pendant ix emaines à Autre-Église I et pendant six
semaines à t er ais. Il s'agit ici d'une époque où les mini tres du culte chrétien étaient encore très rares dans notre pa s,
et cette version tendrait en quelque sorte à faire rivaliser d'ancienneté la chapelle de si-servais avec celle de Autre-Égli e,
qui pa e pour a oir été fondée par si-Materne premier évêque
de Tongres.
On dit, eu effet, que l'égli e de cette ille fltt la première,
au-delà de Alpe , con acrée à la mère de Dieu, celle de AutreEglise la econde. Le fait e t attesté par les ver uivant
Credilur hoc templurn l\laterni tempore structum.
on ma"'i · antiquum Belgica terra tcnet.
Hic locu est ( ic no docuit non fal a vetusta )
In quo, post Tungro · , Altera Sacra iget.
Ce qu'une vieille traduction a naïvement rendu ainsi :
Du temp de i_ falerne, en l'an Ill cent et huit,
Flori · ant lor au monde ju qu'à cent et XXVIII,
En cette égli e présente at esté érigée,
Et n'at la terre Belgicque plu ancienne renommée.
Autre-Église port on nom en plu ieur li ux redonde;
Car, après ceste de Tongre, ceste icell la seconde 2 •
D'après un manu crit du i cle passé 3 , la chapelle de
1 ervais doit avoir été détruite à une époque a ez reculée
(ex antiquitate clestructmn) , mai rien ne nou apprend, ni la
date, ni la eau e de cette dévastation, qui ans doute ne fut
Aulre-tclise esl un villar;c voi in de Jodoir;ne.
de mai sanclifié en Delr;ique, pa1· l'aut~m· de la Bclr;iquc
Chrétienne. Liécc , 1848.
1

, Le moi

3 Mém. llisl. sur amur, recueilli 1>ar J. -F. Duboi. , curé d Jcnwppc ,
en 1738. (.drchiTJ. proo.).

-:250-

pas complète, ou fut réparée en partie dans la suite. Si,
comme on pourrait l'inférer des expre ion d'un registre de
l'an fi56 1 , la de.,truclion a été accompagnée de profanation
(prophanata el clestructa), il faudrait peut-être l'attribuer aux
guerre de religion qui ensanglantèreut la fin du 16° siècle,
quoique l'histoire ne nous ait fourni aucune trace de ravage ,
de celle nature commis par les hérétique aux environs de la
\·ille de amur.
Lor de la fondation de l'é"lise de la S16-Croix, en 1633,
l'évêque transféra à la nouvelle paroisse les messes que l'on
di ait à la chapelle de S1-Servais, où il ordonna qu'on fît la proce · ion à la quatrième fête des Rogations. Il paraît même que,
ju que vers la fin du iècle passé, on y célébrait la mes e le
jour de 1- ervais.
A celle époque, la chapelle de S1-Servai , dont le pavé intérieur était garni de plu ieurs pierres tumulaires, ne pouvait
guère contenir qu'une vingtaine de personnes; mais des fondation qui peul-être subsi tent aujourd'hui, attestaient qu'elle
a\·ait d1i être plu con idérable autrefoi .
côté, e trouvaient la place publique du village, le pilori, et un cimetière.
On a encore rencontré des ve li"es de celui-ci en construi aot,
il y a peu d'années, le pont qui conduit au chemin de Rhi les.
A l'exemple de tant d'autres édifice du culte, la chapelle de
1- ervais fut renversée par le fanatisme des républicains français. Le tombe ne furent pas épargnées ; mais, parmi elles,
une piel're sculptée attira l'attention du sacri tain de la ic _
Croix. Il la fit enlever et tran porter dan son jardin.
Celte pierre était celle du chevalier sans tête.
• \'isilalio eccles. di lricl. archipresb. facta per F. Wilmar archi-

prc h. anno J7o0. (Archiv . JH011.).

-

251 -

Placée aujourd'hui dans le cabinet de la Société Archéologique de amur, il faut espérer qu'elle se trouve désormai à
l'abri de la de truclion, et qu'un jour, quelque archéologue
plus habile que -nous parviendra à pénétrer le my tère dont
elle est entourée.
E. D.

I.

-

CONSIDÉRATIO '
' R L'ÉT

DE DE t'AliCHf.:OLOGIF:.

Le if dé ir tlè voir la ociété rchéologique obtenir, par
la publication de e annales, de uccès propre à atteindre
le but qu'elle s'est propo é, m'engage à expo er les motif qui
ont pré idé à sa formation, et à exprimer le pensées qui doivent nous exciter à con olidcr cette création, in pi rée par un
sentiment d'attachement à notre pays. Je crois pouvoir l'entreprendre dan l'intention d'apporter un tribut aux premier
travaux de la Société qui, nou l'espérons, seront appréciés par
le personnes pour lesquelles l'archéologie est une science de

- 2oJ -

prédilection, et par cell · qui applaudi s nt à tout effort teul ·
en faveur de progrès d s connai anc humaines.
L'Archéologi , dan I acception ta plu étendue de a définition compr nd l'étude de l'antiquité toute enlière d'aprè le
uvre de l'art et le é rit de auteur ; cette étude a pour
objet le production de l'architecture, de la peinture, d 1 la
·culpture, de la nurni malique, etc ..... Au premier abord, cc
cadre parait immen e; mais I but de !'Archéologie étant plutôt
la recherche hi torique de progrè t de la décadence de ce
différentes branche et de eau e qui le ont amené , que
l'étude d lem· principe , on enseignement e t, pour chacune, l'bi Loire d l'art et non celui de- règles de l'art.
Tout foi , 1 limite de la cience archéologique et le cercle
de connai ·sance es enticlle à e progrè , ne sont pa tellement r treint par la spé ialité de ce recllcrcllcs, que l'hi toire de l'art oit complétement indépendante de l'initiation aux
principe de l'art lui-même; ainsi , par exemple, pour juger
de progrè · de la peinture, il faut, non- eulement connaître
le œuvre qui ont le belle pages de son histoire, mai ·
aus i êtr au fait de différ nts procédé d' xé ution qui
ont succédé et, surtout, étudier le règles et le principe de
chaque maître dan la conception de es œuvre , afin d'apprécier on influence ur la direction générale des progrè d •
l'art. C'e t également pour ét ndre le étud s archéologiques
qu'une collection de médaille doil être formée; non dan le
but de réunir des objet précieux par leur rareté et leur valeur
intrinsèque seulement, mai pour y trouver un pui ant moyen
de nou in truire de l'hi loir de per onnage dont cc médaille portent le t'pe, de fait en mémoire de quel on 1
a frappée , l aussi pour répandre de lumièr s ur ce qui
intéres e I lo alité oil lie ont él · décou erl . Dédaigner c · ·
3

-~5 -

éclairci ·ement hi torique , ce ne ~erait pa faim de la cience,
mai plutôt ati faire le puéril dé ·ir de collectionner. Le véritable amateur doit élever se vue plu haut.
La ociété formée à amur, en prenant le Litre de Sociéte
Archéologique, a-t-elle voulu embras er un champ au i a t
que celui qui est ouvert aux étude arch6ologique ? on, san
doute; mais par cela même qu le bornes n'en sont pa fixée
Lrictcment, chacun e t libre d'explorer ce champ où il v ut :
ain i, on peut tout aussi bien traiter de que tions d'art ou
d'hi Loire locale, légi laliv coutumière .. , que réunir de
objet d'art avec de armure , des u Len ile t de médaille .
La nature ùes recherche de membre , les éléments offert
par l'bi Loire, les monument· t le production arti tique
des localité , enfin, la facilité d'acqué1·ir les objets, fixent
naturellement ces limite·. C'e 1 en vue de concentrer 1
plu de lumière sur \'hi toire locale, que la ociété n'a pa~
,·oulu s'occuper seulement d'archéologie , pri e dan le en.
rigoureux de sa définition, mais que, par es statut , elle s'e t
au i propo ée de publier de document inédits et des nolice ·
ur divers point Ili torique . Elle a pris le titre de ociété
Arché-Ologique, parce que son principal but c t de former uu
mu ée d'antiquités provinciale .
De ce considération découle une que tion : « ommes-nou
» au milieu de conditions assez heureuses pour entreprendre
» avec uccès de recherche de cette nature? » Oui, sans auun doute. 'avon -nou pas à explorer l'hi toire de l'ancien
comté? amm· n'est-elle pa une de anciennes cité de la
Belgique? i elle n'e ·t pa la fortere e de · Atuatique , qui a
1té a iégée par J. Cé ar, il
a toute probabilité que celle-ci
n'était pas éloignée de l'emplacement de la ille actuelle. Tout
fait pr umer que amur fut occupée par les Romains d le

-

2oü -

premiers t mp de leur invasion: ·a po ilion admirable, l •
nombreux e tige trouvé à amur et dans toute la pro ince,
qui en a cowervé le plu aprè le Luxembourg, tendent à confirmer cette pré omplion. u moyen-âge, où déjà la ville occupait une partie de l'emplacement actuel, nos pères ont joui
d'un commencement de ivili ation dont on retrouverait I s
trace dan le mœurs, les coutumes et le loi de cette époque; il erait intéressant de le réunir complétcment. Quelle
inlluence ont eue sur ce in lilutions le guerre qui dé olèr nt le comté de amur, à tant de reprise différ nte ,
oit pour le outien des int rê! des · habitants, soit pour servir I querelles de leur alliés! Combien de localités qui, apr
avoir joué un rôle glorieux dans ces guerres, entr prise ·auvent contre de pui ants ennemi , ont aujourd'hui déchue du
rang important qu'elles occupaient jadis. Le complément de
telle recherches erait l'étude ·de · édifices, de habitation
t de· u lensile de nos ancêtres : leurs formes et leur
caractères, particuliers à chaque époque, accusent tout autant
le idée que le" be oin de ceux qui 'en sont er is.
li me uffit d'e qui er par quelques traits, des partie d
notre bi toire qui ont à explorer. Les notice que contiendront
le annale , prouveront mieux ncore ou combien d'a pect ·
intére ant et arié notre passé p1·ésente, quand on ou lève
le voile qui nou le cache.
L'lli loir offre toujour · un en eignement utile; el comme
l'archéologie est le complément de l'hi toire proprement dite,
lie contribue pour une part au bi nfait de cet en eignemenl.
C'est à l'époque aclu Ile qu nous d vons nou efforcer de con. erver tou le document ur 1 ·qu I l'histoir du pa · é r po e, et d auver ce débri de l'inditTéren générale qui t
la cons qu ne, forcée d I' poqu d tran ilion qu nou,

-

2li6-

Lravcr ons. Cette con crvalion c Lpour nous au talll un a Led
reconnai ancc enver no ancêtre qu'un devoir à l'égard de
uo de cendant . Que répondre à cc dernier·, i non n'avons
rien de no· père à leur tran mettr ? Quel tri te et fune le
exemple d'ingratitude à leur lérruer. Déjà nou -mêmes, ne r rrrettons-nou pas la disparition de traces d'ancienne in titulions, dont le beures de commencement et de fin laient
écrites dan !'hi Loire du monde et de la civili ation, et que c
Lrace aient été effacées pour toujour par uu flot de la tempête
qui boulever a la fin du ·iècle derni r.
i quelqu fois vou avez écouté un i illard parler de on
pa é, de 'v nem nt qui dan a j une e, ont rrappé
ouvenir , des chose qu'il a vue t qui n'cxi Lent plu , auxqu Ile lui t le icn étaient auaché · comme vou I ète ·
11 ce qui vou entoure; •i, en ible à l'attrait qu'il trouvait
clan e souvenir , vou partagi 'Z e moments heureux
ou
regret , vous aurez dû comprcndr l'importance du
pas é autant pour toute génération que pour cc vi illard.
Vou de,:cz donc chercher à recu illir le page de l'hi loir
de noire pa qui ont échappé à une main que la rureur a eurrl
rendit v:rndal .
Le· ouvenir· ur le quel. repo · la gloire d'un pa · lui
auachent un noble cœur éduit par leur pui ant aurait, l
excitent 1 ourage qui doit le défondr . Voyez c peuple dont
1 pa ·é r mplit une page glorieu e de I hi loir , combien il.
. ont anim s d'un en liment de Il rté nationale qui leur rend
ch r tout Litre de gloire r hau · ant I nom de leur patri .
Gand, Brug rapp lient a,· c enthon ia. m I urs lult •s ,·ictori •us s, 1 nr homme céF•bre cl lrur anci nne pro, péril .
,\nrrrs as11in• il con er\' r 1 haut rang ou l'ont él vé 1 :
1 11b n , 1· \'an n~·ck r t 1011 es nfants d nl I nom ·

-

'257 -

" lorieux ont in crit dan le temple de, beaux-arts. li est it
r •marquer que Gand, nver , Liég , sont I ville où le cuit•
de ouvenir e t le mieux con ervé.
« Mais, dira-t-on peut-être, quel a antage retireron -nou
» de tel tilr de gloire; nou faciliteront-il les moyen d'exi » tencc? » Béla , non! Si la néce ité arrache ce cri, la gloir ',
impui saute à adoucir les étr •in tes de a cruelle oh e ion,
1• rendra plu déchirante. par I contraste de la splendeur du
1nt é avec les rigueurs du pré ent. Mais en omm -nou réduit à c tte extrémité? Non an doute : 1 prétendre rait
ni r corn piétement le bienfait de la civili ation et toute e p· c
d progrè dan l'amélioration générale. i le plu noble nliment compati sants à des maux trop réel , mais toujour
in éparables de l'humanité, now excitent à y soustraire no
fr re , nou ne devon pa oublier qu'avec le· avantage d'un
ai anc appropriée à leur be 'Oins, nous dcrnns leur olfrir le
'lément qui vivifient à la foi le cœur et l'e prit. R fuser de 1
faire, erait s'expo er à ub liluer l'inlérêt matériel aux plu
pui ·ante· impul ions, t, en le rendant le mobile de toute
le action , à pou cr la ociété ver une pente fun te, au bord
de laquelle tou le elfort vraiment généreux doi ent cher her
à la retenir. Cc erait r jeter la noble de tinée de l'homme qu
de dédaigner le belle in piration qui out excité l'admiration
de toute le génération , et dont le tilr de "'loir ont con·acré au· i bien par l'Europe moderne que par l'antiquité. Eu
c • qui concerne l'archéologi , notre siècle prouve qu'il partage
c en liment n achevant de monuments ébauché par Je i 1 précédent , et en r taurant ceux qui ont mulilé . Dan ,
l'a ·compli ement ô
pi nx travaux, il s'elforc
rupuleus m nt d r'lrouver· la pcn éc qui a pr, ·idé à I' 1re lion t il
1orncm •ntation de cc. éllili . , . ou la poussièr • et 1 , débri ·

-

08-

que I temp cl sunout le vandali me, joint à l'ignorance, ont
accumulé . C'e t encore le même entiment qui le guide quand
il recherche avec intérêt le objel d'art, che~ -d'œuvre de iècle précédent , afin que leur réunion en facilite I étude et
l'en eignemcnt.
amur se refuserait-elle à partager ce enliment d'admiration? 'il en était ain i, il faudrait en accu er plutôt l'in ouciance
pour· les résullat que l'impui ancc d s moyens. E péron
qu'il en est tout autrement, car chacun peut aider à former d,
anneatL'< d cet le cliainc qui relie le pré· nt au pas ' é. Combien
de per onne , par exemple, qui, po édant de objets ancien ·,
le conservent par habitude, an y altacber aucun prix, ou
même l s négligent complétem nt; et cependant ces objet ,
réuni en collection, offriraient chacun un intérêt dont l'isolcm nt le prive. C'e t 11 ces personne , au i bien qu'à d'autre ,
que nou faisons un appel; le concour de leur bonne volonté
et d leur acte· généreux, en favori ·ant cette création pour
le progrè d'une branche des connai an ces humaines, aidera
amur à con erver, ou ce rapport, on rang parmi tant
rl'aulre ville importante de la Belgique, qui joui ent de
ociét.é particulièr s pour le dév loppcm nt des art et de
cience . Ce era également po cr de fait contre cette
pré omption : u n'y a-t-il jamai rien eu et n'y aura-t-il
-., jamai rien à tamur; » opinion fondée ur certaine apl)ar nce qui , i elle étaient ju tillée , feraient de celle
pré omption une certitude, dont le déplorable conséquenc
r jailliraient autant sur le pa é qu' ur l'a enir, et de icndraient un poid bi n pénibl pour c ux qui nourri ent de
c p r:rn c ontrair s.
i no ffort · ont couronné d ur
qu nou devon s
dé irer, nou éprouvcrnn la ali faction d'a,·oir réu i à t nt rr

-259-

le bien, en vue d'un intérêt géné1·al, et souvent, nous uou
eron repo és des tribulation du pré ent dan l'étude du
pa é, en trouvant celle douce jouissance que la poé ie de
l'étude fait savourer.
CHAnLE

MONTIGNY.

Tl E III T RIQ E
S

n LE ' ' IUAGE.

D'AISCHE-E -RÉFAIL ET DE LIER U.

On ne 'est gu rc occupé, ju qu'à pré enl, de rechcrclicr
l'hi toire de dilférentc · localité qui compo cnt aujourd'hui la
B l.,.iquc.
Les auteur qui ont traité cc ujet e ont en général borné
à la de cription de villes le plu célèbres, •n laissant de côt:
Je commune de moindre importance.
Il c l incontestable pourtant que, i l'on po édait une hi toirc détaillée de chacune de no communes, on trouverait
le élément d'une l1i toir de Belgiqu aussi complète qu e
pos ible.

-261 -

La province de Namur a été, sous ce rapport, négligée tout
autant, et plus peut-être que le reste du pays. Les ouvrages de
Gramaye, Galliot, Dewez, etc., manquent trop souvent d'exactitude, et surtout ne contiennent pas les développements que
l'on recherche maintenant dans les œuvres historiques.
Ces considérations nous engagent à publier, à titre d'essai,
les deux notices ci-jointes sur les villages d'Aische-en-Réfail
et Liernu.
Nous avons pensé que, pour traiter convenablement une pareille matière, il ne fallait pas se borner à copier les auteurs
qui nous ont précédé, mais que les archives de nos villages
étaient aussi une source essentielle à consulter. Dans ce but,
nous avons scrupuleusement examiné les documents reposant
dans le précieux dépôt des archives de notre province. Ce dépôt,
auquel se rapportent la plupart de nos citations, nous a fourni
les renseignements les plus utiles, particulièrement en ce qui
concerne les institutions qui régissaient Jadis les communes.
Nous sommes entré dans quelques détails sur ce sujet assez peu
connu jusqu'à présént. Si Je public accueille favorablement les
deux notices que nous lui offrons, nous pourrons en publier
d'autres encore, dont nous possédons déjà en partie les éléments, et en fai re par la suite un recueil qui comprendrait les
principales localités de notre province.
Une introduction renfermant un aperçu sur l'ancienne organisation communale, remplacerait alors les explications que
nous avons dû relégue1· dans des notes et nous éviterait parfois
des répétitions nécessaires jusque-là.

34

-

'262 -

1.

AISCHE-EN-RÉFAIL,


Le village d'Asche, ou Ai.sche-en-Ré{ail 1 , est situé environ
à trois lieues de Namur, sur le chemin qui conduisait autrefois
de cette ville à Louvain.
Une ancienne route se dirigeant de Bavai sur Tongres, et
connue sous le nom de Chaussée des Romains, passe à l'extrémité du territoire de la commune, où elle sert de limite
entre la province de Namur et celle du Brabant.
Cette route, encore à peu près intacte en cet endroit, et
1
On prononce généralement .,fschc; nous écrivons cependant .t1ischc,
parce que c'est l'orthographe la plus usitée dans les derniers siècles.

-263-

construite en partie avec une espèce de cailloux roulés que l'on
ne rencontre plus dans les environs, s'élève en forme de digue
au-dessus des campagnes qui l'avoisinent. De là , on découvre
devant soi le bourg de Perwez, dont les maisons semblent se
grouper autour du nouveau clocher de l'église. A droite, on
aperçoit dans le lointain la tombe d'Ottomont, vaste monticule
qui subsiste au milieu des plaines de la Hesbaie comme un
monument du séjour des Romains dans ces contrées.
Arrosé par le petit ruisseau d'Aische, le sol du village était
autrefois très boisé et fort marécageux.
Un écrivain du siècle passé, dit : « qu'on n'y trouve qu'une
» suite de monticules couverts de bois et d'enfoncements maré» cageux, où la nature n'est féconde qu'à proportion du tra» vail des habitants 1 • » D'anciens documents sont d'accord
avec lui sous ce rapport.
L'existence des grandes forêts qui couvraient jadis le territoire, est démontrée par l'établissement d'une louveterie des
comtes de Namur au château de la Respaille, que nous mentionnerons bientôt, et dont le nom paraît dû au voisinage de
ces bois qui subsistent encore en partie 2 •
Divers actes prouvent également combien le sol du village
d'Aische fut constamment marécageux. Ainsi, en !665, la
• Délices dtf paya de Liége, par saumery. ( t. IV. p. 312). Galliol a
copié cet ouvrac;e daos le passage que nous transcrivons, el dans plusieurs
autres, sansja~is le citer. {Ilisl. de Nam. t. IV. p. 20).
• Respaille ou Raspailte, diminutif de ,-aspe, est le nom de plusieurs localilés situées dans le voisinage des bois. Ainsi, auprès d'un
ancien bois, dans la commune de Warisoulx, se trouve un endroit appelé
la Respaille. Il existe en outre, aux environs de Grammont (FlandreOrienlale), une forêt jadis très considérable, qui porte encore le nom de
la Raspaille.
C'est vers la Rcspaille que sont situés les seuls bois aujourd'hui existant dans la commuuc d'Aische. Ils comprennent enl'iron soixante-dix
boniers.

-264-

communauté I ayant donné en gage certaines terres à un de ses
créanciers, stipula, qu'à l'époque du remboursement, elle ne
devrait pas restituer les frais de digues et rigolages que pourrait avoir faits ce créancier 2 • En outre, une des principales
obligations presque toujours imposée aux habitants par les
plaids généraux 3 , est celle de bien rigoler les communes.
La présence fréquente des eaux sur de semblables terrains
autorise même à penser que le nom d'Aische ou Ascite (que l'on
écrivait autrefois Aix, Aiz ou Ays-6!)-Refaït), dérive, soit du
latin aqua, d'où les étymologistes font venir les noms à peu près
identiques de plusieurs localités renommées par lems eaux, tels
que Aix-la-Chapelle, Aix-en-Savoie, etc., 4 soit directement
du mot germanique Asche, qui désigne également de l'eau 5 •
• On enlendail autrefois par communatité, le corps des habitants
d'une localilé, ou, comme rlit Sohet, • un corps d'habitants unis ensP.mhle
~ par les inlérêls communs et par la forme de gouvernement lui donnée
» par le prince.,, (Insliluls de droit; liv. I , litre LXV).
Le mot de com1111me s'employait r,énéralcmcnt pour désigner les biens
communaux.
• Reaistre dP. la cour d'Aische de 1604 à 1006. Causes.
3 Nous verrons plus loin ce qu'étaient ces plaids généraux.
4 V. Dict. géog. unfo. Bruxelles 1847. Vocabulaire verb. aqua. On
sait, en effet, que Aix-la-Chapelle s'appelaiL jadis .tlq1tis-Gmme111; Aixen-Savoie, Aq11.œ-Gmtia11œ; Aix-en-Provence, Aqu,œ-Se:rtiœ, etc.
s Glossa,·imn Get•manictem, auct. )Vachtero. D'après ce dictionnaire,
le mot Ascite aurait encore trois autres significa lions; il ilésignerait : de
la ccnd1·e, un bateau ou un frêne. Dans ce dernier cas, ou éc1·il aussi
/.Esche. On ne peul pas penser aux deux premières significations; la troisième pourrait seule être invo<1uée ici, mais les frênes ne se reproduisent
Jl3S dans les bois d'Aische. On n'en trouve qu'un très petit nomhre, de
haute futaie, qui y ont été plantés. Ces hois sont au contraire peuplés
de chênes encore aujourd'hui fort renommés pour les travaux cle menuiserie. Reste la supposition que quelque frêne remarquable ait pu
donner naissance au nom du villaae, mais celte étymologie ne s'appuyant sur aucun document, nous 1>araîl moins fondée que la nôtre.
li serait plus difficile d'assigner une origine au surnom de Rcfaït, Refaï,
Refayt , etc., cp1i , dans d'anciens actes , est CJuelqucfois employé seul

-265-

De nos jours, grâces aux progrès de l'agriculture et aux
défrichements des bois, le sol de la commune quoique toujours
humide, s'est beaucoup amélioré en s'assêchant. Il est cependant encore inférieur aux campagnes yoisines du Brabant.
En arrivant à Aische par le village de Liernu, on remarque
tout d'abord, au milieu des avenues qui l'entourent, la petite
chapelle de la Crnix-iJlonet, dont la façade est ornée d'une statue de la Vierge avec l'inscription : SAt-CTA MARIA ORA Pno
Noms. ANxo t7t7. Dans l'intérieur on conserve une petite image
miraculeuse de la mère de Dieu. La tradition porte que cette
image se trouvait autrefois attachée à une croix existant dans
le jardin d'un paysan nommé lllonet. Le seigneur d'Aische ayant
eu le bonheur d'échapper à une grave maladie, sa fille crüt
avoir obtenu sa guérison par l'intercession de la Vierge de la
Croix-Monet, qu'elle avait souvent invoquée. En conséquence,
elle fit bâtir avec son père, en cet endroit, une chapelle où elle
eut soin de faire placer l'image miraculeuse. Une maison fut construite à côté pour le chapelain, que le seigneur dota convenablement 1 • A l'époque de la fête de la Vierge, on célèbre encore il
cette chapelle des offices qui attirent un grand nombre de fidèles.
pour désigner la localité, ou au moins une partie de celle-ci , comme semble l'indiquer une charte de l'an 1291, mentionnant un lerrein situé à
Ays deleis (près) Reffaït. Peut-être est-ce un composé du mot fayt, hêtre,
qui se retrouve dans le nom de plusieurs endroits, tels que: le Fayt,
Thfrifayt, etc. S'il est vrai que l'on ne rencontre guère de hêtres dans
leshoisd'Aiscbe,c'estapparemmentparce qu'on y aura détruitcclte essence
très nuisible au taillis, car la magnique avenue de la Croix-Monel cl
celle des environs de la RespaiLle attestent combien le sol de la commune
est favorable au hêl re.
• C'est sans doute afin d'obtenir un terrain pour bâlîrou agrandir celle
maison du chapelain, que nous voyons, le 2 octobre 1717, Mr Louis du
Bois, seigneur d'Aische, obtenir en échanrrr., du mayeur lien ri Lacroix ,
• un journal de terre situé à la croix-Monet, joignant celle chapelle nou" Hllemenl édifiée par ledit seit:neur d'Aische. •

-266-

Une avenue, à côlé de laquelle est une grange, débris de
l'ancienne ferme de la Tour, conduit de la Croix-1\Jonet au chdteau d'Aische, dont les murailles épaisses plongent dans l'eau
des fossés qui les entourent. Ce château aujourd'hui inhabité
appartient à 1\1' le baron du Bois d'Oultremont. Il forme, avec
la ferme ornée de lourelles qui y est attenante, une masse considérable de bâtiments. Les armes de la famille de Neuf (d'or à
trois hures de sangliers au naturel), sont gravées sur la porle
d'entrée. On voit auprès, un bosquet de majestueux arbres de
haute futaie, mais le grand bois qui l'avoisinait encore vers la
fin du siècle passé, a disparu 1 •
A peu de distance du château, 1\1' Macau possède la ferme de
la Bawelte 2, sorle de donjon flanqué de deux tours. C'était
un fief appartenant, au siècle dernier, à la famille Le Ratz et
jadis, dit-on, à une famille noble qui lui devait sans doute
son nom, car nous voyons, au commencement du n esi~cle,
le testament d'un Thierry de la Bawette 3 • Dans la salle servant aujourd'hui de cuisine, exisle encore une grande cheminée
en pierres, surmonlée d'armoiries •, et remarquable par son
• Délices d1'pays de Liége, t.IV.2• part.p. 312. Galliot , t. IV, p.120.
• Ce mot wallon désii;nc une barbacane, une jalousie, et, en général,
toute ouverture par où l'on peul regarder sans être vu. Il aura sans doute
été donné à l'habitation dont nous parlons, à c:iuse de ses tourelles qui
pouvaien t servir, en quelque sorte, û'obsenatoire.
a Le 8 mai 1602. (Reg de 1599 à 1628. Transports). Ce n om de la Bawelle
se lit aussi dans l'éi;lise de Frizet, sur la tombe de J ean de Pinchart dont
1wble dame Cécile de la Dawetle fut la seconde femme.
4 Ces armoiries consistent en deux écussons dont les couleurs ne sont
point fi&urécs. L'écu pincé au côté gauche de la cheminée, est a parti,
• 11orhnt au côté dextre trois fasces, el au côté senestre trois lions léo• pardés, deux et un. • D'aprês la tombe déjà mentionnée de J ean de
l'inchart, à Frizet, la première de ces armoiries doit être celle de la
Famille de la Dawette, la seconde celle de la Camille raulx ou 1/el ra11lx,
nom qui tii;ure effectivement plusieurs fois parmi ceux des éche, 111s
cl'\ischc, au 16· siècle. L'écu placl\ an côté droit de la chemi née est au~si

-267 -

travail. Le millésime de i554 est gravé sur une autre cheminée,
dans une pièce voisine.
Peu avant d'arriver à la Bawette, on voit la petite chapelle
du bon Dieu de pitié, renfermant un Christ au poteau, en bois
de chêne. Sur une poutrelle du plafond, on lit l'inscription
suivante : Vous QUI PAR ICY PASSEZ - CONTEMPLEZ MA PASSION QUAND vous SEREZ rntPASSEZ - J'AURAI DE vous COMPASSION. Audessus de la tête du Christ, une autre inscription illisible se
termine par le millésime de HS7o.
Le territoire situé entre la Bawette et le village de Grand-Leez
a conservé quelque débris des forêts qui en faisaient jadis l'ornement, et que la hache des défricheurs entame chaque jour.
Isolé au fond de ces massifs de bois apparaît un pavillon
carré construit en briques, marntenant inllabité et tombant en
ruines. C'est là tout ce qui reste de l'ancien château de la Respaille. Le 13 juin 1403, Godefroid de Brabant avait obtenu
cette terre , d'un comte de Namur résidant à Golzinnes 1 ,
comme fief noble et héréditaire, à charge de recevoir, loger et
nourrir le louvetier dudit comte, avec ses serviteurs et ses
chiens, pendant les chasses aux loups. L'exemption des tailles
et des logements militaires était accordée au propriétaire.
Avant cette époque, la Respaille servait uniquement de louveterie pour le comte de Namur.
La famille de God_efroid de Brabant occupa le fief jusqu'en HH7. Anwulcl de Wilquet l'acquit alors par héritage, et
» par li, portant au côté dextre cinq bandes, et au côté senestre sept fasces
• avec une hande br ochant sur le tout.,, Ces armoiries se r etrouvent également sur la tombe de Jean de Pinchart, ou elles sont indiquées, la première comme appartenant à la famille raul:r; (dont les armoiries seraient
ainsi différentes de celles de l'autre famille du même nom), la seconde
comme appartenant à la famille Pottiers.
• C'est ainsi que nos documents désignent ce comte, qui ne peut être
que Guillaume II.

-

268 -

sa famille y était encore en 1644, époque à laquelle Jean
Pottelet, gouverneur et capitaine du duc d'Arcmberg, l'obtint
du chef de sa femme Jeanne de Wilquet. Il fit bâtir le pavillon carré que l'on voit encore, et y érigea une chapelle,
où un prêtre venait dire la messe le dimanche. A côté, se trouvaient la ferme, la grange, le jardin potager, etc. , le tout envil'Onné d'eau, avec une porte d'entrée munie d'un pont levis.
Le fief de la Respaille ne présentait qu'une contenance de
cinquante huit bonniers, mais le domaine enlier en comptait
soLxante-dix-buit, et environ cinquante bonnicrs de bois. Les
descendants de Jean Pottelet possèdent encore la propriété de
la Respaille 1•
Vers l'extrémité opposée du village, est l'église, dédiée à S1Joscph et autrefois à la Vierge, si l'on en croit Gramaye 2 •
C'était une église entière 3 • Le chronogrammc suivant,
placé sur le fronton, nous apprend qu'elle fut rebâtie en
f 772 : A DARONE DE WALDECK DECANo EXsrlTI. Cc baron
de Waldeck était doyen du chapitre de S1-Lambert à Liége,
q1li, comme possesseur de la grosse dîme d'Aischc, devait
contribuer aux réparations de l'église.
Deux pierres tumulaires se trouvent placées dans la muraille, l'une à droite, l'autre à gauche de la porte d'entrée. La
première est celle de Henri. J\'icolas de Posson, décédé le 29
septemb,-e i 790 , et de Cathel'ine-Clémence lJlisson, son épouse,
• Tous ces renseignements nous ont été fournis par )Ir Édouard Pottelet, qui a eu l'obligeance de faire, dans ce but, de minutieuses recherches dans les papiers de sa famille. Il nous a garanti l'exaclitude des
détails, extraits de différents acte~ aulhenliques.
• Gramaye. Ant. corn. Na m. Lov. 1007. Prref. Fex. Corn. Lerunl.p. 103 Cc nom correspond à celui d'église mère. v. Galliot t. 111, p.151. Le
plus ancien curé de celle église, don! nous ayons connaissance, est
11,mri de Liertmt, qualifié de reclor eccte,ice de A}'S, dans une charh•
de l'an 1277. (Arch. de l'ahb. de Salzinne).

-

26\J-

décédée le 19 septembre 1.807. La seconde est celle de Lambert
de Philippart, décédé le 9 mai 1.817, et de son épouse Cécil-e
de Passon de Wanfercée, décédée le 29 novembre 1822. Dans
l'intérieur de l'église existe aussi une tombe de différents membres de la famille de Posson. Cette famille possédait à Aische
la propriété dite Labas, qui appartient aujourd'hui à la famille
de Philippart.
La cloche de l'église était un don de J\Ir Louis du Bois,
seigneur de l'endroit. Elle fut refondue en 1. 758, par le sieur
Périn, en vertu d'une décision prise aux plaids généraux
par les habitants, qui consentirent à vendre pendant deux
ans le foin de leurs communes pour subvenir aux frais de cette
opération 1 •
Nous apprenons aussi, par d'anciens documents, que la maison de cure ayant été brûlée accidentellement le 1.8 décembre 1745, le curé s'engagea à la faire réparer, moyennant la
somme de 600 écus d'Espagne; que fournit., en t75i , comme
grand décimateur, M' Louis d'Oyembrugge de Duras, grand
doyen de Liége 2 • Pour faciliter cettereconstruction, un changement de chemin avait été accordé par la communauté, aux
plaids généraux du 1.4 avril 1744 3 •
M' Arnould du Bois et le curé d'Aische mirent fin, par convention du 17 septembre 1. 755, aux contestations qui s'élevaient
depuis fort longtemps entre les seigneurs et les curés du village, au sujet des dîmes à percevoir sur certaines parties des
bois du seigneur. Le curé renonça, moyennant 700 florins, à
tous droits de dîmes sur ces taillis, ainsi que sur ceux qui
• Reg. de 1732 à 173!l. Causes.
, Reg. de 1740 à 1754. Causes.
3

Reg. id.

-

270 -

croîtraient dans quelques autres terreins que le seigneur se
proposait de convertir en bois 1 •
La cure acquit plus tard un jardin nommé le Cortil-llfouchon,
qui lui fut cédé, à charge d'anniversaires, le 23 janvier i666,
par le seigneur de Beauquesne, et sa femme Anne-Isabelle de
Barùouil 2 •
Avant de nous livrer à l'examen des institutions du village,
nous devons mentionner ici que Philippe-le-Bel, venant se
faire inaugurer comme comte de Namur, rencontra auprès
d'Aischc-en-Réfail les principales autorités de la province
qui s'étaient rendues au devant de lui. Parmi clics on distinguait les lieutenants de Monseigneur de Berghés, gouverneur et souverain bailli de la comté de Namur, Messire Antoine de 11/arbais, l'\lessire Thiry Bonnant, maire de Namur, etc.
Ils partirent de Namur, dit un ancien manuscrit 3 , le samedi
16 mai 1495, vers trois heures après-dîner, accompagnés,
le sieur de Marbais des gentilshommes du comté, et le maire,
des échevins bourgeois et autres notables personnes de la
ville de Namur. Ils formaient un cortége de plus de cent
cinquante chevaux, y compris les vingt chevaux du maire, des
échevins et autres notables bourgeois de Bouvigne. A l'arrivée
de Philippe, qui était accompagné de plusieurs grands seigneurs, le sieur de Marbais fit la harangue, et lui offrit, avec le
maire, les verges de justice et les clefs de la ville de Namur.
Le président de Plaines répondit au nom de l'Archiduc, puis le
cortége se remit en marche vers Namur.
L'un des documents les plus importants que nous ayons
rencontré concernant Aische, est une charte ou privilége du
• Rer,. de 1728 à 1782. Cour féod. de Walhain.
• Reg. de 1664 à 1666. Causes:
3 Reg. aux plaids du château de Namur, ,te 1486 à 1511.

-~7l -

24 juin i599, par lequel Guillaume Il, comte de Namur, accorde, moyennant certaines redevances, aux habitants d'Aische
et de Liernu, l'abolition du droit de morte-main et de formorture, ainsi que l'abolition de la banalité du moulin de
Renise 1 •
C'est sans doute cet acte, et l'existence assez fréquente d'un
même mayeur et de mêmes échevins pour les deux villages cidessus, qui ont fait dire à Gramaye qu'ils avaient autrefqis une
même cour et un même privilége 2• Remarquons aussi que la
cour foncière d'Aische s'étendait, pour la mouvance de certains
· terreins, jusque dans les hauteurs 3 des villages voisins, au
nombre desquels figure Liernu 4 • Mais cette dépendance, dont
nous parlerons tout-à-l'heure, ne paraît avoir existé que par
rapport aux fiefs. Pour achever d'indiquer les liens qui unissaient les deux localités, nous dirons encore qu'elles faisaient,
l'une et l'autre, partie de la mairie de Feix 5 , et que les deux
cures étaient à la collation du doyen de S1-Lambert à Liége,
qui y possédait la grosse dîme.
D'anciens documents 6 nous apprennent que les comtes de
Namur, ou leurs baillis, jouissaient de temps immémorial du
droit de dîner, souper et gister, chaque année, dans les biens
et dîmes qu'avaient ces doyens à Aische, Liernu et environs.
Ce droit, dont l'origine remontait peut-être aux excursions que
faisaient jadis les comtes pour l'administration de la justice,
• On trouvera celle charte à la suite de la notice surie villai;e <le Liernu.
Gram. Ant. Corn. Nam. Prref. Fex. Com. Lerunt. pag. 10.
3 Suivant la coutume du Limbouri; (art. 60), il faut entendre par hauteurs les cas de haute justice.
4 Reg. de 1740 à 1754. Causes.
s La mairie de Feix était l'une des divisions territoriales de l'ancien
comté de Namur. Elle possédait une cour siégeant à Namur el présidée par
1111 mayeur appelé le mayeur de FeiK.
6 V. ces documents ci-après, à la suite de la notice s ur Liernu.
>

-

272-

ou le renouvellement des échevins, était apparemment fort
onéreux pour les doyens, qui surent plusieurs fois en obtenir
l'exemption.
Le fief de Refaït 1, conjointement avec celui de l\léhaigne
et d'autres, avait été donné, en 12H , par Théodoric de
Walcourt, comte de 1\lontaigu, à Philippe marquis de Namur,
moyennant une redevance annuelle de 12 deniers de monnaie
liégeoise 2 •
Plus tard, la seigneurie d'Aiscbe, qui n'était alors que
gagère, appartint à la famille de Huy. La cour qui en dépendait est appelée presque constamment, penùant le }6e siècle
et les premières années du 17e, court de propre et commugne,
ou cour de propre commugne 3 • En 1498 et H:125, elle se trouva,
nous ne savons par quel motif, sans mayeur ni échevins, et ce
furent ceux de la haute cour de Liernu qui durent en remplir
les fonctions, « en deffault, disent-ils, que la court de notre
» dame (Madame) de Huy est allée à nient (rien) 4 ».
1
Le nom de Refaït, devenu plus tal'd surnom de celui d'Aische, eu
était jadis distinct et presqu'exclusivement employé à désigner celle del'nière localité, ou, tout au moins, une partie de celle-ci, comme nous
l'avons dit j>lus haut. Nous n'avons pas rencontré le nom d'Aische, .dys,
etc., avant la derniê1·e moitié du 13• siècle.
2
Nous nous proposons de publier plus tard celle charte, dans un a1·licle sur le village de Méhaigne.
3 Chartes appartenant aux archiv. des hospices de Namur, et Reg. aux
transports de 1500 à 1628. Dans un acte de l'an 1457, on voit aussi mentionnés le maire et les échevins de la co,mnm1e cou,·t de Refayt. Ces
différentes versions semblent prouver que la véritable dénomination de
la cour d'Aische a élé dénatur ée. Ne faudrait-il pas lire : co1tr propre et
commune? Celle dénomination s'appliquerait parfaitement ici, où il
s'agit d'une cour propre au village d'Aische, et commune entre lui et
Liernu, ainsi que nous l'avons déjà remarqué.
4 chartes id. Yoici quelle était la composition de la cour d'Aische,
en 1ls:t5: Pierre de Vaulx, mayeur, Jehan de Spon, Collar Baude, Jacquemin de Vaulx, Jehan de Boneffe, échevins. Au 16• siècle, le nombre de
ces échevins ,·arie de quatre à sept.

-273-

A divers actes du 16° siècle, on voit appendu le sceau de
cette cour. Il représente une aigle éployée autour de laquelle
est l'inscription : S. LE MAIOn ET LE ESKEVIN DL con D. REFAI I

En 1570, Jehan de Huy était ~eigneur foncier d'Aische-enReffayt 2, et en 1599, la cour du château d'Aische appartenait
à noble homme Philippe de H11y 3• Hélène de Huy la porta en
mariage à Messire Adrien de Hanret, seigneur de Rosilly, qui
en fit relief en 1640, et la transmit à son fils Pierre Adrien de
Hanret, lequel la releva' en 1647 4 •
• C'est-à-dire : Scea1i dti mayeu1· et des échevins de la cou,· de Refaï.
Ce sceau n'est vraisemblablement q u'une reproduction ùes armoiries
de la famille de Walcourt, qui portail d'or à l'aigle de gueules membrée
d'azur . Théodoric de Walcourt possérlail, comme nous l'avons dit, le llef
d'Aische au commencement du Ui• siècle.
• Chartes des hospices de Namur.
3 Reg. aux transports de 15!J!J à 1ü28.
4 Galliol, l. IV. p. 127. On écrit généralement llanrcch ou Ilaurech,
dans les archives.

-274-

Lc 2 mai 1648, elle passa en vente absolue , par suite de
lettres patentes de Philippe IV roi d'Espagne, à Gilles Aloys ou
Louis du Bois, pour la somme de 9,000 Oorins 1 • Son fils,
Gilles du Bois, en fit relief en i6o2, puis elle fut relevée successivement par différents membres de cette famille, jusqu'en f7o5 , qu'elle le fut par Arnould Henri Jean du Bois 2 •
Sa douairière Anne Henriette de Neuf possédait cette seigneurie
en f765, suivant Galliot 3 • Cependant je _trouve que les plaids
généraux furent tenus, le 8 octobre f 7o4, à l'instance de Philippine dtt Bofs, dame d'Aische •, et, dans deux actes des
27 janvier et fO février f7o6, Messire Simon Charles Joseph de
Neuf est qualifié de seigneur de la cour féodale d'Aiscbe, à titre
de noble dame Philippine du Bois 5 • 1\1• de Neuf est encore
qualifié de seigneur d'Aische en f789 et. f792 6•
Voici en quoi consistait cette seigneurie lorsqu'elle fut vendue aux enchères, le 27 novembre f647, devant le souverain
baillage de Namur, par Messire Adrien de Hanrech, seigneur
de Rosilly, premier député de l'état noble du comté de Namur,
• Inventaire des re&istres du cbaleau d'Aische. - Galliot. t. IV p. 127.
- Répertoire alphab. des re&, chart. etc., conservés en la charobre des
comptes du Roy à Lille. Ce dernier recueil donne la date du 3 mai cororoe
celle de la vente de la sei&neurie d'Aische. Enfin, dans un autre manuscrit
intitulé : Liste ou répertoire de tous les fiefs mouvants du pays el comté
de Naruur, on lit: " la terre el sei&neurie tl'Ascbe at, le 21 février 1648,
• été transportée par vendle absolulle à Aloysius Dubois, pour la somme
• de 5400 florins en pardessus 4600 de l'enga&ère précédent.»
• Voici la liste de ces différents possesseurs de la seii;neurie d'Aiscbe.
Louis du Bois, fils de Gilles, la releva le 29 m:irs 1G7o; Arnould du Bois,
en 1725; Louis Joseph du Bois. en 17;i3; Louis Joseph du Bois, son fils, en
1737; Arnould François du Bois, en 1739; Arnould François du Bois, son fils,
en 1746; puis Arnould Henri J ean du Bois. (Galliot, t. IV. p. 127, etc).
3 Id. îb.
4 Reg. de 1740 à 1i54. Causts.
5 Rei;. de 1728 à 1782. Cour féod. de Walhain.
6 Reg. de 1781 à 17\15.

-275-

et par Jean de Montigny, seigneur de Baronville, tant comme
partie que comme tuteur des enfants mineurs dudit seigneur
de Rosilly. Elle renfermait :
u: 1. Une seigneurie haute, moyenne et basse, gagère de Sa
» Majesté, relevant de son château de Namur, avec le droict
» de chasse , et autres dépendans de semblable seigneurie
» gagère.
» 2° Une seigneurie foncière de grande extendue, relevant
» de Sa Majesté, avec droits seigneuriaux aux occasions de
» ventes, à l'avenant du vingtième denier, et plusieurs cens
» seigneuriaux, tant en grains, lins, argent que chapons.
» 5° Une seigneurie ~t cou1· féodale, dite Walhain, de laquelle
» se relèvent plusieurs et divers arrières fiefs relevant de Sa
> Majesté à Bruxelles.
11 4° Un chasteau et maison forte et très-commodieuse, en» vironnée de grands fossez servans de viviers .... avec une
» basse cour fort ample, tout contigu et au pied dudit chas» teau, dans laquelle est enclavée une cense de 78 bonniers,
> ou environ, fleur de labour; outre plusieurs jardins et belles
» prairies, etc., et quantité de beaux arbres à fruits. » Elle
possédait eu outre une autre ferme de 70 bonniers, située
dans le village; de beaux bois contenant environ 1.20 bonniers, relevant aussi, en bonne partie, de Sa Majesté, et
de belles communes pour pâture des bestiaux. Le tout libre
de charges foncières , excepté cinq muids et demi d'épeautre,
et quelques petits cens de peu d'importance 1•
On doit conclure de différents actes, que, parmi les revenus
de cette seigneurie qui n'ont point été spécifiés ci-dessus, figurait le droit d'afforage, dû au seigneur par les cabaretiers, et
0

• Reg. de 1728 à 1782. Cour féodale de Walhain.

-276-

consistant en deux pots par pièce de bierre 1• Le droit de plantation le long des chemins et dans les terrains vagues, fut
1·églé plus tard par une convention entre le seigneur et les
habitants, comme nous le verrons bientôt.
La cour de la seigneurie d'Aische était donc, à l'époque qui
nous occupe, haute, moyenne, basse et foncière 2 • Elle était
nommée par le seigneur, et se composait généralement d'un
mayeur, de six échevins, d'un greffier et d'un sergent 3• Elle
avait, entre autres fonctions, celle de réaliser les contrats et
conventions qui lui étaient soumis, c'est-à-dire de leur conférer
l'authenticité. Les principales affaires administratives dont elle
s'occupait, consistaient: à faire, conjointement avec les principaux fermiers et manants, la répartition de la somme due par
• Reg. de 1740 à 1754. Causes.
• Les auteurs ne font généralement pas de distinction entre la justice
basse et la juslice foncière.
Voici comment M . Defacqz définit ces différentes juridictions dans son
ouvrage sur l'ancien ,froit Belgique (t. I., ch. II, page 22. Bruxelles 1846).
• Il y avait la hattte, la moyenne et la basse justice, dont les attributs
,, variaient suivant les statuts et les usages des lieux.
• Assez généralement la haute justice avait la connaissance des crimes
., qui pouvaient entraîner des comlamnalions corporelles; elle donnait la
" jouissance du produit des confiscations, des droits d'aubanité et de bâ» tardise, des biens vacants, des épaves, etc.
• La j uslice moyenne, connue aussi en Flandre et en Artois sous le nom
" de justice vicumtiè,·e, jugeait quelques cas pendables et les délits punis" sables ,J'amende. Ses attributions civiles embrassaient les actions per,, sonnelles ou réelles, pétitoires ou possessoires, la surintendance des
» tutelles, des poids, des mesures et de la voirie; quelques matières de
" police lui étaient aussi départies.
• La 'juslice basse avait pour fonctions principales l'accomplissement
• des œuvres de loi, ou formalités tlu nantissement requises pour opér<'r
» le transport des droits réels, ce qui lui avait fait donner le nom de jus" tice foncière. »
3 Reg. de 1655 à 1660. V. ce que nous avons dit plus haut à l'égard du
nomhre de ces éche1'ins au 16• siècle.

--J.77-

lc village pour l'aide de Sa l\Jajesté 1 , à recevoir les comptes
des pauvres et de l'église, à taxer la biene des cabaretiers 2 ,
à nommer les mambours des pauvres, etc.
Le mayeur recevait et fesait publie,· les placards et ordonnances 3 , présidait les plaids généraux, où il prescrivait au
nom du seigneur les mesures de police jugées nécessaires, fcsait la visite des chemins, s'occupait des logements militaires, etc. Nous rencontrons même une de ses ordonnances qui
permet à quatre habitants de faire venfr des violons pour se
divertir, le 15 et le 16 août, jour de la dédicace du lieu, à condition que l'on observe les honneurs et prééminences dûs au
seigneur, qu'il ne se commette aucun désordre, et que les jeux
et danses ne se tiennent pas pendant les offices divins 4 •
Siégeant comme cour de justice, la cour du cllâtcau d' Aischc
• ces aides, ou contributions variaient suivant les années. Ain~i l'aide
d'Aische était de 1122 florins pour l'année 1628; de 660 florins pour l'année 1697; de 950 florins pour l'année 1699, etc. Le conseil provincial avait
décidé, le 21 janvier 1688, que le quart des impositions entières serait
mise sur la manandise el les trafics des habitants, et que les propriétaires
ou fermiers jouiraient de l'exemption de trois boniers de prairie par
chaque cbarue ( 50 boniers) de labour , sans pouvoir prétendre à l'équivalent en terres à défaut de prairies. (Reg. des décrets et r égi. pour les
commun. de la prov. de Nam.).
• Les droits d'atforage d(ls à la cour pour celte taxe , s'élevaient à deux
pots par pièce.
3 C'était le mayeu1· de Feix qui fesail cet envoi , pour lequel il rece,·ait
de la communauté, un salaire fixé à 10 fl. 10 s., dans le compte de 1781.
Le mayeur d'Aische reçut, celle même année, 7 florins pour réception et
publication de ces placards. Les autres dépenses principales que nous
remarquons dans ce compte, sont les suivantes. Au mayeur pour formation des listes pour la réparation des chemins... 7 florins; - au greffier
pour avoir dirigé celte assiette... 9 fi. 4 s.; - droits pour copie, enregistrement, timbre, etc... environ 18 fl.; - collecte des taxes adjugées au
rabais ... 16 fl.; - au marguillier pour sonner la cloche de retraite ...
7 fl., etc. Le total de la dépense était d'environ 73 llorins.
4 Rec. de 1732 à 1750. causes.

-278-

rendit parfois des jugements curieux à noter pour l'étude des
mœurs et de la législation de l'époque. Nous citel'Ons les suivants.
Le 9 décembre f67f, la cour, par avis de jurispérites (avocats), et en présence du procureur Goblet exprès comparant,
condamne par défaut Jean Radeau, à être conduit sitr un échafaud dressé sur la place du liezi, à y êt1·e décapité va1· le tranchant de l'épée et à payer les frais du procès, pour avoir donné
au sieur l\lassart des coups de bâton dont celui-ci mourut vingtquatre jours après. Deux de ses complices sont condamnés à
des amendes de vingt et quarante florins 1 •
Le sieur Pas .... Ayg... ayant été soupconné d'inceste, avec
sa nièce Marguerite Ayg... , la cour, après avoir fait les informations préparatoires, entendu la déclaration de ladite Marguerite, et pris l'avis de jurispérites de la ville de Namur,
rendit, le 18 mars f738, un jugement condamnant l'accusé
« à se rendre dimanche prochain, 23 mars f758, dans l'église
» paroissiale dudit lieu (d'Aische), et là, y tenir pendant toute la
» grand'messe un cierge allumé en mains, et, à l'offertoire de
» ladite messe, se tenit· debout, en demandant d'une voix haute et
» intelligible pardon à Dieu et à tous les saints du crime in» cestueux qu'il a commis, et puis, retourner vers le peuple
» et lui demander aussi d'une voix haute et intelligible pardon
>> du scandale qu'il leur a donné; et ce fait, lui ordonnons »,
ajoute le jugement, « de s'absenter, pendant le terme
» de deux ans, de toute la juridiction dudit lieu , à peines
» plus grièves. Ensemble le condamnons à une amende
» de vingt florins , et. ès dépens et mises de justice. »
La même peine, à l'exception de l'amende, fut appliquée à
• R~g. de 1670 à 1673. causes.

-270-

1\farguerite Ayg ... , qui dût se rendre à l'église, le mercredi 19 mars 1 •
Cette obligation de demander pardon de leurs crimes était
parfois imposée aux coupables.
Ainsi le sieur Antoine Delwiche, convaincu d'avoir donné
des coups à Laurent l\lossu est condamné, par sentence rendue
le 1er décembre 172~, sur l'avis de jurispérites, à paraîtl'e un
jour de plaids en pleine assemblée de justice, et à y demander,
à genoux et Ute ntte, pardon à Dieu, à Sa Majesté et à la justice
des excès par lui commis, et en outre à payer une amende de
cinquante norins, et les frais de justice 2 •
Dans un procès criminel jugé le 24 avril 1629 par avis de
jurispérites, mais dont nous ignorons l'objet, l'accusé fut condamné à la torture et question 1'igoureuse 3 •
Une autre sentence rendue le 16 avril_1650 , dans une cause
qui ne nous est pas non plus connue, oblige le condamné à
payer une amende de six Oorins, et à allumer une chandelle de
cire blanche devant la vierge Marie, le jour de la déducasse
(kermesse) 4 •
Nous mentionnerons en dernie1· lieu le procès intenté au
sieur Noe!, convaincu d'émission de fausse monnaie. Pour
juger cette cause le seigneûr fut autorisé, par décret du conseil provincial du 1er août 1778, à établir sa cour de justice à
Namur. L'accusé y fut condamné, le 11 novembre 1776 « à être
» conduit par le maître des hautes œuvres sur la place d'Ais» che, près du pilori; y être attaché à un poteau qui sera à cet
•Reg.de 1732 à 173!1.

causes.

, Liasses.
3 Reg. de IG27 à IGSO. Rôles.
4 Rei;. id.

-280-

effet dressé, et être fouetté à cinq reprises. » Il fut en outre
banni à perpétuité de la terre et juridiction d'Aiscbe 1 •
La cou1· de Walhain, que nous avons mentionnée plus haut,
dans le dénombrement de la seigneurie d'Aiscbe, était une
cour purement féodale, relevant de la souveraine cour féodale
de Brabant 2•
Dans un dénombrement fait postérieurement à i750, on
trouve que les fiefs relevant de la cour de Walhain s'élevaient,
en bien-fonds, à environ 187 i /2 boniers, parmi lesquels figuraient enti·e autres :
Le fief dit d'Assolville, comprenant la ferme de la Bawetle
avec le bosquet, jardins, prairies y contigus, contenant environ i 7 boniers, et le bois d'Assolville de la même contenance;
l)

• Liasses.
• Reg.de la cour féodale de Walhain de 1728 à 178:!.
Le nom ùe cette cour lui est-il venu de ce qu'elle aurait été jadis du
domaine des seigneurs de Walhain, château situé dans le Brabant, à
deux lieues environ d'Aische? Cette supposition pourrait s'appuyer sur ce
t[u'un certain Egmont, seigneur de Walhain, possédait au 14• sièclP.,
scion Galliot (t. IV, p. 11 8), une partie de la seigneurie d'Rghézée, voisine
decelle<l'Aische. Cepenrlant Walhain est aussi le nom d'une cour existant
autrefois à Velaiue, et Waelhem celui d'un village de la province d'Anvers. Il semble donc préférable de rechercher l'étymologie même 1Ju nom,
qui parait composé des mols germaniquP.S Wale, 1f/ael, étranger, cl
lteit11, demeure, habita lion. Les dénominations des cours et localilés que
nous venons de citer se rapporteraient alors vraisemblahlement à l'époque
des invasions des peuplades gel'maniques sui· noire territoire, et remonteraient ainsi à une grande antiquité. Gramaye fait valoir l'étymolor,ie
que nous indiquons, à l'égard des villages de Walhain (B1·aha nt) el Walr.ourt , el voici comment Kilian traduit le mol Wale. « lPale, TPact:
,, Gallus, Belga. - Wale, Tf/alf-man : Germ anis clicitur homo exoticus ,
,, qui aliam à Germanis linguam habel; homo alienus, qualis est Gallus,
,, llalus et alii qui linguà à Germanis differunl. Undè WalliBrilanni dicli.
,, Tf/elsch dicilur id <Juod cxterum cl )lercgrinum est, .undè etiam TF'al" /011cs in Bclgica et Tf/allachi ad Danuhium nomina lraxerunt. (V. Ki" lian : Etymologicum Tcutonicrc linr,uœ vcrb. Walc, et Gramaye: Anli•I•
• Gallo-Brabant. Valhainium , el Ani. Com. Nam. Valcu1·ia).

-281-

Le bois ùe Loye ou ù'Hambrenne, plein fief de 15 à 16 boniers ' ;
Environ 27 boniers de di\ erses terres dépendant de la
ferme de la Tour;
Le bois d'Origon , plein fief de 22 boniers;
Huit boniers aux Gadafles;
Divers boniers de la campagne de Jausselette, sous Perwez, etc. 2 •
Le ressort de la cour de Walhain s'étendait donc au-delà du
territoire d'Aische. C'est aussi ce que nous apprend un record du
mayeur et des échevins de cette localité, certifiant: « que la cour
» foncière du château d'Aiscbe est relevante de la cour féodale
» de Walhai_
n siégeant audit Aische, suivant les lois du pays,
» et qu'icelle cour foncière s'étend, pour la mouvance des ter» reins y sujets, jusque dans les hauteurs des villages voisins,
» comme Noville sur 1\Iéhaigne, Liernu et Perwez; que sous la
» hauteur de Perwez, les tenanciers de la campagne du Try
» al'hutte et des A1'brisseaux vers Jausseletle, contenant en» viron 80 bonniers, prennent leurs œuvres de loi devant la
» cour cl'Aische, et y payent les prestations seigneuriales, etc. 3»
Nous voyons en outre, en 1705, l\l. Louis du Bois, seigneur
d'Aische, protester, par acte devant notaire, contre la vente en
arrentement cle la maison du Lion Rouge à Perwez, attendu
que c'est une dépendance de la seigneurie foncière d'Aische,
et qu'il a le droit d'y lever des cens et droits seigneuriaux arriérés 4 •
1

1 Les pleit1s fiefs sont ceux ayanl juridiction ou espèce ile juridiction
foncière annexée, ou comprenant dix boniei·s rl'hérilages libres, 011 trenle
m11ids,ou 30 florins de rente. (Sohel. Insl. tic droit , liv. Il, titre 5!l, p. 81).
•Reg.id.
3 Rer;. de 1740 à 1754, Causes.
4 Reg. d e 1700 à 1705.

-282-

La cour de Walltain se composait d'un bailli ou lieutenant des fiefs et de six hommes de fiefs , tous à la
nomination du seigneur d'Aische. Ces fonctions étaient fréquemment remplies par les membres mêmes de la cour
seigneuriale. C'est ainsi que, le 26 août {670, les six échevins de la cour d'Aische sont autorisés et prêtent serment
comme hommes de fiefs de la cour féodale, à défaut d'autres 1 •
La plupart des actes s'y passaient devant le bailly assisté
de deux hommes de fiefs. Le seigneur percevait, sur les
reliefs ou transports des biens féodaux, un droit basé sur
la \'aleur du bien , et qui s'élevait habituellement à sL"<
ou sept florins par bonier. Le bailly percevait les droits
dits de chambellage, le tiers des reliefs, amendes des bois,
et autres arbitraires. Les hommes de fiefs touchaient aussi
certains droits 2 •
Indépendamment des deux cours dont nous venons de parler,
le village d'Aische en possédait une troisième, appelée la cour
de S• Lambert, sans doute à cause qu'elle appartenait au chapitre de l'église cathédrale de Liége.
Dans le 16° siècle, on trouve plusieurs actes de celle cour,
qui s'intitulait court S1 Lambert cle Liége, ou en Liége, jugeant
à Ai3re1i-Refay, et se composait d'un mayeur et de quatre, cinq
ou six échevins 3 • Leur sceau consistait alors en une aigle

• RelJ. de 1670 à 1673.
• Rec. de la cour féod. de Walhain , de 1728 à 1782.
3 Voici commeol élail composée celle cour, eu 1520, époque la !'lus reculée où nous ayons 11u rcmon!Pr : Jac<111emin de Vaulx, mayeur; Jehan
11a11u, uenry llaou, Jchan Dcs11on , Collin naud , cl Jcban de Boneffe ,
échevins.

-283-

éployée, et portait pour inscription
LA.... Tl J

S.

ScAOJNI.

oe Ans. S.

Le chapitre de l'église cathédrale de Liége vendit la cour de
S Lambert, le fO mars 1702, au nom du grand doyen Jean
Ferdinand baron de l\féan, à l\Iessire Louis du Bois seigneur
d'Aiscbe, avec tous les droits, prérogalives et bien y annexés,
consistant en différents cens et revenus; « comme aussi le droit
» de collation de la mairie, greffe, échevinage ou tenanteries,
» et tous droits qui sont dûs sur tous transports, contrats et
» acquestes qui se font des biens en dépendants, pour par
» ledit seigneur du Bois dès à présent en jouir, profiter et dis» poser ainsi que mondit seigneur grand doyen, et ses prédé» cesseurs ont fait de toute ancienneté. » Cette vente se fit
1

• Le sceau dont nous reproduisons ici l'empreinte, csl appendu ù un
acte de l'année 1541. L'inscription parait devoir se lire : Sigill11111 scabini

de Aiis Sancti Lambe,·ti.

-284-

pour la somme de 1800 écus, avec l'autorisation du Pape et de
l'évêque de Namur 1 •
Enfin, nous devons mentionner encore une dernière cour
dont nous n'avons connaissance que par un seul acte de
l'an 151.2 2 , oit elle se qualifie de court des fiefs de Lees 3 ,
jugeant à Ai.x-en-Reffay. On y voit figurer comme mayeur,
Jehan de Lonzée, et comme masuiers 4 , Piene de Vaulz, Jacquemin de Vaulz inlégitime (bâtard), Henry Hanu et Jeilan
llanu.
Les plaids généraux 1 se tenaient régulièrement à Aische
trois fois par an, aux époques des Rois, de Pdques, et de la
• Reg. de 1688 à 1773.
Arch. des hospices de Namur.
3 Est-il question ici des villages de Grat1,l-Leez el Petit-Leez, rnisins
d'Aische? Ou bien le mol Lees, d'où semble du reste être venu le nom de
ces villages, doit-il être pris ici dans le sens de 1>rairie, pâturage, qu'il
avait dans l'ancien saxon, selon Ducange? (Glossarium verb. Lees). On
peul penser aussi au breton Leis : humide, mouillé, mol <Jui a beaucoup
d'analogie avec le précédent, tant par rapport à l'orthographe que par
rapport à l'origine, car les herbes croissent généralement en abondance
dans les ter reins humides, en sorte que cette dénomination é<1uivaut à
peu près à celle de pâturage. (Dicl. breton-français, par Lepelletier.
Paris, 1i52).
4 Les cours des mas10i1·s, selon Sohet (Inst. de droit, liv. I , til. XLIV,
§ 22-23), étaient établies pour l'instruction des causes personnelles, civiles
ou réelles, jusqu'à sentence exclusivement. Elles étaien t donc sans juridiction et ne pouvaient donner vesture si les transports n'étaient réalisés
ailleurs.'
s Ces plaids généraux avaient vraisemblablement pour origine les plaids
léga= (!ria placita legalia), auxquels, d'après l'organisation germanique, tous les hommes libres investis de la grande propriété devaient se
rendre, trois fois par an, ·pour l'exercice de la juridiction du district,
sous la présidencP. du comte. (V. Savigny. Hist. du droit rom. au moyenâge, etc). Nous sommes entré dans quelques détails sur cette remarquable
instilulion, qui a subsisté dans nos villages jusque vers la fin du siècle
passé el dont aucun auteur n'a, à notre connaissance, signalé convenahlement l'existence.
·
2



- 285-

s, Remy

Les manants 2 de la seigneurie, même les femmes 3 , convoqués à l'avance par le sergent, étaient tenus de
s'y rendre au son de cloche, à peine de trois escalins d'amende.
Le lieu ordinaire des réunions était la place vis-à-vis du

perron

1•

4•

• Record du 29 avril 1741; liasses. - Reg. passim.
Le nomhre de ces manants était de 67, en 1732, et de 73, en 1736.
En comptant, comme on le fait généralement, sur cinq habitants par ménage, on trouve que la population d'Aischc ne devait être, pendant ces
années, que d'environ 335 à 365 hahitanls. Elle est aujourd'hui à peu
près triplée, ainsi que nous le verrons plus loin.
3 Dans les listes des habitants présents aux plaids généraux, on voit
fré,1uemment figurer des noms de femmes. Ainsi, am, plaids généraux
du 15 janvier 1743, on mentionne la présence de onze veuties, et , sur
celle même liste, figurent la maison et bien cle Gérard Jllassart, saisie
pat· le sieur Fontai1ie, et la maison des Blanbon11et. Aux plaids i;énéraux du 7 janvier 1744, comparaissent 11euf veu'l)es, et, aux plaids
généraux du 11 janvier 1752, onze t161tt1es , plus trois femmes, dont la
condition n'est point indiquée. (Reg. aux causes de 1740 à 1754). Aux
plaids généraux des Rois, en 1736, comparaissent aussi huit veuties, el le
nom de la Respaille (ferme) est inscrit sur la liste sans autre indication.
(Rci;. aux causes de 1732 à 1739).
Il semble résulter de ces citations, auxquelles nous nous hornerons ,
que l'on conrnquait aux plaids Généraux les chefs de ménage, el que les
femmes possédant celle qualité pouvaient y assister aussi bien que les
hommes.
En ,•oyant 6gurer, sur les listes ci-dessus, des maisons et des terreins,
on est aussi conduit à penser que la p1·opriété était la base rlu droit
qu'avaient les chefs de ménarre d'assister aux plaids généraux.
4 Cette expression employée dans l'acte de convocalion de l'assemblée
du 22 septembre 1733, semblerait prouver, qu'indépeudamment du pilori
dont nous avons déjà parlé, le ,•illage d'Aische possédait aussi un pet'l'on,
espèce de monument dont l'origine et le but sont encore incertains, et
que l'on rencontrait entre autres à Liér,e (ou il existe encore de nos jours),
dans plusieurs localités de celle principauté, à Namur, etc. Il n'est pas
impossible qu'Aische ait eu aussi jadis un -perron; cependant, d'après lts
renseirrnemenls que nous arnns pris auprès des Yieillards, il n'y existait
à l'époque de la révolution française , qu'un pilori composé d'une colonne
de pierre surmontée des armes du seigneur, à laquelle on arrivait par
trois marches. Il est donc présumable que, dans le siècle passé, le mot
2

37

-~86-

L'officier (mayeur ou échevin) qui présidait ces assemblées
commençait généralement par communiquer, au nom du seigneur, toutes les mesures de police ou <l'administration jugées
utiles. Il prescrivait habituellement: l'entretien des chemins,
haies et fossés, le service des patrouilles, le ramonage des
cheminées, le pâturage des bestiaux en commun, la fréquentation de l'école, etc. Il ordonnait aux receveurs des aides ou
des biens des pauvres, de fournir leurs comptes, au maître
d'école de bien remplir ses fonctions, aux cabaretiers de payer
exactement les pots d'afforage, et de déclarer leur bierre, pour
la soumettre à la taxe, etc. Il défendait enfin : de chasser ou
pêcher, de laisser divaguer les chiens, de louer des maisons à
des étrangers sans autorisation, de laisser paître les bestiaux
sur les communes, de ramasser les bois secs ou les glands,
de vendre à boire après neuf heures du soir ou pendant les
offices, etc.
Puis les assistants discutaient et décidaient les affaires qui
intéressaient toute la communauté, telles que l'entretien d'enfants trouvés, le changement ou la suppression des chemins,
les contributions et cotisations, les procès de la communauté,
la nomination, sauf l'agréation du seigneur, de commis chargés
d'intervenir dans toutes les affaires et comptes intéressant le
public, la réparation des ponts à l'aide d'emprunts, etc., et
particulièrement tout ce qui touchait à l'administration des
biens communaux 1 •
pe1·ron a été employé comme synonyme de pil-01·i, soit à cause de la res-

semblance de construction , soit simplement à cause des degrés qui conduisaient au pilori. La m~me observation est applicable au village de
Liernu. (V. plus loin l'article consacré à cette localité et les Reche,·ches
hist. sur le peri·on <le L iége, par F. Hcnaux. Liége 1845.)
• Reg. passim.

-287-

Les opposants étaient, semble-t-il, obligés de déclarer leurs
motifs d'opposition.Ainsi, aux plaids généraux du f4 avril-1.744,
trois habitants s'étant opposés à un changement de chemin
sollicité par le curé, celui-ci les requit de donner leurs motifs
d'opposition dans la semaine. L'un d'eux se rétracta spontanément devant la cour, l'autre ne le fit qu'après avoir reçu un
exploit du sergent 1 •
Il en fut de même aux plaids généraux du 23 avril 1754, oit
un individu qui voulait que l'on pâturât les communes malgré
le décret du procureur général au conseil provincial, se rétracta devant la cour après sommation du sergent 2 •
Ces assemblées ne se passaient pas toujours avec tout le
calme désirable. Dans la réunion que nous venons de citer,
l'ecclésiastique chargé des affaires du seigneur fut injurié par
un habitant, malgré le caractère dont il était revêtu. Le coupable fut calengé séance tenante par le sergent, et se rétracta
plus tard devant la cour.
Aux plaids généraux du Hi janvier 1737, le mayeur fut aussi
injurié par un des assistants, qui le traita de brouillon, et lui
parla le chapeau sur la tête. L'officier fit calenger par le sergent. ce turbulent, qui n'en continua pas moins à lancer des
invectives, tant contre ledit officier que contre les échevins et
le greffier. L'assemblée se sépara enfin sans avoir voulu rien
résoudre touchant l'affaire pour laquelle elle était convoquée.
L'officier se borna à requérir que le tout « fut mis en wanle 3 ,
4
» pour s"en servir là, et ainsi qu'en justice a1lpartiendra • »
Les seigneurs d'Aische curent quelques fois des démêlés a\'ec
•Reg.de 1740 à 1754. Causes.
• RI'(;, id.
3

En i;ardc . enrer:istré .

4 Rei;. de ti'.5'2 à 17;;9, f.ausrs.

-288-

les plaids généraux. A la réunion du 10 janvier 1741, la plupart des assistants requirent que l'officier vint résider incessamment au lieu de son office, conformément aux placards 1 •
Le seigneur ayant pris connaissance de cette plainte, déclara
à la cour avoir cédé, dans son château, une chambre pour la
résidence du mayeur, avec pouvoir de substituer un lieutenant-mayeur.
1\1' du Bois, seigneur d'Aische, prétendait avoir le droit de
plantation sur les tiges 2 et communes de sa juridiction; les
habitants, au contraire, affirmaient que ce droit leur appartenait depuis longtemps. Pour aplanir toutes difficultés ils firent
ensemble l'arrangement suivant, à l'assemblée du 22 septembre 1755.

Le seigneur consentit que lef habitants vendissent à leur
profit une moitié des arbres croissant dans les tiges et marges,
à condition d'en appliquer le produit au désengagement des
communes. Il promit aussi de livrer pendant huit ans à la communauté le bois nécessaire à la réparalion des chemins qui lui
incombait. Par contre, les habitants cédèrent à toujours au seigneur le droit de planter une ligne de saules de chaque côté du
ruisseau traversant les communes, et de faire des plantations
dans les tiges ou chemins de sa juridiction, à condition que les
arbres plantés près des terres cultivées pussent s'élaguer, afin
de ne pas nuire à ces terres. Les habitants se réservèrent le
droit de planter chacun quatre plançons par an dans le reste
des communes 3 • Celle convention fut agréée par le conseil
provincial, le 5 octobre 1755.
• neg. de 1740 à 1754. Causes.
• Mol wallon qui dési[:ne les cnd1·oi!s incultes le long des chemins, clc.
3

Re(l . de 1732 à 17'>0. Causes.

- 289-

Aische eut, ainsi que les villages voisins, beaucoup à souffrir
par suite des guerres fréquentes qui ravagèrent notre pays. Dès
le 2 octobre i.598, on voit les manants se plaindre au conseil
privé d'être accablés de logements et de contributions, attendu
que les commissaires n'osent charger les gentilshommes, qui
se font exêmpter comme cultivant leurs terres par eux-mêmes 1 •
En !665, la communauté fut obligée de faire un premier emprunt de 400 florins, pour satisfaire à une condamnation obtenue contre elle par le sieur Frumin devant la cour de Feix, et
confirmée par le conseil du roi à Namur, mais la cause de cette
condamnation nous est inconnue.
Plus tard, les guerres occasionnées par les diverses invasions françaises contribuèrent encore à obérer le village.
Ainsi, en 1694, l'assemblée générale de la communauté autorise le curé Bachelier à engager, pour quarante patacons, deux
boniers de terre des pauvres, afin de rétablir la maison de
cure et de subvenir à son entretien, « attendu que le revenu
de la cure, consistant en un tiers de la grosse dime, est en
partie en friche, et le reste fourragé par les armées des
alliés. 2 » On remarque aussi, cette même année, plusieurs
actes de cessions ou engagements de biens occasionnés par la
difficulté de payer les contributions 3•
Le H décembre 1696, le mayeur, les manants et le curé
assemblés, nomment des commissaires pour demander au roi
et au conseil de la province la permission de lever, sur environ
cinquante boniers de hiens communaux, la somme de 4105 n.
16 s. 2 ù., destinée au payement arriéré des contributions et
rations exigées par les Fran~ais depuis l'année 1689, et ansgi
•Cout.et ortl. de Ncwmr. Malines, Yander tlsl, 1733, p~r;. 14:?.
• l\rg. de IG88 à 17i3. Transporls.
3 Id.

-

290 -

à la délivrance des prisonniers détenus à Maubeuge, depuis
le 22 février de l'année précédente 1 •
Les embarras financiers ne firent que s'accroître plus tard.
_Aux plaids généraux du 27 avril 1745 , le mayeur requit les
habitants de prendre une résolution relativement aux vacations
qu'il avait faites pendant vingt-cinq jours pour les logements
de onze divisions ayant passé au mois de décembre 1743, et
pour confection de billets dont il n'avait pu être payé 2•
Enfin, le 29 janvier 1747, la communauté dut encore voter
un emprunt de 1400 écus d'Espagne, hypothéqué sur les communes appelées Naschaux et Renyprez, afin de payer les rations et contributions exigées par la France 3 •
Il n'est pas douteux que pendant toutes ces luttes, le village
d'Aisclle ait élé le théâtre de_quelque combat. Galliot rapporte
qu'un grand nombre de paysans y furent massacrés par les
troupes de Mansfeld et de Christian, évêque d'Halberstad, se
repliant sur Breda après leur défaite à Fleurus, en 1662 4, et
• Nous trouvons elfeclivemenl, dans le compte de 1097 , l'article suivant : • Pour frais el dépens de bouche faits par Antoine Blanhonnrl el
Jean Dar<lenne à l\laubeui,e, ayanl é té détenus prisonniers pour les contributions de 1690, etc., pendant un an el huil j ours, ledit Dardenney
aya11t e11{in décédé, a élé payé.•.•. 580 fi. 15 s. n (Reg. de 1688 à 1773.
Trans1>orts).
• ttei,. de l:'40 à 1754. Causes.
3 Cel empru nt eut lieu en ver Lu d'une autorisation du baron de Lucé,
intendant <le la province de llainant , qui permit aux communautés de le\'er
l'argent nécessaire pour le payeme nt dt leurs contributions . Celle autorisation fut don née par suite d'une requête des Élals de Namur, rep résenlanl «que les conlribulionsconsidérables fournies par la provincc,e n sub» si<les, rations, clc., le fardeau d'un siége, sa pa1·ticipation à ceux de
» Charleroi , nions et nruxclles, les quartiers <l'hiver d' une grande partie
» de l'arméerl u roi de France,avaienlé1H1isé complétcmenl le pays,cl qu'à
,, ces calamités s'était j oi nte une malatlic contai,icuse p;irmi les hommesN
» 1)a1·mi les bestiaux.» (Rer,. de 1ï52. Transports).
ft Galliol, tome V, p. 7fJ.

-291 -

les anciens de l'endroit assurent que l'on déterra jadis de nombreux cadavres dans les campagnes du bfédecely et des
Gadaffes 1 •
La mère d'un vieillard encore existant lui a même souvent
raconté que, de son temps, les enfants qui s'amusaient à enfoncer des baguettes dans la campagne des Gadaffes, en reliraient fréquemment des cheveux provenant de cadavres gisant
en ce lieu. Peut-être aussi ces débris étaient-ils le résultat de
quelque rencontre à la suite de la bataille de Ramillies, qui se
donna non loin de là, le f7 mai f706.
A l'époque de la révolution française, Aiscbe fut occupé par
les troupes républicaines, qui enlevèrent les cloches de l'église
pour en faire de la monnaie, brisèrent le pilori aux armes du
seigneur, et érigèrent le village en commune dépend~nte du
canton d'Eghézée.
La population d'Aische était, en i816, de 769 habitants;
en f846, on en comptait 991.
• Plusieurs habitants de la commune assicnent même à cc nom de
Gadaffe une élymolo(l'ie quelque peu suspecte, en le fesant dériver du
mol cadavre.

-292 -

11.

LIERNU.

Peu avant d'arriver au village d'Aisehe, en suivant la route
qui conduisait autrefois de Namur à Louvain, on rencontre la
commune de Liernu I dont l'industrie agricole constitue la
seule ressource.
Le territoire est aujourd'hui presque entièrement dépouillé
des bois qui y existaient jadis 2 • On peut toutefois se convaincre du degré de vigueur que devaient puiser dans ce sol les
• Celle orthographe est assez récente. Dans les anciens documents on
écrivait constamment Licrm1t.
2 Tl n'existe plus dans le territoire de la <'Ommune ,le Liernu que huit
honicrs de bois ayant fait partie de l'ancien bois de la Com·, situé sur
la Baivc. Quatre-vingts bonicrs de hois domaniaux ont été défrichés
dans cc triaire.

-293-

arbres forestiers, à l'aspect de ceux que l'on remarque encore
au centre même du village.
Trois d'entre eux méritent surtout d'être signalés.
Le premier, tilleul séculaire, dont le temps a parsemé l'écorce
d'une infinité d'excroissances, a poussé sur le bord de la route,
vis-à-vis du chemin qui conduit à la ferme de la Rigauclerie;
le second, placé auprès de la ferme de la Cour, est un chêne au
fût élancé, encore plein de force et de vie; le troisième enfin,
est le géant qui ombrage la place derrière l'église 1 •
Ce chêne, le plus moustrueux sans doute que possède la Belgique, présente, au niveau du sol, une circonférence qui excède 42 pieùs (i200 ·-40); à la hauteur de cinq pieds, sa circonférence dépasse 27 pieds (8"'"-96). Le tronc, que le temps
· ou l'orage a sillonné d'une longue cicatrice, se di\'ise en deux
puissants rameaux, où viennent s'attacher les branches qui
s'élancent de tous côtés. A la base, une large ouverture, munie
d'un grillage et d'une barrière de bois, permet l'accès de l'intérieur devenu complétement creux.
Là, à l'aspect des parois noircies, et des deux orifices qui au
sommet laissent aperceYoir le ciel, on se croirait dans la cheminée de quelque fourneau abandonné.
Ce lieu, qui naguèreservaitd'atelier aux chaudronniers ambulants, a été transformé, depuis peu, en une chapelle où l'on a
placé un autel orné de la statue de S1 Antoine, et, sur le devant,
un banc pour s'agenouiller.
L'âge n'a point éteint la force vitale du vieux arbre. Chaque
année encore il se développe. Les vieillards se rappellent s'être
1 On a aussi ahallu , il y a peu d'années, un chtne d'une rrrosscur remarquahl~ à côté cle la ferme du Yert-Bois, qui naisemhlahlemenl a
clù son nom à ce voisina~e, ou à celui de rp1 e1<1ue bois au_jourd'hui défricl1~
·

38

-

.294 -

glissés dans leur jeunesse à travers une ouverture aujourd'hui
refermée, et celle qui sert maintenant d'entrée .a étreint insensiblement la barrière qui la clôt au point de la forcer à céder.
Quel naturaliste pourra jamais préciser l'âge de ce vétéran
qui a peut être couvert de son ombre quelque guerrier partant
pour la terre sainte ou quelque pieux hermite vivant dans la
forêt, et qui sans doute a servi d'abri aux magistrats du village
pour discuter les intérêts de la communauté ou rendre la justice à leurs administrés?
Aucune tradition n'existe pour nous l'apprendre.
Les anciens nous parlent seulement d'une espèce d'anneau
de fer rivé dans le tronc. Etait-ce là le carcan de la justice seigneuriale avant l'établissement du pilori sur la place vis-à-vis
de l'église?
Nul encore n'a pu nous le dire.
. Cc que l'on aura peine à comprendre, c'est qu'il y a peu
d'années, l'administration voulut renverser ce vénérable monument des siècles passés, l'orgueil de la commune. Grâces au
digne curé {Mr Savinien) un semblable vandalisme n'est. plus à
craindre, il faut l'espérer. C'est par ses soins, que l'autel de
S' Antoine est venu prendre possession de l'arbre, et l'a ainsi
placé désormais sous la sauve-garde de la religion.
Tout à côté se trouve l'église, qui était autrefois une église
médiane 1 • Elle est dédiée à si Jean-Baptiste, dont on ,·oit
• Ce mol est synonyme d'ét;lis~ llliale ou démemhrée. Elle av ail pour
curé (im;eslitus), P.n 12i7, un certain llenri, qui assista comme témoin
à une donation faite par Uenri de Licrnut, curé d'Aiscbe, en fa\'eur de
l'abbaye de Salzinne. Celle donation consistait en trois mui1ls d'épeautre
sur un terrein possédé par ledit curé d'Aischc à l'extrémité supérieure du
village de Liernu. près d'un vercer, au lieu dit Avaincamp (in superio1·i
exittt de Lier11ut, p1'0pè po11leriu1n, in loco q1'i tlicitur Avai11ca111p),
el sur trois journaux prês d'un pré dit : li E wiche Preit (juxtà pratu11•
quo1l dicilur li Ewiche Preit) . (Arclt. de l'ahh. de Salzinne).

- 29a -

la tête sculptée au-dessus de la porte d'eotréc. Ainsi que
l'atteste le millésime inscrit au plafond, cette église fut rebâtie
en i793, époque qui en vit détruire tant d'autres.
Déjà, aux plaids généraux du 14 mai 1743, les habitants
s'étaient cotisés pour réparer la nef, et le 6 janvier 1771 , le
seigneur et les justiciers avaient eocore voté, pour d'autres réparations, une somme de 369 florins 1 •
Plus tard, par suite d'une résolution prise à l'assemblée
du 7 juin 1791, les habitants se plaignirent au comte de Nassau-Corroy, grand doyen de la cathédrale de si Lambert, à
Liége, et en cette qualité décimateur du village et collateur de
la cure : qu'on n'entendait pas le son des cloches de la plupart
des endroits de la paroisse, que l'église était trop petite pour
contenir les paroissieos dont le nombre s'était beaucoup accru
depuis le partage des communes 2 , et qu'en outre, « elle était
» informe par le défaut d'une troisième nef sur la gauche. »
L'assemblée chargea ses justiciers de faire les démarches nécessaires à cet effet près du grand doyen, et, en cas de refus,
de l'y contraindre par voie de justice 3 •
C'est. sans doute cette résolution qui força le chapitre
de SL Lambert à reconstruire l'église telle qu'on la voit
aujourd'hui.
• Liasses. (Archi1·es provinciales de Namur. Cour de Liernu).
Les recelles de la fabrique de celle église s'élevaienl, pour l'année 1785
à ti86, à la somme de 261 fi. 1 s. 17 den., ainsi qu'on le voil par les
comptes.
> Le parlaGe rles communes de Liernu s'élail opéré le 16 octobre 1781,
en vertu rl'un décr(;l du 23 ao(ll de la même année, émananl du 1•icomtc
Desandrouin, commissaire délé&ué à cel effet. (Rrg. de 1764 à 1780. Réa·
lisations).
3 tiasscs.

-

.296 -

Le pavé du chœur a conservé la pierre tumulaire suivante:

ICY REPOSENT LES CORPES
DE SIGISFllOID DE CR.\CE11 P.\CH 1
SEIGNEUll DE LIENUI 2 EN SON \lYANT
nu CONSEIL DE Gt;ERRE DE SA MAJESTÉ CATHOL!Qrl-:
~!ESTRE OE C.\MPS LIEt;TE:'i'AXT GOUVERNEUR DE
L.\ PRO\'1:-iCE DE NA)lt;R ET GRAXO MAYEt;R
DE LA OITTE VILLE E. T. C. LEQUEL AT
REXOU SON MIE A DIEU LE 28 o'AOUST
1688 ET DAME ANNE MARIE DE SCHROETS 3
SON ESPEUSE LAQUELLE EST DÉCÉDirn DE
CE ~!ONDE LE ...•••

• Nous n'avons pu rell·ouver les couleurs de l'écu de Cracem1>ach. Celui
de Schroets est d'arrrent aux trois chevrons de sahle, comme l'indi<1ue la
collection des Tombes de llesbaie, publiée par tu. de llerckenrode.
• Pour Liernu.
3 Elle était fille de Jean de Schroels, écuyer, sergent-major au scrvil' ('
du prince de Liége, cl tic Dame Jacqueline de Burlrn. :iinsi c111'on le ,·oit
par les ard1ires du ,·illilITI',

-29ï-

La cloclle de l'église portait pour inscription : F. L. Baro de
Selys decauus Leodie11cis et C. aimo 1719, 71er Petrum Levache, ainsi que le constatèrent, le 13 aotiL 1784, le maycu1· et
les échevins, assistés de l'homme d'affaires du seigneur, à la
requête du grand doyen de Liége. lis remarquèrent aussi le
nom de Selys formé sur le toit de l'église et, au-dessous, le millésime de 1715 1 • La cloche dont nous venons de parler remplaçait peut-être celle qu'avait enlevée, en f6ï5, les Français
revenant du siége de Limbourg.
A la même époque ces troupes avaient aussi saccagé et brûlé
la maison de cure qui occupait depuis peu le lieu où on la voit
encore aujourd'hui 2 • Elle avait été acquise, le 15 noycmbrc 1672, en vertu d'un échange fait entre Lambert Wasseige,
pasteur de l'endroit, et noble homme Jean-François-Léopold
de Bardoul. Celui-ci céda au curé tous les droits qui lui compétaient « sur certaine maison, tenure et lléritage gisant au» près de l'église paroissiale, tenant de tous côtés au chemin
» du seigneur, et provenant de Sébastien d'Angy. » Le curé
céda en échange un jardin ou ahénière gisant à Liernu, appelé
vulgairement le Cortil du Colombier. Cet acte se fit avec l'autorisation de Monseigneur de Grobendonck, évêque de Namur 3 •
Non loin de l'église, dans. la partie la plus élevée du village,
• Reg. de 1764 à 1786. Réalisations.
2 Le curé Lamhert Wasseige, mort en 1680, a consigné ainsi ces lieux
événements dans un registre de la cure de Liernu•
• Les 9 et 10 juillet 1075, les François retournants du siége de Lim" bourgue ont campez à Liernuz el onl lirez entièrement ma maison cm• bas et brulez. Et ainsi le curé de Licrnuz est réduit comme dernnt sans
., maison pastoral. Au mois de septemhre de la même année cslants cJm·
• pez à llarlue ils ont emportez une de nos cloches. ,,
On ,·oil encore dans l'ér,lise de Liernu , la pierre tumulaire de Lamhrr·t
Wassei!Je, qui étail de N'amur.
3 Reg. de Hi72 à Hi87.

\

- 298 -

on renconlre la ferme de la Natoye, ancien domaine, cl en
dernier lieu, résidence des seigneurs de Liernu, quoique rien
dans son aspect ne dénote une habitation seigneuriale.
La ferme de la Coul', ou Cour de S Gertrude 1 , située vers
le centre de la commune, semblerait plutôt avoir servi à cette
destination, si l'on considère l'étendue de ses bâtiments autrefois entourés de fossés dont on voit encore la trace. C'était une
ancienne vicomté, et, ainsi que l'indique son nom, le siége
d'une cour dont nous parlerons plus loin. La tradition rapporte que là se tenaient les marchés ou foires de Liernu, et
qu'un enclos situé derrière la ferme était jadis une terre franche où les criminels jouissaient pendant trois jours du droit
d'asile. Près de cet enclos, ou dans cet enclos même, on remarque une sorte de renflement de terreio que l'on dit avoir
été une ancienne tombe. La ferme de la Cour, appelée parfois
Château de S" Gertrude, ou même Châteaude Liernu 2 , fut incendiée en décembre 1672, par suite de logements militaires.
Elle appartenait à la famille de Looz Corswarem et fut relevée,
le 7 mars 1702, sous le nom de fief de Liernu, par Nicolas
Alexandre de Looz Corswarem, fils aîné du baron de Longchamps 1 • Les armes de cette famille sont encoregra,•ées,avec
la date de 1750, au-dessus de la porte d'entrée de la Cour 4 •
1


• Le surnom de cette cour semblerait indiquer qu'elle apparlenaitjadis
au chapilre de S1• Gertrude à Bolinne, llarlue el Eghezée. Uoe image de
S•• Gertrude se voyait encore naguère dans une niche pratiquée dans un
des murs rle la ferme de la Cour.
,
• Record du 28 janvier 1751. Liasses. - Reg. de 1687 à 1730. Transports.
3 Liste 01, répertofre de tous les {zefs 11101iva11ts du comté de Namur.
~lanuscril.
4 Ces armes sont : écartelé, au 1•• et 4 burelé ,l'or el de gueules de dix
pièces; au 2 rl 3, d'ari;ent à deux fasces de s1hle; sur le 10111 <l'hermine
à cieux fasces de gueules.
·

- 299-

A peu de distance derrière la ferme, auprès du petit ruisseau
de Liernu, existait autrefois la fontaine de S' Jean, dont les
eaux étaient renommées pour les maux de tête. Les malades
avaient coutume d'y recourir, tout en ayant soin d'invoquer en
même temps Je saint patron de la source. Celte fontaine a disparu aujourd'hui, et l'on ne rencontre plus qu'un sol marécageux à l'endroit qu'elle occupait dans une prairie qui porte encore le nom de Pré de S• Jean.
li faut aussi mentionner la ferme de la fügciuderie, espèce de
manoir datant de la période espagnole, et qui semble avoir
donné son nom à une famille fréquemment citée au 1.ï• siècle.
Possédée actuellement par lJ/. Bouché, président du tribunal
de Namur, la Rigauderie était ci-devant un fief que releva, le
8juillet 1706, lJJ. Lambert Lambillon, écuyer 1 • Uue tour ou
petit donjon est auenant au corps de logis principal, sur lequel
est inscrit le millésime de 1602. Dans une petite prairie appelée la Tombe, joignant la ferme, il existe une sorte de tertre
peu apparent aujourd'hui, et que Galliot 2 pense avoir été une
tombe romaine. En travaillant sur l'emplacement de ce tertre,
qui devait encore être considérable au siècle passé 3 , on a
trouvé assez récemment deux pièces d'argent, l'une du règne
de Philippe IV, roi d'Espagne, l'autre d'un évêque de Liége. Il
paraît qu'antérieurement on y avait déjà décom·ert des monnaies, dont nous n'avons pu obtenir de renseignements exacts.
L'existence de cette tombe et de celle de la Cour, se rattache
• Le répertoire ùes fiefs cité plus haut, mentionne aussi que l'hôpital
ùe St-Jacques, à Namur, releva, le 14 anil 1684, 18 muids d'épeautre
affectés sur le fief del Rigautlerie, à Liernu.
2 Tom. I , pai;. 42.
3 Délices du pays de Liége, t. Il , p. 158. Cet ouvrai;e dit que l'on voit
deux petites tombes dans le hois de Frizet, et ime trés-grnnde à Liernu,
près de la basse chau,ssée ,clans La basse-r.ou1· de Rigaudrie.

-300 -

peul-être au voisinage de la Basse Chaussée mentionnée dans les
Oélices <lu pays de Liége 1 , laquelle, d'après nos recherches,
suivait, au moins en partie, la direction de la route actuelle de
Namur à Aischc-cn-Réfail, dans la portion comprise entre les
fermes du Vert-Bois et de la Cour. C'est, dit-on, par ce motif
que le petit pont qui sert en cet endroit à traverser le ruisseau
de Liernu, a conservé le nom de Pont de fo Chaussée.
L'historien Gramaye a écrit 2 , et plusieurs auteurs ont répété
d'après lui 3 , que Liernu était autrefois un comté qui devait
s'étendre bic11 avant dans le Brabant-Wallon. Pour appuyer son
opinion cet écrivain dit avoir trouvé, dans l'acte de· donation
de la seigneurie de Rosières 4 , faite en 1021 en faveur du monastère de Waulsor, que cette seigneurie était située dans le
comté de Liemu (in comilatu de Lernus).
Nous avons fait, aux archives de la province, des recherches
pour retrouver ce document, et nous avons effectivement rencontré unccbarle contenantdonation du ,·illageclcRosièresau monastère de Wanlsor. Elle est ainsi conçue : « Quia ego Alpaïdis ....
» trado ad monasterium rocabulo Walcioderum, Deo ejusque
» gcnitrici l\Jarire, villam juris mci nomine Roscrias in pllgo lias» bannio sitam, super fiuviolum Neropiro in comitatu IIoïE:-.sr. »
Au bas est écrit : « Signum Alpaïdis ejusquc filii Arnulfi; » Signum Vivrici fratris Arnulfi; - Signum Alberti comitis;» Signum Gislebcrli;-Signum Ratbodi fratrum cjus;-Signum
» domni abbatis Teodorici , etc. »
• Voy. la note précédente. La direction de la roule dont nous parlons
peut du reste avoir chanrré, car on prétend qu'un chemin traversait autrefois la ferme de la Cour.
•Antiqiiit.Com.Nam. Lovan.1607 in-4°. Secl. I,par,: 10, Comilal.Lcrunl.
3 Galliol, t. IV. Jlar,:. 121. - Reilfenherr,:, Jllonw11ents 7101,r se1·oi1· à
l'hist. desprov. de Nam. /Iain. et Ltt:r:. Tahlc onomastique, parr. 705.
t, Rosière est 1111 l'îllar,:c rnîsin •tfe Perwez (Brahanl).

- 301 -

Cctle cllal'te ne renferme pas de dale, mais l'écrilure sufl1rail
1>our nous apprendre qu'elle appartient au H 0 siècle, si la
signature de l'abbé Téoderic ou Théodoric n'était là pour le
prouver. Ce prélat répara en effet le monastère de Waulsor
brûlé en i008, et mourut en 1035 1 •
Notre charte doit donc être la même que ce11e mentionnée par
Gramaye; mais comment expliquer que cette auteur ait lu in
comitatu de Lemus, au lieu de in comitatu Iloïensi, et avancé
ainsi un fait inexact? Voici cc que l'on peut supposer. Gramayc,
qui accueillesouvcntdesopinionssans les soumettre au moindre
examen, n'aura point vu le document original dont nous parlons, et n'en aura eu vraisemblablement connaissance que par
un extrait Mnaturé par quelque copiste inhabile dans les registres de l'abbaye de Waulsor. Ces mêmes registres lui auront
sans doute aussi fourni la date précise de la donation, date que
nous ne retrouvons pas dans la charte originale. Il faut remarquer en outre que la Chronique de Waulsor 2 , qui mentionne
la donation du village de Rosières faite par Alpaïùc, ne parle
ni du comté de Liernu, ni de la date citée parGramaye.
Aucun acte parvenu à notre connaissance ne nous permet
donc de dire que Rosières dépendait du comté de Liernu, ni
1 Galliol, tom. IV, pai;. 103. Délices du pays de Liége, tom. If ,
pag. ~81. 11 ne pourrait être qutstion ici de l'abbé Théodoric Il , mort
en 1155, car l'examen <le la charte nous prouve qu'elle est antérieure au
12< siècle.
• D'Acheri,Spicilegmm. Paris, 1723, in fol. tom. II, pai;. 722. Dans cet
ouvraçe le mol Roleriam a élé certainement inséré par erreur, au lieu
<le Roseriam. Voici du reste le texte auquel nous avons fait allusion. • In
• tempore eoim prrecetlenti ex his nohilihus quredam nobilis matrona no• mine Alpaîdis, volo prrecordiali ad hune in vilâ suà confur,iens
• locum ..... villam Roleriam el quldquid in cà jurls habebal, nobis libe,, raliler tradidit. • La phrase i1' temJ}Ore prœccdenti s'explique parce
que la chronique ne fail mention de la donalion que sous le rèi;ne de
Lambert, 1 o, ahM de Waulsor.

'30

-302-

même que cette dernière localité fut un comté, à moins que
l'on ne fasse allusion au titre de vicomté dont jouissait, ainsi
que nous l'avons fait remarque1·, le cbâteau de 8"' Gertrude.
Nous laissons à de plus érudits que nous le soin de vérifier
une autre allégation de Gramaye, selon laquelle Liernu devrait
son origine et son nom à une colonie qu'y aurait établie un certain Lemus, prétendu gouverneur du château de Namur (castri
iJlosani custos), environ 200 ans avant J .-C. 1• Nous voyons
seulement le village de Liernu cilé dans l'histoire dès l'an H89
comme ayant été cédé, avec celui de Thynes, au duc de Brab:rnt par Baudouin de Hainaut alors en guerre avec Henri
!'Aveugle, mais cette cession fut aussitôt annulée à la suite du
traité de Pontoise 2 •
Environ deux siècles plus tard, Guillaume II, comte de
Namur, accorda, le 24 juin 1599, aux habitants de Liernu et
it ceux d'Aiscbc-en-Réfail, un privilége coutenant l'abolition de
la banalité du moulin de Renise, ainsi que l'abolition du droit
de mortemain et de formorture 3 •
Cc privilége commun nous prouve les liens existant jadis
entre ces deux localités, qui appartenant l'une et l'autre à la
mairie de Feix, eurent fréquemment leurs cours composées
des mêmes magistrats; à ce point, que la cour d'Aischc s'étant
trouvée sans personnel dans les années 1498 et 1525, le mayeur
et les échevins de la haute cour de Liernu en remplirent les
fonctions, comme nous l'avons dit ailleurs 4 • Nous avons aussi
• Gramayc. Ilist. Nam. cap. I. - Nous donnons plus bas , en note , une
ély1uologie présumée sur le nom de Liernu.
• Hist. du comté de Namm·, par J . Borgnel, pag. 63.
3 V. ce document à la sui le de cet articlf.
li No lice sur Aische-en-Réfail. - Ce mayeur cl ces échevins étaient,
en 1498, Jchan Gra, mayeur; Jehan de Fumalle, escuycr, Jehan Wera,
Watho Perilll'mc, Jehan ciel Rigaderic. J ehan de Lonsée , échevins.

-30J-

mentionné que les cures des deux villages étaient à la collation du chapitre de Sl Lambert, à Liége, qui y possédait la
dime 1 •
Une quittance de l'an 1283, nous apprend que A cle dame de
.l[al'bais el du Buec arait alors à Liernu un fief qu'elle tenait
du comte de Namur, et. pour lequel elle payait une rente annuelle de 8 livres de Lovignois 2 •
Yers la fin du 16• siècle, ou le commencement du 1ï•, la
terre de Liernu appartenait à la famille de Potte/, d'où clic
• Notice sur Aische. - L'existence de relations aussi nombreuses entre
les deux localilés permet même de supposer que l'église de Liernu qui.
comme nous l'a,·ons dil, n'élail qu'une église médiane , c'est-à dire
filiale ou démembrée, avait été démembrée de l'éc;lise d'Aische, qui élail
une église entièt·e ou mère; d'autanl plus, que la position du villar,e
d'Aische sur une roule romaine\ ienl fortifier la présomption qu'il au rail
eltislé a\'anl celui lie Lil'rnu . On pourra il inférer de là tiue ci, villar,e,
placé ainsi sous la dépendance d'une cure yoisinc, lllail jadis peu important el que, peul-être même, il n'élail oric;inaircmenl , comme la 11luparl de nc,s communes, qu'un lieu inculle, où, par suite des progrh de
la population, il se ~era établi une église.
Le nom de Lie11m serail alors assez Haisemblablcmenl synonyme de
Leerm1, L aer, elc • noms sous les<1uels sonl connues plusieurs localilés dOJ
pays Bamancl.Lieren, Laer, dans les anciens Mi0mes du nord, signifie
Lerrf.in inculte, vacue,pàlurace puhlic; Laernesse, vacuitaa. En allemand
moderne Lecre yeul dire yfde. (V. les Mémoires 8tir les 110111s cles com
mu1U?s de la Flandre-Orientale et d'.,forera, par Mn Willems el Kreglinger, dans les Bulletin, de la co111111ia. centrale ,te statistique, l. li,
1>. 287 el suiv. el l. Ill, p. 200 et suiY.- V. aussi Kilian, Ety11iol. Teuton.
li119uœ, verb. Laer, etc.) Cc que nous aYons dit précédemment de la
, igueur des arbres <111e produil Je sol de Liernu ne contrarie pas notre
étymologie, car c'est rréqucmmenl dans les terrclns incultes ou trie11.1;
C)Ue l'on rencontre les arbres les plus remarquables J)ar leur grosseur.
• V. Mo11u1111mta a,iciens , etc., par le C.. Joseph de S••Genois, l. Il,
pag.710.
L'abbaye lie Bonrffe possédail aussi , 1crs la même épo()ue, qurlquc~
hiens à Liernu (iu \ illis de Liernu! , J\larneffic , etc.), comme on le ,·oiL
dans l'acte de confirmation dh 11ossessiÔn, de celle ahl•d)'<', donné par le
pa11e In noccnl l\' en 1215. (Galliol , l. Y, p. 4:!4).

-304-

passa dans celle de Berio de Brus. Paul baro11 de Berio , seigneur de Brus, la releva en 1647 et 1650, et, la vendit, conjointement avec Marie de Carondelet, son épouse, à François
Dethie,·, docteur en droit, et à Anne de Somnaigne, sa femme 1 •
Cette seigneurie n'était, parait-il , jusqu'alors que gagère.
Par lettres patentes du 22 septembre 1688 2, Charles li, roi
d'Espagne, la vendit, d'une manière absolue, à Sigis{roid Angelate de Cracempach, mayeur de la haute cour de Namur.
Celui-ci la transmit à son fils Sigis{roid de Cracempach, maréchal de camp des armées de S. l\L Catholique, qui la releva
en 1690, et la légua par son testament à son neveu AntoineJoseph baron de Sohlern, qui en fit relief en 1757 3 •
Enfin, le 3 mai 1781, les héritiers du baron de Sohlern vendirent la seigneurie de Liernu, la ferme de la Natoye, celle de
la Vallée et plusieurs rentes, à 1\1• Jean-Baptiste-Isidore Ilanolet, pour la somme de 78,000 florins de change; savoir :
5,571 llorins pour prix de la seigneurie, et le surplus pour prix
des fermes et rentes 4 •
Cet acte nous apprend que le seigneur percevait alors 91 1/4
chapons, 68 bourgeoisies à 2 sous chacune, 1.6 florins 15 sous
en argent, et 23 lovignis de 3 liards pièce, et que la seigneurie
n'était chargée d'aucune reconnaissance annuelle envers S. M.,
mais seulement sujette aux reliefs et dénombrements ordinaires
à chaque changement de mains, et aux deniers seigneuriaux.
II est stipulé aussi que les' six chapons et six lovignis affectés
• Galliol, l. IV, p. 122.
• nec;. de 1687 à 173\l. La tombe de l'éc;lise rapporte, il est vra i , la
mort de M• de Craccmpach au 28 aoOl 1088, mais il est possible qne celle
mort n'a iJ pas été connue en Espac;ne avant l'octroi des lellres patentes
ci tées ici.
3 Galliot, loco citalo.
'o li re;. de 1704 ,) 1786. lléalisalion~.

- 305 --

sur la maison pastorale, ainsi que les neuf chapons et neuf
lovignis dûs par le représentant du curé, se payent pour l'acquit ou décharge de deux anniversaires dont les auteurs du
vendeur ont chargé le curé 1 •
Il semble résulter d'un procès gagné par l\i' de Cracempach,
contre M• de Looz Corswarem, que le droit d'afforage doit être
compté aussi au nombre de ceux dont jouissait le seigneur de
Liernu 2 •
Nous mentionnerons ici la manière dont Messieurs de
Cracempacb et de Sohlern furent mis en possession de leur
seigneurie.
En vertu d'une commission décernée par le conseil des finances, Jean-Baptiste Martin, conseiller et procureur général au
conseil de Namur, et Nicolas-Alexis Paquet, procureur au même
conseil, se rendirent à Liernu. Là, ils conduisirent M• de Cracempacb à l'église, puis ayant fait lire les lettres patentes du
22 septembre :1688, en présence du pasteur et des manants
pour ce convoqués, ils mirent le nouveau seigneur en possession de sa seigneurie, « après lui avoir fait tirer la cloche 3 , et
» observé les autres formalités usitées en pareils cas. » Ils ordonnèrent ensuite à l'huissier l\Iarlin de faire commandement
de la part de S. M. aux manants de reconnaîlrc le sieur de Cracempacb pour leur seigneur, « et de lui porter le respect et
•Reg.id.
• Reg.de 1087 à 1739. Transports.
3 Il semble que celle cérémonie de sonner la cloche s'était perpétuée
comme preuve de la part de souYerainelé exercée par les seigneurs en
leur qualilé de représentants du prince.
Voici ce qu'on lit dans l' Hislofrc de l'orua1tisatio1i militairn en Belgique, par M• Guillaume.
« Une des prérocaliHs importantes des anciens châtelains du Lolhicr,
,, était le droit dr faire sonner le tocsin pendant 40 jours en cas de r,urrrr

-306 -

)) l'obéissance lui dûs en cc regard. » Cette cérémonie se lil
en 1688 1 •
Le rn mars 1757, le mayeur et les échevins voulant recevoir
convenablement leur seigneur, M' de Sohlern, firent habiller
proprement une partie des habitants, et les ayant fait commander par des officiers, les envoyèrent à la limite de la seigneurie vers St Germain, à l'endroit dit l'Espinette, où le seigneur étant arrivé en carosse, il fut complimenté par les
officiers; puis, arrivé sur la place, il descendit de voiture et
fut complimenté par le mayeur et les échevins. Il fut alors
mené par le pasteur et la cour à l'église, où ayant mis la main
à la corde de la grosse cloche, il la sonna, et fut ensuite conduit dans le cltœur à son banc de seigneur hautain et foncier,
avec « les formalités en semblables cas accoutumées. » Après
,cela, le mayeur ordonna au sergent de reconnaître l\I' de
Sohlern pour seigneur, et « de lui porter honneur et respect,
» comme représentant audit lieu de S. l\J. »
Le seigneur assura les habitants de sa protection, leur recommanda de se bien comporter, évitant toutes dissentions,
surtout celles occasionnées par les cabarets. Il leur défendit
aussi de chasser, et révoqua les permissions données à cet
égard par son oncle.
Puis il renouvela la cour, composée d'un mayeur, de six
,,

"

,,

nationale. Ce droit, que les princes de Belgique se réservaient avec le
plus grand soin, était considéré comme une marque de souveraine
puissance. Lors de leur inaui;uralion, ils élaieul conduits par le magistrat au bas du clocher de la principale église, el ils sonnaient de leur
propr·e main la cloche du beffroi.
,, Lorsque les villes prirent celle i;ran!le importance qu'elles eurent au
" moyen-âge, elles..... leur rachetèrent ce droit. • (Jllé111oires co1tro1111és
pat· l'Acc11l., tom. 22, Brux. 184!!).
1 Rri;. de 1637 à 17S0. Transports.

- i307 -

éche\'ins, d'un greffier et d'un sergent , qui prêtèrent le serment suivant, après que le greffier leur en eut donné lecture
en présence du pasteur :
c 'ous jurons par le Dieu tout-puissant, et sur la damnation
• de nos âmes, que nous croyons tout ce que croit l'église Ca» lholique Apostolique et Romaine, et que nous tenons la doc• trine qu'elle a tenu et tient sous l'obéissance de Notre Saint• Père le Pape, d!!testant toutes doctrines contraires à icelles,
» si comme des Luthériens, des Calvinistes, des Anabaptistes,
• et de tous autres hérétiques ou sectaires, et qu'en tant qu'en
» nous sera, nous nous opposerons et contrarierons à icelles.
» Ainsi m'aide Dieu et tous les Saints 1• »
La cour de Liernu s'intitule parfois, dans les actes, de cour
haute et foncière, mais le plus généralement, elle prend le titre
de cour haute et vartie foncière.
Dès l'an i290, la com· du comte de Namur, à Liernu, est
mentionnée à l'occasion d'un transport fait par Robert de
Liernu, de trois gerbes franches sur 18 bonniers de terre situés à Noville-sur-Méhaigne et dépendant de la cour dont nous
parlons 2 • L'année suivante (1291), il est encore question de
cette cour dans une donation faite à l'abb~ye de Salzinne par
Hélène de S1-Germaio, et consistant en quatre muids d'épeautrr
à preudre sur deux boniers de terre gisant à Ays deleis Reffait
et muet (mouvants) de le coul't de Liernut, dont on use par le
mayem· et les échevins le comte.
En 1483, le rnayeur delle haute et {ranquize de Liernut 3
était Liebier del Natoye, et les éche\'ins : Jauckc de Vaut:-.,
• Liasses.
• /m;entaire tics cha,-tes du chatca1& de Nam111", par Godefroid ,

l~yelte M. O.
l C<:ttc expression de franchi'se ,le Liel'nu se rrtrouYC aus~i dans Ir~
rei;istres de la curr.

-308-

\Valy de B011neyffc, Maly de Tilhour, Jehan Jamalx, Jehan le
l\Iarissalx et Goffaulx de Ton boy 1 •
Cette cour était, comme nous l'avons vu , à la nomination
du seigneur. Cependant, le 1er avril 1662, Guillaume de la Rue,
mayeur de la haute-cour de Feix, constitua Jean Crespin comme
mayeur des villages de Liernu et de l\leux, « ensemble »,
ajoute-t-il, « de cc qui peut-être mouvant de notre office de
celui de Leuze 2 • » Il est à remarquer que cette nomination se
fit à une époque où la seigneurie de Liernu n'était encore que
gagère, et probablement retournée momentanément aux mains
du souverain 3 •
Depuis l'année 1764, nous voyons presque constamment
figurer, dans la cour de Liernu, deux échevins choisis parmi les
avocats de la ville de Namur 4 • Ces échevins nommés aussi
échevins jurispérites, étaient., semble-t-il, appelés à remplacer
les jurispérites ou avocats étrangers à la cour, que celle-ci
était autrefois obligée d'aller consuller dans certains cas. A dater de 1764, on ne remarque plus de semblables consultations,
et ce sont les échevins jurispérites dont on réclame au besoin
l'avis 5 . En 1784 6 , on rencontre aussi un de ces échevins
nommé par le seigneur comme avocat fiscal des causes criminelles de la cour·.
La haute cour de Liernu eut même parfois son siége à
• Arch. des hospices. Dans une charte latine de 1277, on ,·oil •léjà men tionner les noms de deux échevins de Liernu. Ce sont : lambe,·tus dicltis de Monte (Dumont)? el Stephanus dictus Beg/ion.
2 Liasses.
3 li faut observer qu'à la même époque la seigneurie de Meux appartenait encore au souverain, puisque, suivant Galliot (l. IV, p. 117), elle
ne fu l engagée qu'en 1755.
4 Registres de 1764 à 1786 cl de 1786 à 1795.
5 Reg. de 1786 à 1795.
ti Le 10 mai. Même rer,istrc.

- 309 -

~amur. Elle y ful établie, entre autres, en vertu d'un décret du
conseil de la prO\'ince du 5 mars {ï64, dont les motifs ne nous
sont pas connus. Le seigneur demanda encore, en 1766, au
conseil provincial de Namur, la permission d'établir une cour
pour tenir siége en cette ville, à l'elfet de juger un procès criminel à la suite de la découverte du cadavre d'un étranger
trouvé au cimetière de Liernu. Le seigneur donne pour raisons
que les justiciers du village ne sont JJas assez en état pour continuer cette besogne, surtout dans un cas aussi grave que
celui dont il s'agit, et qu'en outre, les témoins à entendre ne
résident pas dans la localité 1•
Nous citerons ici quelques jugements rendus par la cour de
justice de Liernu .
Le sieur Jean Lambert, accusé d'avoir injurié le curé de S1Germain et le chapelain de la Croix-Monet, d'avoir en outre
donné des coups au domestique du curé, avait été décrété de
prise de corps par la cour à Namur, afin de lui faire son procès
in carcere. La cour c vu le procès intenté devant les échevins
• substitués de la haute cour de Liernu, par décret du conseil
• de la province en date du 8 octobre » , condamna le prisonnier, par arrêt du 7 décembre 1755, à une simple amende de
vingt écus, el aux frais, eu égard à sa nombreuse famille 2 •
Le 5 juillet 1.76t, Martin Legros accusé de s'être livré à des
excès contre le sergent Parmentier, fut condamné var avis de
jm'ispérites ptis e1l la ville de Namur, et dénommés pat· le conseil ll'illecq, à se trouver à l'assemblée de la cour le {5 du mois,
et là, à genoux et tête nue, à demander pardon à Dieu et à la
justice des excès commis par lui, avec interdiction de récidiver,
1

Liasses.

• Rrr,. de 173~ ;) 17G4.

IO

- i l O-

à !}Cine plus griève. Une amende de dix écus lui fut en outre
inlligée 1 •
Le sergent Nicolas Parmentier, convaincu d'avoir volé pendant
la nuit un mouton dans une bergerie, essuya, le 19 mars 1764,
une condamnation identique, et fut déclaré inhabile à exercer
les fonctions de sergent, ou aucune antre, à Liernu 2 •
La cour se montra plus sévère à l'éga1·d de l\Iartin François
Maillot, complice du vol précédent, accusé en oùtre d'avoir volé
un cheval, et suspect d'avoir acquiescé à quelques complots pour
d'autres vols. Un jugement du 16 juin 1754 le condamna « à
» être conduit par le maître des hautes œuvres, la corde au
cou, sur un échafaud qui sera dressé sui· la place vis-à-vis de
» l'hôtel de ville (de Namur), et illccq attaché à un poteau,
» être fouetté à neuf reprises, puis marqué d'un fer ardent, et
» ensuite banni à perpétuité de cette province, lui interdisant
» de s'y retrouver, à peine d'être pendu et étranglé tant que la
» mort s'ensuive,,_ Il fut, de plus, condamné aux frais du
procès.
>)

Sous la sentence on trouve ces mols : « Résolu que le prisonnicr n'aura pas la marque, pour cause, et que le seigneur
» pourra faire exécuter la présente sentence dans sa juridic» lion, s'il le trouve convenir » 3 •
Un autre jugement est encore remarquable pour les motifs
qui le dictèrent. Il fu t rendu, le 25 avril 1767, contre Joseph
Legros fugitif, convaincu d'avoir brisé deux charues pendant
la nuit dans une campagne; atteint et convaincu d'avoir battu
et maltraité le sergent; très véhémentement souJ1ço1111é d'avoir
»

1
Rec;. de 1704 à 1786. Réalisations.
• Rtg. id.
3 Reg. id.

-

I ll -

coopéré au vol d'un mouton dans uue bergerie; très véhémentement suspect d'avoir coopéré au vol d'un cheval dans une
écurie; t1·ès-véhéme11leme11l suspect aussi d'avoir volé du froment dans un grenier pendant la nuit; finalement suspect d'avoir 111'0posé de commettre quelques autres vols indiqués au
procès. La com· le condamna, outre les frais, « à être conduit
» par le maitre des hautes œuvres au lieu ou sera dressé un
» échafaud en laùite juridiction de Liernu, pour après avoir
» demandé pardon à Dieu et à la justice, y être auaché à un
» poteau et fouetté à neuf reprises, et le bannit à perpétuité
» de la terre et juridiction de Liernu, lui interdisant de s'y re» trouver à peine plus griève. »
Après les signatures, on rema1·que la phrase. « Résolu que
» le seigneur pourra faire exécuter la sentence en cette ville »
(Namur) 1 •
Il faut citer encore la condamnation par contumace prononcée, le i4 août f767, contre le sieur Boucher, accusé d'avoir, à
ta suite d'une querelle, donné des coups de couteau qui occasionnèrent la mort d'Antoine Jansens. L'arrêt le condamna « à
» être conduit, par le maître des hautes œuvres, en l'endroit
» ou sera dressée une potenc~-audit Liernu, et illecq être pendu
» et étranglé tant que la mort s'ensuive, et y rester attaché avec
» chaîne jusqu'à consommation, pour l'exemple d'autres ». Le
jugement met, en outre, les frais à la charge du condamné et
déclare, qu'attendu sa fuite, la sentence sera exécutée en
effigie 2 •
Nous devons mentionnner aussi un curieux exemple de séparation conjugale qui s'accomplit devant la cour, le 6 février f 787. Jacques Thirion et Marguerite Balâtre, son épouse,
l

RCG- id.

• Rer,. id .

- 812 -

y comparurent , et déclarèrent se séparer volonlairemenl à

cause de leurs dissentions continuelles. Le mari s'obligea à
laisser jouir son épouse des biens réels apportés par elle en
mariage, à restituer en outre, en vertu d'un décret de la cour
du 4 juillet précédent, un chaudron de fer, deux paires de souliers, une paillasse, un coussiu de plumes, et à payer les
dettes de la commùnauté. Ce divorce s'effectua par suite de l'attestation et du témoignage du curé du lieu déclarant la séparation nécessaire et convenable, conformément à l'édit du
28 septembre ! 784 1•
Indépendamment de leurs fonctions judiciaires habituelles
et de leur compétence pour recevoir les contrats et conventions
et leur conférer l'authenticité, nous voyons le mayeur et les
échevins, comme administrateurs du village, recevoir les comptes de la communauté et de l'église; donner leur avis et consentement à la nomination faite par le curé du mambour de
l'église et du receveur de la table des pauvres 2 ; s'occuper
tle la réparation des chemins; faire des records sur les objets
intéressant la communauté, la seigneurie, ou les revenus des
biens de l'église; dresser les assiettes des contributions; voter
des fonds pour la réparation de l'église, etc. 3 •
Déjà au siècle passé, de munitieux détails statistiques étaient
réclamés de ces administrateurs. Ainsi, en !784, on voit les
députés des étals de la province rlemander le nombre d'habitants de Liernu, le nombre de chariots et charcttes qui y existent, le nombre des biens communaux, bois, terres ou trieux ,
l'état des rentes dues par la communauté, etc. 4
1 Reg. <le 1780 à 1705. Réalisations.
• Le oomhre <les pauHcs secourus s'éle,ail à 20 , en 1741 .
3 nec. passim.
fi Liasses.

-

J l '3 -

C'est aussi devant le mayeur et les échevins que se tenaient
généralement les plaids généraux, dont nous parlerons plus .
loin.
Le mayeur recevait le serment des autres membres de la cour
et des bourgeois, fesait publier les placards el ordonnances;
surveillait l'échenillage des arbres, s'occupait de la surveillance
des chemins, et les fesait réparer lorsque les travaux n'avaie11 t
pu être adjugés, etc. C'est aussi lui qui accordait ou refusait
l'autorisation nécessaire pour établir des cabarets, mais on pouvait en appeler à la cour de sa décision, comme le prouve la
réclamation adressée à celle-ci, le 26 septembre 1788, par le
sieur Lesuisse, contre un semblable refus d'autorisation de la
part du mayeur. Le pétitionnaire alléguait qu'il n'y avait à
Liernu que deux cabarets, où les étrangers ne trouvaient ni à
se loger ni à manger; néanmoins sa demande fut rejetée par la
cour, d'apr~s l'avis de ses éctrn,·ins jurispérites 1 •
Les fonctions de mayeur et des échevins n'étaient pas enli~rement gratuites. Les comptes nous font rnir qu'ils avaient
droit de percevoir certains salaires pour leurs rncations !_ Vers
• Liasses.
• L'extrait suivant tlu comple des dépenses du village tic Liernu prndant l':mnée 17k4, nous apprend quels étaient ces salaires, et nous initie
à certains détails de l'admioislralion locale. Les principales dépenses intliquées sont les suivantes: Pour diverses réparations aux chemins ....
41 llorins. - Payement à la cour pour droit d'assielle .... 3 fl. 12 s. - ,\ la
même pour audition du compte rendu .... - Au creffier pour confection
de l'assielle.... 0 A. - A la cour pour rleux visiles de chemins, cheminées,
haies, elc.... 7 A. 4 s. - A la cour pour formation du record louchant le
déoombremenl des fermes de l'endroit, etc.... 7 a. 4 s. - Aux éche1ins
pour chacun une journée em1>loyée;) conduire l'inspecteur des chemins ..
2 B. 16 s - Au seq,cnl llOur ronl'ocation de la communauté .... 14 s. Au mayeurde ln cour de Feix pour emoi des pl:icards.... 10 B. 10 s. \u mayeur pour puhlicalion cl'icrux .... 7 8. - Au mtlme pour s11r1·ciflancc aux chrmins ... 7 Il . - \ la cour pour formation fin la listr clr,

-314 -

la lin ùu siècle passé (en 1780), ils tenaient leurs plaiùs ou assemblées ordinaires dans le local de l'école, qui avait été bâtie
en iï51 1•
Outre la cour de Lie1·nu , dont nous venons de nous occuper,
ditrérenls actes font aussi mention d'une cour de S 1• Gertrude,
dont le siége était vraisemblablement à la ferme ou château de
la Cour, que nous avons signalé plus haut.
En 1468, celle cour était composée de Lorcnt Flamminnc,
mayeur, et ùc Jauqucmon de Vaul, Wautier de Boneffe, Jchan
Wcrart et Nocl Farnge, masuirs ~Vers le milieu du mesiècle, on l'appelait aussi cour de
1
S • Gertrude co1ulist <les masuirs. Elle appartenait à cette époque, à i\I• de llorio1i, 3 et en 1600, à une dame du même nom.
Plus tarù, clic fut possédée par M• de Corswarem, et nommée généralement cour {011cière. Un acte du 15 a\'ril Hi62 la
nomme même cour fonciêre et vicomlière '·
Dans le i7• siècle, nous ne rencontrons, du reste, que ùes
renseignements incomplets sur cette cour.
Ainsi, le 26 juin 1617, des plaids généraux sont indiqués
comme s'étant tenus devant les échevins de la cow· de S'" Gertrude 5 • Le 6 juillet i685, on voit encore un huissier faire
saisie, en vertu d'un jugement du conseil pro\'incial, de la
11atrouilles... 3 n. 12 s. - Au m:ircuillier pour sonner la cloche dP. retraite.... 7 fi. etc., etc. Dans les dépenses de 1787, on trouve encore : Au
curé pour dix.-sc11t actes de baptêmes , mariaces el morts , et en\'Oi au
greffe.... l 8. 2 s. 12 den. Pour ,·isile des chenilles par le mayeur et le
sercent .... 14 s., etc.
1 Liasses.
• .\rch. des bos11ices de 1\amur.

1Arcll.id.

"Sui\'ant M• n,,fa<1z , la désic;nalion de cour vico111Uèr'c s'applu1uail
r;énéralcmenl, en Flandre cl en Artois, à une cour ,,o~sé4lanl la mo) r nrir
justice. (Ancien droit Belc., li\'. 1. ch. Il.,,. HJ
s RI'(: . de llill\ à 102:,. As,iclles.

-

3 15 -

ferme, etc., de 1\1' de Corswarem, seigneur <le lei com· foncière
de S 1• Gertrude jugeant à Liemu, et cc, pour défaut de payement d'une rente 1 •
Les droits de cette seigneurie n'étaient, parait-il , pas bien
définis, car nous voyons, le 15 novembre 1729, M• de Cracempach, seigneur hautain de Liernu, et le comte de Corswarem
de Looz, mettre fin de commun accord aux deux procès existant entre eux touchant les droits <l'alforage et les droits de
chasse au village de Liernu, procès que le conseil de la province
avait décidés en faveur <le l\I• de Cracempach. Le comte de Looz
renonça à toutes ses prétentions et à son appel au conseil de
l\Ialines, moyennant une somme de quatre-vingt-dix patacons. 2
Enfin, lorsque le 29 février 1792, devant la cour de Liernu
assemblée extraordinairement, le sieur Lambrechts prit possession de la vicomté de S" Gertrude 3 , au nom de GuillaumeJoseph comte et duc de Looz-Corswarem, avec ordre de ne
reconnaître d'autre seigneur de ladite vicomté que lui; la cour,
en transcrivant cet acte de reconnaissance, eut soin d'y ajouter
les mots : sauf les droits du seigneur cle Liernu 4 •
Il est à remarquer que les fermiers du château de S1<> Gertrude avaient toujours joui du droit de faire paître leurs porcs
dans les bois de Liernu, ainsi que nous l'apprend un record
du siècle passé 5 •
De même que la plupart de nos seigneuries, Liernu avait
aussi son pilori.
Lef3août1764, le baron deSohlern en avait fait p!accrun, en
Liasses.
Reg. id.
3 Le vicomte de S1<-Gertrude est déjà mentionné dans nn acle rln 20 janvier 1600. (R<'t;. de 1687 à 1730. Transports).
4 Re(I'. de 1i86 à 1705. Réalis:ilions.
5 Record du 28 janvier 1i51. (Liasses).
1

2

- 316 -

présencc de la cour, sur la place du \"illage, vis-à-vis de l'église,
entre la maison de Jacob Jaumin , et celle ci-devant occupée
par Toussaint Lepage, appartenant aussi audit Jaumin. Cette
cérémonie contraria, parait-il, la femme Jaumin, sans doute à
cause de la perspective peu agréable qui allait en résulter pour
ses deux maisons. Elle se permit à cet égard quelques propos
qui déplurent à l'homme d'affaires du seigneur de Liernu.
En conséquence, il présenta à la baute cour du lieu une requête, où il expose : qu'étant occupé, le {3 août 1764, à faire
placer, à l'intemmtion de -la cour, un pilori surmonté des armes du seigneur « la femme de Jacob Jaumin, qui survint,
» critiqua d'abord, par continuation de ce qu'avait fait son mari,
» sur la situation de la place dudit pilori, et poussant son au» dace, elle dit en termes : volla metti wai Jean Gilles, cela en
» votre présence; ce qui, » ajoute-t-il , « intéressant le remon» trant, tant pour sa personne et sa qualité, que ledit seigneur
» par rapport audit pilori surmonté <lesdites armes, ... » il demande à la cour d'ordonner à cette femme de déclarer netlement et pertinemment à qui ellç a eu l'intention d'adresser les
mots ci-dessus.
La pauvre femme Jaumin , assistée de son mari , comparut effectivement devant la cour, le 28 août f764, afin de se
déclarer nettement et pertinemment au sujet des mots Jean
Gilles, et de faire connaitre à qui elle avait eu l'intention de
les adresser. Elle dit dans sa déclaralion : « que dans les
» premiers mouvements, et sans réflexion, elle a effectivemen l
» prononcé les mots de Jean Gilles dont il est ici queslion,
» mais nullement en vue d'injurier ledit demandeur; avouant
» cependant d'avoir au contraire adressé lesdits mots au pilori
» que ce dernier fesait placer, le 15 courant, sur la place du
» seigneur de cedit lieu, sans qu'elle eut lors fait attention que



- ~17 -

ledit pilori surmonté des armes du même seigneur, était posé
» par ses ordres, et pour preuve de son autorité. Cc pourquoi
» elle lui en demande ici pardon et excuse en la personne
» de son receveur, le suppliant d'avoir égard à sa confession
» sincère, et à la soumission qu'elle fait pardcvant la cour de
» ce lieu, etc. » Elle termina en offrant de payer les dépens.
Le receveur déclara alors, qu'au moyen du pardon et excuses
demandés par l'accusée, il voulait bien, au nom du seigneur,
se tenir pour satisfait, à condition qu'elle payât tous les frais.
Et l'affaire fut ainsi terminée 1•
Le pilori de bois (peut être celui même dont nous venons de
parler), qui existait encore sur la place du village vers la fin du
siècle passé, fut renversé par les républicains français 2 •
Nous ne voyons apparaître qu'assez irrégulièrement à
Liernu les plaids généraux que nous avons indiqués plus haut.
Les plus anciens que mentio~nent les registres, se tinrent le
, 6 janvier f61.6, devant les sieurs Jean-Jacques, échevin, et en
ce cas lieutenant mayeur de la haute cour de Lienm et d'Aischecn-Réfail, Dellevaux, et Fl01-in, échevins 3•
On aura le résumé des prescriptions qui se fesaient habituellement à ces plaids généraux, en citant ceux qui furent tenus de la
part du seigneur, le 21 janvier 1758. On y trouve mentionnés les
nomsd'unequarantainedemanants 4, puis les articles suivants :
»

Reg. de 1704 à 1786. Réalisations.
• On !il dans un regislrc (1ï38 à 1764. Réal.) que le serc;enl de Liernu
plaça, le 13 mai 1755, des affiches sur le pernm, sur le porlail de l'église,
el sur un cal>aret. Le mol perron désir,ne+il ici la même chose que pilori? Nous pensons que oui, ainsi que nous l'avons dit plus haut dans la
notice sur le village d'Aische en Réfail.
3 Reg. de 1616 à 1625. Assielles.
4 ces hommes étaienl, comme nous l'avons déjà fail remarquer, des chefs
de mén:1ge. En calculant sur cinq personnes par ménage, on peut supposer
que la population de Liernu était à celle é11oque d'environ 200 habitants.
1

hl

-318-

est défendu à tous et un chacun de ne fouler la chasse du
» seigneur de ce lieu, ni son bien, ni autres, à peine d'amende.
» Il est défendu aux cabaretiers de ne tirer de la bière pen» dant les offices divins, ni après les neuf heures du soir, à
» peine d'amende.
» Il est défendu à tous habitants de ce lieu de ne tirer les
» clôs hors des baies et des chinons 1 , ni les vieux, ni les nou» veaux, à peine d'amende.
» Il est défendu à tous et un chacun de ne faire aucune nou» velle piedcente dans les campagnes, ni dans les jardins d'un
» chacun de ce lieu, à peine d'amende.
» Il est défendu à tous et un chacun de ce lieu de ne faire
» aucun tort à son prochain, ni de faire de querelle, ni de mal» traiter personne.
» Il faut toujours suivre la loi de Dieu. Amen.
» Ainsi fait et publié le 2i janvier i 758.
» Jacques Simon, mayeur 2 ».
Aux plaids généraux du 5 octobre i.758, ainsi qu'à ceux de
la 81 Remy, tenus le H octobre i.784, on fit encore à peu près
les mêmes prescriptions que ci-dessus.
Les habitants étaient généralement requis de se trouver à ces
réunions, sous peine d'une amende de trois escalins.
Vers la lin du f7e siècle, on indique, à côté du nom des
fermiers qui y assistent, le nom de la terre qu'ils occupent.
Ainsi, en i.699, on trouve : le sieur Hontoit' pour la cense
del Cour a comparu; le mayeur Gode(1'oid Dawans pour la Nattoye a comparu; Lau1·ent Philippart pour la Rigauderie; Henri
Bilande pour la cense dal Vallée, etc. Les noms des autres
« li

1 Mot wallon qui désigne une langue de terre couverte de bois, une
grosse haie.
• Reg. de 1687 ~ 1739. Transport~.

-310-

manants sont mentionnés sans indication du titre en verlu duquel
ils comparaissent 1•
A cette époque (aux plaids du 5 octobre 1688), nous voyons
aussi le mayeur venir déclarer avoir choisi pour procureur d'office Antoine Pasquet, procureur à Namur.
A côté de ces assemblées, on en rencontre d'aut res qui se
tiennent devant le mayeur et les échevins, et sont composées
des propriétaires, manants, censiers, habitants, etc., eL parfois du seigneur du village, mais qui ne sont pas désignées sous
le titre de plaids généraux. On s'y occupe généralement de
désengager les biens communaux engagés pour subvenir au
payement des contributions.
Vers la fin du siècle dernier, nous remarquons que, dans ces
réunions, les votes sont transcrits sur un papier à deux colonnes, l'une pour les consentants, l'autre pour les opposants, et
que les principaux propriét-ai rcs et fermiers votent à proportion du terrein qu'ils occupent ou qui leur appartient, ce qui
leur donne un plus ou moins grand nombre de voix. Ainsi,
à l'assemblée du 6 avril ti85 , le seigneur et le fermier de la
Cour sont notés comme opposants potlf' le nombre de voix qui
leur compête11t, et à l'assemblée du 2 décembre 1788, le seigneur vote à raison de 176 boniers, le fermier Denis à raison
du terrein qu'il tient à ferme, etc. 2•

Dans cette dernière réunion, il est menlionné que les commis portant voix ont été convoqués avec les propriétaires, ma..
nant-S, etc. Ces commis vortant voix, ou vo1'le111·s de voix,
étaient les représentants des petits manants aux assemblées
de la communauté. Les manants étaient, à cet effrt, dirisés par
séries de cinq rotants. Chaque série nommait un commis. Nous
• Rei;. de 1087 à 1730.
• Rrrr. de 1701 à 1780 rl de li80 à 1705.

- 310-

a\'Ons uu exenwle d'une élection de ce genre dans l'assemblée
de la communauté de Liernu du 19 décembre f790 1
• Rec. de 1786 à 1795. Réalisaiions.
Ces différentes dispositions étaient prises en vertu d'un édit de MarieThérèse, concernant la province de Namur, décrété provisi<melleme11t et
par forme d'euai le 16 février 1756.
D'après cet édit, les 11roririélaires seuls avaient voix délihéralil'e aux
assemblées générales de la communauté, el cela en 1Jroporlion du terrein
qu'ils possédaient. Quinze bonniers (une demi cbarue) étaient nécessaires
poura\Oir une voix; unccharue eldemie(45 honniers), pour avoir deux voix;
dc11x charues el demie (75 bonnicrs), pour avoir troisvoix,el ainside suite.
Les fermiers el locataires n'avaient de ,·oix qu'en l'absence du propriélaire, aux droils duquel ils étaient alors subslitués.
Les petits manants, c1ui n'avaient pas le droit de payer pour une demi
charue, étaient exclus des assemblées de la communauté, mais ils uommaient pour les y représenter des co111111ia ou porteurs de coix. Les manants étaient, à cet eff'el, divisés par séries de cinq rnlanls. Chaque série
nommait un de ces commis. Leurs fonctions étaient annuell~s, el ils de\'aient être rcnourelés, ou continués dans leurs fonctions , aux premiers
plaids générattx de chaque année.
Dans les assemblées de la communauté, les \'Otes devaient se transcrire
sur un papier à deux colonnes, l'une consacrées aux consentants, l'autre
aux disseiitants, el les résolutions se prenaient il la pluralilé des voix.
Sauf eu casd'urcence, les com·ocalions à ces assemblées de\'aient se faire
au moins huit jours à l'a\'ance par le sercent, a\'ec indication du sujet il
traiter, afin que chacun ptll s'éclairer suffisamment. cl que les fermiers cl
locataires pussent prévenir les pro1ll'iélaires cl recevoir leurs instructions.
Telles sont les princip:iles dispositions de cet édit, dont les cousidéranls se fondent sur ce qu'il a été reconnu 11arexpéricnce que la supputation
iles voix par Lète, dans les assemblées des communau lés de la campacne
t. .a 11ro\ ince de Namur, • était en soi moins juste, tl quP sourenl il en
• élail rl•sulté du préjudice au bien des communautés, soit par l'icno• rance des particuliers, soit par la néclicence résultant de ce que leur
• intérêt ne se trouvait point proportionné à l'autorité qu'ils a,•aicnt
• dans ces asscmblêes. •
un pareil réclemenl Introduisit, comme on le \'Oit, de crands chancemcols dans le système administratif des communautés.
li ôta une crandc portion d'inRucnce aux manants, en ne leur permettant d'assister aux assemblées de la communauté (jUC 1iar des délécués en
nombre restreint, cl aucmcnta au contraire de beaucoup la pré11ondé·
rance des crands 111•opriélaircs, en leur accordant un nombre de voix 11roportionné au lrrrcin rp1'ils possrdaienl. !,es mananls conscrvêrrnl du

- 221 --

Nous devons noter encore une assemblée qui se tint, le
24 janvier 1747, devant le mayeur et les échevins, et où tous
les manants avaient été convoqués au son de cloche, à raison de
milice. l\lichel Destrée s'y présenta comme milicien pour Lieruu,
avec condition de servir pendant six ans, au prix de vingt écus
paran 1 •
Liernu, et les villages voisins, eurent beaucoup à souffrir
des guerres qui se succédèrent si fréquemment dans notrn pays.
En 1.598 déjà, les manants de l'endroit adressèrent, avec ceux
d'Aische et de S1-Germain, une pétilion au conseil privé, pour
se plaindre d'être surchargés de logements mililaires, par suite
des exemptions dont les gentilshommes étaient favorisés 2 •
En f649, on voit encore le pasteur et les manants de Liernu
adresser, au conseil provincial de Namur, une pétition dans
laquelle ils déclarent qu'ils sont arriérés pour les contributions
des années passées, et redevables, aux états de Hollande, de
2,21.8 O. 2 s.; que par suite de la malice dtt temps et des foules
qu'ils ont souffertes, ils sont tout à JJlat minés; que plusieurs
des principaux censiers du village ont été enlevés et retenus à
Maestricht; qu'ils se trouvent menacés par deux compagnies
de chevaux, si on ne donne au plus tôt satisfaction de celle
somme. Ils demandent, en conséquence, de pouvoir engager
treize ou quatorze boniers de leurs communes, qu'autremenl
ils seront obligés d'abandonner le villaae et de le laisser inhabité et désert, attendu que la plupart cl'entl'e eux n'a vas sauvé
une gerbe de l'août vassé. A la suite de ces plaintes, sans
reste toujours le droit de pari ici1,er aux 7,taids yé11érrmx, puisque le ré1rlernenl prescril que les norninalions des co111111is 7>orte1irs de voi.c tloi ,·enl se faire à ces réunions.
1 Reg. de 1738 à 1704.
2 Cout. cl ordon. de Nam. Malines. Vandrr El$1. 1733 , par,. 1.12.

-322-

doute exagérées, le conseil provincial autorisa la vente des
communes, à laquelle on procéda, en stipulant que les acquéreurs devraient fai re leur payement dans la quinzaine 1 •
C'est à celle aliénation qu'il faut vraisemblablement rapporter
l'origine des nombreuses délibérations de la communauté de
Liernu, dans le but de parvenir au désengagement de ses biens
communaux.
Les guerres de Louis XIV grévèrent particulièrement le village. En 1.689 et 1.690, il fut cotisé successivement, pour contributions et rations imposées par la France, à une somme de
2,000 livres, et à 1,600 rations. Au commencement de l'année 1691., il fut imposé, pour le même motif, à la somme de
2,212 florins iO sous; et, le H octobre i692, il fut encore cotisé à 52 livres 4 sous, pour l'habillement et l'armement de deux
soldats qu'il dut lever avec les villages de Védrin et de S1-Dcnis,
en vertu des ordres du comte de Guiscard, marécllal de camp au
service de France 2 • En 1694, Liernu est frappé d'une nouvelle
contribution de 1,054 fl. 2 s. 5 den., avec ordre de la payer dans
le mois, sous peine d'y être contraint par exécution militaire 3 •
On peut juger ce qu'était dans ces temps une exécution militaire, et combien peu de discipline régnait dans les armées,
en lisant les ordres relatifs au payement des contributions.
Ainsi, en 1.655, une ordonnance imprimée, émanée du comte
de St-Amour, prince de Cantecroix, gouverneur et capitaine
général de la province de Namur, régie la part de Liernu dans
le subside accordé au roi par la province pour la subsistance de
la garnison, afin, dit-il, e. de lever -o (à cette garnison) « le
, pr~texte de courir le plat pays, et éritrr l'élargissement qu'on
• Archives 11a1·ticulièrcs.
• Ilet;. aux transJJorls cl autres actes de la cour de Liernu ; cl liassr, .
l

Rrr, id.

» a sujet de craindre à

défaut de son entretien .... ; <( ou bien, »
lever le prétexte de se débander à la foule des vil» !ages, etc. »
Dans les avertissements pour l'année i633, il est dit que le
village de Liernu ait à venir payer promptement le montant de
ses contributions, afin d'éviter le feu, emprisonnement, et autres
dangers éminents qui pourraient résulter du défaut de payement au terme voulu 1•
Ces menaces n'étaient pas toujours vaines, car des documents nous apprennent qu'en i697, le mayeur Godefroid Dawans, Remi Bilande et N. Decoux, furent retenus en prison à
Charleroy à raison des contributions, et que la communauté
dut fournir une somme de i 70 florins, pour payer les dépenses
résultant de ces emprisonnements 2 •
A l'époque de la conquête de la Belgique par Louis XV, le
village chercha, paraît-il, à se faire épargner en amadouant
les chefs de l'armée ennemie. Nous voyons du moins, dans le
compte des journées faites par le sieur Bayar, l'article suivant:
« Le 8 septembre i 746 ... avoir été à square pour parler à un
» général de France, avec quatre dinnes (dindes) pour pré» sent, etc. 3 »
Rien ne nous indique, en effet, que Liernu ait été surchargé
à cette époque, mais les guerres de la république firent augmenter de nouveau les contributions. Pendant chacune des années i794 et ii95, le village fut t-axé à la somme de i ,024 Il.
t2 s. t2 den. 4 • Les troupes républicaines se répandirent parmi
« pour lui

• Re6, id.
• Re6, id.
3 Liasses.
4 La taxe de Liernu, pour les aides ou contribulions,élail ,en temps ordinaire, beaucoup moins élevée. Ai nsi elle était, en 1752, de 791 A. 12 s.;

- 3.24 --

le pays, yfcsantdes réquisitions de Loule espèce. Une ordonnance
émanée d'un commissaire des guerres , sous la date du
23 fructidor de la 2• année républicaine, pourra donner une
idée des moyens mis alors en usage pour se procurer des subsistances.
Cet ordre, qui porte pour titre : « Batteurs destinés à être
» répartis dans les dimes et grosses fermes apparlcnantes tant
» aux moines qu'aux nobles, etc.,» est ainsi conçu:
« Il est ordonn~ à vous mayeur et échevins du village de
» Liernu de fournir sur le champ le logement aux i "\ 2m•, et
» 3me brigades de la 3mo division de la 5me compagnie, compo» sécs de 12 hommes. Vous mettrez à la disposition des briga» dicrs chefs des douze batteurs, eux compris, les ustensiles
» nécessaires pour les armer. Ces ustensiles seront rendus dans
» les quarante-huit heures sans faute. Les susdits douze bat» leurs seront nourris par la commune; le grain que l'on cm» ployera pour leur faire du pain viendra en diminution de la
» réquisition générale faite sur la commune; la viande qui leur
» sera distribuée à raison d'une demi-livre par homme et par
» jour, sera payée par la commune entière, et la somme ré» partie par le mayeur sur les particuliers qui auront fourni.
» Les bons de subsistance d'une division composée de vingt
» hommes seront faits- par le sous-officier qui la commande, et
» visés par le commandant de la compagnie des batteurs.
en 1756, de 796 8. 16 s. 18 d. ; en 1757, 712 il. 8 s. 10 d. En 1688, la taxe
imposée par ordonnance du prince de Barbanson, était de 088 fi. 19 s.
Un réglemcnt pour la répartition des taxes du village, décrété le 13 novembre (ou octobre) 1686, par le conseil provincial de Namur, prescrirnit
que la manandise el le trafic des habitants supporterait la sixième partie
des aides entières et autres charges publiques. (Reg. de 1672 à 1G87, el
liasses).

-

J:2:S -

« Si

vous ne vous conformiez pas au présent, vous seriez
» arrêtés 1 ».
Par suite de cette mesure, on voit, dans une quittance, que le
village paya au siem· Jaumain , bourrelier, la somme de 41. Il.
1.0 s., pour confection ou réparation de fléaux. à fournir aux
batteurs de la république.
Une nouvelle organisation communale suivit de près l'invasion française. La cour de Liert1u cessa ses fonctions avec l'année 1795, et le village, érigé en commune, fut incorporé au
canton d'Egbezée.
La population de Liernu était de 789 habitants, d'après le recensement fait en i846.
Le hameau de la Baive, dépendant de la commune, s'est établi sur des terreins cédés en arrentement par le dernier seigneur, M' Hanolet. La Baive était autrefois un trieu dépendant
de la juridiction de Liernu et servant au pâturage des bestiaux
de cette localité, en commun avec ceux de Meux et de S1-Germain 2•
• Liasses.
• RelJ. de 1687 à 1739.

Eue. DEL l\IARl\lOL.

42

-328-

Pll'::CES JUSTll'ICATl\'ES.

L

Pl'ivilége par lequel Guillaume Il, Comte de Namur, accorde,
moyennant cel'taines 1·edevances, aux habitants cl'Aische-enRéfail et de Liemu, l'abolition de la banalité du moulin de
Renise, ainsi que du droit de mortemain et de formorture 1•
Guillfiaume de Flandre, comlc de Namur el seigneur de Béthune, faisons sçavoir à tous : que nous à la supplication et prière de nous bin amés
maycurs, eschevins cl tous les bo111•geois. mannans, ha bilans el surcéans •
<le nos villes d'Ais en Refayt et de Liernul. pour le bin commun el profit
él"itlcnl de nous, nos hoirs el stlccesseurs et des desusdis hourr,eois, manans, habitans et surcéaus ausy, leur a1·ons accor(leit el concedeil, et
par ces présentes lettres accordons el concédons, de i:;ràce espéciale, les
franchises el liberleils qui cy après s'ensuivent: c'est assavoir que parmi
ce qui s'ensuit nous leur avons quileil et quille clameil, et par ces présentes les quillons el quille clamons, eux, leurs hoirs el successeurs de
ce rede,·ables, le molage par ban que devoient à un notre molin et
nient 3 à autre que on appelle le molin de Rcnise 4, et la parmi ils pourront a quel molin qu'il leur plairai sans ce que autre moulniez puisse
chasser ne porter ou raporleir hlcid ou flrines dedens le ban doudil molin de Renise, forsmis et cxcepteil le mouluier de notre dit molin de
1 "°out publion• cc document d'•P"~' uno copie du ,ièclc pu1é, aue,t6e P•" le nolairo Cat'• igno, C<!llo piôoo n'c•l-ol lo même qu,unc Tcprnduction do la copie f•ilc 1ur 1'or-igin•I,
rn 1680, par lo notoiro Ph. Marinox. On conç.oil donc quo le 10:1.lc primitif ait pu êlrc altéré
par CCI deux copie, IUt"CCUiYte .
.2.Swrcia,a,, 1owr1"1n1, ayant leur rë,idencc, derncur,nt.
3. Nit1tt ou niant, non, rien, Le le:s:to porto ,bu,ivoment mon,, mol qui n•aureit poio t icl
de 1ie;nificalion.
4 I.e moulin de Reni1c Cil aujuurd'hui dépendant de h commune: do Méhaignr,

-S27Rcnise ou ses commis, mais bin le porronl porleir et reporteir ceaulx •
dudit ban qui vouront moulre ailleurs par eaulx • cheval el harnais, el
par leurs maisniez 3 tant seulement, el nient par autres. En après avons
<tuitleil el quille clameit, et par ces présentes quillons cl quitte clamons,
a yculxleurshoirsel successeurs ce r,edevahles, la debte nommée formorLure 4 de tous biens ou de parchons 5 par quelle manire que a nous poura
parvenir a celli cause, fust par cbuvange 6, par bastardie ou autrem~nl
notre droict servaige 7 s'il y en avait, parmi ce que quand il enr.herat
nous avons et porons prendre par nous et nos commis le meilleur pan s
de biens meubles dcmoreis de celli ou ceaux qui seront lrépasseils de ce
siècle qui de mortemain 9 ou formorture fuissent redevables , et le surplus desrlils biens aront ceaulx à cui ils seront escheus el la li trespassé
en ara ordenf:il. Pour toultes lesquelles grâces, <tuilance et récompen ·
sation d'icelles, nousdits mayeurs, eschevins, bourgeois, mannans , habitans et surcéans en nosditles villes , assavoir espécialemenl ceaux quy
desdittes debtes de molage par ban de formorture s'il escbeil esloienl redevables, yaus sur ce el pour cbe bin et deuement adjournez, el eut bon
et meur conseil par grande délibéralion , nous ont otlroyet, rloneit el accordeit de bonne volonteyt et ad ce se sont obligeis de payer cbascun au
à nous, nos hoirs et successeurs, sur chacun feu des rlessusdils qui desdites
debtes ou alcunes d'elles esloient redevables; c'est assavoir : chacun liourgeois, ou autre homme mannant, ou femme tenant cheruwe,qualre setiers
d'avaiue; homme , liourc;eois ou mannant sans charuwe, d11ux setiers ;
femme vefve ou au Ire sans charuwe tenant son hoslel ••, un setier d'avaine
tout ale mesure de Namur; à payer toute celledile aveine chascuu an, à
l C,md.r 1 ceux , celle•.
2 Eawlr , eux , e lle,.
3 ftfai,,.fu, '"";.,,i,r-, celui qui

u t

au1cb6 à la

niaÎh>D , à

11 famille de quclqu~ùu i domu-

hquc.
4 Voici en quoi c on.1i1tait lo droit de f ormorl11r1. Lonqu,un hommo me tté mourait 1a n,
enfant,
bien• moublo• ae partageaient par égales moiliêa cotro u. femme cl le 1cisncur:
mai, eo derqier auccédait à tout l u bion1 lonquo lo inari mourait apr~, •• rcmruo u ni lni11c r
,l'eorant, ou méme 1'il lainait det enfant, m•j cuu, (Diplôme de Philippe.. tc-Doo de U3Q).
5 Pard.o,., pJrtic, portioo, peirtage.
6 ClaeC1art91, cA11Mnge, bdritago 1 pou c11ion.
7 S1r cclÎ9e, ,1r r:ng1 , ac rvieo t ttbeiHanc;:e, tcdeuocc que doivent l~t ,c rh à lc:ur ,ei.incur.
8 Patt, piéc.e. Ducanço dit: port io, ut9m~,tl1on,
9 ~lort,main, droit e n • c rtu duquel lo 1aio:n cur HÎSÎIHÎl le meilleur meuble de son •a•tal

,c,

décédû.
10 Hu,tfl, maison, loçit.

-328jour saint Andrieu l'apôlre,en un certain lieu dcdensacuncsdesdilles , illc,
la celli qui serai de par nous le ,·oral ordineir el rechevoir sans malenr,ien. Pour loullcs lesquelles choses tenir el accomplir enlirement, nous
leur avons donnez et concédez ces présentes lettres failles et données
souhs notre seel , le vlnct quatrième jour de juin , l'an mil trois cens
qua lire, inl el dies noef.
Sur le rcply ~st inscrit : par Mons• le Comte, présents de son conseil
Messire Uuhin de Winanc, Messire Jehan Rideal el le receveur de laditle
ronté souhsicné J. L. Luquetz.
Plus bas est écrit : concorde à l'oricinel en parchemin , témoin et
sii;né Ph. Marin.),. notaire , 1080 •.
Registre tle l'abbaye rie S. Gérard. - Archhes
de l'ttal à Namur.

11.

Jean, doym <le $'-Lambert à Liége, reconnaît que Guy, marquis de Namur, n'a l'enoncé au dtoit cle gister dans son doye1111é
que jusqu'à la mort dudit doyen 1 .
A tous cheaus Id ces presens lellres verront el oront, maistre Jehans
doiens de s:iint Lambert de Liece salus el connissance de veriteil. Comme
i soit ensi ke trenoble princes nous chiers sires Guis cuens de Flandres
el marchis de Namur, nous ait quitteit a nostre ,·ie les cistes. kilh, ou
ses halhies tle Namur pooenl prendre en nostre doieneil, selonc ce kil est
conlenul en lellres le dit ... cuenle sor ce faites; nous faisons savoir a
tous el recon nissons par ces prt>scntes lellres, ke pour le raison delle
quittance, el delle crace, el de deporl desordilcs, nul lors ne preiudicf'S
ne doil estre rais apres nos deces, a monsincneur le... cuentc tlevanl dit,
nr a ses hoirs contes de Namur, kilh ne puisst>nl apres nostrc deces prcn·
dr<: el a,oir lor gistes en teil manicre kil t'l si cle,antrien lonl fait iubl.es
1 1a eopit que a.ou• Y«-uona dr lnu,ni,l" Hl tlle mime aUe•llfi pu- le nolaiu1 C1,11iaoo
2 Quoique lt, ••ll•ff"' d'Ai1cl1c-en-1\cr11f cl de Liernu nfl ,oient pH eiléa d•n• Cf'llr
,ha.te,, 11 «"il ctpendanl f'cr t•ln que l'uen,ption •ccordto 11.u Guy •••ppliqua1l •u• bitn•
pou •dcs par le., doyen, de L1l9e d1u •~• Yill19r1 que nou, vrnon, de aom,ncr, ainti que J~
rrcu.,,.~ la chutf lr•as,.rile aprh ttllc-ri.

-329a ore. El pour cc ke le Jis ... cuens el si hoir soienl plus asscu,· des choses
devant dites, nous prions a Reverenl pere nostre trechier sin6neur Jeban
par le 6race de Dieu e,,eske de Lier,e, kilh voelle metre sen saiiel a ces
presentes lettres avoec le nostre. Et nous Jebans par la 6race de Dieu
Eveskes de Lie6e Jcvantdis, ale 1nicre et ale requcste nostrc chier compain6non tt foiable maislre Jeban le doien de Lie6c devantdit, a\'ons mis
no saiiel a ces prcsenles lettres avoec le saiiel le ... doicndevantnoumei en
Leismoigna6e de verileil. Ce fu donnei lande grace m. cc. lxxx el diz , le
lundi aprts le feste saint Barnabe.
Cha1·trie1· de Namul'. -

Archiv. du Royaume.

III.

Symons Del Calstre, doyen de Liége, reconnait que le comte <le
Namur n'a re110ncé que pou,· un an au droit de prendre
annuellement tm souper, giste et diner sur les dimes et biens
du doyenné de Liége, situés à Aische-en-Réfail, Liernu
et environs.
Symons Del Calstrc, docteurs en decrcis, doyens ,te Liege , faisons
scavoir à touz, que comme noble et excellent prince, noire lreschier et
amé saiogoeur... moosaingneur le conte de Namur, 'cl ces pred~cesseurz,
de leur droit hi retable ayenl accoslume et use de si lon{î temps qu'il ncst
memore de commencement ne de contraire de prendre cl pcrchïvoir
cascun an quant il leur est venu à plaisir, un pasl, duo soupeir giste el
disneir, a et sus les dismes et biens apparlenans au doyen et doyannie de
Liege, asscavoir a Ays en Refayt, a Liernu!, et la environ en la contey de
Namur, et yceluy monsaingneur le conte dessus dil puisse de son dit
droil sens contredit sil li plaist, en cesti annee prendre et perchirnir par
li ou par ail ru y ledit 11asl, sur les dysmes et biens dessus dis. El il soit
ainsi que a noslre supplication instance el humble pricre el eue eonsideralion az grans frais carges cl despens que nous a\'Ons souslcous pour la
confirmation el cnlrec du dil doyannic, le dit monsaingneur le conte par
se humilile se weilhe deporleir de prendre cl rcchirnir , par li ou par

-330ahruy, le dit pasl pour cesti annee, el yceli pasl nous ayet farnrablement
remis quite et pardonne pour ce dit an cl non plus avant. Nous doyens
dessus dis, nomme pour nous el nostre dit doyannie, cognisons el confessons par ces présentes que le dit deporl, remission, quitance et pardon. nous le prcndons, acceptons, tenons el repu tons pour pure grace el
liberalite et pour cesli presente année el non plus avant, et en rr,grations
et mcrcions noslre dil saingneur monsaingneur le ... conte de tout noslre
cuer et tant que nous poyons; el est nostre entention et volente que le
dit deport. remission, quitance el pardon, ne puist ne doye nuyre ou
pourteir preiudice aucun au temps avenir au dil monsaingneur le conte,
ses hoirs ou successeurs. Ainchois volons el ad ce nous consentons, que
non obstaut la dicte grace, deport, remission, quitance el pardon, ilz
monsaingneur le conte, ses hoirs ou successeurs puissent cascun an le
dit pasl prendre el pcrchivoi1· sus les dittes dismes el biens , comme leur
propre droit llirctable, el permctons el avons en con vent loyaulmenl el
par notre foy creanlee en lieu de sairiment, que en ce que dit est, nous
pour nouz ne pour allruy, apertement ne occullement ne ferons ne mcLerons empecllemenl alcun, audit monsaingneur le conte, ses hoi:·s, ou
successeurs, mais leur sofferons a prendre et percevoir le dil pasl ainsi
que acouslume at este de temps (lasse, ne userons de la dilte grace,
deporl, remission, quittance el pardon, fourz tant seulement pour cesli
année et non plus avant. El en lesmoignage de Ioulez les chouzes dessus
ditles nos avons fait appendre a ces presenles lettres noslre propre seiaul
en signe de verileit. Faites ct donnecz lan delle nalivite nostre Saignour·
Jbesus-cl11'isl mille trois cens lxxx,·iij , de moys de may le xxixm• jour.
Chal'lt'ie1· de Ncinmr. Al'chiv. du Royaume.

'

LES GRANDS-lUALADES.

Li mals, Ladra vou• prcind t di,oyl ce,ti ancl1ien
home! Vou, voyool n1cllrcjo1 cell tant • nticquo ha,...
timtnt, jo cuJde que li jugement vou, rault uoç
petit.

- Lu ,pi,tNJ d, Jtliatt Taillefi,r, /. 77. -

1.

Lorsque vous quittez Namur par la porte de S1 Nicolas, vous
suivez une charmante allée de tilleuls el vous appercevez bientôt, à un quart de lieue de la ville, une longue bande de rochers à pic dont la blancheur se reflète dans les eaux de la
1\feuse. Au pied de cette masse nue et aride se dressent d'anciens bâtiments à l'aspect délabré. Ils ont été construits à différentes époques sur un plan assez vaste mais irrégulier, el,
vus de la route, ils n'offrent rien de remarquable au premier
abord. Seulement, la partie des murs qui se trouve à droite de
la grande porte d'entrée a conservé quelques vestiges de l'architecture romane, et du côté parallèle à la l\Ieuse on découvre
une assez jolie porte, en style de la renaissance, portant la

-~~2-

datc de 1559. Au fond de la cour s'élève une vieille chapelle
dont les meneâux sont à demi voilés par des espaliers. Attristé
par la vue de l'abandon qui règne sur ce lieu, si vous interrogez un passant, celui-ci vous répondra : « C'est l'hôpital
» des Grands-Malades , refuge pom· les pestiférés , fondé
» il y a bien des siècles, par un des premiers comtes de
» Namur.»
Le lazaret! A ce nom presque perdu de nos jours, votre cœur
se serre de tristesse et vous vous reportez par la pensée dans
les siècles passés. La peste et la lèpre, tristes souvenirs du
moyen-âge, se dressent alors devant vous comme deux spectres hideux. La ville est muette, les champs sont abandonnés,
partout les c1ocbes sonnent le glas des morts.A travers les rues
désertes, des hommes revêtus de longs manteaux rouges et
noirs s'avancent lentement portant de sinistres civières d'où
sortent des cris plaintifs 1 • Ailleurs, un cortége précédé d'un
prêtre s'achemine vers les Grands-Malades, conduisant de malheureux lépreux qu'une cérémonie lugubre va séparer à jamais
du reste du monde.
!\fais ce n'est point sous ce terrible aspect que l'hôpital se
présente à nos yeux. Pour nous, enfants de Namur, il ne rappelle qu'un passé tranquille, il n'éveille que de doux souvenirs.
Nous avons connu sa vieille chapelle alors que l'abandon commençait à peine son œuvre destructive. Que de fois nous avons
parcouru cette nef humide et sombre pavée de pierres tumulaires sur lesquelles s'agenouillaient dévotement nos ancêtres.
Nos regards se fixaient attentifs sur leurs inscriptions aux caractères antiques et mystérieux, et ce n'était point sans quelque
terreur que nous approchions de cette niche où la statue du
•Voy.les Comptes de ville du, Xf/f, siècle, archil·es communales.

fondateur re1>ose depuis tant de siècles sur sa couche de pierre•.
Le silence qui régnaiL dans la chapelle était rarement troublé
par les visiteurs; mais uni.' fois l'an, le jour du lundi de Pâques,
une foule nombreuse s'y pressait à l'envi. C'est que ce jour-là
de naïfs personnages de bois, pâles et derniers retlets de nos
anciens mystères, allaient représenter les souffrances de
l'Homme-Dieu. Qui de nous n'a été voir toumer la 11assion 2 ?
Qui de nous ne se rappe11e au moins quelques-unes des impressions qu'il ressentit alors? Nos jeunes visages s'enllammaicnt de courroux lorsque le chef des Apôtres venait renier
son divin maître. Le chant aigu du coq excitait une bruyante
hilarité et faisait naître parfois des applaudissements frénétiques. La scène changeait bientôt : nous voyions avec douleur
Jésus batlu de verges, couronné <l'épines cl montré au peuple.
Puis c'étaient le Sauveur marchant péniblemeut vers le lieu de
son supplice, Véronique s'agenouillant aux pieds de Jésus, la
croix sainte s'élevant au milieu des cris et des imprécations des
soldats. Trop jeunes encore pour apprécier cc que l'exécution
du drame avait de grotesque, nous assistions à toutes ses péripéties, silencieux, le cœur oppressé, el c'était au milieu de la
stupeur que l'on entendait résonner sous la voûte ces lugubres
paroles : om11e co11summatum est.
• Je prouverai plus loin que celle lomhe ne peut être celle du fondateur
de l'hospice, comme on le croit cénéralemenl et comme je le croyais
aussi à celle heureuse époque.
• Celle expression populaire exir;e une courte explication. Au moyen
d'un mécanisme, Lous les personnaccs de la passion se présentaient successivement aux yeux du spectateur. Qui avait in\'enté ce mécanisme assez
inr,énieux? On l'icnore. La passion se lrouvait autrefois à l'hermilage dl'
S• Uuberl; le dernier hermite, frère .Joseph, étant mort en 1815, elle fut
transférée aux Crands-l\laladcs. Voy. sur les sinr;ulièrcs vicissiludes des
personnages ile la passion, les détails que mon res1lcctablc ami, feu Jérôtnl'
Pimpurniaux, a insérés dans ses LérJe,ufcs ,ia'1mroises, p. 101.
,·\'3

-

.!134 -

Souvenirs impérissables!_Hélas, nous ne nous doutions guères alors qu'un temps viendrait où la tombe du fondateur serait
indignement violée, ses ossements profanés par des mains sacriléges et l'édifice vendu aux enchères, comme s'il s'agissait
d'une grange.
Loin de moi la pensée de renouveler les discussions il'ritantes qui ont surgi à propos-- de l'aliénation des Grands-1\lalades. Que de fois, lors de ces discussions, j'ai failli élever ma
faible voix pour plaider la cause du vieil édifice. Je me suis tu;
car, en ce siècle tout positif, de quel poids pouvaient être des
raisons qui puisaient uniquement leur force dans le sentiment?
Quel profit à parler d'art, d'histoire, de poésie à ceux qui s'en
allaient répétant : « Pourquoi conserver de vieilles murailles
» qui ne rapportent presque rien à l'administration? » La question envisagée à ce point de vue, il n'y avait certes rien à répondre.
Chose triste à dire! Dans un pays où l'amour de la liberté,
où le sentiment des arts ont créé tant et de si belles choses, en
plein milieu de ce XIX• siècle que nous appelons sans façon le
siècle du progrès, il semble que la destruction de tous les souvenirs du passé soit à l'ordre du jour. On dirait que nous avons
honte d'être une antique nation, que nous avons pris à tâche
d'effacer tout vestige de nos ancêtres, comme s'ils n'avaient pas
marché autrefois en tête de la civilisatjon. Églises fondées par la
piété, châteaux élevés par nos princes, monuments civils construits par nos pères plébéiens, il faut que tout cela disparaisse
du sol. En trente années nous avons plus détruit que ne l'ont
fait, pendant deux siècles, les admirateurs exclusifs du style
romano-grec, les partisans du genre Pompadour et les iconoclastes de 1.794. Et en revanche qu'avons-nous édifié, s'il vous
plait ? Vraiment, sauf quelques rares exceptions, nous n'avons

-3S5-

guères à nous en faire honneur. Pour ma part, je me suis souvent demandé ce que diront nos arrières-neveux, s'ils nous
jugent par les édifices que nous leur fabriquons.
Parcourez nos campagnes. Ces temples d'autrefois, si poétiques, si propres au recueillement et à la prière, ont disparu
pour la plupart. Des espèces de tuyaux en briques remplacent
ces massives tours romanes où nos ayeux clrnrchaient un refuge contre les ravages de la guerre, où plus d'une fois ils soutinrent des siéges en règle contre les ennemis du nom namurois. Parfois, le chiffre de la dépense a effrayé les démolisseurs:
l'édiOce a été épargné et l'on s'est contenté de dégrader (d'embellir scion eux) l'intérieur. Les anciens rétables au bas-reliefs
naïfs, aux volets peints et armoriés, ont été jetés sous les
combles et ont fait place à des autels du plus mauvais f(OÛL,
surchargés de clinquant et d'oripeaux indignes de la majesté de
Dieu. Ailleurs, on a substitué le carrelage régulier du marbre à
ces immenses dalles sculptées sur lesquelles nos pères venaient
évoquer les souvenirs de leurs aycux. Les cimetières eux-mêmes
n'ont pas été épargnés. Qu'ils sont devenus rares ces aitres
avec leurs murailles, leurs croix gothiques couvertes de mousse
et de lierre; lorsque, le soir, on s'engageait sous les vieux
ormes du champ des morts, chaque branche d'arbre semblait
une ombre errante, chaque brise une plainte. Tout cela a été
transformé en des espèces de cours arides. N'étaient quelques
croix coloriées, quelques ifs desséchés et rabougris, on se
croirait. parfois dans un clos d'équarissage. Ah! que nos pères
l'entendaient mieux que nous!
Posons un exemple entre cent. Dans le courant de l'été dernier, quelques amis et moi nous étions parrenus à Andoy.
Nous avions à notre droite un grand bâtiment en briques que
nous prîmes dès l'abord pour une filature. Nous fîmes quelques

-336-

pas, nous apperçûmes un clocher (et quel clocher!): c'était
l'église moderne. J'ignore le nom du barbare architecte qui a
pu tracer le plan d'une chose semblable; en tous cas, que la
terre lui soit légère. Une heure après, au coucher du soleil,
nous arrivions à Loyers. Quel contraste! Près de la porte de
l'ancien château s'élève une humble église gothique à demi cachée sous son manteau de lierre. Une ceinture d'arbres séculaires couvre de son ombre l'enclos funèbre qui l'entoure. Rien
de plus pittoresque, de plus poétique, que ce modeste monument
qui ne lardera pas sans doute à disparailre comme tant d'autres.
Et pourquoi tous ces changements? Parce qu'un bourgmestre
ou un desservant sans gotît, des marguilliers ignorants, auront trouvé leur antique église trop irrégulière, trop obscure;
parcequ'ils auront voulu posséder, comme leurs heureux voisins, un tem1lle bien régulie1·, bien éclairé , bien blanchi. Et
l'œurre destructive va continuant son train, élargissant sans
cesse le ce1·cle de sa faulx, renversant chaque année une dizaine
d'églises. Encore cinquante ans, et nous en serons venus à
che1·cher inutilement dans toute la province, une église romane
ou ogivale, une véritable église catholique. A tout cc vandalisme on a voulu mettre ordre par la c1·éalion d'une commission
royale des monuments. Que de choses à dire là dessus; mais
encore une fois, à quoi bon? Le siècle est tourné au positivisme;
on ne veut plus adorer Dieu que dans des granges; revenons
donc à notre vieille chapelle.
11.

!)'après la tradition, la fondalion de l'hospice des GrandsMalades remonterait au règne de Ilenri !'Aveugle. Croo11enclael,
le plus Yrridi<J11e clc nos chroniqueurs, rapporte qu'en i '1.55,

-

337 -

lleori de Leyeo, évêque de Liége, consacra l'église des Malades
hors de la ville '· G1'amaye ajoute que cet établissement s'accrut par les libéralités de Guy de Dampierre 2 • Voilà ce que
disent nos deux pl us anciens annalistes, et tout ce qu'il peut y
avoir de vrai dans la tradition. Quel fut .le fondateur de cet
hospice? On l'ignore 3• Tout ce que l'on peut affirmer, c'est
que les Grands-1\lalades n'étaient point un lazaret pour les pestiférés, comme on le croit généralement, mais bien une léproserie ou maladrerie. Cette asserlion sera pleinement justifiée
par la suite; en attendant, voyons ce que l'on entenùait par une
lép1·oserie.

Notre mot lèpre (en latin leprœ) vient de ,.fae(I. lequel vient
lui-même de Àtr.c; ou ,.ir.,ç (squama, écaille). Et en effet, « cette
» maladie, dit !'Encyclopédie, tire son nom des écailles dont
» tout le corps ou quelques-unes des parties de ceux qu'elle
» attaque sont recouvertes.» l\lais comme au moyen-âge chaque
maladie était placée sous l'invocalîon d'un saint, les victimes
du mal d'Orient invoquaient, dans leurs longues misères,
S1 Lazare, lequel , au rapport des livres sacrés, était couvert
• • Anno 11!13 altare sanct::e Mariœ nam urcensis in cripla consecralum
• est ab episcopo leodiensi Ilenrico, simililer et ecclesia sancli Nicolai in
• nerballa el ecclesia in.6rmorum extra oppidum.• Cnoo1n::1rnu1.- Il est
à remarquer que ce passage la lin est inséré au milieu d'une chronique
française, ce <1ui prouve que c'est là une noie extraite d'un chroniqueur
plus ancien, ou de quel<1ue vieux cartulaire.
• • Valetudinarium extramuros cum sacello Uenricus episcopus hene• dixit (anno 11!13). Leprosaria Guido cornes adornal'il. • G11A11An:.
A11tiq. Namun;i, sect. 32.
3 Au tome I , p. 1ï5 de son Histoirn de Namut·, GALLIOT allribue 1;1
fondalion de l'hospice des Gra nds-l\lalades à Henri l'A veugle, et il se fonde
uniquement sur le lexie cité dans la première noie , le<1uel n'en dit mol.
Puis, tome 111, page 2i1, il ajoute, sans eu donner aucune prcu\'e : " on
" lient qu'il a été fondé par un simple llarliculier• pour des pestiférés. •
Outre qu'elles se détruisent l'une l'autre, ce sont là deux assertions tout
à fait r,raluîles.

-sisd'-ulcères, et l'on donna son nom à un hôpital célèbre situé hors
de l'enceinte de Jérusalem. Bientôt le nom de Lazare servit à
désigne,· la maladie elle-même que dans cel'laines parties de
la France et de la Belgique on appela indifféremment lèpre, ou
mal S• Lazare, mal S, Ladre et ladrerie.
On sait que la lèpre est originaire d'Orient. Bien que quelques historiens aient signalé son existence en Europe antérieurement au XIe siècle, on est assez généralement d'accord pour
attribuer aux premiers Croisés, sinon l'introduction du moins
l'effrayante propagation de celle maladie dans les divers états
de la Chréticnneté, où elle sévit avec le plus d'intensité du XI"
au XV• siècle 1 • Les progrès de la lèpre furent aussi rapides
qu'elfrayants. Afin d'empêcher le ,dangereux contact de ceux
qui en étaient infectés, les lois civiles et ecclésiastiques prescrivirent des mesures qui paraitraient bien rigoureuses aujourd'lrni, mais que nous ne pouvons, sous peine d'être injustes ,
juger avec les idées de notre époque. A Liége, la paix de Waroux de 1555 défend aux Mesiaux 2 de circuler dans les rues
de la cité et ordonne qu'il y ait des gens chargés de les chasser,
afin d'éviter les grands périls qui pourraient advenir par suite
de la contagion et de l'infection des eaux 3 • Dans le Hainaut,
le lépreux étranger était banni de la seigneurie où il avait sa
résidence et il ne pouvait y rentrer sous peine de mort. S'il était
I Encyclopéllie, Du CANGE, ROQUEFORT el FORCELLINI aux mols ladre,
la::.ari et leprœ. Voy. aussi iUONTEIL, Histoi1'e des Français, XI V• siècle,
ép. VI.
2 Le mol mesel, ou mesi<ms étail peu usilé cbez nous; on le rencontre
ce1>enclanldans les statuts des mounayeurs de Namur, de 1208. Du CANGE
le fait synonime de ladre. Selon RoQt'EFORT, la mésellen·c était clans l'ori•
r,ine une maladie différcnle de la l~pre, mais que l'on a, par la suite, confondue avec elle.
3 LO\'\'REX, Ill. 01.

- 339-

natif du lieu, on lui construisait hors de la ville, à quatre pieds
arrière du chemin, une petite maison élevée sur quatre poteaux. Il devait porter un chapeau et un manteau gris, afin
q11'il fût facilement reconnu; les hôtelleries lui étaient interdites, et il ne pouvait venir dans la ville de l\lons qu'aux neuf
grandes fêtes de l'année; encore était-ce sous la condition expresse de se garder de converser entre les gens et de n'uriner
sinon arrière d'iceux et hors nus J)ttbliques 1 • En général, dans
tout.es les localités où il n'existait pas de léproserie, les lépreux
étaient relégués pour la vie dans quelque cabane isolée, sur le
bord d'une grande route, où ils vivaient des aumônes des passants 2 • Enfin, « lorsqu'il leur était permis de demander l'aumône, ils ne pouvaient entrer dans les maisons sous peine d'être
bannis, fustigés ou corrigés. arbitrairement 3 • »
Les ravages qu'exercait cette maladie exposait aussi trèssouvent les ladres aux fureurs populaires. En 1512, le nombre
des victimes s'étant accru, Philippe-le-Bel fil saisir les lépreux
de la France et de la Flandre et ordonna qu'ils fussent brùlés
vifs, sous prétexte qu'à l'instigation des Juifs et des Sarrasins
ils avaient empoisonné les puits et les fontaines 4 • Ces malheureux souffrirent une nouvelle persécution, en France, dans le
courant de l'année 1521. On les accusa d'avoir conjuré d'empoisonner les puits au moyen d'un mélange qu'ils avaient reçu
des Juifs. Ce mélange, composé d'urine et de sang humain ainsi
que d'herbes vénéneuses, était contenu dans un linge qu'ils
• Bain. !llémoi1'es111· l'ancien d,·oit belgique, p. 512. On peul rnir la

raison de celle dernière défense dans D1BR1cx , Mém. s1,r la 1Jitle de
Gand. l. 578.
• Encyclopédie, Du CANGE , elc.
3 Barn, p. 513.
4 MEYEBl'S • .dmiales 1·er11m fla111lt'icarum, p. 117.

-340-

jetaient au fond des puits; les personnes qui buvaient l'eau de
ces réserroirs mouraient ou prenaient Je virus de la maladie.
Sur la foi de ces accusations aussi horribles qu'étranges, Philippe-le-Long fit saisir les lépreux et les livra aux flammes avec
quantité de Juifs '. La même année, une persécution du même
genre eut lieu dans le Hainaut 2 •
Mais ces proscriptions barbares n'étaient heureusement que
des espèces de tourmentes qui, de loin en loin, venaient témoigner de l'horreur que le peuple éprouvait pour un mal affreux et inconnu. Elles n'avaient pu empêcher la bienfaisance
d'avoir son cours et de créer de nombreux. hôpitaux pour les
ladres. Les villes de Pays-Bas notamment, consacraient de
fortes sommes pour combattre la contagion et porter secours
aux infectés 3 • Déjà au XIUC siècle, on comptait en Europe
1.9,000 léproseries 4 et la France en possédait 2000 à elle
seule 5 • Le mal étant incurable, le but qui présidait à l'érection de ces hôpitaux n'était pas de travailler à la guérison des
ladres, mais de les séquestrer soigneusement de la société et
d'éviter leur dangereux contact.
En général ces établissements étaient placés sous la dépendance des évêques. Ils étaient desservis par des frères et des
sœurs qui suivaient la règle de S1 Augustin, vivant en communauté sous la direction d'un mailre (major ou magister), et ne
JJOssédant rien en propre. lis portaient l'habit religieux, faisaient vœu de chasteté et récitaient les heures canoniales, autant que le leur permettaient les devoirs de l'hospitalité et les
• RoBERTOS GAGUl!'IDS. -

Iilst. ,les Ft·ançais, par LAVALLÉE, I. 447.

• IJOCSEllllJS.
3 llRITZ. 5

J1.

Do CANGE.
s Tnonss11•1. Ancienne el nom;elle discipline lie l'éylise, 1. 110'.i .

4 ~IATllllllJ PARIS cité 11ar

-34 1 -

soins qu'ils devaient donner aux malades. Le 23° canon du
troisième concile de Latran de 1179, canon consigné au titre 48
du troisième livre des Décrétales et devenu par conséquent loi
générale et pratique dans l'Église, statua également que les
frères des léproseries suivraient la vie commune, et qu'ils l}Ourraient avoir une église, un cirnelière et un curé. De plus, il
déclara qu'ils seraient exempts de la dîme de leurs jardins eL
,les pâturages de leurs bestiaux '.
On pense bien que notre Belgique, terre par excellence de la
bienfaisance et de piété, n'oublia pas les malheureuses victimes
du mal SL Ladre. En effet des hôpitaux s'élevèrent partout,
près des villes comme à l'approche des bourgs, et du nom
même de la maladie on les appela indifféremment ladreries,
léproseries et maladreries 2 • Vers l'an H47, la commune de
Gand fonda une léproserie qui fut desservie par des frères et
des sœurs de la vie commune, auxquels l'évêque de Tournai
prescrivit des règles en 1236. Ces statuts portent que les frères et les sœurs garderont la chasteté, qu'ils abdiqûeront toute
propriété, qu'ils porteront un habit religieux et qu'ils devront
obéissance au maître de la maison 3 • La léproserie de SL Pierre
à Bruxelles existait vers le milieu du XUC siècle; les malades
y étaient soignés pardespersonnes des deux sexes qui reçurent
des statuts de Jean, évêque de Cambrai, en 1220 '. On reporte
1 TUOIIA SSIN , ibid.
• Alaladrnrie t>Sl le terme le plus usité dans noire province. On ren -

contre encore, dans quel(jues localités, des ilénominalions comme celles
,le la maladrerie, le pré ou le cltemi"n de la maladrerie, clc., qu i révèlent l't!xislence d'anciens hôt>ilaux maintenant détruits el dont le souvenir
n'est plus conservé que par ces vagues dénominations.
3 DIERICX , l. 573.
4 TIE!l~E el W A UT ERS, JHst. de la f)ille de Brzu;elles, III. 420. A partir

de 1500, il n'y eut plus qur. des sœurs qui suivaient la règle de S•Augu~Lin.

H

-34~ -

à 1180 ou 11.82 la fondation de l'hôpital de Cornillon, près de

Liége; le service des lépreux y était fait par des frères et des
sœurs qui suivaient la règle de S1 Augustin 1 • l\Ions possédait
une léproserie en 1216; cette année, la comtesse Jeanne y établit un proYiseur, etcllestatua qu'il aurait, conjointement avec
l'échevinage, l'administration ,de l'établissement ainsi que le
droit de prononcer l'admission ou l'exclusion des frères et des
sœurs 2• Pour la province de Namur, je citerai la léproserie
établie en 1258, par Arnould seigneur de Beaufort, dans son
domaine de Huscial (S1 Léonard?) près de Huy. Le fondateur
exempta l'établissement des corvées, tailles et autres servitudes; il se réserva la faculté d'y placer les lépreux de la seigneurie de Beaufort; les ladres étrangers n'y étaient admis que
du consentement des frères sains et malades. Les frères sui,·aient la règle de S1 Augustin, sous la direction d'un proviseur; ils avaient une église, uu cimetière ainsi qu'un chapelain
qu'ils élisaient eux-mèmcs; ils pouvaient acquérir toute espèce
de biens meubles et immeubles 3 • Quant à la ville de Namur,
j'ai dit que la tradition faisait remonter à 1155 la consécration
de la chapelle de sa léproserie; cet établissement reçut la
dénomination de Grands-Malades, sans doute parce que c'était
là que l'on séquestrait les indiYidus affectés de la grande maladie
de l'époque, de la maladie par excellence.
Je prouverai plus loin que la date de 1155 assignée, par nos
anciens annalistes, à la fondation de la léproserie namuroise
s'accorde très-bien avec le caractère architectural d'une partie
du monument; nous allons voir qu'elle coïncide mieux encore
• Délices du pays cle Liége, 1. 235.
• n101m111ents pom· se,·vil' à l'hist. des p1·ov. <le Namm·, de llaimmt
et de Luxe11tbourg, JlUhliés par M• le bon de Rt>iffenhercr, 1. 339.
3 1'1imtt,ments, 1. 145 H suiv. 161.

-:uiavec les renseignements qui nous sont fournis par les plus anciens documents historiques.
D'ordinaire, lorsqu'il ne s'agit pas d'un établissement religieux, il est difficile, souvent même impossible de remonter
à l'aide de témoignages contemporains jusqu'à celte époque reculée. La raison en est que nos archives civiles ne contiennent
aucun diplôme antérieur au XIII• siècle, et que c'est seulement
à partir de la seconde moitié du siècle suivant que nos collections d'actes, de comptes, etc., commencent à se succéder sans
trop de lacunes.
Ici, par une exceplion bien rare, je trouve un diplôme qui
nous reporte au-delà même de celle date de H55. C'est une
bulle de l'antipape Grégoire Vlll, datée du ,u. mars 1H 8, et
dont la teneur nous montre l'hospice déjà parfaitement organisé à celle époque 1 •
« Grégoire évêque, serviteur des serviteurs de Dieu. A nos
» chers fils le maitre et les frères de la maison des lépreux de
» Namur, salut et bénédiction apostolique. La Sainte Église
» Romaine, toujours affectionnée pour les devoirs de la cha» rité, montre plus volontiers sa tendresse à ceux de ses en» fants qui se dévouent aux plus huml)les services de la piété,
» et en conséquence, elle aime, comme une bonne mère, i1
» leur accorder l'appui de sa protection contre les attaques des
» mécbants. C'est pourquoi, nos chers fils dans le Seigneur,
» accueillant avec bienveillance ms justes demandes, nous
» prenons sous la protection de S1 Pierre et la nôtre, vos
• .Anne.ce/. Celle bulle porte : ,fatum Laterani 2 itli,s mal"tii pontificatus nostri amio p,·ù1w; et oo lil en dessous: Gre9ori11s papa f/JJI.
Le véritahlc Grt'>goire VIII (Alherl) n'ayant occu1lé le siéi;e que du 20 octobre au 17 décemhrc 1187, il s'ensuit t(UC celle 11ièce doit être allrihuér
à l'antipape Grégoire Vlll (Maurice llourùin) •1ui récrna ùcpuis le !l mars
l 118 jusqu'e n 1121.

,.

- 344-

)) personnes cl le lieu dans lequel vous êtes dévoués au service
» de Dieu, avec tous les biens que vous possédez maintenant en
» juste raison, ou que vous pourrez dans la suite, avec l'aide
» de Dieu, acquérir légitimement; et nous défendons rigou» reusemeut que personne n'entreprenne d'exiger ou d'arracher
>> de vous aucune dîme de jardins, de vergers et pâtures de vos
» bestiaux. Qu'il ne soit donc permis à aucun homme d'en» freindrc cet acte de notre protection et de notre défense, ou
» d'avoir la témérité de sy opposer. Si quelqu'un osoit y pré» tendre, qu'il sache qu'il encourra l'indignation de Dieu
» tout puissant et de ses bienheureux apôtres Pierre et Paul.
» Donné au palais de Latran, le 2 des Ides de l\fars, première
» année de notre Ponlificat. >>
Ce privilége accordé par un antipape à une communauté obscure et lointaine ne doit pas trop étonner le lecteur. A cette
époque la grande querelle des investitures continuait sous
Henri V, et celui-ci, suivant en cela l'exemple de son père ,
venait de chasser le pape et de donner la tiare à Maurice Bourdin lequel prit le nom de Grégoire VIII. Or, dans ces malheureux temps de schisme, celui qui occupait induement le siége
de S1 Pierre cherchait par tous moyens possibles à se créer des
partisans, et il était assez naturel que la Lotharingie, qui suivait le parti de !'Empereur, obtint une large part dans la répartition des faveurs octroyées par la créature de Henri V. Les
1)l'iviléges accordés par des antipapes, n'étaient pas toujours
nuls dans les p_ays de leur obédience; souvent au contraire, il
advenait que le schisme éteint, ils étaient tacitement reconnus
ou même ratifiés par les réritablcs sou\'erains pontifes 1 •
• li est à 1·emai·,111en1ue dans tous ces schismes . résultat des querelle,
entre la (lap,1uté cl l'empire, noire pays élail naturellement de l'oI,édience
lie l'anlip~1lr.

- 345-

Avant d'aller plus loin, je dois exprimer franchement les
doutes qui me fait naître un examen attentif de celle bulle.
11 est à remarquer en effet qu'elle n'est postérieure que de
quelques jours à l'avénement de l'antipape Grégoire Vlll cl
qu'elle nous montre la maison des Grands-Malades complétement organisée en H i8, c'est-à-dire, quelques années seulement après le retour de la première croisade et une quarantaine d'années avant l'époque de la fondation des plus anciennes
léproseries de Belgique. Si la pièce qui me sert de guide étai&un original, son sceau en plomb, net et distinct comme ils le
sont d'ordinaire, leverait tout doute. Mais ici c'est une simple
copie qui porte eu dessous des dates du jour et du mois et de
l'année du pontificat, les mots Gregorius p. p. V/Il lesquels
sont la reproduction de l'inscription du sceau appendu à l'acte
original. C'était là une précauti~n dont on usait lorsqu'on copiait une bulle, et cela dans le but de faire connaitre, par un
calcul fort simple, l'année de l'Incarnation qui manque souvent
dans ces sortes d'actes. Or, ne pourrait-on supposer que le
copiste aura lu sur le sceau Gregorius VIII au lieu de Gregorius VIIIJ 1 . S'il en était ainsi, la bulle serait du llape Grégoire IX, et l'on aurait pour date le 14 mars 1228 2 •
Ce n'est là qu'une . hypothèse. J'ajouterai qu'il y a en faveur
de la date de 1H8 cette circonstance que le copiste ne s'est
point trompé dans les deux autres bulles dont je vais parler 3 .
• On sait que sur les sceaux , de même <1uc dans les inscriptions des
lombes , on lil un pour IV et YUII pour IX, etc. Celle errcur_s'explic11ui
donc facilement.
• Grégoire IX (1() mars 1227 atl 21 ao0 l 1241 ) commençait ordinairement l'année au 25 mars.
3 Lorsr1u'on examinr. altc11Liveme11L les rièccs, on voil <JUe la m~mr
main a écril une copie de rllacune des trois bulles r'')•rises aux annexes I ,
Il cl IV .

-U6-

i\Iais, en l'absence du titre original, force m'était bien d'cx(lrimer un doute, malgré tout mon désir de prouver l'ancienneté
des Grands-Malades.
Une bulle d'innocent III, datée du i6 novembre 1210 1 reproduit, en termes plus explicites, la teneur de l'acte que je
viens d'examiner. Comme dans la précédente, le pape s'adresse
iL ses chers fils les lépreux de Namu1'.
« Voulant, leur dit-il, accéder gracieusement à vos justes
» demandes, nous prenons sous la protection de S1 Pierre et
» la nôtre, votre maison, vos personnes avec tous les biens
» que vous possédez justement, ou que vous acquerrez, Dieu
» aidant, par la suite. En particulier nous confirmons d'auto» torité apostolique le lieu même et toutes les possessions dé» pendantes de votre maison, ainsi qu'elle les possède juste» ment et paisiblement, pour vous et pour elle par vous, et
>) nous voulons que les présentes leur servent d'appui et de
» protect.ion, défendant rigoureusement que personne n'entreprenne d'exiger de vous ou de vous extorquer aucune dime de
» jardins, vergers et pâtures de vos bestiaux. »
Continuons à suivre la filiation de ces preuves écrites; elle
abonderont it mesure que nous avancerons vers notre temps.
Vient d'abord une sentence arbitrale prononcée en 1250, sur
un différend existant entre la maison des lépreux de l\'amu1' cl
l'église (ou le prieuré) de Geronsart, relativement à l'hérédité
d'une certaine veuve Hélindis et de ses enfants Ségard et Béatrix. Les arbitres décident qu'à la mort d'Hélindis et de Béatrix
>)

, Arme.1:e II. Les copies portent • XVI kalendas <lecembris v011tificat11s nostri cttmo tertio decimo • et on lit au bas d'une de ces copies, 11ui
esl du 14• siècle: hmoce11titts papa Ill. En su1,posanl 11uc celle dernierr
indication eût été omise, la hulle ne pourra il être 11ue d'innocent U
( l lo0- 114S) ou d' i nnocent llI (1107-1216). les deux seuls 1,apes de cc nom
qui aient n 1cné ;,11 moins treize ans avant la fin du 14• siècle.

- 34i -

leurs biens ap1>artiendront, par égales moitiés, aux deux communautés, et que la léproserie, durant la vie d'Hélindis, cultivera les terres qui sont réservées à celle veuve sans pomoir
rien exiger pour ses semence~ 1 •
Quelques années plus tard, le 18 janvier 1247, le souverain
pontife Innocent IV accorda un nouveau privilége à ses chers
fils le maître et les frères de la maison des Lépreux de Namur.
« Aquiescant, leur dit-il , aux prières de votre dévotion, nous
» permettons, par l'autorité des présentes, que vous puissiez
» librement demander et retenir les possessions et autres biens
» meubles et immeubles (à l'exceplion des licfs) appartenant
» aux frères qui aoandonnant la vanité du monde, se retirent
» dans rntre maison et y font leur profession, et qui leur se» raient advenus dans le siècle par succession ou à tout autre
» titre quelconque 2 •
Après cette bulle, qui nous montre les progrès qu'avait fait
la communauté, nous trouvons, à l'année 1270, un accord
conclu entre la maison des JJfalades de Namur et Baudlluin fils
d'un veneur du comte, relativement à la propriété d'une brasserie située hors de la porte de Notre-Dame et d'un jardin en
Bordial 3 • Les parties conviennent que les frères de la maison
des Malades posséderont les deux immeubles en litige, moyennant le paiement d'une rente annuelle et viagère de neuf livres
louvignis au profit de Baudbuin. Il est à remarquer que cet accord est fait en présence du mayenr, des échevins et des jurés
' An11exe / li.
• Annexe /P.
3 La porte de Bordial, ou des Bounlimix, (l'élymolor,ic est assez apparente) est ce que nous autres modernes nous appelons très-rudiqucmenl.
mais fort mal à propos, la porte de Bordelcati, comme si les deux ou trois
autres portes de la rremière enceinte ne se trouvaient pas également au
borrl de la Sambre et de la Meuse. C'est ce qu'avait fort bien senti Gt'amaye qui traduit l'ancien el Yérilable nom par B111·de<1lensis.

- - 348 -

ùc la commune, ainsi que des frères et du pourl'oycur ou pro\'iscur de la léproserie, et qu'il est revêtu des sceaux de la ville
et de la maison des Malades 1 •
Quelques années plus tard, en 1.289, une lettre émanée de
la communauté vint mettre fi n à un débat qui s'était élevé
entre clic et le cllapilre dt: S1 Aubain à Namur, sur la propriété
d'un bon nier de terre située à Bretegny. Par cet acte, frère
Nicole de Vedrin maitre de la maison des Malades et tous les
frères de cette maison, déclarent qu'ils tiendront désormais cc
terrain en acccnce lléritable du chapitre, moyennant un muid
d'épeautre par an. A leur demande, le mayeur et les échevins
de Namur desseurtrains (supérieurs) des l\lalades, agréent cet
accord en qualité de mambours, et y. appcndent le sceau de la
commune à côté de celui de la léproserie 2 •
Parvenus au XIV• siècle, nous voyons d'abord la communauté figurer sous les dénominations de Malades et Grands
llfalades dans deux sommiers aux rentes, manuscrits originaux
de 151.5 et 1.525 3 •
L'année 1.554 nous fournit un testament qui présente quelques
3 Amie:ve /7. Le chartrier des Grands-Malades ne conlicnl aucun sceau
<le la léproserie; il est vrai qu'il n'est plus fail mention de ce sceau à partir rlu 14• si~cle el que les actes antérieurs sont en petit nombre.
4 Annexe /7/.
• « Item li grant malades por terre dtvanl. .. « Poillu papier oit ,·cuistre
» de l'an 1525, fol 39 v•. « Hem li corlilh de llerbalres qui gist en Ire
., les preis cl les malades . .. ,, Réperloi1'e de la table des 7,aurres Ile
Namtir ,le 1313, No 98. - « Hem à grant malades pour le maison lllorial
" de Templus. .. » Ibid, N• 114. Ces deux beaux manuscrils sur parchemin
faisaient autrefois partie des archives de l'hôpital s• Gilles. En 1849, la
commission <les hospices de Namur, dans le louable but de meure à portée du public des <locuments précieux pour l'histoire de la ville et qui
n'étaient plus d'aucune ulililé à l'adminislralion, a fait transporter au
<lépôl des archives de l'Éta t à Namur, toutes les archives, antér ieu res
a 1791, prol'cnanl des hôpitaux de Notre-Dame, des Grands-i\Jaladrs l'l
des• Jacqnrs.

-349-

parlicularités assez curieuses. C'est celui d'un prêtre nommé
bien improprement Jehan le mauvais ou le méchant moine.
En présence ùe deux échevins de Namur, qui interviennent
comme aides de ville, ce prêtre donne à la Pitance dtt couvent des llfalades un cens annuel de cinquante-cinq sols et un
autre cens de cinq sols affecté sur une maison située à Jambes
et possédée par la table des pauvres béguines de si Simphorien.
Ce legs est fait sous la condition expresse que le chapelain des
Grands-Malades dira tous les mois une messe pour le repos de
l'âme du donateur et de damoiselle Ysabcau, sa loyale et défunte femme 1 •
Un Répertoire aux Rentes de 1.575 mentionne, sous la date
de 1559, un acte de transport aveuu par-devant la liaute cour
de Namur et relatif au moulin des Malades situé entre S1 Servais
et Hastimoulin 2 • Le compte du domaine de 1.556 indique une
rente de deux muids de méteil payée par le souverain aux
Gl'ands-Malades de Namur et une autre rente en nature affectée
sur une pièce de terre située près des Petits-Malades 3 • Au
compte de ville cle 1562-1564, ainsi que dans le Répertoire
de H>75 on Yoit la 1\faladrerie désignée également sous le nom
• .,hmexe rfl. Je dirai plus loin ce qu'on entendait par Pitance. Le
héguinage de St Simphorien s'élernil près de l'ancienne église de Jambes, située aulrPfois en amont du ponl de Meuse. On l'appelait aussi le
béguinage de S• Calixte, el c'est de là que vienl le nom actuel de 1·uelle
dt, calice donné à un sentier qui se lrouve dans cel endroil.
• Répertofre po1tr la maison des Grand Mallade pou,· les 1·enttes en
groiens, 1573, fol. 42 aux archiv. prov. - Transports de la haute cou1·
de Namm·, de 1428 à 1436, fol. 88, aux archiv. de la ville. - Compte
<les Grands-Malades de 1451, fol. 0, aux arch. prov.
3 • Aux grans malades de Namur, 2 muis. ,, Compte du domaine ,
1355-1356, fol. 08, aux arch. comm. - " Rechul de Lowial le malade
" pour un pelil de terre deleis les petits malades , par an une poule."
lbi<l. fol. 131.

- :rno -

\

de Petits-Malades 1 • Nous trouvons ensuite les Malades de
Namur cités dans un diplôme de Guillaume I du 22 août f591,
relatif à la fête de Herbattes, tandis que le compte communal
contemporain, traitant le même sujet, se sert de l'expression
Petits-Malades 2• Enfin, je signalerai en dernier lieu un testament de 1598 déjà mentionné dans les Légendes namuroises.
Par cet acte, Pierre de Courtray, doyen de la collégiale de
si Pierre, légue aux Petits-lépreux demeurant en Herballes
au pied de la montagne de Bouges, et aux pauvres aveugles
dans la ville de Namur, ses courtes tuniques, ses chaussures
et tous ses habillements de lin, vieux et neufs 3 •
An êtons-nous ici; ces preuves suffisent, puisqu'elles nous
permettent de remonter sinon bien au-delà même de la date
assignée par nos anciens annalistes à la fondation des Grands1\lalades, du moins bien près de cette date.
!\lais, diront les incrédules, toutes ces dénominations de
maison des lépreux, maison des Malades, Malades, Gmndsllfalades, Petits-lépreux et Petits-Malades ne désigneraient-elles
pas peut-être des hôpitaux différents? A cela, il me suffirait de
répondre que tous les titres que j'ai analysés plus haut font
• Co11iptede ville, 1362-1564, fol. 13. - « ... roye de terre Gisant en
nerhalle entre les pelitz malades et le Grand preilz. » Répet't. de 1573 ,
fol. 72.
2 • ••• que nous volsissimes concédeir el ollroier à yaus que la dicte
• fiesle Jy cestes parliieez fuisl ravalée pins aval. par dcviers les fa lises
~ de Ilerballes et par deviers les malades de Namur. " Charte ot·iginale
aux arch. de la ville, boîle 9. - " ... nous dis très redoubleis seinGneurs
" s·acordont ., ce que ladite fieste Jierbatle fuist et soit ravalée et mise
• aval par dcviers les pclits malades el envicrs les fa lises ... » Compte de
ville, 1300, fol.10.
3 • ... exceplis pan•is tunicis, caligis et omnibus meis indumenlis lineis
• antiquis et novis que sint dislributa et donala parvis leprosis manen• tibus in IIerbaltis, ad pedem monlis de nourGez, et pauperihus cecis in
• villa Namurcensi. • Arch. prov. (coll. S• Pie,·re) .

~

-35 1 -

encore de nos jours parlie du chartrier de la léproserie; mais
j'irai plus loin.
Pour se convaincre que les quatre premières de ces dénominations désignent bien un seul et même hôpital, il suffit de jeter
les yeux sur les anciens intitulés inscrits au dos des pièces imprimées à la suite de cette notice; on lira notamment sur les
trois bulles, en caractères du xvesiècle: privilé9es des Grnnds.llalades. Je n'ai rencontré qu'une seule fois le nom de Petitslépreux: c'est dans le testament de Pierre de Courl'ray, de 1398,
où il est dit que ces petits lépreux demeuraient en Herbattes
au pied de la montagne de Bouges; or ces termes sont bien
précis et ne peuvent convenir à l'hôpital S1 Roch qui n'existait
pas, je pense, à cette époque, et qui, d'ailleurs, était situé près
de la porte de S1 Nicolas dans l'angle formé par la l'lleuse et les
fossés de la ville. Quant à la dénomination ·de Petits-Malades,
on la rencontre aussi très-rarement et elle ne se trouve dans
aucun des diplômes analysés plus haul. De la compa1·aisoo de
deux textes cités dans une des dernières notes, il résulte qu'elle
ne peut s'entendre que d'un hôpital situé au pied des rochers des
Grands-~Ialades.
Le lecteur s'étonnera sans doute de me voir insister sur cc
point; mais dans ces derniers temps la question de l'ancienneté
des Grands-Malades a occasionné de longues discussions : on a
dil que la tradition relative à la léproserie n'était qu'une fable
grossière, et certains sceptiques ont été jusqu'à assigner le
XVIe siècle, voire même le XVII•, comme l'époque de sa fondation. La démonstration n'était donc pas inutile.
Résumons ce chapitre en quelques mots :
Des diverses pièces que j'ai mises sous le~ yeux du lecteur,
il résulte que l'on peut fort bien, ainsi que le veulent nos annalistrs, reporter à l'année i 153 la consécration de la chapelle

-J~2-

des Grands-Malades, si tant est que l'élal.Jlissement lui-même
n'existât pas déjà quelques quarante ans auparavant.
La léproserie était desservie par des frères qui faisaient profession religieuse, vivaient en communauté sous la direction
d'un maître, et continuaient à jouir de leurs droits ci\'ils comme
s'ils fuss~nt restés dans le monde. Placée sous la protection
des souverains pontifes, elle était exempte des dimes de jardins et de pâturages. Elle possédait un sceau, circonstance qui
prouverait qu'elle formait une communauté tout-à-fait indépendante; enfin, elle s'administrait elle-même. Plus tard, l't'chcvinagc devint le mambour des Grands-Malades et ne tarda
pas à les placer entièrement sous son contrôle; alors
le sceau
1
disparut.
A\'eC le temps, bien d'autres cbangcments sans doute s'introduisirent dans l'organisation des Grands-Malades. Les données manquant pour décrire celle organisation d'une manière
précise, je 11rcndrai la communauté au xvesiècle. époque oü
les renseignements abondent et permettent d'avancer avec certitude.
Jll .

Au X\'c siècle, la léproserie était devenue, à proprement
parler, un établissement communal; il n'y avait plus de frères
faisant profession religieuse et servant les malades; mais les
membres de la communauté, reçus à vie et unis par un serment
solennel, continuaient à intervenir dans les affaires qui intéressaient la chose commune.
A la différence des autres hopitaux, qui étaient considérés
comme établissements de main-morte, il semble que la lépro'-Crie dt•,- Grancls-l\lala<lcs pou,·ait acquérir et aliéner ~ans

- 35~ -

l'aulorisalion du souverain 1 • Elle n'était pas sujette aux
corvées et aux tailles , et cc fut seulement vers les premières
années du XVI• siècle qu'elle commença à être cotisée pour
le paiement des aides extraordinaires 2 •
L'administration des Grands-Malades appartenait à l'échevinage de Namur, le défenseur naturel des droits de la commune, le gardien né des pauvres et des orphelins. De même
que le Comte, à son avénement au pouvoir, promettait de
« sauvegarder les veuves dames et les orphelins 3 » ; de même
aussi, lorsque les échevins prêtaient leur serment solennel sur
les Saints Évangiles, en la chapelle de si Remi, ils juraient
de « aidier à garder la maison du grant hôpital de Namur,
» la maison des Grans-Malades et la table des povres de Namur,
» ensemble.tous les biens, cens et rentes aus dites maisons et
» povres appartenans, et s'il en estoit aucuns aliénés, de les
» aidier à recepvoir à leur possible 4 ».
A l'échevinage incombait également la collation du bénéfice
érigé dans la cl1apelle des Grands-Malades, en l'llonneur de
St• Marie-1\Iagdeleine, patrone de l'hospice. Andrieu de St Germain, chanoine de S' Au bain et recteur de cet autel, dant
mort en 1447, l'échevinage nomma Linard de Fleurus en son
remplacement et le mit en possession « par la tradition du
» missel, calice et ornemens de l'autel, ainsi que l'exigent les
• Je n'ai du moins trouvé aucune trace rl'autorisation semhlable dans
les nombreux actes d'acquisition ou d'alién~tion du XV• siècle que j'ai
eus sous les yeux.
• S'il n'en avait pas été ainsi, on en rencontrerait des trace~ tians les
comptes de l'hospice. Une lies premières mentions du paiement de l'aide
se trouve dans le compte de 1516.
3 Ca1·titla1'ium S•• Albani, fol. 27 , mauusc. du XIV• siècle aux archi1'.
rrovinc.
4 Jlépe,·tofre des causes el questions, fol. 6!) , manusc. du XY• siècle
aux arrhi1•. de la ville.

-

35-4 -

» uset coustumes, ajouté à ceci

toutes les solemnités de droit '».
Dans la pratique, l'échevinage ne conservait que la haute
surveillance de la léproserie. Les élus de la ville, par le fait
même de leur élection, devenaient de droit souverains mambours et gouverneurs des Grands-Malades 2 • L'administration
!ll'Oprement dite avait été mise en leurs mains, comme le prouve
l'octroi de Guillaume II, daté du dernier novembre 1592. «Item,
» dit le comte, avons ottroiet et concédeit, ottroions et concé» dens ale université de nostre dite ville que les trois esleus pris
» et nommés, comme dit est, par l'espace de noef annéez dessus
» dites, ayent en leur gouvernement le maison de grant hos» pilai de Namur, les cens, rentes et revenues à ycelle appar» tenans, et tous autres émolumens et proufis qui y sont et qui
» y venront, aveuc le taule des povres de Namur entièrement,
» cnsi que on l'at acoustumé, a toutes sez cens, rentes et reve» nuez, et aussi le maison des Grans-1\falades de Namur et tous
» leur cens, rentes et revenuez; leveront et 1·eceveront ycelles
» par yauls ou par leur commis et en rendront cascun an bon,
» juste et Joyau! compte, une fois ou deux ledit terme durant,
» pardevant nos maïeur, eschevins, jurez, les bon nez gens,
» les quattre des mestiers et le université de nostre dite ville
» et aucuns de nostre conseil se envoiier les y ,•olons. Item
» volons et comandons que tous les papie1·s, registres, lettres
» saieléez , chirographes, instrumens, munimens, briefs et
» escrips, contenans cens, rentes, revenues, héritages ou pen» cions appartenant ale maison dudit hospital, dele taule des
» povres et dele maison des Grans-1\lalades, soient remises ens
» es mains desdis trois esleus pour warder l'iretage d'iceulx,
• Compte des Grands-Jllala,les <le 1:>30. fol. 301 ,·0 •
, Tmnsporl$, 1 fü!S à 1456. fol. 1M.

Transports, 1438 à 1440 ,

-355 -

» llOUI' mieulx faire exécution de leur dit gouvernement, et que
» de tout cc soit fait bon et deubt inventore au livreir, prendre

» et recevoir, adfin que ale yssue de leurs annécz et dele dite
» stiete

des termez dessus dis, les remettent ens es mains de
» ceuls qui adont pour ce par nous y seront ordinez 1». Je crois
inutile d'insister davantage sur ces diverses obligations imposées
aux élus, me contentant de dire qu'elles sont. reproduites dans
les octrois du dernier septembre 1405 2 et du 4 octobre i.4-19 3 •
- Pour la perception et le paiement des deniers, la rédaclion
des comptes, les menus détails de l'administration, etc, les
élus, ainsi que les diplômes cités leur en donnaient le pouvoir,
déléguaient à leur tour un commis qui prenait le titre de maître
ou gouverneur des Grands-1\falades 4 •
Les pouvoirs des élus, comme som·erains mambours, étaient
loin d'être exhorbitants. lis ne pouvaient admettre une personne
à l'hôpital qu'au su et du consentement des frères et des sœurs 0 •
La communauté intervenait également dans les actes qui avaient
pour objet une aliénation, un achat, un bail, etc. 6 Enfin les
comptes annuels étaient faits par le gouverneur conjointement
avec le chapelain, et les hospitaliers 7 , et la reddition solennelle
• Octroi original, aux arch. de la ville.
'Octroi original, aux arch. du Roy. à Bruxelles.
3 Octroi original, aux arch. comm. boite 12.
4 • Comptez fais dez biens, cens, rentez el revenuez delle maison dez
• Grans-Maladez de Namur reclrns el levez par lez mains Colar de Jou• dong ne, gouverneur d'icelle, commis et estaublis pour ce faire do gret,
• congiel et assens dez deus esleus pour le tempz audit gouvernement,•
Compte G. M. 1415. C'est de celte manière que commencenl les comptes
de l'hospice.
s «Parle sceute. et accort des frerez el sereurez ,, portent en général
les actes d'a<lmission.
6 Voyez un exemple à l'Annexe IX.
7 « Pour frais el despens fais par lesdits recteur, gouverneur, frères et seurs
• de ladite maison , comme il esl de coustumc de loinglamps passé, en

- 3!S6-

de ces comptes avait lieu en présence de l'échevinage et des
frères et des sœurs, lesquels exercaient ainsi un certain contrôle
sur les actes consommés par leurs administrateurs 1 •
Notre jurisconsulte Soliet distingue deux classes d'hôpitaux:
les hôpitaux 11rofanes, c'est-à-dire, fondés par les villes et les seigneurs particuliers et partant soumis à la juridiction séculière;
les hôpitaux écclésiastiques établis auprès des monastères et des
chapitres avec les biens de l'église et corn piétement dépendants
des évêques 2 • La léproserie de Namur appartenait évidemment à la première classe; elle obtint même en 1565 le privilége
d'attraire ses débiteurs en première instance devant le conseil
provincial 3 •
Toutefois, en présence de quelques passages, du reste peu
précis, des comptes de l'hospice, je n'oserais affirmer qu'en
certaines matières il ne ressortit pas quelquefois au tribunal
de l'évêque de Liége dont nous dépendions alors pour le spirituel 4 • Mais cela est rarement arrivé et il est certain que
,, faisant, ordonnanl, jellanl et sommant pour ces présens complcs ...
•> 2 ohz. • Compte G. M. 1471, fol. 28.
• Compte G. M.1415, fol. 16.
• So111>T. lnstit11ts de drnit. lr. pré!. til. 4. et liv. I. lit. 22.
3 « A ce compteur pour 1iar luy avoir esté en la ville de Bruxelles ... fai• sant la poursuylle de cerlaine requelle présenté<: à Mess. du privé con•
" seil lcndante affin d'obtenir mandement que pour pouvoir lhirer tous
" créditeurs de ceste maison en premier instance pardevanl Mess. du con,, seil à Namur, ce qu'il auroil obtenu ... • Comvte G. l,J. 1565, fol. 24 1•0 •
4 Voici ces passages: « Item rendut pour frais fais par ledit Colin de
» Joudoingne (gouverneu r) et avoec luy Jehan Damalis q ui furent à Cor" nullon il Liége à cause et pour deffentlre certaines el plus~ieurs deman" diesez que li vestil de St Jehan Baplisle à Namur leur faisoit, 3:! heamcs
» demi.• Compte G. M. 1400, fol. 15. Comme il s'agit ici d'un déhal avec
un curé, le recours au tribunal de l'él'êque se comprend assez bien. ~ Hem payé par ledit gouverneur pour ses dépens d'avoir esté plaidoier
,, à Liége contre J ehan de Grimo au )lrésenl frère malade, pour les jour• nées d'ung cheval à Ber nado, comme pour le l'in donné .iuz adrnc.is
" et procureurs , 2 oholcz , ;; heaumes. " Compte G. /11. 1520, fol. 2G. If

.,.
-3oï-

l'évêquc ne jouis:rnit ni du droit de visite ni de celui de contrùlc
sur les comptes. Comme on le rnrra plus loin, par suite des
décrets du Concile de Trente, il y eut un changement à cet
égard dans la seconde moitié du XVIe siècle, après l'érection de
l'évêché de Namur.
Une circonstance que je dois également signaler ici, c'est
que l'examen des lépreux avait lieu à la léproserie de Cornillon
près de Liége, sans que de cela je puisse découvrir une raison
plausible.
Abstraction faite du sexe, les hospitaliers des Grands-1\lalades
formaient deux catégories bien distinctes : ils se subdivisaient
en haitiés, ou prébendiers sains qui acquéraient à prix d'argent leur entrée à l'hospice et y jouissaient d'une provende;
et en malades, hospitaliers attaqués de la lèpre qui y étaient
admis gratuitement 1•
Occupons-nous d'abord des haitiés.
IV.

li me paraît qu'il n'était pas nécessaire d',être natif de Namur
pour pouvoir être reçu comme haitié 2 aux Grands-1\Ialades,

et certainement la qualité de bourgeois n'était point requise.
!\lais en revaneheon exigeait d'autres conditions. Voici comment
s'agil ici d'un lépreux donl le lieu de naissance était contesté; voy. une
note du chap. V. Toul ceci est assez ohscur.
1 La même cli,· ision avait lieu tians d'autres hôpitaux. Voy. R OQUEFORT,
au motpourvancliet·.
• Haitié sii;ui6e sain , gai, dispos, etc. C'est un de ces nombreux mols
qui onl disparu de la langue acatlémique, mais qui ont été conservés
dans nolre vieux et riche wallon, haitl. - En roman desltaitié (wall.
111auhait1) désigne l'état contraire.

/40

-

358-

lcs choses se passaient d'ordinaire 1 • Les élus de la ville
se présentaient devant la haute cour de Namur et déclaraient
que du constlntement des frères et des sœurs ils avaient, en
leur qualité de mambours, accordé à une telle personne le pain
et la provende. de l'hospice. L'admis s'engageait devant l'échevinage à verser dans la caisse de la communauté certaine
somme dont une partie était spécialement affectée à la
Pitance 2 • La quotité de cette somme n'était pas uniforme :
elle varia probablement sèlon l'époque et la fortune présumée
de l'impétrant. Celui-ci pouvait aussi la remplacer par la donation de quelque immeuble 3• L'acte d'admission était
transcrit dans les registres de la Cour et celle-ci en délivrait à
l'intéressé une expédition revêtue du grand sceau de la commune. Les baitiés devaient de plus prêter serment solennel
« d'aider à déféndre et récupérer d~ tout leur pouvoir les biens,
» cens, rentes et revenus de l'hôpital, et d'obéir à leurs sou» vcrains maît~es et gouverneurs. » On leur foumissait alors
dans la maison une chambre qu'ils devaient meubler à leurs
propres frais, de telle façon qu'à leur décès on y trouvât des
meubles au moins pour une valeur de dix florins, mailles d'or
•Voy.sur ces admissions les Reg. aux transports, 1413 à 1418 , fol.
541. -1418 à 1423, fol. 272. -1437 à 1438 , fol. 11. - 1455 à 1456.
fol. 172, v•, el 287. -1411> à 1418, fol. 342. On trouvera celle dernière
pièce aux annexes, N• VIU; quoique ce soil la plus détaillée, il est nécessaire de la compal'er avec les précédentes.
• Voici divers droits d'enll·éc payés au XV• si~cle : pour une personne,
20 Aorins d'or el u11e rente d'un d~mi muid d'épeautre; pour une autre,
60 Aorins d'or, oboles de llollande; pour une autre encore, 50 griffons.Pour deux conjoints, une rente de 12 muids d'épeautre et 10 oboles;
pour deux autres, 80 florins de Jlollande, plus 20 Horins eL une rente de
2 muids d'épeautre. - Assez souvent, ou tre la somme qu'il ))ayail pour
son entrée, l'haitié constituait au profil de la Pitance une r ente d'un
muid , ou d'un demi muid d'épeautre.
l Voy. un exemple au Compte G. /11. 1516, fol. 18.

-

359 -

de Hollande; la communauté héritait de ces meubles, mais
les hospitaliers pouvaient disposer du surplus 1 • Une autre
obligation qui incombait, paraît-il, aux haitiés était de faire au
besoin l'office de portier, d'exécuter les travaux de jardinage
et de faucher les prés de l'établissement 2 • Une fois admis à
l'hospice, les haitiés avaient droit pour lem· vie 3 au pain,
provende et pitance des Grands-1\Ialades. En d'autres termes,
ils recevaient les distributions en argent et en nature assignées à
chaque confrère; d'où la dénomination de 11rébe11dier ou prébendaire qui leur est parfois donnée et qui, au XVI• siècle, sert
même à les distingue,· des frères malades 4 •
Dans les premières années du XV• siècle, la pension payée à
chacun des haitiés sur la graude recette de l'hospice était de
douze muids d'épeautre par an et de sept wihots par mois
pour les hommes; de neuf muids par an et de six wihots par
mois pour les femmes; ce qui revient par année à environ
vingt-un moutons de Brabant pour les premiers et à seize
• D'après certains actes d'admission, il semble que lorsqu' il s'agissail
de deux conjoints, ils habitaient la même chambre. C'est ce qui apparaît
aussi par le Compte G. 111. 1510, fol. 25 v• • Soit mémoire que les dessus
» nommés (un prébendier el sa femme) doibvenl furnir leur chambre au
" lieu desdis Malades de le valeur de 40 florins au pris dessus dis, pour
" tn avoir le proffiL après leur décètz lesdits llaladcs. EL li: surplus de leur
" biens en doib,, enl faire leur proffil à leur volenlé. •
• .,/11nexe Vlll. Bien que je ne trouve celte obligation de fa ucher les
prés que dans ce seul acle d'admission , il esl certain que c'était là un
usage général. J e lis en effet ,tans plusieurs Comptes des arliclrs dans
le genre de celui-ci : • Item rendu as frères el sœurs de te dilc maison
» qui ont esleit au feneir les fourez en Uerballez , ensi qu'il al esteil acos• tumeil du tem ps passeit, pour le urs frais ... (pour deux années) . .. 20
» hiames.• Compte G. l!I. 1400 fol. 15.
3 Tra11sports, 1455 à 1456 , fol. 172 v•.
4 Pmibeudœ, (en roman : prove nd e), porlions q,rolidienncs de Yi1Tes
•1ui sont livrées (qmc pncbentur) aux r!'l ir,icux.

-360-

moulons pour les secondes 1• Chacun d'eux recevait également
chaque année quatre cordes et demie de bois de chauffage 2 ;
le tout sans préjudice de quelques distributions extraordinaires
qui variaient, et parmi lesquelles je me contenterai de signaler
quatre setiers d'épeautre donnés à chacun d'eux le jour de la
reddition des comptes de la communauté 3•
l\Iais là ne se bornaient pas les ressources de l'hos1)ice : il y
avait en outre la Pitance. On entendait par là des cens et rentes
de toute nature affectés spécialement à la nourriture des hospitaliers, et qui provenaient soit des dons de personnes charitables 4 , soit d'une par lie de l' assenne ou somme assignée à la
communauté par ceux qui voulaient en faire partie. C'était une
série de biens totalement distincts de ceux de l'hospice proprement dits, aussi le gouverneu1· en rendait-il un compte séparé.
Chaque année, l'excédant du compte, (car la pitance avait
quelques dépenses à supporter) se partageait par parts égales
entre tous les hospitaliers. Ces parts variaient naturellement
d'année en année, d'après le nombre des confrères. Ainsi ,
en H:i54, chacun d'eux reçut neuf setiers d'épeautre et trentesept sols, un dernier obole; et il y eut également « c1uatre
» libvrcs et ung quarteron de chandelles de cyre neuflre » distribuées aux recteur, gouverneur et hospitaliers le jour de la
Chandeleur. En 1.565, la part de chacun des hospitaliers, fut de
quatorze setiers d'épeautre et de Yingl-neuf sols, six deniers 5 •
• Comptes G. M. passim. - Par le compte ,Je 1415 on 1•oit que le muid
<l'épeautre se vendait alors 24 à 25 heaumes; or 15 hfaumes valaien t 1111
mouton.
2

Compte G. /IJ.145 1, fol. 27. - Annexe f"Jl/.
Compte C. JJ/.1415, fol. 5 vo.
',Voy.un rxemple, Annexe f///.

3

~ Voy. les <:0111ptes de la Pitance de 1554 cl 15ü5.
En 1554. l'excédant de la n•ccllc e~l de 12 muids , 7 selicrs 1l'è11rau1re,

- 361 -

Au moyen de ces distributions d'argent et d'épeautre, les
prébendiers subvenaient à leurs frais de nourrilure 1• Elles restèrent au même taux jusque dans la seconde moitié du XVI"
siècle, époque où les sœurs obtinrent une pension égale à celle
des frères 2 • l\fais vers 1570, on convertit ces diverses diSll'ibutions en une pension en argent calculée au denier huit des
sommes que les haitiés avaient affectées à l'achat de leurs prébendes. Je crois inutile d'entrer dans de longs détails sur cette
réduction, car peu d'années après les prébendiers avaient disparu de l'hospice.
C'était probablement aussi au moyen de cette pension, que
les haitiés pourvoyaient à leurs frais d'habillement, à l'entretien de leurs chambres, à l'achat des meubles et des ustensiles de
ménage 3 • J'ajouterai, pour en finir avec ces détails, qu'une
meskine (senante) était chargée exclusivement de leur service 4 •
Comme je l'ai déjà dit, les haitiés étaient admis à vie. Ils
n'étaient point séquestrés dans l'établissement, et lorsqu'ils
avaient rempli leurs obligations envers la communauté, ils
ctde 20 carolus, 8 sols, 8 deniers el 2 oboles pelites. Cet excédant se partage entre onze hospitaliers, tant hailiés que malades.
• On voit par les Comptes du XVI• siècle que les 7 et 6 wihos donnés
chaque mois aux fr~res et aux sœurs leur servaient « pour les pollaigcs. ,,
•Voy. les Comptes à partir de 1565.
3 Les Comptes ne mentionnent aucun achat d'habillements; mais 011 y
trouve des achats ou des raccommodai;cs de draps de lit, couvertures,
ustensiles de ménage, etc., en fal'eur des frères ladres. Quant aux frères
/iaitiés, ce n'était que Jlar tolérance qu'on leur accordait des choses de
ce genre; tout était à leur charge. C'e~t ainsi (IU'à propos de l'achat de
deux clefs pour la porte d'une chambre d'hailié on lit en marrre du
Compte de 1516. fol. 35: "Ne soient plus mises en comptes ces ouvraiges
• à la <;hargc tic la maison louchant les maisons des fr~res el sœurs hai» tirs. Néanlmoins lranscat pour ceste fois. ,,
r, Compte G. 11!. 1415 , fol. 12 v•.

-362-

pouvaienl aller travailler au dehors pour leur profit. De rnème
qu'il n'était pas nécessaire d'être bourgeois de Namur pour entrer comme haitié aux Grands-1\lalades, de même aussi la qualité de prébendier ne faisait pas perdre la bourgeoisie, pourvu
qu'on en payât exactement les droits 1 •
Les haitiés n'étaient nullement gens de main-morte. En
vertu des bulles des souverains pontifes, ils avaient la facullé
d'acquérir comme s'ils fussent demeurés dans le monde 2 • lis
conservaient donc la libre disposition de leurs biens meubles et
immeubles; ils pouvaie11t les vendre, en disposer par donation
entre vifs, les léguer à qui bon leur semblait, sans être tenus
d'en faire don à l'hospice 3 • Non-seulement ils ne vivaient pas
en célibat, comme le prouvent les nombreux exemples de conjoints qui acquièrent, pour en jouir ensemble, le pain et la
provende des Grands-Malades, ils pouvaient même se marier
entre eux 4 • Enfin, dans les derniers temps du moins, la résidence à l'hospice n'était pas obligatoire, puisqu'on voit
en 1575, la pension payée à une prébendière qui habitait
Atb 5 ; mais il est à remarquer qu'à cette époque l'établissement était en pleine décadence, cl qu'on n'y admit plus de
nouveaux prébendiers.
Durant tout le XV0 siècle et jusque dans la seconde moitié
du XVI•, le nombre des haitiés était en moyenne double de
celui des ladres; il variait ordinairement de six à dix. J'en
• Annexe //Ill.
• Anne.ce Ir.
3 Annexe r Il/.
4 J'en trouve un exemple dans les comptes de la fin du XVI• siècle :
1·'est une prêbcndière du nom de Pierclle de Brou, veu1·e du prébendier
Guillaume Troyenne, laquelle, en 1570 ou 1571, épousa Amand Slier,
é&alcmenl prébendier des Grands-Malades depuis <1uclques années.
5 ,, ... ~Jargucrile Salmon dcmcnranL à Ath en naynauit. • - Compte
G. M. 1575, fol. -;,7 1·•,

-36~ -

tl'ouve encore cinq en HSW et quatre seulement en f5ï8. li
est probable que ces derniers ne furent point remplacés 1 •
Quelle fut la cause de cette disparition des prébendiers? Comme
je ne pourrais bazarder que des hypothèses, je me contenterai
d'avoir posé les faits.
Parlons maintenant des malades, ou lépreux.
• Annexe X/Y.
( La fin à la pt·ochai11e livraiso11).
J ULES

BORGNET.

IH~:LANGES.

Lorsqu'on considère le grand nombre de médailles.et d'anliquitésdc toute espèce qui ont été découvertes dans la province,
on regrette vivement les données précieuses qu'elles eussent
fourni à l'bistoirc, si elles n'avaient été aussitôt détruites ou
dispersées au loin. Nos annalistes ne nous ont, en effet, lai.ssé
il cet égard que quelques renseignements souvent aussi vagues
q(erronés, el, à leur défaut, personne chez nous n'a songé à
annoter soigneusement ces découvertes, à préciser l'époque et
le lieu de la trouvaille, à déterminer exactement les monnaies
et les autres objets tirés de l'oubli. On n'ignore pas cependant
l'utilité que présentent pour l'histoire de semblables indices.
La science a donc fait sous ce rapport des pertes irréparables.
Dans le but d~ les éviter pour l'avenir ou du moins d'en diminuer le nombre, la Société Archéologique a jeté les fondemen ts
d'un lJIÙsée Pl'ovincial, où elle rnnge, d'après le lieu de provenance, les antiquités découvertes dans la province. Chaque
livraison de ses Annales contiendra également quelques pages
sur ces diverses trouvailles. l\Iais pour que le but qu'elle se propose soit complétement atteint, il est nécessaire que chacun lui
prête son concours. Nous faisons donc un appel à tous nos
concitoyens, aussi bien à nos associés qu'aux personnes étrangères. Nous les prions de vouloir bien nous fournir des renseignements détaillés sur chaque découverte qui parviendrait à
leur connaissance, et d'y joindre, s'il est possible, des dessins
exacts ou des copies. Nous les prions également, rlans l'intérêt
de la science, de se dessaisir en faveur de la Société, soit à titre

-365-

don ou d'échange, soit à prix ù'argent, d'une partie des
objets dont ils seraient devenus possesseurs. Surtout, qu'ils ne
se laissent pas arrêter par cette considération que ce qu'ils ont
à offrir n'a pas assez de valeur; une seule pièce de monnaie
la plus simple poterie, etc., présentent à nos yeux un grand
intérêt. Et nous ajouterons que tout don, quelque minime qu'il
paraisse au premier abord, sera toujours reçu par nous avec
reconnaissance. Aidés ainsi par nos concitoyens, nous atteindrons bientôt le but désintéressé et tout patriotique qui a présidé à l'établissement de la Société Archéologique.

Ùè

Note de la commission direct1"ice.

ANTIQUITÉS DE MARCHE-LES-DAMES. Il n'y a pas un demi siècle que le chemin qui conduit de l\Jarche-les-Dames à Beez
n'était qu'un étroit sentier tortueux, suivant, à travers un taillis épineux, le flanc des hautes pyramides rocheuses dout la
Meuse baignait en partie le pied.
Longtemps avant cette époque, une petite chapelle, portant
au Iron ton de sa porte la date de 1.686, abritait une modeste
croix rappelant que là : AT ESTE MEVRTnI LE SIEVR LAMDET NOE

MARCHANDE VERVIER 1689.

Autour dé cl lieu de repos, des lierres séculaires, des éboulements gigantesques dans leur primitive et capricieuse position, des grottes. des ravins portant encore de nos jours la
dénomination générique de troux des lan·ons, attestaient que
la nature avait seule présidé à ces bizarres arrangements, et que
si la main de l'homme s'était quelquefois fait, sentir dans ces
lieux, ce n'avait guères été que pour y exercer la rapine ou le
meurtre.
Jamais lieu n':1vait été mieux choisi. Non loin d'un vallon
fréquenté dès le 12C siècle, où des richesses abbatiales s'unissaient aux capitaux qu'y amenait déjà l'industrie du fer; aux
4i

-366 -

confins de deux pays, les malanùrins pouvaient rançonner it leur
aise les étrangers qui s'acheminaient de Namur vers Marche
par le Yallon de la nicusc.
Les occasions de rapine ne devaient pas être rares : nos
(lères, ignorant la comptabilité moderne qui a facilité le.,;
échanges en créant d'autres valeurs représentatives que l'argent, portaient souvent avec eux les écus nécessaires aux
achats qu'ils faisaient au comptant. La craie et le chapeau rempl3~aient nos factures, et d'un revers de manche on apurait
alors plus d'un compte.
Nous sommes loin de cette primitive confiance; mais notn·
époque, au lieu de ces patriarcales transactions, étendant le
cercle de ses relations par l'esprit d'association qui le guide,
a su enfanter de ces travaux que ne renierait pas la plus
brillante période romaine. C'est à l'une de ses créations, au
chemin de fer de Namur à Liégc, que nous devons quelques
découvertes qui sont venues confirmer plusieurs croyances
populaires.
Entre la chapelle dont j'ai parlé et un ravin spécialement
appelé trou des larrons, au milieu des quartiers de rochers
amoncelés, les travaux de cc chemin de fer ont fait décounir
des ossements parfaitement conser\'és : un squelette de femme
a été retiré de l'une des crevasses.
A quelques cents mètres au levant, au milieu des débris
d'une petite habitation recouverts de plusieurs pieds de terre
végétale, on a déterré, pêle-mêle avec des os humains, de
cheval, de gibier et d'animaux domestiques, - une jolie cruche
romaine à une seule anse, aux formes arrondies, saus reliefs
ni dessins, - quelques monnaies, dont une à l'effigie d'Antonin (i58 ans après J .-C.), - des fragments de fortes tuiles
en terre rouge, - des débris d'ustensiles en fer, - une lame
de poignard triangulaire, -des ciseaux semblables à ceux que
l'on YOit encore quelquefois dans les mains des bergers des
Ardennes, - un couteau à large lame brisée, - un mo,·ticr
en dolomie, - et jusqu'à la vulgaire crémaillère qui garnit
encore de nos jours le foyer de nos cultivateurs. La plupart de

,



cu.rs Ttrnvvns l)ANS LA SAMl{P.f A NANIUR ,(.N lM-7 &1848

Altnale~ ., T.m:a..e I

-

367-

ccs objets sont dépo!>és au cabinet archéologique de Namur 1
Depuis l'époque où nous reportent les débris romains, jusqu'à celle que précise la date de l'un des derniers crimes qui
aient ensanglanté ces lieux, seize siècles :Se sont écoulés; peedant cc long espace de temps, cc repaire, jadis si sombre, semble avoir été souvent habité. En y ouvrant des communications
faciles, on ne lui a rien ôté de cc qu'il avait de pittoresque;
mais on a mis plus en relief encore les hautes et imposantes
pyramides que la l\Icuse compte au uombre de ses beautés.
A. B.-Jr
ANTIQUITÉS OÉCOU\"EllTES D.\XS LE Ll'f

DE LA ll.\SSE-SAMBllE A

Dans le courant de l'été de 1846, les eaux de la Sambre étant à leur plus bas étiage, quelques ouvriers fouillèrent
le lit de la rivière aux abords de l'Applé et du vieux pont; ils
en retirèrent de la ferraille en assez grande quanlilé. Nous
avons suivi attentivement ces fouilles, et nous y ayons acquis
plusieurs antiquités qui ont été déposées au local de la Société
Archéologique. Aux divers objets recueillis par nous, il con, ient d'ajouter un bon nombre de pièces de monnaie que les
ouvriers avaient vendues à l\I• J.-B. Fallon, orfèvre, et que
celui-ci a eu l'obligeance de nous céder.
Voici eu résumé quelles ont été nos acquisitions :
1. Vingt-huit clefs antiques aux formes les t)lus bizarres et
les plus variées; nous donnons ci-joint le dessin de quelquesunes d'entre elles, grandeur nature.
2. Trois cuillères en cuinc dont le manche est terminé ))al'
nne petite figurine gothique.
5. Six couteaux à manche ciselé ou avec reliefs et qui remontent à la même ét)Oque ou à la période de la renaissance.
4. Une quinzaine d'autres objets, notamment une jolie agrafe
en argent, style de la renaissance; des croix fleuronnées ; un
petit reliquaire en plomb; des médaillons en cuivre, etc.
X.\MUll. -

• L'auteur de cr.s lii;ncs oublie tic dire 11u'il a fail 1wésenl ile ces ohjt•ls
à la Société Archéoloi:;-i<1uc.

(Note de la commission).

- 368 -

5. Deux pièces gauloises en cuivre.
6. Six pièces de monnaie romaine en petit bronze, savoir:
i Salonina, 2 Claudius gothicus, i Co11stanti11us magnus, i Vils
lentinianus, i incertaine.
7. Une quarantaine de pièces de monnaie namuroise, parmi
lesquelles nous signalerons une petite monnaie de Marguerite de
Courtenay, comtesse de Namur, portant à l'avers: l\lAR , et au
revers : NAl\1. Les autres ont été frappées sous les règnes des
deux Guillaume, tic Philippe-le-beau, de Charles-Quint et de
Philippe IL
8. Près de soixante-dix pièces du moyen-âge, lesquelles,
pour la plupart, sont sorties des ateliers de Belgique. Nous
avons communiqué ces pièces à i\1' Piot qui a eu l'obligeance
de déterminer les plus anciennes. Nous devons signaler notamment: 1° une obole frappée à Dinant, inconnue jusqu'ici, et que
1\1' Piot atlribu~ à Charles-le-gros; elle porte à l'avers : IN
VICO mIONANT, et au revets: IN VICO DE NAN. - 2° Une
pièce de Louis-le-Germanique, frappée à Namur, et décrite par
cc numismate distingué au tom. IV, p. 556 de la Revue de la
numismatique belge; on lit: av. HLVIDOVVICVS O. - rev. IN
VICO NAMVCO. - 5° Une magnifique pièce en argent de
Charles-le-Chauve: av. CARLVS REX FR. - rev. l\lETVLO.
- 4° Une autre de Louis IV, cmp. d'Allemagne, frappée ü
Cologne, etc.
F. E.
A:'\TIQUITÉS DÉCOUVERTES LORS DE LA CONSTRUCTION DU PORT DE

cnoc:.o:-. A NMIU!\. - Pour les personnes qui ne connaissent pas
les localités, il est nécessaire de faire remarquer que le port
de Grognon se trnuve au point de jonction de la Sambre et de
la Meuse. Les travaux de construction ont commencé dans l'été
de 1847. Bien que de larges tranchées aient été ouvertes dans le
lit de la Meuse, peu de pièces de monnaie romaine ont été trouvées de ce côté; le plus grand nombre provient de la Sambre.
i\l' ·F. Eloin s'était particulièrement chargé de veiller sur les
découvertes que pourraient amener les travaux, et ses recherches n'ont pas été sans résultat. i'\f' J.-B. Fallon , orfèvre, a

-369-

également rassemblé quelques monnaies qu·avcc &on obligeance
accoutumée il a bien voulu nous céder. Enfin soixante-seize
pièces romaines furent achetées par l\I' Lacour; je les avais
examinées à cette époque et je les retrouvai, à sa mort, soigneusement étiquetées et mises à part, car il n'avait pas eu le
temps de les classer. La Société Arcl1éologique a acquis ces
dernières pièces lors de la vente des antiquités délaissées par
cet amateur. En résumé, la collection de la Société s'est enrichie des objets suivants :
1° Trois cuillères en cuivre, - un manche de couteau en
cuivre, style de la renaissance, - deux clefs antiques, quelques cachets en cuivre, notamment le sccl aux causes
d'Hastièrcs, du me siècle, - de longues aiguilles et épingles
qui me paraissent fort anciennes, - quelques morceaux de poterie romaine. Les personnes qui ont parcoum les travaux,
ont dû remarquer que le sol était littéralement semé de débris
informes de tuiles et de poterie de cette époque. Parmi ces
objets, W Eloin a choisi, comme spécimen, deux petits morceaux en terre rouge sigillée, et deux fragments de vases qui
ont dû être assez beaux à en juger par les reliefs qui restent
encore, etc.
2° Environ 170 médailles ou monnaies romaines, grands,
moyens et petits bronzes. Plusieurs de ces pièces sont entièrement frustes et n'ont pu être déterminées. Voici l'indication des
autres: 8 Augustus, 1 llf. Agrippa, 1 Caligula, 5 Claudius I,
5 Nero, 7 Vespasiantts, 21 Domitia,ms, 4 Nerva, 20 Traja,ws,
51 Jladl'ia11t1s, 15 A11to11intts JJiUS, 11 Faustina senior, 7. JlJ.
Attrelius, 6 Faustinajunior, 1 Lucius Verns, 5 L~illa, 1 Commodus, 1 Posthwnus senior, 2 Victorinus senior, 2 Co11sla11ti11us
Magnus, 2 Constantinus II, 1 Magnentius. Quelques-unes de
ces pièces sont d'une fort belle conservation.
5° Une quinzaine de monnaies namuroises en cuivre, principalement des règnes des deux Guillaume et de Philippe-leBeau.
4~ Dix ou douze pièces belges du moyen-âge, également en
c11ine et de peu de rnlc'ur.
B011 D. P. D. B.

-

JiO-

LX , 1Eu c.,xo:,; x.,111,no1s. - Cerlains de nos lecleurs se sou,ienncnt pcul-êlrc d'une vieille borne en fer qui se trouvait autrefois au coin des rues de la boucherie el du pont de Sambre.
Elle a disparu; mais que les antiquaires se rassurent : elle est
en bon11cs mains. Il y a environ trois ans, la Société Archéologique, qui conYoilait cet objet et pour cause, proposa au 1nopriétairc de la maison à laquelle il était adossé de le remplacer
par un aulre en fer coulé. L'ollrc plut; 1\1• Pranck y gagna une
belle borne toute neuYe, et la Société une antiquaille qui n'est
autre chose qu'un ancien canon namurois. Celui-ci orne maintenant le petit musée provincial, à côté d'un vieux fusil !1 mèche découvert dans une carn à Malonnes.
Ce canon, long de f mèt rc 95 ccnlimèt1·cs et passablement
conservé, est en fer battu; sous ce ra1lport, c'est, au dire des
connaisseurs, un travail fort remarquable et qu'on exécuterait
dinîcilement de nos jours. Carni d'anneaux placés à 7 à 8 cent.
de distance les uns des autres, il est d'une grosseur inégale et
se rélrécit considérablement vers le milieu. Au second anneau,
près de l'embouchure, on remarque cinq petites pointes; une
pointe Ill us longue et brisée en partie part du dernier anneau it
l'autre extrémité; clics scrrnicnl peut-ètre à maintenir la pièce
sur l'alfùt. Le calibre, ou diamètrn intérieur, t'st de 6 cent.
La plupart des anciens canons, si pas Lous, n'avaient point
cle culasse. Cette partie était remplacée par une chambre, espèce
de tulJe, assez court, ouvert d'un seul côté, et garni d'une anse.
La chambre, dans laquelle la lumière était pratiquée, serrnit
it conlenir la charge; elle formait une l)iècc séparée et on ne
l'adaptait au canon que lorsqu'on voulait s'en servir. C'est cc
qui cx1>liquc pourquoi l'on trouYe rarement ces deux objets
réunis. En effet lorsque ces armes devinrent hors d'usa~e, plu~icurs de nos villes les employèrent en guise de bornes; or,
pour cet usage tout pacifique, les chambres étaient parfaitèrncnt inutiles.
Xot re canon me paraît appartenir il ces pièces d'artillcrit•,
s1 connue· au'\ 15• et Hi' siècle".i sous le nom de .m·11e11/i11es. t.;11
autre, du même genre, se tl'OU\'C encore dans la rue clu

Puils-Conelle, au coin de l'école dominicale; la partie visible
en est fort détériorée.
Je finirai celle nole par quelques extraits, pris au hasanl ,
dans le Compte communal cle 1.527, fol. 107, ,· et suivant.
c< Audit Bertrand (bombardier) pour une dcmyc cbcrpcntine
» qu'il a délivré à la ville de 6 pictz un quart de !oing, avec cc
» 5 chambres appartenant, pesant ensemble 569 livres au pris
» <le 1 patar derny le livre, font 57 livres 15 sols 6 deniers.
- « Audit pour une charpentine de fer qu'il a fait et délivré
» de 9 pietz un quart de long avecq 2 chambres, le tout pesant
» ensemble 451 livres ... » (au même prix). - « Audit Ber» trand ... deux grandes chevilles, dix cranpons pour pendre les
» cbambrcs des bastons (canons) qui furent mis à SL Remy ... »
J. B.
0

1)

DÊllOLITIO.X o't:NE PARTIE nu ~IUR DE L.\ THOISIÈ:IIE E.XCEINTE DE

Le peu qui reste de cette enceinte urbaine disparaît
de jour en jour. On a rasé cet hiver le pan de murailles qui
s'étendait depuis le pavil,lon de l\Imc Limelette jusqu'au palais de
justice. A en juger par les décombres la besogne a dû être rude;
elle n'a amené, paraît-il, la découverte d'aucune antiquité.
Il y a quelques années, 1\1' Cornet a également ni\'elé la partie du vieux rempart qui se trouvait derrière son habitation,
près de la tour de St Aubain. Les ouvriers occupés à celle
démolilion avaient découvert quelques pièces de monnaies que
1\1' Cornet a soigneusement conservées et donl il vient de faire
do11 à la Société Archéologique. Cc sont : une monnaie en argent du règne d'Albert et d'Isabelle, - deux mércaux en cuivre de la collégiale Notre-Dame, pièces fort communes, - un
méreau en plomb de SL Aubain dont l'inscription est assez effacée et qui po1·tc la date de HH9 ,-enfin quatre pièces romaines
dont deux moyens bronzes ùe ill. Aurelius et de iUag11e11li11s.
XAMun. -

J. B.
MllO.\ILLES RO)I.\INÉS TROU\'ilES AUX GRA:'\DS-mLADES. -

En 1847,

les ouvriers de l\l' J.-B. Fallon, travaillant au-dessus des rochers

- Sï2-

ùes Gra11lls-.Ualades, ont mis à jour deux pièces ùe monnaie,
en grand bronze, savoir : un Antoninus 11ius, et un Septimus-Severus. Un marteau en fer, ainsi que des débris informes
de poterie et quelques ossements d'animaux se trouvaient avec
ces pièces. Mr Fallon s'est empressé de faire don du marteau et
des deux grands bronzes à la Société Archéologique, laquelle
lui est déjà redevable de divers autres objets qui ornent son
musée naissant.
Ce n'est pas la première fois qu'une trouvaille de ce genre a
lieu aux Grands-Malades. En 1.81.9, les hospitaliers de S1 Gilles
défrichant un terrain situé au-dessus de la carrière à l'endroit
dit Forêt, découvrirent une urne qui contenait plus de 5000 médailles. L'urne fut entièrement brisée; quant aux médailles,
1\lr le B00 Hyp. de Baré de Comogne en acheta environ 1., tO0 à
l'administration; :riir le v1e Lambert de Baré nous a promis sui·
les pièces achetées par son père et qui font maintenant partie
ùe sa riche collection, une note détaillée que nous attendons
pour la prochaine livraison. La plus grande partie du restant
fut acquise par l\[r Hyp. de Renette, agissant, nous dit-on,
pour Mr le B0 " d'AuYin d'Houdoumont. Plus tard, 1\1' le B011 de
Pitteurs de Budingen en obtint également plusieurs, et notamment des Marius et des Quintillus. Quatre petits bronzes recueillis à cette époque par l\Ir Montigny, ont été déposés par
son fils au cabinet de la Société: ils consistent en un Gallienus,
un Victorinus, un Tetricus senior et un Tetricusjunior.
J. B.
Di\:COU\'ERTE n'A!iTJQUITÊS ROMAINES A SURICE.- Une découverte,
que l'on peut considérer comme une bonne fortune pour les
amateurs d'antiquités, a été faite dans le courant du mois de
juin 1.847 sur le territoire de la commune de Surice (arrondissement de Philippeville).
Pour rendre productif le sol très-rocailleux de cette commune, les habitants ont été ol>ligés autrefois d'en extraire une
quantité de pierres dont on rencontre de nombreux amas qni
scr\'ent aujourd'hui à différents usages .


-- 3nUn fcrmienoulant faire de la chaux, avait acheté à un petit
particulier un de ces tas de pierres, et em 1>loyait deux ouvriers
à les charger sur des voitures. Ces ouvriers, pour facililer la
besogne, commencèrent par dégarnir le pied du mont de pierres. Ils venaient. à peine de recommencer leur travail, le second
jour, lors qu'un éboulement survint, et mit à découvert une
espèce de vase oblong en terre cuite, contenant environ 2,000
médailles romaines petit bronze, de diverses dimensions. Le
vase fut malheureusement brisé en grande partie; un tiers seulement demeura intact, et fut recueilli par un amateu,·. La
Société Archéologique n'a pu se procurer jusqu'à présent qu'une
faible portion de ces médailles : 57 lui ont été offertes par
t\1' le Baron de Pilleurs de Budingen, et 5 par 1\1' de Contamine
de Givet. Voici, par ordre chronologique, le nom des r~gnes
auxquels elles appartiennent : Gallienus - Saloni11a - Posthumus - Victorinus - Tetricus - Claudius gothicus. Une
centaine d'autres monnaies des mêmes règnes et de ceux de
Marius et Quintillus, quelques pièces consulaires, et d'autres
que l'on n'a pu déterminer sont dans le cabinet du possesseur
de l'urne qui les renfermait. 11 a eu l'obligeance de nous fou rnir la plupart des renseignements que nous publions.
Deux meules à bras faisaient également partie de la trouvaille.
Ajoutons encore que l'on a trouvé, dans une autre localité
du territoire de Surice, six spatules en cuivre dont les manches
sont terminés par des figures en relief, et qui semblent dater
du moyen-âge.
Il est à regretter, en mentionnant des découvertes de celle
importance, d'avoir aussitôt à ajouter que le produit en est
dispersé daus les collections de plusieurs amateurs, souvent
étrangers. Espérons que, lorsque nolt'e Société Archéologique
sera mieux connue et mieux appréciée, elle deviendra le centre commun, oü, dans l'intérêt de la science, se réuniront,
classés par lieu de provenance, tous les objets d'antiquité recueillis dans la province de Namur.
Si, comme on l'assure, un camp romain a existé à Surice
48

-374-

dans l'endroil que nous avons indiqué, les recherches pour
constater cc fait ne deviendraient-elles pas bien plus faciles et
plus authentiques, si tous les éléments propres à résoudre la
question se trnuvaient rassemblés dans un même local accessible au public?
E. D. 1\1.
ANTIQUITÉS no11A1NEs nE NIVERLÉE. - Non loin de Surice, à
Niverlée, des ouvriers occupés à réparcr un chemin ont aussi
fait une importante découverte de œ~dailles, dans les premiers
jours du mois de novembre 1.849. En remuant un vieux tas de
pierres, ils ont brisé deux vases oü se trouvaient, dit-on,
f,5O0 pièces de monnaies de cuivre qui paraissent appartenir
toutes à la période romaine. Grâce à l'obligeance de l\l' le B00
de Pilleurs de Budingen cl de i\I< Ad net, cmé de l\lazée et
Ni\'erléc, la Société Archéologique est parvenue à se procurer
soixante-quatre petits bronzes dont \'Oici l'indication : 2 Galienus, 1 Salonina, 2 Victorinus, 26 Tetricus senior, 2
Tetricus junior, 5 Claudius gothicus, 26 incertaines.
E.D. 1'f.

DÉCOüVERTE D'AXTIQUITÉS ROllAIXES A DOURBES ET A VODELÉE, 1\1' Materne, curé d'Hermelon-sur-1\Icuse, a fait don à la Société
Archéologique de quelques pièces romaines trouvées à Dourbes, en 1848, dans les travaux du chemin de fer. Ce sont des
petits bronzes de Constantius l ét de Co11stantinus magnus.
li a transmis également deux grands bronzes d'Anto11ùms
pius et de Haclrianus, découverts à Vodelée. En faisant cet
obligeant envoi, l\I' l\lateme nous donne sur cette dernière
trouvaille des renseignements que nous croyons utile de consigner ici : « C'est par l'effet du hasard, écrit-il, que la tombe
» qui renfermait les pièces de Vodelée a été découverte. Elle
» était creusée dans le flanc d'un petit monticule, le long de la
i, route qui conduit de Givet à Vodelée. Une croûte de terre
» cuite, ayant la dureté et la consistance de nos briques, la
» recouvrait en guise de couvercle. Le retentissement que
» donna le bris de cette vofüe éveilla la curiosité ; on se hâta

- 375-

)) de fouiller et l'on trouva: 1° quatre urnes funérail'Cs, deux
» petites et deux grandes; celles-ci étaient mises entre les deux
» premières. Renfermaient-elles les cendres d'une famille dont

les enfants auraient été placés. à côté de leurs parents? Je
l'ignore. Toutefois, la dimension des urnes et leur disposition
» ne pourraient-elles pas autoriser cette conjecture? - 2" Des
fragments de bracelets en acier. - 5° Un stylet. - 4° Des
» médailles en assez grand nombre que les révélateurs de ce
» trésor ont jetées avec dédain après que leur pioche avide eut
» brisé les urnes. - De cette trouvaille, outre les deux mon» naies que je vous ai remises, mon ami, !Il• le Curé d'Agimont,
» possède encore : une des deux peLilcs urnes, dégradée il est
» vrai mais assez conscnée pour servir de spécimen, - un
» morceau du couvercle en terre, - enfin, un Nêron de petit
» module. Je tiendrai ces objets à votre disposition, si vous
» l'aimez..... Il n'est pas rare que, dans celte contrée, l'on
» trouve des monnaies romaines; à quelques pas de la tombe
» ci-dessus rappelée, on a recueilli plusieurs pièces en ar» gent ... Je ne finirai point cette lettre sans vous dire que je
» crois à l'existence d'un camp romain dans ces contrées, ou
tout au moins à une halte plus ou moins longue. La belle
» trouvaille faite l'an dernier (juin 1847) dans un hameau dé» pendant de Surice, à une lieue de Vodelée, me confirme dans
» mon opinion. Peut-être une perquisition amencrait-elle d'heu» reux résultats. »
Nous rappelons à M• Materne, l'offre qu'il a bien voulu nous
faire relativement aux antiquités de Vodelée dont il pounait
disposer, et nous le prions d'accepter nos remerciements. Nous
désirons vivement que son obligeance soit imitée par 1\IM. les
Curés de la province : ils sont tous à même de rendre bien des
services à l'étude de l' Archéologie.
J. B.
»
»

>)

l)

~IEULES GALLO-ROll.\ltŒS DE LA MARLAG'.'IE. Il est à regretter
que le défrichement de la belle et antique forêt de l\larlagnc ait
eu lieu avant la fondation de la Société Archéologique. Que de
précieuses trou milles sont pcut-~t rc passées inaperçues! On

- 376 y a, nous dit-on, découyert un assez bon nombre de monnaies.
!\lais 1\ quelle époque remontaient ces pièces? Dataient-elles de
la période romaine ou du moyen-âge; que sont-elles deYenucs?
C'est ce qu'on n'a pu nous préciser. Quant aux quelques monnaies qui nous sont tombées sous la main, elles appartenaient
aux règnes de Philippe-le-beau, d'Albert et d'Isabelle et de
Louis XIV.
Grâce aux soins de notre co-sociétaire 1\1' Henri Lambolle,
ainsi qu'aux recherches faites par ses frères, il est du moins
un point sur lequel les antiquaires pourront avoir tous leurs
apaisements. C'est que l'essartage, opéré dans les communes
de Wépion et de Bois-de-Villers a amené la découverte d'une
grande quantité de pelitcs meules de moulins à bras qui remontent à la période gallo-romaine. l\l' II. Lambotte a recueilli deux de ces objets qu'il a eu l'obligeance de déposer au
local de la Société. Ces meules, sont parfaitement intactes et
paraissent avoir été seulement dégrossies. L'une est plate, percée d'un trou rond dans le milieu et elle mesure 52 centim. clc
diamètre sur 7 à 8 d'épaisseur. La seconde a 28 cent. de diamètre sur 10 cenl. dans sa partie la plus étlaisse. Une de ses
faces est plate, l'autre présente un léger renflement clans le
milieu et les bords en sont un peu rele,•és. Ce sont là les premiers objets de ce genre qui ont été observés dans les environs
!le Namur, bien que sans doute on en ait maintes fois clécou,·crt de semblables.
J. B.
11AS-nE1.rnr DE WÉPJOX. - Un dessin exact de cc bas-relief,
dessin dû au crayon de 1\1' l'architecte Balat, a paru, il y a
quelques années, dans La Renaissance, accompagné d'une nolice signée A. B. L'auteur de cette notice considère le bas-relief
comme un monument de l'époque romaine. Soit qu'on se range
à son opinion, soit qu'on la rejette, on devra du moins conYCnir que c'est là un petit monument fort remarquable el digne
de la sollicitude des antiquaires. Le mur dans lequel il était
cnch,issé depuis un lemps immémorial a clù disparaître par
suite des tranmx exécutés, en 1847, :rn chemin de halage de

-

377 -

la Meuse. Le propriélaire de ce mur, 1\1• 1\laterne échevin de
la commune de Wépion, en a fait extrnirc soigneusement ce
reste curieux et en a fait don à la Société Archéologique de
Namur. Puisse le généreux exemple de 1\1' Matemc trouver des
imitateurs!
J. B.
HACHE CELTIQUE Df:COUVEI\TE DANS LA COMMUNE DE FL.\WINNE. -

Dans le courant de l'année dernière, un de nos sociétaires que
la mort nous a malheureusement enlevé, 1\1' Joseph Eloin, a
acquis une hache celtique en silex qu'un cultivateur des environs de Namur avait découverte dans son champ et qu'il avait
conservée à cause de sa forme bizarre. Ayant appris que cet
objet avait été trouYé lors du défrichement d'une partie de la
colline appelée la Boverie, commune de Flawinne, 1\1' Eloin
~e rendit SUI' cc tel'l'ain situé en face de l'abbaye de Salzinne,
et au milieu d'un tas de pierres retirées de la partie défrichée,
il découvrit plusieurs débris informes de poterie romaine parmi
lesquels il choisit u11 fragment de col de vase en terre rouge
qu'il s'est empressé de déposer avec la hache, dans la collectioo de notre Société.
J. B.
TUILES GALL0-1\0MAl;"<ïES TROUVÉES DA:-iS L.\ COMMUNE DE WALCOURT.

- En 1846, on a découvert dans la campagne de Baileux, a
environ deux. pieds de profonûeur, plusieurs tuiles en terre
rouge fort grossière, remontant à la période gallo-romaine. Le
propriétaire de ce terrain, l'1' le B0" de Pilleurs de Budingen,
a fait remettre à la Société Archéologique, une de ces Iuiles et
un fra gment d'une autre. La tuile qui est entière mesure 44
centimètres de long sur 55 de large; elle est plate el présente
un rebord sm chacun des longs côtés. Le fragment faisait
partie d'une tuile semblable; mais il a cela de particulier, que
sur le plat on lit en caractères romains : HMIS.; suit une
lellre c1ue nous n'avons pu déterminer avec certitude.
J. B.
r.\SE EN IlRO:'\ZE DÉCOU\'El\1' A 11.\MllMINE. - Voici un ohjet dont
je n'ose préciser l'àgc, hicn qu'il me paraisse plutôt appartenir

-

378 -

à la période gothique. C'est un vase en bronze trouvé, en 1846,
dans la campagne d'Hambraine (commune de Cortil-Wodon), a
environ un demi-pied sous terre. Ce vase, qui est admirablement conservé et d'une forme élégante, a 14 centimètres de
haulcur. Une anse joue dans deux !êtes humaines, d'un travail assez grossier et attachées au col <lu vase; le ventre fort
bombé est garni de deux becs terminés par une tête de serpent,
et placés à l'opposite l'un de l'autre. La Société Archéologique
s'est empressée <l'acquérir cet ustensile dont la découverte
lui avait été signalée par 1\1• le B'>" F. de Wœlmont.
J. B.
MONNAIES J\O)IAINES TJ\OUVÊES A DAl.: SE. - Il est peu de travaux
d'art, entrepris de nos joms, qui aient amené la découverte
d'autant de médailles romaines que ceux de la canalisation de
la Samb1·c, soit dans la traverse de Namur, soit dans les environs. i\lalhcurcusement toutes ces pièces ont été dispersées;
les collections d'amateurs s'en sont enrichies, mais la science
historique n'en a tiré aucune induction. C'est ce qui nous engage a revenir sur ces trouvailles déjà assez anciennes et cela à
l'occasion d'une dizaine de pièces romaines trouvées à cette
époque dans le lit de la Sambre, à Bause, commune de Malonne. Ces médailles qui avaient été conservées avec soin depuis lors, et que nous avons acquises pour la Société, consistent en un grand l)ronze d'lladrianus, et en un Consta11tius I ,
trois Licinius senior et cinq Co11slanlinus mag11us, tous petits
bronzes d'une assez belle conscn·ation. Ces indications tardives
sont, pensons-nous, toujours bonnes à enregistt·er.
F. E.
TROUVAILLE DE MONNAIES A AMÉE. - Dans le courant de l'été
de 1848, on a défriché le bois qui occupait une colline denièrc
les ruines de la chapelle d'Amée, commune de Dave. Ces tra,·aux ont amené la découverte de deux ou trois cents pièces de
monnaie en cuivre, lesquelles se trouvaient rassemblées en un
tas :-ous une souche d'arbre. Douze de ces pièces ont été

- 371J -

ùé11osées à la Société; nous en avons vu une trentaine d'autres; toutes sont du règne de Charles-Quinl. C'est une petite
pièce de monnaie fort commune à Namur. Elle porte d'un côté
un lion entouré d'un cordon, et de l'autre le buste de CharlesQuint avec la légende CAROLVS D. G. ROM. li\L HIS. R,
ou quelque autre semblable. Au dire du locataire du terrain,
les pièces que nous n'avons pas vues étaient les mêmes qut•
celle-ci, saur une seule. Quoique cette trouvaille soit assez
insignifiante, nous croyons de,·oir l'enregistrer ici, ne fùt-ct
que pour épargner des recherches inutiles ou peut-0trc des regrets aux investigateurs futurs.
J. B.
l\1O:',~AJES DRAUMiCO~ISES TnOUVÉES A "''E. -Au commencement
de février i849 , un ouvrier dérrichant dans la commune d'Yw
un bois nommé Fossé Raimbot1x et appartenant à .M' le Baron
de Cartier d'Yve, a trouyé un petit pot en grès en forme de bouteille, semblable à ceux dont les mineurs se ser\'cnt pour mettre de l'lmile quand ils descendent dans les bures. Il s'est empressé, comme d'habitude, de le briser pour savoir ce qu'il
contenait. Quel fut son étonnement d'en voh· sortir une quantité
de petites pièces d'argent, au nombre de 300, que je n'bésitr
I)as à attribuer au règne de /leuri III le ])t!bomiai1·e, duc de
Brabant (!248-1261 ). L'inventeur de cc trésor s'est hâté de 11,
vendre, au poids de l'argent, a un marchand ambulant qui
probablement l'aura fait fondre. J'ai cependant pu recueilli1
trois pièces, dont je m'empresse de faire hommage à la Société.

B00 D. P. D. B.
MONNAIES DU xv1• SIÉCLE DÉCOUVERTES A sl GERMAIN. lW le
13"0 de Pilleurs de Budingen a publié dans la Revue de la numismatique belge (tome V, p. 205), une note sur une découverte de monnaies faites en t848, dans la commune de S1 Germain, par M•Jlcnricol. Cc petit trésor enfoui vraisemblablement
sous Pllilippc li , se composait de 29 pièces d'argent du XVt•·
siècle, lesquelles appartiennent, pour la plupart, au règne de

-J80-

cc monarque. 1I s'en trouvait également de Robert de Bergh,
de Gerard de Groisbeck, de Philippe-le-Beau, de Maximilien II ,
de Ferdinand V et d'Isabelle, etc.
J. B.
FRAIS D'EXÉCUTION CI\DIINELLE AU XV" SIÈCLE. - Le lecteur curieux de connaitre les mœurs et les usages du bon vieux temps,
lira peut-être avec intérêt ce que coûtaient les exécutions criminelles au me siècle. J'ouvre le Registre aux plaids du château
de Namu1·, de U.86 à 15H (arch. prov .) et je prends au hasard
un exemple.
li s'agit d'un _criminel de lèse-majesté, condamné « à avoir
» la teste trenchée sur ung escbafîaulL en la place S1 Remy, et
» estre escartelé de ses membres comme traittre, et chacun
» d'iceulx estre mis et atachié à une potence à cbacune porte
» d'icelle ville. » Suit le détail des frais :
» Paié pour l'exécution au boureau.
. 6 obolez.
» Item, pour l'eschafîaut et la fachon.
. 20 solz.
» Hem, pour les quatre potences. .
. 20 »
» Item, pour gans, cousteaulx et cordes.
8 ))
» Item, pour le clerc, 1 obole, vaut. .
. 16 »
» Hem, aux sergens de ville qui ont assisté.
1 obole.
» Item, paié par ledit lieutenant ( du souverain
» baillage) au disner où il y avoil plusieurs notables
» personnes.
4 livres.
» 11cm, paié à ung brouetlier ou charcttier qui
» emmena les membres et potences aux portes.
4 sols.
J.-B.
LE PRINCE DES 0NGNo:xs. - Le compte de la ville de Namur,
de 1518, fol. 149 vc, mentionne une dépense de 12 sols faite
pour l'achat d'une chemise donnée au 11rince des 011gno11s
{oignons). Je croyais avoir mal déchiffré, lorsqu'au compte de
l'année suivante, fol. 12-i .. je lus : « Au ))l'ÎnCe des ongnons
» qui lui a esté donné pour luy aidier à avoir une paire de sor» lcit (soulier), 5 sols.» li est hors de doute que ce devait être
là un prince fort pauvre; mais encore, quelle était cette singulière ùignilé?
J. B.

'

LES GRANDS-MALADES.
(Suite. - V. page 331.)

V.

El d'abord, je puis avancer avec toute certitude que l'hospice des Grands-Malades était autrefois une léproserie et non
un lazaret pour les pestiférés, comme on le croit communément. C'est là, je le sais, une assertion qui va directement
à l'encontre de toutes les idées reçues; aussi ne sera-t-il pas
inutile d'en justifier au plus tôt la véracité, bien qu'elle ressorte suffisamment des faits consignés dans cette notice.
Pour toute l'époque antérieure au XV11° siècle, je ne pense
pas que l'on puisse élever le moindre doute. En effet, les
comptes et les autres documents de l'hospice qui parlent sans
cesse des haitiés et des ladres, ne disent mot ni de la peste, ni
des pestiférés, ni des précautions à prendre à leur égard. En
second lieu, on comprend que des personnes saines et des lépreux aient habité en même temps les Grands-1\falades; car cet
établissement se composait de plusieurs bâtiments et jardins
séparés les uns des autres, et l'on est autorisé à dire que les
lépreux avaient un quartier distinct 1• l\lais ce que l'on ne peut
admettre, c'est que des pestiférés aient été placés à côté de ces
• J'en donnerai plus loin des prem•es suffisantes.

/49



- 382-

prébendicrs qui avaient acquis, à prix d'argent, le droil de
résider pour la vie aux Grands-Malades.
Enfin, lous les documents de l'époque sont unanimes pour
désigner l'hospice comme une léproserie, et l'on y chercherait
vainement un passage qui autorisât à croire qu'il servait également aux pestiférés. Ainsi, au XVIe siècle, alors que la peste
est devenue pour ainsi dire endémique à Namur 1 , que les
comptes de ville nous donnent pour la première fois des détails précis sur ses ravages, que de nombreux et rigoureux édits
prescrivent les précautions à prendre contre la contagion 2 , il
n'e.st pas fait une seule fois mention des Grands-1\lalades. Tous
ces documents nous apprennent au contraire que l'hôpital S1Rocq, dont le nom seul indique la destination 3 , était spécialement affecté aux pestiférés, et que lorsque le nombre des victimes augmentait, on les plaçait dans des huttes construites,
soit en llerbattcs près de ce lazaret, soit dans les lfieu:r
abandonnés de la s1e Croix et de Salzinne 4 •



• Que l'on prenne au hasard un rlcs Comptes cle f!ille de la seconde
moitié du XVI• siecle; presque toujours on y trouvera une mention de la
1>cste. Je dirai, en passant, que ces comptes se servent indifféremment
des expressions, i11fection, maladie de pute, contaui01i, maladie cu,itauieuse, etc. Bien qu'ils ne désii;nent point la nature de celle maladie.
il est possible que ce n'était autre chose que la syphilis. ce nouveau 81:au.
alors dans Ioule sa force, s'était, parait-il , introduit en Europe dan~
les dernières années du XY• siècle, comme pour rem1>lacer la lèpre <1ui
commenç:iil à s'affaiblir 1>eu à peu. Il s'y répandit a1ec urie intensité incroyable • voya&eant avec les 1·enls el portanl parloul la désolation el la
• mort. • (Syphilis, poème, par Dat·thelemy). Je laisse à de plus habiles
<rue moi le soin de décider si celle hypothèse est fondée.
• Voy. notamment aux archives de la \' ille, le registre intitulé: Ordon11a>ices et 1mblicati01i1, 11164 à 1571.
3 S• Rocq el s• Sébastien étaient invoqués contre la peste.
4 Voy. les Comptes de f!ille du XH• siècle. C'esl ainsi qu'en 1578, on
établit un cimetière dans les prairits de Salzinnes, au-rlessus Iles briqueteries. De là, la dénomination de funrl tics morts donné à cet endroit.

-383 -

D'où provient donc l'erreur dans laquelle on est tombé relativement à l'ancienne destination des Grands-1\lalades? Je ne le
sais trop et n'en trouve d'autre raison que celle-ci : c'est qu'après l'entièr~ disparition de la peste et de la lèpre, le peuple
n'en ay~nt plus conservé qu'un souvenir cruel, mais peu précis, aura confondu ces deux horribles Iléaux.
Mais, m'objectera-t-on, n'est-il pas possible que lors d'une
des dernières pestes du XVII• siècle, la maladrerie étant alors
inoccupée, on ait converti l'hospice en lazaret ou du moins
enseveli des pestiférés dans ses jardins? Et à l'appui de cette
supposition, toute gratuite, on citera une tradition généralement répandue parmi les paysans des envirous. « Il y a deux
» cents ans, disent-ils, une peste cruelle ravagea Namur et
» principalement la rue S1 Jean; si bien que le cimetière pa» roissial étant devenu insuffisant, on creusa des fosses pro» fondes en divers endroits du jardin de l'hôpital et l'on y
» déposa plus de cent cadavres. C'est depuis lors que l'établisse» ment a été appelé les Grands-1\lalades. » Enfin on rappellera
aussi ce fait qu'a diverses reprises on a retiré de ces terrains
de nombreux ossements.
Eh! bien, celle hypothèse elle-même n'est guères admissible.
Si, au XVIIe siècle, les Grands-1\lalades étaient vides d'hospitaliers, du moins ils étaient occupés par des fermiers. Peut-on
supposer que la ville, qui avait tant de terrains vagues à sa disposition, aurait été s'emparer des bâtiments de l'hospice malgré
les clauses du bail, et place~ des pestiférés dans les jardins,
se privant ainsi pendant plusieurs années du produit assez important qu'elle · retirait de la location? Quant aux ossements
découverts dans le terrain de l'hospice, leur présence s'explique suffisamment sans qu'il soit besoin de recourir à toutes ces
suppositions. En ellet, le cimetière de la léproserie occupait le

,,

-384-

jardin qui se trouve derrière la chapelle 1 , et je laisse à
penser le nombre de cadavres qu'a dû recevoir cette terre depuis le milieu du xncsiècle.
La partie de l'hospice que n'occupaient point les bailiés
était donc destinée à ces malheureux incurables désignés
indifféremment sous les dénominations de mésiaux, ladres et
lépreux.

Les Namurois seuls étaient admis à l'hospice et on ne pouvait même leur en refuser l'entrée dès qu'ils se trouvaient bien
et duement convaincus de ladrerie 2 • Lorsqu'!m d'entre eux,
se sentant attaqué de la lèpre, voulait devenir frère des Grandsflfalades, il devait se présenter devant le curé de sa paroisse et
prouver qu'il observait religieusement les rites de l'Église Catholique 3 • Il choisissait ensuite deux ou trois de ses amis ou de
ses voisins, hommes ou femmes, et se rendait avec eux devant
l'échevinage. Là chacun de ces témoins attestait par serment
que le requérant était né à Namur et avait été tenu sur les
saints fonts de baptême dans l'une des quatre églises paroissiales de la cité 4 • Cette preuve fournie, le gouverneur des
• Compte G. 111.1700, fol. 8.
Ce <1ui le prouverait, à défaul même du tex le reproduit aux Am1exe,
sous Je no XI , c'est le passage suivant du Compte G. M. 1500, fol. 40.
" Aung nommé llacqu ino le roussea ladre natif de la ville de Namur paié
,, par ledit Gom•erneur, ():Il' ordon nance de Messieurs, pour ce qu'il pré• tendoil avoir le pain desdits malades , fu conlent, moyennant la somme
" de 30 palars, ~e soy depporlcr. •
Sur les admissions des lépreux, voy. ,f11ne:ces XI el XII.-Transpol'ts
1428 à 1436, fol. 375 v0 ; 1441 à 1445, fol. 120; 1445 à 1450, fol. 94 v•;
1450 à 1455, fol. 218; 1466 à 1460, fol. 20, v•. - Les extraits cités dans
une des notes suivantes.
3 C'est du moins ainsi que je comprends les mols « cl soy faire filz de
s•• Eglise,, qui se trouvcnl dans le texle de l'Atme:ce XI. Cela voud rait-il
dire peut-~lre que le lépreux dernil recevoir les sacremenls?
t, Annexes XI el XII. Les quatre éclises paroissiales étaient alors NolreDamc 011 s 1 :Uichel, S1 r.oup , S1 Jean -Baptiste et s, Jean Evangéliste.
2


-385-



Graods-Malades était mandé à son tour en présence du mayeur
et des échevins qui lui donnaient connaissance de cette première enquête. Lorsque le fait de la maladie était contesté et
que le requérant demandait à être examiné, on devait l'envoyer
aux rewards ou juges de_la léproserie de Cornillon 1 , accompagné des maîtres de l'hospice, et de l'un des frères, le tout à
ses frais. Quelquefois aussi l'échevinage, informé par la rumem·
publique, ou à la sollicitation des voisins ou d'autres bourgeois,
forçait l'individu suspect à subir l'épreuve des vi.siteul's ou visiteuses de Cornillon. Dans ce cas, si l'enquête prouvait que
celui-ci était sain, les frais incombaient à ceux qui avaient réclamé l'examen, et qui, avant de l'obtenir, avaient dû s'engager, le cas échéant, à en supporter les frais.
Telle était, paraît-il, la marche suivie primitivement; mais
dans la pratique des xv• et XVI• siècles, c'est toujours l'échevinage qui fait la police des lépreux 2 ; c'est lui seul aussi qui
St Nicolas , simple chapelle consacrée au XII• siècle el dépendant de la
collégiale Notre-Dame, ne-fut érigée en paroisse qu'au XVII• siècle. Cette
recherche du lieu de naissance entraînait quelquefois loin : " Hem , pour
» avoir esté par ledit gouverneur, avecAntl10ene el liubert frères hailiés,
,, auz lieu de Marche lescovelelle et de Gillmsée faire in<1uisition par l'or" donoance de justice, pour sçavoir où Jehan de Grimo , au présent frère
» mallade eir ladite maison , avoil esté natif, ... el aussi pour avoir par
» ledit lluhert signiffiés plusieurs tesmoins pour en venir dépozer au lieu
" de Namur... » Compte G. M. 1520, fol. 26 ,,0 • Voy. une note du chap.
111 ci-dessus.
• J'ai déjà mentionné cette circonstance au chap. III. Il est possible ,1ue
les r elir,ieux de Cornillon jouissaient d'un certain r enom dans la con nais·
sance du mal St Ladre. Sur ce fait, je ne trouve rien dans les histoires de
Liége.
• Il faut ,·oir une mesure de police dans les extraits suivants du Compte
C. N.1553, fol. 20 vo, dont je ne saisis pas cependant toute la portée :
• A quatre autres sergcns lesquelz , par ordonnance de mesdils sieurs fu• rent envoiez aux Graus-!llallades c1ue pour prendre et ap(Jréhenrlcr le
,, ladre de Jlaynau lors passant parmy la ville dont il fut faly ... 4 sols. "
- • A trois sergeos lesquclz encoires depuis ont esté al'CC le r,ouvcrnrur

I

- 386-

ordonne l'enquête, et les frais en sont supportés par la caisse
de la commune ou celle de l'hospice. Je citerai un exemple : en
!435, le mayeur et les échevins chargèrent un des élus, le
gouverneur des l'îlalades et un frère de cet établissement de
conduire à Cornillon sept personnes de la paroisse de NotreDame suspectes de lèpre. Ces dernières partirent accompagnées
de messire Waltier de Wasseige, pléban de la collégiale. Dé' clarées saines, elles revinrent à Namur et la commune paya
notamment aux rewards de Cornillon la somme de deux florins
du Rhin pour la visite de chaque suspect 1 • A partir de la seconde moilié du XVI• siècle, ce fut principalement à Louvain
que se fit l'examen des lépreux 2•
Ces formalités accomplies, et après que le gouverneur des
Grands-Malades en avait fait rapport aux élus, l'admission était
prononcée définitivement : le lépreux devenait prébendier à vie
sous certaines conditions. Ici je ne trouve plus, comme pour les
• et autres en son ayde de nuyl prendre prisonnier ledit ladre estant logié
., aux Grands-Mallades ... chacun 4 sols. • - Voy. les deux notes suivantes.
• Tratisports, 1428 à 1430,. fol. 375 v•. - Compte de ville, 1436 ,
fol. 32. - • Au rewars de Cornillon pour la visitation et rewa1·t <1u'ils
., fissent de VII personnes ... pour chacun d'eux li florins du Rien, ce sont
» XIV florins ... • Ibid. fol. 32 v•. - Idem 1456, fol. 84 vo. - Item ren• dut en alant à Cornillon à Liége du commandement le maïeur et eske" vins de Namur à cauze de messire Gille Uenoie et dele filbe Robiert
,, l'asket, assavoir audit lieu aux visenteurs et visentresses VI courones
" en or qui valent IX oboles X hiames. • Compte G. M. 1428, fol. 14. Ibid, fol.14. - Idem, 1565, fol. 24.
2
,, Item à Gregoire Burnet que l'on disoit eslre entaché de la lèpre luy
. ,, donné par ordonnance verbale de Messeir,neurs, 12 sols. o Compte G.
M.15G9, fol. 25 v•. - u'A Collart Briot, présent compteur, pour avoir
" par ordonnance de Mesdils Seigneurs mené le susdit Gregoire Burnet an
• lieu de Louvain à l'espreuvc... " - Uem pour par Lauren Werotle avoir
., esté à l'espreu1·e au lieu de Lou min luy donné 10 sols." - u Hem , pour
,, pour avoir fait ,·isiler iceluy Werolle 9 sols. " Ibidem, fol. 26. Ce der nier fut admis l:i même année à l'hospict>.

,



- 187 -

hailiés, l'obligation d'assigner une somme globale ou certaines

rentes pour le fond commun. Le nouvel hospitalier payait seulement, pour sa paste, un vieux gros à chaèun des frères ·et des
sœurs, deux au curé de l'hospice et autant au gouverneur. C'était là une espèce de droit d'entrée dont le trésor de la communauté ne profitait aucunement et qui servait sans doute à payer
les frais d'un repas de réception 1 • En outre, le lépreux devait garnir sa chambre des meubles nécessaires, savoir un lit
complet, des pots, pelles, écuelles d'étain, lot, demi-lot 2 ,
coussins, tables et escabeaux. Il ne prenait point part aux distributions d'argent et de vivres aussi longtemps qu'il ne s'était
procuré cet ameublement. Toutefois , l'échevinage, sur l'avis
des maîtres et des experts, pouvait, lorsqu'il s'agissait d'un indigent, le dispenser de ces divers frais. Enfin le lépreux était
couduit aux Grands-Malades par le curé de sa paroisse portant
la croix et l'eau bénite 3 • Là, s'accomplissait sans doute une
lugubre cérémonie dans le genr~ de celle que le savant l\fonteil
a décrite en ces termes :
« Le lépreux, revêtu d'un drap mortuaire, attendait au bas
» de l'escalier. Le clergé de sa paroisse est venu en procession
» le prendre et l'a conduit à l'église. Là était préparée une cha» pelle ardente, dans laquelle il a été placé. On lui a chanté les
» prières des morts; on lui a fait les aspersions et les encen» sements ordinaires. Il a été ensuite mené par le pont S1 Ladre
» hors de la ville, à la maisonnette qu'il doit occuper.»
« Arrivé à la porte, au-dessus de laquelle était placée une
» petite cloche surmontée d'une croix, le lépreux, avant de
1
Ce qui le prouve, c'est qu'on ne trouve aucune mention de ce past
dans les recettes de l'hospice.
2 Lot, demi-lot, mesures de liqu ides.
3 Annexe XI.



-388-

)) dépouiller son habit, s'est mis à genoux. Le curé lui a fail
un discours touchant, l'a exhorté à la patience, lui a rappelé
» les tribulations de Jésus-Christ, lui a montré au-dessus de
» sa tête, prêt à le recevoir, le ciel, séjour de ceux qui ont été
» affiigés sur la terre, où ne seront ni malades ni lépreux, où tous
» seront éternellement sains, éternellement purs, éternellement
» heureux. Ensuite ce jeune infortuné à ôté son habit, mis sa tar» ta relie <le ladre, pris sa cliquette pour qu'à l'avenir tout le monde
>> ait à fuir devant lui. Alors le eu.ré, d'une voix forte, lui a pro» noncé en ces.termes les défenses prescrites par le rituel :
» Je te défends de sortir sans ton habit de ladre.
» Je te défends de sorlil' nu-pieds.
» Je te défends de passer par des ruelles étroites.
» Je te défends de parler àquèlqu'un lorsqu'il sera sous le vent.
» Je te défends d'aller dans aucune église, dans aucun mou» Lier, dans aucune foire, dans aucun marché, dans aucune
» réunion d'hommes quelconqtie.
» Je te défends de boire et de laver tes mains, soit dans une
» fontaine, soit dans une rivière.
» Je te défends de manier aucune marchandise avant de
» l'avoir achetée.
» Je te défends de toucher les enfants; je te défends de leur
» rien donner.
» Je te défends enfin d'habiter avec tout autre femme que la
» tienne.
» Ensuite le prêtre lui a donné son pied à baiser, lui a jeté
» une pelletée de terre sur la tête, et, après avo~r fermé la
>) porte, l'a recommandé aux prières des assistants : tout le
» monde s'est retiré• 1 ».
»

, MONTEIL. Rist. des Français des divera états, XI"9• siècle, ep. VI.
ce récit s'accorde avec cc que disent les auteurs de l'Encyclopéclie , et

..

Î.

-M9-

lci, deux questions se présentent. - Les frères ladres
étaient-ils déchus de leurs droits civils et politiques? - Quel
était le régime auquel ils étaient assujettis dans l'intérieur ùe la
communauté?
En général les lépreux perdaient certains droits civils, du
moins aussi longtemps que durait leur maladie; mais il n'y
avai~ rien de bien fixe à cet égard, chaque ville, pour ainsi
dire, possédant sa législation 1iarliculière. Je n'ai pas ici à entreprendre la solution de cette question envisagée d'une manière générale; je devrais seulement exposer, d'après les sources
locales, la condilion des ladres à l'hospice des Grands-1\Jalades.
i\Jalbeureusement les données nécessaires me manquent, et la
raison en est que la Coutume de Namur, ainsi que les Décrets
synodaux, tous rédigés après la disparition de la lèpre, ne
nous fournissent aucun renseignement sur la condition des
lépreux. En fait de législation namuroise, je n'ai rencontré jusqu'ici que le document inséré aux Annexes (n° XI) lequel est
muet à cet égard. Tout ce que je puis dire , c'est que parmi les
nombreux titres de propriété qui me sont tombés sous la main
dans ces dernières années, je n'en ai trouvé aucun qui fût fait
par un lépreux ou à son profit. En outre, un fait suffisamment
prouvé par l'examen des comptes de l'hospice, c'est qu'arrivant
le décès d'un frère ladre ses biens meubles appartenaient à la
communauté qui les faisait vendre aux enchères, en présence
des élus de la ville et des confrères 1 ; mais en revanche, elle
avec le rituel de l'église de Trèves comme on le voit par le curieux extrait
inséré par M• de Rt:iffenherg, aux Bulletins de l'Acad. tome XI . 1. 401.
•Voy.Comptes G. M. passim. Je me contenterai , comme toujours, ,le
citer un ou deux exemples. " Hem rechul des biens Ma1·oe de Dinant,
» sereur malade, qui ful lrouvet aprez son décèz tant en argent comme
» en biens meublez ,•end us en le présenche des frèrez el dez sereurs de
• ladite maison , 24 obz. » Compte G. /1/. 1415, fol. 8 v0 • - • • • ,, rcceu . ..

50

r

- 390-

pourvoyait aux frais de ses funé1'ailles 1• Ne pourrait-on pas
inférer de là que les ladres, une fois entrés à l'hospice, ne possédaient plus rien en propre et ne pouvaient disposer de leurs
meubles? S'il en était ainsi, comme celte faculté de disposer
des meubles était une des prérogatives de la bourgeoisie 2 il
faudrait également admettre que le ladre perdait sa qualité de
bourgeois, et, par conséquent, les droits civils et politiques
attachés à cette qualité. Je serais assez tenté de croire que les
frères ladres étaient assimilés aux gens de main-morte, el que,
comme les membres des communautés religieuses, ils conservaient seulement le droit d'intervenir dans les affaires qui intéressaient la communauté toute entière. En effet, si nous consultons les actes de l'hospice, nous voyons les transports de
biens, les baux, etc., avenus par devant l'échevinage du gré et
consentement des frères et sœurs haitiés et malades 3 • Que 5i
ces derniers n'assistent pas à l'audition des comptes annuels,
c'est que leur maladie les excluait de toute réunion d'hommes
sains.
• des hiens meubles dcmoureis de feu Gillechon de Bulley jadis frère
• malade •Je ladite maison, qui onl esté vendus par baston en présence
» des éleus de la ville ... 7 obz, 37 heaumes, 4 wihos demi.,, Compte
• G. 111. 1454, fol. 24 v•.
• « A Jehan du Sart le tourneur pour un vaisial de hos ... pour mettre et
,, ensevelier Gillcchon de Bulley jadis, 21 heaumes. • - "Au recteur de
• ladite maison Iles Maladez pour avoir fait le service dudit Gillechon , 18
,, heaumes. " - " A Jehan le fosson pour avoir fait le fosse ou ledit Gil" lechon dt mis en terre, 12 heaumes.,, - ... pour deux chandeillez de
,, chire mises sur le vaisel dudit Gillechon... 6 heaumes . ., Compte G. 111.
1454, fol. 32.
• En vertu du droit de fonno,·tttre le comte s'emparait de lous les biens
meubles du manant de Namur qui mourait non hour&l'ois, à moins toutefois que celui-ci ne fût marié. Dans ce cas, la moitié des meubles seulement appartenait au sou\·erain, l'autre moitié ainsi que toutes les dettes
revenaient à l'époux survivant.
3 Voy. un exemple à l'Annexe rx.

-

~

891 -

Quant au régime intérieur auquel les frères malades étaient
assujett.is, on possède plus de renseignements.
En premier lieu, les ladres étaient séquestrés dans l'intérieur
de l'établissement 1; mais cette séquestration cessait naturellement lorsqu'ils recouvraient la santé 2 • Hors de là, il semble
qu'ils ne pouvaient en sortir qu'en s'expatriant 3• Lorsqu'ils
étaient mariés, leurs conjoints et leurs enfants ne pouvaient y
vivre avec eux, sous peine de bannissement 4 • Toutefois je rencontre à ce sujet un cas tout-à-fait exceptionnel qui se présenta
en 1.454. Une femme saine mariée à un ladre habitant l'hospice
avait sollicité la permission d'aller demeurer près de son mari
« pour luy aidier en ses besoignes, Yeu la povreté et !llaladic
» dont il estoit chargé. » :Malgré son beau dévouem~nt, il est
probable que cette malheureuse au·rait essuyé un refus si elle
n'avait eu des vrotections, comme on le dit de nos jours, et
comme on le disait aussi au xv• siècle, ca1· il n'y a rien de nouveau sous le soleil. L'échevinage déclara donc qu'en considération du comte et de la comtesse de Porcien, il accordait à la
requérante le pain et la provende des Grands-1\Ialadcs, à la
seule condition d'y rester sequestrée pour la vie; mais il eut soin
de stipuler que cette concession était faite « de grâce et mie de
• C'est ce <1ui résulle assez clairement cle tout le présent chapitre.
2 Je vois dans un des comptes du XVI• siècle , (la date m'est échappée),
un frère malade guéri, devenir aussitôt frère baitié.
3 • A Annechon de Porines sœur mallade paié, en ensuivant l'a1lpoin" lement et 01·donnance de Messeigneurs, 5 ka roius pour le terme de la
,. s, Jellan, cl ce à cause qu'elle s'éloil expatriée avec son ma1·y cl ne de• voit plus rclhourner ne travaillicr la maison ... • Compte G. Al. 1533,
fol. \_9 vo.
4 • A l'espeuze Henry des Chiens résidente auxdils Grands-Mallades luy
~ a esté accordé affin qu'elle, avecq ses enffans, eui sl il se retirer de son.,, dil mary infecté audit llospital de la lè111·e, à paiue de bannissement , rl
" <1ue luy a cslé a111lara11! par awoslille el ordonnance sur rc<tttêle du 12•
• de mai 69... 4 lines. " Compte G. JU. 150:l, fol. 28.

- 30'2-

droil, » c'esl-à-dire qu'elle ne pounail préjudicier, pour l'avenir, aux r~gles établies 1 •
Les lépreux habitaient' aux Grands-Malades un bâtiment séparé où chacun d'eux possédait une chambre 2 • Comme les haitiés, ils avaient une meskine chargée exclusivement de leur
service et qui elle-môme occu1lait une petite maison à part 3•
Ils possédaient également une office 4 , une étable pour leurs
vaches 5 , et un jardin distincts 6 • Enfin, on avait élevé, dans la
chapelle, un oratoire construit en planches où ils assistaient
au service divin 7 • Comme on le voit, toutes les précautions
étaient prises pour emptcher le contact des ladres avec les haiLiés; mais à part ces précautions qu'on ne poussait pas au point
d'aggraver leur situation déjà assez pénible, il est certain que
la séquestration des lépreux n'avait rien de rigoureu:\ 8 •
»

• Transport,, 1455 à 1450 , rot. 153 vo.
• Ant1e:rc XI. - Cumpte G. M. passim. De la comparaison du Compte
1512, fol.3 eL43avccccluidc 1~13 ,J}assim , il semble résulter que lehà-

limcnl destiné aux lépreux se trouvait du coté des rochers cl se com1losaiL
de trois petites maisons joignant les unes aux autres. Ces maisons furent
1econslruitcs en 1512,el on établit dans leur 11artie supérieure un lag11cr,
011 hticher, où l'on mcllail le bois de chauffa1;e destiné aux malades.
3 Celle pelltc maisou fuL éi;alemcnt construite en 1512.Elle se composait
tic deux chambres, l'une au rez-de-chaussée, l'autre à l'étage. Compte C .
.Il. 1512, fol. 37.
Le Compte de 1538, fol. 25. mentionne une dé1icnse faile • pour plomher l'huys de la prison. • A ,,uoi servait celle [)rison?
4 Les Complu G. Jl/. parlent à di1·crses reprises de • la dcsrense des
ladres;,. nolammenl 1512, fol. 30 , o.
5 Compte, G. M. 1511, fol. 30. - 1577, fol. 41 1•.
6 Compte G. nr. 1577 , fol. 41 v•. Je crois reconnaitre cc terrain tl.in,
la partie JJlus élc,ée du jardin c111i se trouve entre la chapelle t'l les rochcrb.
1 A Jehau le carpenlicr qu'il a déli\ ré aud1l gouverneur pour faire l'o,. ratoire des ladres cslanl au moustirr d'ictuh malades ... O plances dl!
,. 10 piclz ... 4 JlOSleaux de 7 pielz ... 10 J)lanc!'S rondes de Il pielz .. . ,,
Compte G. Ill 1000, fol. 157 1°. Yoy. aussi un art. suiv. du même com11Lc.
8 C'1·st ainsi que je trou\\'. for! rarement tout~foi;. des fr~res ladrt~

- 393 -

On a vu qu'à son entrée à l'hospice, le frère ladre devait
meubler sa chambre; mais une fois celle dépense faite, tous
les frais d'entretien incombaient à la communauté. Celle-ci
fournissait notamment le pesat (paille ou cosses de pois) pour
les paillasses, les couvertures et les draps de lit, les pots,
cuveaux, chaudrons, pelles et autres ustensiles nécessaires à
l'usage des malades 1 • C'étaient là tous avantages. dont ne
jouissaient pas les haitiés; nouvelle preuve, à mon avis, que les
lépreux ne possédaient plus rien en propre du moment oit ils
entraient à l'hospice. Quant à leurs habillements, comme je n'en
ai trouvé aucul)e mention dans les comptes de la maladrerie,
il est probable que les ladres y pourvoyaient eux-mêmes au
moyen des distributions en àrgent et en nature dont il me reste
à parler.

Dans l'origine, les malades fouissaient d'une pension égale
à celle des haitiés , c·est-à-dire, que chaque frère 'recevail
douze muids d'épeautre par an et sept wihots par mois; chaque
sœur, neuf muids d'épeautre et six wihots. Ils avaient aussi
comme e~x quatre cordes et demie de bois de chauffage et une
semblable part dans le produit net de la Pitance 2 • Mais la condition des ladres fut bien améliorée dans la suite, et en ceci,
je crois que l'on eut égard à leur état maladif et à celle considération que ne possédant rien, ils ne pouvaient, comme les
haitiés, subvenir• par eux-mêmes à cc que leur régime alimentaire avait de défectueux.
Dans les premières années du XVI0 siècle, on commença
d'abord par donner aux sœurs ladres douze muids d'cpeautre
employés à des lravaux de jardinage el de démolition dans l'intérieur de
l'élablissemenl. Voy. Compte G. 111. 1512 , fol. 3, et 1565 , fol. \!ij. v•.
'Compte G. M. passim; notammenl 1415, fol.11 v•; 1516, fol. 33 v•;
1575, f. 38 v•. Presque chaque Compte mentionne dcsacltals ,d e celle nature.
'Voy. cc que j'ai dit plus haut en parlant des haitiés.

..

-394 -

comme aux frères '; cl cinquanle ans plus tard on haussa d'un
wihoL les distribulions mensuelles en argent qu'elles recevaient
pour " les pollaiges 2 ».
Par ordonnance du 28 décembre 15f6, le magislrat augmenta de la manière suivante la pitance ordinaire des ladres.
A partir de cette année, chacun d'eux, sans distinction de
sexe, reçut par an un setier de fèves; par semaine, une livre
de lard; à chacune des vingt-sept fêtes de l'année un demi lot
de vin de Buley et une chandelle de suif de seize en la livre.
A chacun de ces vingt-sept jamats, on leur distribua en outre
deux patars ou sols qui devaient servir « pour eux récréer en» semble 3 ».
Enfin, vers 1553, on payait tous les samedis, à chacun deux,
trois patars « pour subvenir à sa nourriture 4 ». Toutes ces
distributions avaient lieu tantôt en nature tantôt en argent.
Vers 1571 elles furent définitivement réduites en une pension
annuelle de trente-six livres huit sols pour chacun, pension qui
leur fut payée 11 raison de quatorze sols par semaine; on continua cependant à leur distribuer en nature, outre cette somme,
une partie de l'épeautre et du bois de chauffage 5 , ainsi que
• Compte G. M. 1516 et 1520.
• Idem , 1!S75.
l Idem, 1516 et 1553. On voit par ces détails que les lépreux ne suivaient aucun régime alimentaire.
4 Idem, 1533, 1554.
s • Aux freres et sœnrs ma\ladcs de ladite maison leur al l'Slé payé
., comme es comptes précédens sçavoir pour sept wiholz par mois el aul., lres sill wihots pour estre converliz en pois, portant 14 heaumez (lar
., an ,111e ,allent 4 sols 8 deniers. El en lit•u d'une libvre de lard qu'ils
• al"oient par scpmainc à chacun I sol G deniers portant par an 3 libnes
" 18 sols. Av,•cque encoire trois soli: qu'ilz aroicnl en arr,enl var sep" maine portant 1iar an 7 libvrcs 1G solz. cl vingl sept jamalz à chacun
" demy pol de \in esli mé a trois gros le pot que porte par an 20 solz
" 4 deniei-s. F.l pour 24 chandelles de scieu 4 solz et pour ncufz muyds

-

395 -

ùeux setiers d'épeautre dont on avait augmenté leur prébende
mens!-'ellc, par ordonnance du mois d'avril 1574 1 •
Oulre les distributions accordées sur les fonds de l'établissement et sur les biens de la Pitance, les malades profitaient
encore exclusivement du produit de quelques legs faits à leur
profit par des personnes charitables 2 • Il y avait aussi cette
différeuce entre eux et les hailiés, qu'ils recevaient assez fréquemment ce qu'on appellerait de nos jours des doucettl's; c'étaient des quartiers de mouton le jour de la Noël, des portions
de veau la veille de Pâques, des fèves, des épices et du vin 3 •
,,
,,
.,
,,

.

d'espeaultes prins hors de douze qu'ilz avoicnt aussy chacun an leur ont
esté réduictz à 40 sols le muyd porte chacun an 18 lihvres, el les aullres
trois leur ont esté paiez en nature dont ci après en sera faicle despence.
El pour chacune charée de lainr,nes prinses hors de neufz 11u'ils avoient
0
leur at esté reduicti à 15 solz et les aullres ont esté payées en nalure
., comme sertit aussy ci après faict mises. Et pour les pitances qu'ilz sol,, loient avoir portant contre Je maistre et recteur de ladite maison il
n chacun par an 4 lihl'res 10 solz; revenantes toutes lesdites 11arties pour
• l'an enlier à 06 libvres 8 solz, à raison de quoy leur at esté délivrez cha• cune sepmainc quatorze solz. • Compte G. lll. 1578, fol. 56 vo. - Dans
celle réduction ne fii;urent point deux distrihulions dont j'ai parlé plus
haut: elles avaient disparu avant celte époque. Quant aux ne1tfcha1-rées
de laingne, cela doit s'entendre pour deux hospitaliers, comme d:ios les
comptes précédents.
• Compte G. Al. 1577, fol. 41 ,·o.
• Parmi ces lei;s je sii;nalerai celui de Jehan Honoré qui donnait 16 sols
par an à partai;er enlre tous les malad~s, et un aulre de Jeban Lodcnoet
qui leur allouait chaque année un sclier de pois, à partai;er de la mt:me
manière. Ces rentes se payèrent pendant loni;temps. 'Voy. Comptes G. ill.
1555 el 1565.
3 Voy. Comptes G. 111. passim.• A Jehenne le cu\'elier, ladre, luy a
~ esté déli~ré· par ledit gouverneur par ordonnance de Messeigneurs, en
• char, vin et espices pour elle aidier entretenir oullre son ordinair'e,
" con'Sidéré sa nécessité, pour six mois, 40 heaumes 1 wihot demi. •
Compte 1509, fol. 43. - • ... un pot de vin tlonné aux ladres le jour de
• la Magdaleine, patronessc de la chapelle... • Compte 1530. - " ... ï
,, quartiers de chaire de veaulx que les sept ladres et Beautrix Huart ont
• heu à Pasques, payé 28 solz. • Co111ptc, 1554, fol. 4i \'O. - " ... pour

- 396-

J'ai déjà dit que les ladres avaient leur jardin et leurs vaches.
Vers 1577 le bétail fut vendu et le jardin loué; mais en échange
du laitage et des fruits dont ils avaient joui jusqu'alors, chacun
d'eux. reçut trois florins 1 •
Toutes ces sommes suffisaient-elles pour entretenir convenablement chaque prébendier? On doit le supposer, puisque
parmi les distributions dont je viens de parler, il en est qui
pourraient passer à la rigueur· pour du superflu. Et cependant,
si l'un de ceux qui reposent aux Grands-Malades pouvait renaître de ses cendres, il serait sans doute étrangement surpris
en voyant le bien-être dont jouissent nos hospitaliers de St
Gilles. Il y a peu de temps encore, je faisais cette réflexion en
parcourant ces salles vastes et aérées où trois cents personnes
vivent trnnquilles à l'abri du besoin qui les tourment.ait naguères. Admirant ces soins empressés qui les entourent, la propreté, l'ordre qui règnent dans tout l'établissement et qui font
tant d'honneur à l'Administration des hospices, je me disais
que cette administration, anti-archéologique s'il en fût jamais,
rachetait amplement ce léger travers. Revenons au xve siècle.
De ce que j'ai dit, on concluera que la position des ladres
était aussi douce qu'elle pouvait l'être avec leur affreuse maladie. Lorsqu'enfin le mal atteignait son plus haut. période, que
" 4 setiers de febvres pour les mallades en nombre de quallre. u ... ,, Achaplé ung veau enlier pour les quallre mallades qui· est à chacun
• 1 quartier qui leur a esté délivré la nuycle de Pasc1uP.s." Compte 1565,
fol. 25 v0 •
• .... auxdils mallades pour el çn r~-eompenses de laictries et douceur
,, qu'ils avoienl ci-devant venant de leurs vaches el jardins qu'ils tenoienl,
• qui onl esté vendues el reniluz à stiellc, payé à chacun 5 florins, selon
• que ayec eulx a esté conveou et accordé, el pour ce que par ordonnance
" sur requelle en date du dernier d'apvril 1574 l 'on leur auroil r ehaussé
» leur prébende en grains de 2 setiers par mois ... » Compte G. 111. 1571 ,
fol. 41 y o .

-397-

lc lépreux voyait approcher le terme de ses souffrances, la mes~ine était là qui lui prodiguait ses soins empressés 1 , tandis
que le vénérable curé de l'hospice lui montrait, au sortir tle
cette vallée de larmes, le ciel séjour de ceux qui ont été afll.igés
sur la terre, où, ne seront ni malades , ni lépreux, où tous seront éternellement sains, éternellement purs, éternellement he111·eux.
A partir des premières années du xvesiècle jusque dans la
seconde moitié du XVIe, les frères ladres fu!'ent ordinairement
au nombre de quatre à cinq 2 • Il est probable que la communauté ne pouvait en entretenir davantage, et tel est sans doute
le motif de l'exclusion rigoureuse des étrangers, ainsi que des
épreuves nombreuses que l'on devait subir avant d'être admis
à la l\Jaladrerie. C'était là, en effet, un nombre bien restreint
en présence d'un fléau qui faisait tant de victimes, qui ne respectai-t ni le clerc ni le bourgeois, ni la dame ni le messire 3 •
Bien que la lèpre eût perdu notablement de son intensité dans la
seconde moitié du XVIe siècle, la communauté des Grands1\Jalacles entretenait encore quatre ladres en HS68 et trois en
1575. Je n'en trouve plus que deux en Hi77. En 1578 il y avait
pour tout habitant une sœur malade qui mourut dans le courant de l'année. Le Compte de 1594 mentionne un Jehan de
• A lui seul, l'cxlrai l suivant prouve avec qnette douceur tes malades
étaient traités : " A Marlinetle, en son vivant seure mallades, pour du
» vin el des espices le pendant de sa malladie, 18 heaumes. » Co111pt11
G. M. 1521, fol. 51 v•. - Voy. aussi un article semblable, au même folio .
• Antiexe XIV.
3 Il est à remarquer que tes Comptes <le l'hospice el les Transports de
la lrattte cou,· de Namur mentionnent assez fréquemment 11armi les frè -

res ladres, des gens qualifiés de ,lame el de messire. Le premier titre
ne se donna il qu'aux femmes nobles; quant au second il s•appliquail également à ta noblesse el au clergé. On trouvera plusieurs prêtres à la co,lonne d'Obsert1atio11s de l'Annexe XIV.

ol



-

,308 -

Marneffe lépreux, et sa femme ùont on ne désigne pas l'('tal
sanitaire 1 • Ces deux époux moururent à la Maladrerie et )
laissèrent un fils qui fut entretenu comme suspect de lèpre,
depuis 1600 jusqu'en i607 2 • Cc fut là le dernier malbeurem.
secouru par l'hospice, car la lèpre était devenue un cas exceptionnel. Aussi , les auditeurs du compte de :1607, fatigués sans
doute de retrou,·cr chaque année au chapitre des dépenses, une
distribution mensuelle de six setiers d'épeautre en faveur de cc
suspect, décidèrent qu'il serait « mené à Liége ou à Louvain
,. pour cstre visité et rapporté attestation de cc que seroil
• jugé par l('s maitres à ce commis 3 ». Peu d'années après
on supprima la servante chargée de « tenir les clefs de
• la Catterie pour y héberger et recernir les ladres pas• sagiers '•.
A propos de Catterie, quelle est l'étymologie de notre mot
Cati? Si l'on consulte Philippe .lfou.~kes 5 on Yoit q~c dans l'origine ce terme se prenait en fort mauvaise parl. Cathier cl
bou9re étaient des épithètes insultantes que l'on donnait aux
Albigeois. On appela Cathiers, au XII• siècle, certains hérétiques de la ville de Stade (diocèse de Brême) connus aussi sous
• Annexe XIV.

Compte, G. M. et c,-and h6pital réltni&,

1!SIJ4 et 1600.

• • Au filz J ehan de 'Marneffe mort lcprcu aullil Grand-Malades, lequel
• par eslre aussy suspect de lèpre cl illccq drmouré orJlhenin de père et
• de mère, :it esté accordé sept sols par sema111e... • Compte G. 11/. tt
C. li., 1600. - Voy. aussi 1602 cl 1605.
3 Compte G. M. 1607, fol. 55.
4 Le r,age de la ser1·ante des malades figure déjà pour mémoire au
Compte de 1015. , ·oy. aus~i le Compte de 16:!I, fol. 2ll \'0 •
s Ch,·o,iiquc de Plli/lppe ,llous~es, publiée par M• le llaron de Reiffenh~rG, JI , tsll!S el suiv. lexle el note. Quant à •Ja significalion fin mol
f>,my,-c, le lecteur ,outlra bien me permellre de le renvoyer à R0Quuo11T,
au mol bulgare.

-399-

lc nom de Stadings. Le naïf chroniqueur que je viens d'tl citer
décrit leurs erreurs de la manière suivante:
Ausi li petit corn li grant
Par nuit ensanble conviersoient
» En I celier, et là siervoient
» L'anemi en wise de kat,
» Par vilain plait et par barat.
» Lor venoit et dont le baisoien1
» Emmi le cul, et puis al oient
» Tot ensanble communalment
» Homes et femes laidement;
» Ni avoit serour ne cousine
» C'on espargnast à cel tiermine.
«

>>

»

De ce qu'ils adoraient le diable (l'anemi) sous la forme d'un
chat (kat) ces « mescreant, dit Phil. l\louskes, furent nommet
« kalier. » On organisa contre eux une c1·oisade, et on en tua
quelque trois mille. D'autres hérétiques, qui furent brûlés un
peu plus tard, à Douai, Cambrai, etc., reçurent également les
noms de Caliers et bougres 1 • Enfin , une chanson liégeoise appelle Kati les prédicateurs protestants qui vinrent prêcher la
réforme à Liége au XVII0 siècle 2 • l\lais, à coup sûr, l'expression n'avait plus la même valeur à cette époque, car déjà au
xvesiècle, les comptes du Grand hôpital de Namur désignent
les hospitaliers sous le nom de Katiers, et je me rappelle avoir
lu dans un compte communal du siècle suivant le même mot
pris dans le sens de cocquin; or dans la langue du moyen-âge ,
ce dernier terme est synonyme de gueux , mencliant. L'étymologie de Philip1le l\Iouskes me paraît préférable à toute autre,
j'en demande bien pardon à nos braves hospitaliers de si Gilles.
• Philippe illouske.• , li. 611 .

• Cha1iso11s et poésies wall. publ. par B. el D, p. 11.

-

IOO -

YI.

l\lainlenant que j'ai expliqué de mon mieux la condition des
hospitaliers des Grands-Malades, il est nécessaire que nous
examinions ce qu'on appellerait de nos jours le z1erso1mel de
L'administration. Mes lecteurs m'en voudraient certainement si
je ne leur en disais au moins quelques mots.
Venait d'abord le gouverneur ou maitre qui remplissait tout
:\ la fois les fonctions de directeur, de receveur et de secrétaire,
et résidait probablement à l'hospice. Ses émoluments annuels
étaient de dix muids d'épeautre el de quatre cordes et demie de
bois de chauffage, le tout sans préjudice de ses frais de voyages
sur lesquels il ne perdait probablement pas, et des petites gratifications extraordinaires qu'on lui accordait lors de la reddition des comptes 1 • Pour la tenue des escriptures il était ordinairement aidé par un clerc qui recevait, pour faire deux doubles
du compte annuel, quatre muids d'épeautre, plus, quelque gratification en grain et vin le jour de la reddition de ce compte 2 .
Plus Lard, dans les premières années du XVIe siècle, la manie
tl'écrivailler commençant à se faire jour, il y eut définitivement
un clerc cles Gmnds-Malacles. Jehao Doulen qui cumulait cet
emploi avec celui de clerc des Elus, en HH6, rece\'ait celle
année quatre muids d'épeautre « pour ses gaiges d'cscripre cl
• doubler les préseus comptes, les cmbriernres, etc.,• une obole
pour ses émoluments ordinaires, cl douze heaumes « pour
• Comples C. M.tlu À\'• siècle, nolammcnl 1451, fol. O. 27.
, Comptes C. 1'J. clu X\• siècle. notamment 14 l!i, fol. 5, 5 1•, 16.

-401-

encre et papier, » ou frais de bureau, comme vous les appelez vous autres modernes; le tout encore saus préjudice d'une
somme de deux oboles à partager avec le gouverneur « pour
» frais et despeus faits en faisant, jettant_ et sommant les
» comptes 1 ».
Il y eut aussi un nouvel emploi créé au XVI0 siècle, c'est
celui d'avocat et pensionnaire de la Maison des Gmml-s-iJialades.
Jehan Castaigne qui occupait cette cha1·ge en 1o65 recevait
quarante sols « pour ses gaiges ordinaires de vacquer et en» tendre aux affaires de ladite maison touttefois que requis en
» est 2 ». De vrai, ce n'était pas trop, car on commençait à
71laidoyer de tout cœur, et les av-0cats (les pal'liers, comme on
disait naïvement au siècle précédent) avaient fort à faire.
Un prêtre appelé vestit ( investitus), curé, chapelain ou
1·ecteitr des Grands-1\Jalatles était chargé du service religieux.
Il recevait par année vingt-quatre muids <l'épeautre, quatre
cordes et demie de bois de chauffage et quatorze heauml'.lS.
Outre les droits accoutumés de funérailles, il percevait encore
cinq muids d'épeautre pour célébrer, chaque semaine, une
messe fondée dans la cllapelle par le frère Jehan de l'tlonceau.
Dans la suite d'autres fondations remplacèrent celle-ci. Comme
on le voit le vestit n'était pas le plus mal partagé 3 • Il est probable qu'il eut, du moius à diverses époques, sa résidence
dans l'établissement 4 • A partir du commencement du XVII<
siècle, son traitement annuel fut fixé à soixante livres, plus
»

• Comptes G. Ill. du XVI• siècle, nolammeut 1516, fol.10 Y•, 18 \ 0 ,58 )·•.
• Compte G. !tl. 1565, fol. 21 v• et C. suivants.
3 Idem. 1513, fol. 4 v• 5, 1 l. Idem 1454 , fol. 32. Idem 1451, fol. 9,
V• et 27.
4 Le Compte de 1520 , fol. 26, fait mention de la maiso11 dt~ presbre.
uans les dernières aunees le curé occupait les deux chambres qui se trou vent à l'étage du bâtiment placé à droite de la po1·te d'entrée.

14

1

1

- /402 -

qualre livres pour « le luminaire, les hosties et le vin néces» sa ires pour célébrer la messe» et sept livres pour sa provision
<le bois de chauffage, lorsqu'on ne la lui fournissait pas en
nature 1 •
Un marlier ou sacristain dont les émoluments étaient d'un
muid d'épeautre, aidait le curé dans ses fonctions 2 • Ce modeste emploi était souvent rempli par un des frères hailiés de
l'hospice 3 •
Enfin deux meskinnes ou servantes chargées, l'une du i;er~ice des malades, l'autre de celui des hailiés, recevaient dans
l'origine chacune six muids d'épeautre et huit moutons de Brabant, sans compter leur denier à Dieu 4 • Dans la seconde moitié du XV• siècle, leurs gages furent augmentés de trois griffons et soixante heaumes 5 •
Vi l.

Au XV• siècle et jusque dans la seconde moitié du XVl•, le
nombre des hospitaliers des Grands-1\Ialades varia de huit à
quinze, tant hommes que femmes, tant malades que haitiés,
mais ces derniers dans une proportion plus forte et souvent
double des ladres 6 •
• Comptes G.111. des XVII• cl X\'111• si~clcs, notamment 1607, fol. 20 vo.
• lilem.1415 , fol 5 voet 1451, fol. O.
3 Idem. 1506, fol. 13.
4 • ... pour les denier Dieu des denz meskinnez. Xlll wihos. " Co11111te
G. M. 1415 , fol. 12. - • Item rendut ale mcskinne des hailiés pour so n
• service cl solaire, CXX heaumes .... aile meskinnc des malades pour son
" sen•ice el solaire cesli ann~c, CXX heaumes. " Ibid. fol. 12 ,•o. - Ibid.
fol. 4 vo. - /bill. 1451 , fol. O.
s Compte C. M. 147 1, fol. 24 , ...
s ,t1111exc XI r.

,

-/40J-

Les hospitaliers n'avaient point seuls parl aux bienfaits de
l'établissem~nl. Les pauvres ladres passans, c'est-à-dire, les
malheureux que rongeait la lèpre et auxquels leur qualité d'étrangers ne permettait pas d'être admis définitivement à la
Maladrerie, y trouvaient au moins, après une pénible roule,
un abri hospitalier pour une nuit, pour quelques jours peulêtre, car l'huiche <les passans n'était jamais close. Après s'être
ms repoussés partout avec horreur, combien devaient leur paraître doux ce repas frugal, qu'ils prenaient à la lueur d'un feu
pétillant, cette couche de paille et de cosses de pois dressée
dans le dortoir des ladres et sur laquelle ils reposaient, entrC;
deux draps bien blancs, leurs membres souffreteux et fatigués 1•
Cette hospitalité accordée momentanément aux malades
étrangers était sans doute une obligat\on imposée 11 la.communauté par ses fondateurs 2 • Elle fut loyalement exercée, et
• Principalement à partir de la seconde moitié du XV• siècle, les com11tes de l'hospice mentionnent des achats de bois de chauffage, d'huile, <li'
pois, de sel, de chandelles, de paille, etc., pour les ladres passa ns. J'en citerai
quelques extraits au hasard : • A ung slier de poix pour les ladres passans
• 7 palars, a 3 livres d'olle 3 palars, a 3 livres de chandeilli>s 4 palars. t>l
., a une quarte de sel 1 patar, font ensemble 1 oh.,, Co11ipte G. Ill. 151G .
• fol. 35. - • ... lincheulx pour les mallades passans... • Compte 1521.
- • ... six couiller de ceuvre pour les passans ... 3 heaumes.• Compte 1516.
roi. 23 ,·o. - " ... pesat mis es lits du clortoir des ladres passant... •
Compte 15-30.- • ... pour les eslrangiers ladres passans pour leurs teignes
u rl feu ordonné à avoir en la dite maison, 5 cordes de Jainr,ne .•. "
Compte 1:'138. - • Item pour jarbes de pesal pour les couches des ladre~
,, passant. .. !) sols.,, Compte 1554, fol. 17. - Voy. Comptes 1484, 1415.
1451, 1502, 1511, 1513. 1516, fol. 35, 1568. - Le Compte de 1512 mPntionne égalt:ment" les eslahleries des ladres passans •; je ne sais trop cr.
qu'il faut entendre par là.
• • Qui al csteit paiet tant au recteur de ladite maison, comme aux cen» deillez et seil des povrez ladres trespassans cnsi que faire se doit, selon
,, le contenu del Calende de ladite maison, espeaulle 4 slirrs. ., Compte
G. 11/. 1451, fol.14 ,·•. - La léproserie de Gand, destinée exclusivement

- 404-

jusque ùans les premières années du xvnesiècle, même après
la disparition du dernier frère ladre, on conserva pendant quelque temps encore la servante chargée de recevoir et de soigner
les lépreux passagers 1•
D'autres malheureux étaien~ également secourus par l'hospice. Au xv1~siècle, on le voit, assez fréquemment, allouer
diverses sommes parfois m·ême des secours annuels à des orphelins, à de pauvres veuves, à des ouvriers blessés, à des
ménages indigents ou décimés par la poste. C'est ainsi, par
exemple, que le compte de Hi54, cette année calamiteuse qui fut
marquée par l'invasion 'de Henri II dans les Pays-Bas, mentionne
une somme de vingt-un carolus, deux sols dépensée en bienfaits de cette nature 2 •

Pour subvenir à ces dépenses l'hospice devait posséder d'assez amples ressources. Elle les puisait en effet dans cet esprit
de bienfaisance que l'on rencontrait alors dans tous les rangs
de la société et qui forme un singulier contraste avec les crimes
de ce bon vieux temps qui fut en réalité l'époque de la dépravation la plus profonde. Chacun tenait à honneur de voir figurer
son nom dans un obituatre de paroisse ou dans un sommier
d'hôpital, et peu de personnes aisées mouraient sans faire
quelque legs ~1 l'église ou aux établissements de bienfaisance.
A côté de la disposition testamentaire par laquelle un noble
baron ou un riche chanoine assurait le sort de sa concubine
et de ses bâtards, ou en trouvait une autre qui avait les
aux bourr,eois de celle ville, recevait aussi des lépreux voyageurs. Ceux-ci
avaient le droit d'y Jor,er pendant deux ou trois jours dans un appartement qui leur l\tail parliculièremenl destiné. D1ERTCX, Jllémofres .•m· la
ville de Gand, 1. 579.
• Compte G. M.1015.
• Compte G. M. <lu XV I• siècle, el notamment ceux de 1502; 1510 .
fol. 23 v•, 35; 1538; 1554. fol. 13, 14, 17; 1508.

-405-

malheureux pour objet. Aussi l'hospice des Grands-Malades
s'enrichit-il rapidement, et nous le trouvons au XV• siècle
amplement doté de tenes et de rentes de toute espèce 1 •
On peut du reste juger de l'ét.at des ressources des GrandsMalades par le tableau de ses recettes et de ses dépenses que
l'on trouvera à la suite de celle notice. On y verra notamment
qne, dans les premières années du XV• siècle, les recettes de
l'hôpital étaient égales au 7° de celles de la ville de Namur 2 •
En examinant ce tableau, on s'appercevra que ces receLtes allè·
rent en s'amoindrissant, malgré la disparition complète des hospitaliers à la fin du XVJ• siècle 3 • Cc fait exige quelques explications.
Si, d'une part, il n'y avait plus d'hospitaliers à entretenir,
d'autre part aussi l'établisseme(\t n'acquérait plus de nouvelles
asse11nes. Or cos sommes, d'abofd à peu près improductives
par suite de l'obligation où l'hospice se trouvait de pourvoir à
l'entretien des haitiés qui les avaient payées pour leur admission,
tournaient entièrement à son profit à la mort rle ces derniers.
C'était là une première cause de diminution dans les ressources; ce ne fut point la seule.
Tànt que dura la nécessité d'avoir une léproserie aux portes
de la ville, Tes donations des personnes charitables vinrent en
aide à l'établissement; mais ces dons diminuèrent à mesure que
la lèpre alla s'affaiblissant peu à peu pour disparaître bientôt
de nos contrées.
, Voyez, par exemple, le volumineux Répe,-toi1·e de 1573.

• Annexe X/Il.
3 Pour se rendre com11te de celle diminution réelle, il faut considérer :
10 que la valeur de l'arr;enl diminuait de jour en jour; 2o que le défi cil
causé par celle diminution était réparé en partie par l'au&menlation successive du prix des i111me11hles; 3o que le honi des comptes était employé
eo achal de nouvelles rentes; t>nfin, 11u'à partir de la fiu du XVI• siècle, les
comples dont je donne le résultat à l'Annexe XI11 comprennent IPs recfttes des Grands-Malades, de la Pitance el de la Table des pauHes réunis.

0~

- -406 -

Une dépense qui n'existait pas dans le princi1le et qui se renouvela fort fréquemment à parlir du XVIe siècle, fut le paiement des aides extraordinaires accordées au souverain 1 •
Enfin, les guerres atroces qui désolèrent notre pays à la
même époque durent également faire éprouver bien des pertes
it l'hospice 2 • C'est ainsi qu'en 1554, Henri II ayant envahi la
province, Charles-Quint vint asseoir son camp sur les hauteurs
de Bouges. Or, c'étaient de terribles pillards que ces valeureuses bandes d'aventuriers wallons, allemands, espagnols et
italiens, alors à la solde du grand empereur, et la Maladrerie ne tarda pas à se ressentit de leur voisinage. Les
terres de Ponty essuyèrent de cruels ravages, et la ferme ellemême fut entièrement dévastée 3 • Puis arrivèrent les guerres
de religion, et Dic\1 sait les n'ombreux désastres que nous aurions à enregistrer si nous pouvions examiner, année par année, les comptes de cette époque 4 •
• En 1516, la part de l'hospice dans l'aide est de 1o0 lines de 40 irros
monnaie de Flandre la lil"re.
, On peut se former une faible idée de l'effroyable tableau que les PaysBas présentaient à celte époque par les divers édits émanés de nos souverains , nola1ument celui cle Philippe II du dernier octobre 15117. Coutmne
de Namut·, p. 22.
3 « A esté payé au censier de Ponty par ordonnance de Messieurs sicqufs
• en prestes pour C<!,USe de ce qu'il avoit enthièrement perdu sa despouylle
" de la maison de Ponty despouillié par les gens de ghuerre du camp de
• !'Empereur aians campé à Bourres l'espace de 11 jours enlhiers au mois
" de jullet..... 70 karolus. • èompte G. M. 1554, fol. 20. - Au fol. suivanl on trouve un chapitre enlier consacré aux dépenses « en groz ou• vraigcs allenlhour de la maison et cense de Ponty aiant esté quasy
• du tout arruynée par les irens de ghuerre du camp de !'Emper eur aians
• campé au lieu de Bo uges l'espace de onze jours au mois de jullet 1554• •
Cc chap. présente un total de 245 carolus, 14 sols, 1 denier, et nous donne
le motif du surcroit de dépense que l'on remarquera au compte de 1554 ,
Ami.exe X/li.
·
4 Voy. notamment Compte G. 111. f584, passim.

--407-

Mais la principale cause de la décadence des Grands-Malades
étail que sa fortune consistait surtout en une multitude de
redevances la plupart fort minimes.
Les rentes à charge de l'hospice étaient payées exactement;
mais il n'en était pas de même de celles qui lui étaient dues.
Après un certain laps de temps, ces dernières finirent par
s'éteindre soit par suite de l'insolvabilité des débiteurs, soit par
la destruction ou l'abandon de l'immeuble offert pour hypothèque, ou co11trepan, comme on le disait alors 1 • Quant à
celles qui continuèrent à subsister, elles furent réduites presque à rien par suite de la diminution énorme du prix de l'argent. L'hospice aurait donc été ruiné s'il n'avait possédé quelques biens-fonds. Le revenu de ces biens-fon<ls , d'abord
insignifiant au 'X.v siècle, s'accrut successivement à mesure
que les immeubles augmentaient de valeur, vint contrebalancer
en partie les pertes que l'hospice essuyait d'autre part, et finit
par constituer sa principale ressource. En veut-on un exemple?
Prenons la ferme de Ponty. Cette propriété qui, en 151.6, produisait un fermage de 82 muids d'épeautre, c'est-à-dire, emiron
le 1.2° des recettes de l'hospice 2 , était louée H00 florins en
i79i et formait par conséquent alors plus de la moitié du revenu de cet établissement 3 •
0

• Yoy. le cu rieux diplôme de Philippe-le-non, en date du 14 mars 1464 ,
let1uel fut confirmé par Charles-Quint, le 15 mars 1515. Coutume tic
Namur, édil. 105~, p. 1. - Le Compte G 11/. 1474 mentionne les renies
perdues depuis un certain laps de temps , la ph111arl par suite de ce qu'on
ne savait où Maicnl les conlreJ)ans. J'y remar11ue d'abord 17 renies fo1·manl un lolal de 10 muids d't\pcaulrc, plus ~ 32 communs cens gisans
,, aval le ville de Namur• monlanl à la sonuue de 1>67 sols 18 deniers.
• Cellt> année le muiJ d'épeautre se vendait environ 12 palars; l'obole
,Je Jlollande , monnaie de compte, valait 16 palars. J,a recette de l'année.
si l'on opère la réduction des grains d'après ces bases, esl de 740 oboles
de Hollande.
1 Voy. Atme:re Xl//. Encore la ccmc de Ponty était-elle déj~ 1ie11t•

- 408 -

vm.
Ie viens de dire que, dès le XV• siècle, la l\laladrerie était
amplement dotée de biens et de rentes de toute nature. Il
importe de ne rien avancer à la légère.
La fortune de cet établissement, comme celle des autres
communautés civiles ou religieuses, consistait en biens-fonds,
en quelques dîmes et surtout en une multitude de rentes foncières en grains, en argent, en vins ou en chapons, la plupart
fort minimes, cont1·epan11ées sur des immeubles situés dans
toute l'étendue du comté.
Retrouver l'origine de ces rentes serait chose souvent impossible tant elles remontaient à une époque reculée. On peut
s'en convaincre par l'examen du Sommier de 1575 lequel n'est
en· grande partie qu'un renouvellement de deux autres Illus
anciens intitulés Répertoife de blan cufr et Registre en parchemin 1 • l\lalg1·é les recherches qu'il a faites pour établir
l'origine et le taux des redevances de l'hospice, l'auteur n'a pu
retrouver aucun titre antérieur à 1559 et il en cite fort peu
pour le XIV• siècle. On voit que ces titres avaient disparu et
que les cens se payaient en vertu d'une possession immémoriale.
être réduite en 1701, comme elle l'est maintenant, à environ 85 honniers
(y compris ses dépendances), tandis qu'au XV• siècle elle en comprenait 147. Si l'hos1lice existait encore de nos jours, la proportion serait
bien plus forte. En effet, le fermarrc de la cense de Ponty qui était de
3100 francs en 1810, monte actuellement à 12,204 francs. Quant aux
Gra11ds-lllalades proprement dits, ils ont été aliénés, il y a quelques années, pom· 44,410 fr.
• Ces deux manuscrits sont perdus.

-

409 -

Ainsi donc au XVI• siècle et probablement aussi au XV•,
(car le Répertofre de blan cui,· remontait à cette époque) la communauté qui y était directement intéressée ne pouvait déjà plus
expliquer l'origine d'une grande partie des rentes qui lui étaient
dues. Qu'on juge d'après cela de la possibilité d'y parvenir de
nos jours. Il est toutefois un fait qui ressort de l'examen des
comptes de l'hospice, c'est qu'une bonne parlie de ces biens
provenait des assennes, c'est-à-dire des sommes données par
les haitiés et ùes rentes constituées par eux, afin d'obtenir leur
admission à l'hospice.
Quant aux immeubles ils étaient assez nombreux. C'étaient,
pour la plupart, de petites maisons ou des parcelles de terrain
dont le détail serait trop long et que la communauté donnait
ordiq;ürement en a,·rentement héritable à <!es particuliers.
Parmi ces immeubles je signalerai le moulin des IJfalades
situé sur le Hoyoul entre Hastimoulin et 8' Servais. Il appartenait déjà à l'hospice en t539, et ou l'appela au XV• siècle le
moulin blalevé parce qu'il était tenu alors en accence hétilable
par Jeban l\Ialevé 1 • Une autre moulin, appelé le moulin Tattrenial (tavemial ou taverneau), fut adjugé à l'hQ..Spice pour dé- .
faut de paiement de cens le 28 mai t580, et remis en accense
le même jour pour une rente de 7 muids d'épeautre. Ce moulin
se trouvait également sur le Hoyoul, mais près de la l\feuse et
en face de l'église des frères mineurs de Namur. En i462, on
en payait une rente de trois florins d'or 2 •
Au nombre de ces propriétés il faut aussi ranger les (alises de
Herbattes, dont une partie est maintenant connue sous le nom
de Carrières des Grands-1\Ialades. L'exploitation de ces carrières
• Répe,·t. tie 11173, fol 42. Compte G. Jll. 1431 , fol. 9.

Trnmpo1·ts , 1428 à 1456, fol. 88. -


, ~ctes de 1380 , 1401 el 1462, a,·ch. lies G. Jll.

- 410-

paraît remonter au moins au XIV•sièclc 1; mais j'ignore si l'hospice en était déjà propriétaire à cette époque. Le 7 juin UH6 « lo
» roche des Grans-1\lallades fut rendue à Jado Fontaine » pour
le terme de huit années, moyennant un fermage annuel de deux
11orins 2 • Le f6 octobre HS22 le bail fut renouvelé pour le
terme de douze années; le fermage était alors de quatrn mailles
ou soixante-quatre patars, et Jado s'engageait« à faire et livrer
>> à la chapelle des l\Iallades les piers de tailles pour faire une
» wairier de la valeur de six llorins pour une fois à payer s_ »
Je trouve qu'en 1621 une des carrières était affermée pour quatre florins dix sols, et une autre avec un petit jardin pour
vingt livres 4 • Le 29 octobre 1691, « certaine fali§e située aux
» Grands-Malades » fut louée pour le terme de neuf ans ,
moyennant une redevance annuelle de sept florins 5 • Enfin un
siècle plus tard, « la carrière des Grands-1\lalades » ful affermée pour le terme de douze années, à partir du 1er mars 1785.
Le locataire, Nicolas François Dufcr, en rendait annuellement
soixante écus, plus une fournitu re de pierres d'une valeur de
cinq norins 6 •
Lorsque l'hospice eut perdu sa destination primitive, on
songea également à en reliror tout le profit possible. Déjà,
vers i577 on avait loué le jardin des ladres; en 1578 on mit
• Les {alises de Herhattes sonl mentionnées dans diverses pièces du
14• siècle el notamment dans un diplôme oric:inal de Guillaume I du
22 août 1391 (arcb. comm. hoile 9). A proprement parler (alise signifiait
une montagne , un rocher élevé. Par extension, à Namur il désignait une

carrière. En wallon morlerne le mol falije n'a pas d'autre sens, el c'est
de la meme manière q ue l'on doit traduire le mol {alise usité dans nos
anciens actes. Je pourrais en citer de nombre uses preuves.
> Compte G. M. 1516, fol. 22 ,•o.
3 At·c/1. G. JII.
't Compte G. 111. 1621 , fol. 13. 23.
• Idem 10\l2. fol . 11
6 1"e111. 1701 .

,·o.



-4ll -

également en location quatre chambres de l'établissement 1
Dès les premières années du XVII• siècle, les jardins et les bâtiments {à l'exception de la chapelle) étaient a~ermés 2 , et en
16US « une maison et le grand jardin des 1\falades » rapportaient
un loyer annuel de cinquante livres 3 • Si maintenant nous ouvrons le compte de l'hospice de 1692, nous y trouYons les renseignements suiyants qui nous expqsent assez bien l'état des
immeubles du vieil hospice 4 :
« i 0 Le grand jardin des Malades situez par deça l'hermitage
1
li de S Hubert avec ses édifices et bâtimens qui sont joindant
)> les deux costez de la porte et entrée, vers ledit jardin ",
loués pour un fermage annuel de . . . . . 95 norias.
o: 2° La maison faisante le coin·g proche le jar» din d'Olivet située aux Grands-Malades, arec un
')
» petit jardin y joignant où il y a une vignoble,
» ensemble une petitte place proche les est.ables»;
au fermage annuel de . . . . . . . .
20 florins.
« 3° La maison siluée au devant de la chapelle
» faisan te le coing avec un jardin, joindan t à la
» falise de S1 Nicolas, que l'on ùit des ladres, et
» au rieu »; au fermage annuel de .
8 llorins.
l 4° Les étableries étantes aux Grands-1\Jalades,
» avec le grand jardin par delà allant vers S1 Ilu» bert ùu !oing de la rivière»; au fermage annuel
de . . . . . . . .
20 florins.
Total. . . 143 florins.
• Compte G. 111.1577 el 1578.
• Idem 1605.
3 Idem. 1621. fol. 13.
4 /,lem. 1692. fol.10 vo 1t el 11 v0 •

Au compte de 1791, on voit que
" la maison dite la chapelle el le petit jarrlin y attenant,,, étaient loués
pour 42 ffor. par an.

-

41'2 -

Parmi les propriétés de l'hospice, il en est une que je dois
signaler tout particulièrement et qui était comme le joyau de sa .
couronne; je veux parler de la ferme de Ponty. o:. Il y a fort
)) longs tamps, dit l'auteur du Répertoire de io75, que ladite
cense et cheruaigcs appartient à la maison des Grands-1\la» Jades ,et ue y at nulle Jeures espécial dont icelle vient appar» tenir auxdits Malades 1 • » Je ne suis pas plus avancé que lui
sur l'origine de cette acquisition; je me contenterai de dire que
la ferme de Ponty appartenait déjà à l'hospice en 1.570 et qu'elle
comprenait plus de cent quarante-sept bonniers de ·terres de
toute nature, comme on le voit par un mesurage de 1.41.5 2 •
On trouvera à la suite de ce travail 3 un bail de la maison et
bouverie de Ponty avenu le f er avril 1.416. Je voudrais analyser
ici cette pièce fort curieuse, mais je me suis déjà peut-être, au
gré du lecteur, étendu trop longuement sur tous ces détails.
Je me contenterai donc de faire remarquer la forme dans
laquel\e ce bail est conclu: les deux élus de l'année, en même
temps maîtres des Grands-1\lalaùes, se présentent devant l'échevinage et déclarent que du gré et consentement des frères et
sœurs haitiés et malades, ils ont donné à loyal ttescens, pour
le terme de douze années, la maison de Ponty avec ses terres,
ses prés et ses bois. La redevance annuelle est fixée à 80 muids
>)

• Repe,·t. de 1573, fol. 38.
• Ibidem. - En tête de ce répertoire se trouve le mesuracre de 1415.
Les biens sont divisés de la manière suivante :
La saison des bleds comprend. . 51 bonniers el demi el 31 \'erges.
Pièces de marsa&es.
. . . . 27 bonniers, 1 journal el 50 vercres.
Pièces à jussière. . . . . . 30 bonniers, 1 journal et H ,•ercres.
Trieu, bois et raspaillc aux fossés de Walhaing. . . . • . . 34 honniers.
Maison, tenure eljardin de Ponty. 3 bonniers.
Bois en <li vers lieux. • • . . 21 honniers.
3 All11$!r:e IX.

-

413 -

<l'épeautre. A la suite de ce bail je place un diplôme du 4
février 14f9 par lequel le comte Jean III, modifiant ccrlaios
articles de la charte octroyée par son père aux villages de Vedrin
et de Frizet, diminue, en faveur des fermiers de Ponty, le
mont.ant des amendes qu'ils devaient payer lorsque leurs bestiaux élaient tr~mvés sur les comognes ou paturages de ces deux
villages 1 •
Les coDdilions énoncées dans le bail de 1416 se retrouvent
en grande
partie dans deux autres baux de 1509 et 1522, el la
,
redevance en épeautre est toujours la même 2 • Au compte
de t692 , celte redevance n'est plus que de 52 muids 3 ;
mais en revanche, un siècle plus tard, à partir de t788, la
location de la ferme de Ponty rapportait une somme annuelle
de 1,iOO florins 4 •
IX.
r

Avant d'aborder la partie purement archéologique de celte
notice, je décrirai les dernières vicissi~udcs de la vieille maladrerie.
De ce qùe j'ai dit plus haut, on peut conclure que dans les
dernières années du XVI• siècle l'hospice des Grands-Malades
avait à peu près perdu son caractère primitif, en attendant que
la disparition du dernier lépreux permît de le convertir définitivement en une espèce de ferme.
• Annexe X.
• Compte G. 111. 1516, fol. O. - Acte de 1522, a,·chfo. G. Ill.
3 Compte G. M. 1002, fol. 22. Celle année est celle du siér,e de Namur,

par Louis XI V, el la ferme ful peul-être dévastée.
4 Idem. 1701.



08

- 414 -

Avec le temps, d'autres changements s'étaient aussi accomplis. Jusqu'en t542 , le gouverneur de l'bospice, nommé par
les élus, rendait compte de sa gestion en présence du souverain bailli ou de son lieutenant, du mayeur et des échevins,
des jurés, des élus et des frères et sœurs haitiés. A parlir de
l'année suivante, ces derniers n'intervinrent plus dans l'audition des comptes annuels, et c'est vers la même époque qu'on
ne les voit plus également figurer dans les actes. Cet état de
choses dura jusqu'en Ui70. Alors un autre changement s'opéra:
la direction de l'hospice fut confiée au premier maître de la
Charité des pauvres de la ville de Namur, lequel rendait compte
aux mayeur, échevins et bourgmestre« suivant les ordonnances
• contenues en l'érection de la Charité, ordonnances faites par
» le Magistrat du consentement du spuverain bailli et d'après
» l'avis del'~vêque etdu conseil provincial.» Enfin, par suite d'un
« accord conclule25janvier f576 entre le gouverneur de la pro» vince etlel\Iagistrat d'une part, l'évêque d'autre part,» ces trois
autorités nommèrent conjointement le maître de l'hospice, lequel
présentait son compte annuel soit à eux, soit à leurs délégués 1•
A partir de la fin du XVII0 siècle, les comptes de l'hospice
n'otfrent plus guères de" renseignements ut\lcs. Aux chapitres
des dépenses figurent les émoluments du curé et les frais d'entretien des bâtiments; le reste consiste dans le paiement des
rentes dues par l'hospice. Il est à présumer que l'excédant
•Voy.ce qui se trouve en tête et à la fin des comptes de l'hospicii, no•
tammentceux de 1542, 1543, 1569, 1571, 1!,72 el 1574,-;-Je ne sais
quel est le contenu de cet accord du 23 janvier 1570; il y a probablement
là quelque conBit de juridiction entre l'autorité civile et l'autorité épiscopale, celle dernière s'étayant des décrets du concile de Trente qui donnent
aux évêques le droit de visiter les hôpitaux cl cte conlrôl er les comptes.
Si celle pièce était connue, elle expliquerait clairement, ce que je ne puis
faire , les chanr,emenls opérés dans la direction de l'hospice.

-

410 -

des recettes de la maladrerie fut dès lors appliqué aux besoins
du Grand Hôpital.
'
Bien qu'il n'y eût plus d'hospice, la chapelle continua à subsister comme temple et faillit même devenir le siége d'une paroisse vers le milieu du xvne siècle. On conserve une longue
enquête faite à cette époque sur l'état des églises du diocèse
de Namur, en vertu d'une commission de l'évêque, par Melchior Leroy chanoine gradué de la cathédrale. L'examinateur
s'étend assez longuement sur la paroisse de Notre-Dame 1 •
« Cette paroisse, dit-il, renferme au moins 6,000 commu» niants dans la ville, sans compter les suburbains qui sont
• mal instruits dans la religion catholique. En effet, une
• grande partie d;entre eux habite Bouges, situé à une demie
» lieue de Namur et même plus, si l'on prend en considérntion
• les difficultés du chemin et la fermeture de la plupart des
» portes de la ville. li y a dans cc village une chapelle conve• nable desservie les dimanches et les jours de fêtes par un
» chapelain de la collégiale Notre-Dame, mais il n'instruit pas
» et de là provient cette grande ignorance. Il serait cependant
• facile d'apporter remède à cet état de choses : il suft1rait de
» s'entendre avec la collégiale et le l\Iagistrat et d'obtenir qu'ils
» consentissent à unir deux bénéfices, savoir celui de Bouges
» dont la collation apparlienl à la première, el un autre, dé» pendant du Magistrat, situé dans }a léproserie appelée vu!» gairement les Grands-1\lalades .. A l'aide de cette réunion, on
11 érigerait une paroisse dans ce dernier endroit, ou, mieux
, Yisitalio1ws pastorMumn diœcesis na11mrcct1sis factœ par a1wos
1662-1660, fol. 217. Ce manusc. des arch. prov. que je recommande aux
amateurs de slalislique ancienne, conlienl de précieux détails sur l'état
des écliscs, leurs rcS$Ources, leur ameublement, les écoles tenues par les
curés , le nomhre des raroissicm. etc.

-4 16-

encore, dans la chapelle S1 Fiacre en llerbattes, laquelle est
• assez propre à cet usage. Alors, au lieu d'un hermile qui s')
• trou\'e on 1>ourrait y placer un sacristain jouissant des mêmes
» droits, à l'exception toutefois des aumônes qui seules por• tent ces hommes ineptes et adonnés à l'oisiveté à se faire her11 mites. Aussi ferait-il une bonne œuvre l'évêque qui les
• expulserait de son diocèse, car ils ne respirent que la glou• tonnerie, au grand scandale de la robe longue 1 • ,
Co projet n'eut pas de suite. Il en fut de même d'un autre
qui se fit jour en t755 : par décision du iO fénier de cette année, le Magistrat avait en effet résolu d'aliéner la léproserie
pour une somme de i0,000 florins , et ù'alfecter le produit de
cette vente à l'établissement d'une maison de force 2 • Le
bénéfice des Grands-1\lalades continua à rester à la collation du
Magistrat jusqu'à la fin de la domination aut,•ichienne, et la
somme de quatre-vingt florins figure aux com1)tes de cette
époque, pour les émoluments du curé 3 • Vint ensuite la
loi du i6 ,endémiaire an V qui attribuait aux aôministralions
municipales la surveillance immédiate des IJospices civils établis dans leur arrondissement , et l<:ur prescri\ait de nommer
à cet effet une commission composée de cinq membres.
Par suite de cette disposition, les biens dépendant autrefois
des Grands-Malades furent définiti\emcnt annexés à ceux cru
Grand Hôpi tal. La vieillc_léproserie devint alors une espèce de
»

1 I.e texte est mieux : • Unde mar,num opus facerel episcopus <1 ui illo~
• e:.lerminarcl , quia nihil aliml redolenl quam çcusiam et i;ulam cum
• scantlalo tocn' talaris. ,, L'auleur, du reste, n'aime pas les hcrmiles el
les traite rutlemenl. • La pl uparl des hermites, lrop nombreux ,Jans le
" dioet'sc, sont plutôt un ohjel de scandale <111'ufl exemple,• dit-il ailleurs.
• /m;c11tairo ile,, 7>ièroa et liassca civiles 1h, 18• siéclc, fol. 305 , aux
~rch. de la ~ill<'.
3 Résol11tio1u 1/11 1/ot1istrat . J , tiG et Hl 137 1 n au, arclm. comm.
- Compte G. Al. 17\Jt

,.
- 4 17 -

fermc qui fut longtemps exploitée par les hospitaliers de
s• Gilles.
Telle étail la situation des Grands-Malades, lorsqu'en i844
on vit a1lparaître sur tous les murs de notre ville une affiche
de sinistre augure portant en caractères gigantesques les mots
suivants:
BIEN
dit
DES GRANDS-MALADES
ET CARRIÈRE

A VENDRE.

Ainsi donc la chapelle allait être aliénée comme une grange
sept cents ans environ après avoir été consacrée au culte.
Grand fut l'émoi. Jusqu'alors j'avais cru mes concitoyens assez
vandales de leur nature (mille pardons, lecteurs!). Ah, que je
les amis mal jugés! Namur, que dans toute la sincérité de mon ·
âme j'estimais la ville la moins archéologique du monde,
Namur tout entier s'énamourait subitement d'une antiquaille!
C'était à n'y rien croire ... Mais mes lecteurs se rappellent encore tout ce qui fu t dit 11 propos de cette vente et Dieu me
garde de revenir sur ce sujet.
La Société Archéologique, qui se constituait alors, cul l'idée
d'acquérir la chapelle et le vieil édifice qui se trnuvc à côté.
Elle se proposait de réunir dans ce dernier bàtimcnt ses collections de médailles, sa bibliothèque namuroise, ses rcrnes
historiques et littéraires, et de le transformer en un lieu de
réunion paisible où l'on etit ]lll s'entretenir des souvenirs de la
patrie. Quant à la chapelle elle mit serl'i de refuge il ces belles
pierres tumulaires, :1 ces bas reliefs de tous lcsf1gesdon1 lcnomhre, hélas! va diminuant de jour en jour. Avec le tcmpg, on en

,_

-

.418 --

eùt fait un musée d'armures et d'anliquités provinciales. C'était
là, certes, un beau projet. 1\lalheureusement, la Société Archéologique avait plus de bon vouloir que de ressources. On eût dit
qu'elle entrevoyait déjà dans un prochain avenir ses requêtes
au conseil provincial accueillies par de prodigieuses plaisanteries 1 • Quant à l'administration communale, il est bien entendu
qu'on ne pensait même pas à réclamer son concours.
La Société Archéologique dut donc abandonner son projet,
laissant à l'état, à la province ou à la ville l'honnem· de le
mettre à exécution. Sur ces entrefaites et malgré force controverses, l'édifice était définitivement adjugé à M• J.-B. Fallon 2 •
Dans son malheur, la chapelle est du moins tombée en bonnes
mains, et j'ai la ferme croyance que le propriétaire actuel, lui
même amateur d'antiquités, conservera intact l'un des plus
anciens monuments de la province.
X.

En commençant cette longue notice, j'ai avancé que la
date de H55 assignée, par la tradition, à la fondation des
Grands-1\lalades s'accorde avec les plus anciens témoignages
écrilsel avec le caractère architectural d'une partiç des édifices.
• On se rappelle sans doute que dans les sessions de 1847 et 1848 , le
conseil 11rovincial de Namur a rejeté les demandes de subsides qui lui
avaient été adressées par la Société Archéologique. Je r envoie notamment le lecteur à l'Ami de l'Or,fre du 26 juillet 1848; il y trouvera des
documents fort curieux à consulter pour une histoire future des idées
li!léraires du pays namurois. A ce propos, on me permellra une observation. Dans une ville où h1 plaisanterie , quelque mauvaise qu'elle soit.
lue tout, on aurait clO , me semble-l-il, se horoer à un sim1ile refus; i l
fl'élail nulltimenl nécessaire d'y mellre lant d'animosité el de chercher à
faire crouler , à sa naissance, une société désintéressée s'il en rot jamais.
• Par actes des 27 noHmbrc cl t I décembre 1846.

'

'

'
-419-

Je crois avoir prouvé le premier point. Je m'attacherai

maintenant à démontrer le second et, à cet effet, je décrirai
l'ancienne léproserie telle que nous l'a laissée le temps, ou
plutôt, telle que nous l'a faite la main des hommes; car le
temps et surtout les Vandales (ceux du V• siècle, bien entendu)
ont été fort calomniés. C'est une justice que je me plais à leur
1·endre.
La propriété des.Grands-Malades se composait de plusieurs
enclos distincts les uns des autres. Je ne m'occuperai ici que
de l'enclos sur lequel s'élèvent tous les bâtiments et qui comprend 80 ares 38 centiares 1• 11 est borné par les rochers,
le chemin qui conduit à la carrière et ceux qui se dirigent
l'un, dans la montagne, vers Bouges, et l'autre, le long de
la Meuse, vers Beez.
La grande porte d'entrée ouvre sur le chemin de Bouges.
A gauche, en entrant, on rencontre un bâtiment assez vaste
dont le mur extérieur, à l'ouest, est percé de quelques fenêtres
qui appartiennent à la période romane. Ce sont des ouvertures figurant un carré long, découpées en deux parties inégales par un meneau horizontal et surmontées d'un linteau
de forme trangulaire. Une porte du même style se remarque
dans le mur de ce bâtiment qui donne sur la cour. Cette
construction remonte très-probablement à l'époque de la fondation de la léproserie, au Xll• siècle; elle paraît avoir été
modifiée dans la première moitié du XVI•, car c'est à cette
date qu'appartiennent notamment deux petites portes ouvrant
• D'après un mesurage de 1790, la propriété entière comprenait 2 bonniers, 2 journaux, 17 verges cl demie. Plus tard, d'autres terrains appartenant aux Hospices furent également désir,nés sous la llénominalion
de Grands-Malades. C'est à cause de cela qu'un plan dressé en 1843 porte
l'étendue de la propriété à 8 hectares , 51 ares et 83 centiares, ou 9 honniers, 001 verge et 19 cent.

- 420 -

sur la cour arns1 que quelques cheminées de I'inté1·ieur 1 •
Une des chambres de l'étage est garnie d'une énorme cheminée plus moderne et du goût le plus étrange. C'était là,
assure-t-on, le logement du curé de l'hospice. Au delà de
cel édifice, se trouveut les étables dont une partie a été constmitc seulement au XIX0 siècle.
A droite de la porte d'entrée les bâtiments décrivent uu
angle et s'étendent parallèlement à la l'lleuse et au chemin de
Beez, formant une enceinte au fond de laquelle se trouve la
chapelle. Vient d'abord une construction assez moderne; puis,
dans son prolongement, un petit enclos dont le sol est plus
élevé que celui de la cour 2; enfin, un bâtiment de même largeur construit en pierres et en briques. Cette ligne de bâtiments et de murailles se dirigeant vers l'est formait autrefois,
à cc que je présume, la limile de l'hospice. Plus tard, on aura
converti en jardin les warisseaux ou terrains vagues qui se
trouvaient entre celle première limite et le chemin, et c'est
alors que l'on aura reporté le mur d'enceinte à l'endroit qu'il
occupe de nos jours. De tout cela on peut se convaincre en
examinant la deuxièn_ie des maisons dont je viens de parler.
Le rez-de-chaussée de ce bâtiment construit en larges
pierres de taille est. percé, au sud, d'une grande porte cintrée
que les comptes du XVI0 siècle désignent sous les dénominations de neuve porte du rivage ou grande porte de l'hospice.
Les gracieux ornements dont elle est décorée indiquent une
œuvre de la seconde période du XVI• siècle, ce que précise
• Les comptes de la première moitié du XVI• siècle témoir,nenl que la
plupart des bàlimenls de l'hospice furent l'econslruits à celle époque.
2 Je ne m'explique pas hien ce pelil enclos. C'était, à ce que je crois,
soit un jardin réservé pour les ladres ou pour le curé, soit un troisième
hàlimenl qui 1•eliail les deux autres et dont les murs lonr,iludinaux auront
été seuls conservés.

-

"421 -

d'ailleurs la date de 1559 inscrite sui· le cul-de-lampe formant
clef 1 • Ce n'était là d'abord que la continuation du mur
d'enceinte que l'on bâtissait à cette époque 2 ; mais quelques
aurrées plus tard, on éleva au-dessus de cette porte le bâtiment en briques qui existe encore dans son état primitif ~Un peu en arrière de ce dernier bâtiment et au fond de la
cour se trouve la chapelle dont le cbœur est dirigé vers l'orient. C'est un édifice peu considérable et pauvre d'ornementation, comme la plupart des églises romanes de Belgique.
Il se compose d'une seule nef sans transepts et d'un chœur
terminé par une abside semi-circulaire. Ce genre d'abside
dont on ne rencontre plus guères d'exemple dans la province
de Namur 4 dénote à lui seul une époque antérieure au
XIII• siècle.
Au~si l'édifice appartient-il évidemment au style architectural de l'église de Cornillon construite également au XII" siècle
et de celle de St Nicolas en Glain consacrée en 1HH pa1· cc
l La statuette de la Yieri;e que supporte ce cul-de-lampe el qui esl
malbeureusemenl abîmée, n'a élé placée là que de notre temps.
2 C'est à ce mur d'enceinte que fail allusion le Compte G. 111. 151>8,
fol. 25 vo et 2G vo •····. pour avoir manouvré..... à sarter les haycs el
" espincs au loing de rueuze pour povoir prendre les fondcmens des mu" railles faiz 11our rencloire le grant jardin. • - "···· 267 hegnons ....
• 86 hcignons de pierres murables emploiiés à faire certain pan de mu1·
" au loing de Meuze. • - u A .•• 1iour avoir fait ung pan de mur de telle
» haulteur el épeicbeur que sont les aullrcs scion la ryvière de Meuzc à
» l'cncloz du i;ranljardin contenant à mesure ... 55 thoiscs. •
3 " ••••• 12 milliers et derny de bricques qui sont mises en provision
., pour ci-aprèz parfaire la maison sur la muraille de la noef\"e porle du
• rirnige ... • - ~ A Collin le bombardier aianl ferré la i;ramle porte des
" Grans-Mallades nouvellemenl faict du costé sur la ri\ i èrc.~CompteG. il/.
1541, fol. 22 el 23.
4 Pour ma part, je n'en ai renconlré jusqu'ici aucune du même r,enre;
cela ne rnul pas dire qu'il n'en exisle pas, car je suis loin d'avoir examiné
tontes les rr,fües 011 di~pelles de la prol'incc.

- 422 -

même Henri de Leyen qui, deux ans [llus tarù, consacra la
chapelle des Grands-I\Ialades 1 • Sauf le haut du pignon contre
lequel s'appuie l'abside et qui est en briques, la chapelle est
construite en blocage revêtu d'un parement de pierres calcaires appareillées irrégulièrement. Les combles reposent sur
une corniche que soutiennent des modillons ou corbeaux de
style roman.
Le pignon formant façade a été évidemment modifié à diverses époques. Au milieu s'ouvre une porte construite tout
nouvellement; celle dont elle a pris la place était également
assez moderne. De chaque côté de cette porte, on en voit une
autre de moindre dimension et maintenant bouchée. Ces deux
11etites portes dont M. Schayes a donné le dessin dans son
Histoire de l'architecture en Belgique (tom. Il, p. 4:1.), et qu'il
regarde comme appartenant à la période romane, se composent de trois pierres : un fronton triangulaire reposant
sur deux simples pilastres. C'est toujours le même système
d'ouvertures que pour les fenêtres dont j'ai parlé tantôt. Il
avait attiré, bien antérieurement, l'attention de mon ami,
M. Alphonse Balat, qui a f:lit une étude toute particulière de
l'architecture du moyen-âge et de la renaissance. Il m'assure
ne l'avoir remarqué qu'assez rarement et seulement dans nos
plus anciennes bâtisses 2 •
Au-dessus de la porte centrale on voit une fenêtre à plein
• Les éc;lises de Cornillon et de s, Nicolas e n Glain se trouvent aux
portes de Liér,e. Un dessin de l'église de Cornillon accompagne le livre
intitulé Le p/usb(<aU sour;e1tfr de l' histoire rie Liége par r. JJechamps;
une vue de la seconde se voit à la 11. 150, tome II de l'ouvrage d éjà cité
de M. Schaycs. La chapelle des Grands-Malades est une construction heaucoup plus simple.
• Je citerai notammenl le moulin de l'ahbaye de Floreffe et l'antique
1011r cle Poulseur sur l'Ourlr.

-421-

cintre qui a été ouverte au xvnc ou au XVIll• siècle, peutêtre en remplacement d'un oculus ou œil-de-bœuf. La façade
est surmontée d'un petit clocher qui a été élevé au siècle
dernier au lieu d'un autre qui ne datait que de i54f 1 •
1\1. Balat, sur le savoir duquel j'aime à m'appuyer, ne s'était
pas bien rendu compte, au premier abord, de certains remaniements de la façade. Depuis j'en ai trouvé une explication
qui l'a satisfait entièrement. Il résulte en effet d'un document
de l'hospice que la chapelle était autrefois précédée d'un
porche (parvis) ùans le genre de ceux qui existent à une foule
d'églises de cette époque et de la période ogivale 2• Le document ne donnant aucun détail su1·ce péristyle, nous en sommes
réduits à des suppositions quant à sa forme. C'était trèsprobablement une petite construction élevée entre les deux
p,ortes latérales de la façade, et se composant d'un toit posé
sur un fronton triangulaire, engagé d'un côté dans la façade
de la chapelle et porté en avant sur des colonnes ou des piedsdroits. Comme l'époque où des travaux furent exécutés au
porche coïncide avec l'année oü le clocher fut démoli, on
pourrait aussi admettre que ce dernier s'élevait au-dessus du
porche même, ce qui arrivait quelquefois.
L'intérieur de la chapelle est dénué de colonnes et de toute
espèce d'ornement. Le pavé se compose de pierres tumulaires
• u A llenric1uel le charpentier pom• avoir mis juz le clochié des Grans• Malades lequel tendoil à ruyne , ensemble pour avoir fait nouveaux
• ablocques aux deux cloches... » - • A Collar l'escailleteur pour avoir
" descouverl ledit clochié et recouvert la place, à quoy faire il a ,·acqué
" chincq jour..... ,, ComJJle G. M. 15i>8, fol. 25. - Le fol. 21 , .• du
Compte G. M. 1541 mentionne un achat de • hois mis en œu\'re pour le
• neuf clocher de l'église des Grands-Malades.•
• • Au dessus dit Collar l'escailleteur quinze jours derny .... à 4 solz I<•
,, jour, aianl clescou1·e1·L le 11a1'1·yz aus dits Gran s-Mallatlts cl rrcouH1'l
,. le wymheq;c dudit pan·yz ... " Cumptc G. /11. 153!!, fol. 25 1· 0 •

- -424 -

et de dalles de toutes les dimensions. La nef, pourvue autrefois d'un jubé maintenant en ruines, était éclairée de chaque
côté par trois fenêtres très-étroites, pratiquées en meurtrières
et formées d'un plein cintre reposant sur des pieds-droits.
Une de ces petites ouvertures, du côté de la l\leuse, a été remplacée à la fin du XV• siècle ou au commencement du XVI•
par une grande fenêtre ogivale à meneaux flamboyants 1 • Le
plafond qui existait anciennement était plat; celui qu'on lui
a substitué dans les derniers siècles affecte la même forme.
Une large arcade sépare la nef du chœur dans lequel on
monte par une marche. li forme deux parties distinctes, ce
qu'on ne remarque pas dans les églises de Cornillon et de
si Nicolas en Glain.
La partie antérieure du chœur, à plafond horizontal moderne, est moins élevée et moins large que le pignon de la nef
auquel elle est adossée, dégradation qui se fait aussi sentir
assez fortement à l'extérieur. Deux fenêtres romanes, une de
chaque côté, l'éclairaient autrefois; mais en place de celle qui
se trouvait au sud, on a ouvert une fenêtre du style ogival
tertiaire plus petite que celle de la nef dont elle n'est évidemment
qu'une imitation très-incorrecte. Je suis assez tenté de croire
que c'est cette mème fenêtre que le locataire de la carrière s'était
engagé à construire par une des clauses du bail de 11$22 2 •
La seconde partie du chœur, c'est-à-dire, l'abside semicirculail'C, est à son tour moins large et moins élevée que
le pignon contrç lequel clic s'appuie. Elle est percée de trois
fenêtres à plein cintre, voutée en cul de four et telle enfin
qu'C'lle existait au XII" siècle.
' Le Compte G. Al. 15:50 a1•pelle celle fenêtre ,, la i;randc \'Crrière li<'
" l'~i;lisc. •
, Vor plu) h~lll. cha11. VIU.

-

4:2!> -

De tout ce qui précède, on peut conclure hardiment que
la majeure partie de la chapelle des Grands-Malades est une
construction romane, et que c'est bien celle-là même que
l'évêque de Liége consacra, suivant la tradition, en l'an de
grâce 1155.

XL
En décrivant la chapelle j'ai omis à dessein de parler des
pierres tumulaires : elles méritent bien une mention spéciale.
Un fragment d'une de ces pierres est intercalé dans le mur
d'une terrasse parallèle à l'église. li appartient évidemment
au XIV• siècle et présente le reste d'inscription suivante :
oo. Pv1c11E. FRERE ... C'était, comme on le voit, la tombe
d'un frère des Grands-Malades appelé Dupuis. Soit dit en
passant, la place qu'occupe ce fragment, ainsi que certains
passages des comptes de l'hospice, prouvent que le pavé de
la chapelle a été renouvelé plusieurs fois, notamment en
1602 et 1605 1• Sans ces embellissements, pour me servir du
terme consacré, que de tombes curieuses par leur ancienneté
j'aurais pu décrirn.
Celte inscription se compose de leltres capitales et onciales 2 , et à ce propos j'indiquerai brièvement les règles c1ue
l'on a suivies à] peu près invariablement, du moins dans te
• Comptes C. ill . 1602, fol. 27. - 1605, fol. 23.
• Par capitales, on entend les majuscules romaines semblables à celles
<1ui soul usitées dans nos impressions modernes; par onciales, certaines
lettres qui affectent des contours ai-rondis; par gothiques , les lellre;.
anguleuses qui se r:ip1>rochent tics caractères allemands. Il va sans diri•
,1ue dan s les inscriptions rrothiques la l)remièrc ltllrc tic l'inscription.
th's nom s 11ropres etc., t'Sl souvent une majuscnlt'.

- 426-

pays de Namm· : - XIV- siècle jusque vers 1580, mélange
de capitales et d'onciales toujours gravées en creux; - fi.n
du XIV• siècle · et XV•, minuscules gothiques presque toujours en relief; - XVI• siècle et première moitié du XVIIe,
minuscules gothiques presque toujours en relief, ou, capitales
romaines tantôt en relief, mais le plus souvent en creux;
- deu.xième moitié du XVII• siècle et XVIII• siècle, capitales
romaines presque toujours en creux. Ces règles, je Je sais,
ne s'accordent pas avec celles qui sont tracées dans
des ouvrages spéciaux, et l'on pourrait en dire autant de
l'écriture des manuscrits, de certaines formes architecturales.
Le motif en est que les modifications adoptées d'abord dans
les localités où les arts brillaient d'un Yif éclat, ne se propageaient que fort lentement dans les parties du pays qui se
trouvaient à cet égard dans un état d'infériorité.
Presqu'en face du fragment de la tombe du frère Dupuis,
on aperçoit dans le mur extérieur du chœur de la chapelle,
une pierre tumulaire d'une conservation parfaite. L'inscription, qui se compose de minuscules gothiques en relief, porte :
cm.

GI ST. MARTIN. GIIANT.

BOURGOIS. DE. NAMUR.

THESPASSA. LAn.

xv•.

Qui.
Ill. L~.

XIIJI. JOUR. DE. !IIAY. 1

A la suite du dernier mot, on voit une hache de charpentier, espèce d'armoiries plébéiennes qui désignent la profession
du trépassé. Quand au mot grant, c'est ici un nom propre
et non un adjectif qualHicatif, comme on pourrait le croire
1 nans celle inscription et les s nil'antes . j e mets en italiqtic les lellres
indicf11ées 1)ar les ahrévial ions.

- 427-

au premier abord : il n'existait pas à Namur de grands
bourgeois.
Pénétrons dans la chapelle et notons d'abord que deux ou
trois dalles tumulaires sont entièrement frustes ou ont été
brisées par suite des embellissements dont j'ai parlé tantôt.
Quelques lettres, quelques ornements gothiques, que l'on y
distingue assez difficilement, prouvent qu'elles ne remontent
pas au delà du XV• siècle. Sur l'une d'elles on peut lire encore : cm. GIST. P •••.•• AT. LAN. DE. GRACE. M..... Au centre
d'une autre, dont l'inscription a totalement disparu, on distingue un écusson écartelé aux f et 4 d'un lion cou1'onné,
aux 2 et 3 de t1'ois émanches mouvantes du chef. Ce sont là les
seules armoiries qui se trouvent dans la chapelle.
Décrivons maintenant, par ordre chronologique, les tombes
dont les inscriptions sont encore déchiffrables soit en entier,
soit par notables parties. Elles sont au nombre· de douze; ü
l'exception du n• 5, toutes sont de simples pierres tombales
intercalées dans les dalles du pavé.
N° f.

!CHI. GlST. GODEFROYS. DE. ASSECHE. PROIES. AD •• U. KE.

ALV!. SECHE. KE. SARME. SOIT. EN. PARADIS. AVVEC. LES. SIANS.

f8°. de longueur sur 0.90 de largeur;
capitales et onciales gravées en creux sur la bordure.
Cette tombe ne parait pas avoir été achevée. Au centre on
a figuré une arcade ogivale. Dans l'angle supérieur, une main
semble sortir de l'inscription et montre, de deux doigts, l'intérieur de l'arcade où sans doute le sculpteur se proposait
de représenter Godefroid d'Assesses au moyen de simples
lignes gravées. en creux comme tous les détails de cette
pierre. L'inscription qui est complète ne renferme aucune
llEi'.OJS. AMIS. AM. 1 • -2m.

• Trad. lite. Ici git Godefroid d'Assesses. PriPz à Dieu que à lui fasse
que son âme soit en Paradis, avec les siens bénis amis. AmPn.

-

428 -

date; mais si l'on lient compte de l'orthographe et de la
forme de certaines lettres, on peut avancer que cette tombe
remonte aux premières années du XIV• siècle.
N° 2. cm .

GIST. MAROIE. DE. MARBAIS. SEREVR. DE. CHAENS. IA.

OICE. KI. TREPASSA. EN. LAN. DE. GRACE. M. CCC. LX. PROIES. POUR.
1
• -

2. iO de long sur 1. 02 de large;
capitales et onciales gravées en creux sur la bordure.
A peu près au centre de la pierre on voit le Christ sous la
figure de l'agneau portant un nimbe croisé et soutenant la
croix à laquelle est attaché un étendard . Le mot bfat'bais
désigne ici le village d'où cette l\larie, sœur de l'hospice,
était originaire.
LAME. DE. LI. AMEN.

N° 3.

CH I. GIST. COLARS. IACOTIIS. TALURES. DIMAGES. ET. FRERES.

OELE. MAISON. QUI. j TREPACAT. EN. LAN. DE. GRACE. M. CCC. LXXX. Xlllll.
LENUT. CAIS. JOURS 2•

Une arcade pratiquée dans l'épaisseur du mur de la nef
renferme celle tombe gothique d'un beau style. Le monument
se compose de deux parties. La pierre inférieure posée verticalement et sur laquelle sont sculptées trois petites figures d'un dessin correct, ferme le bas de l'arcade et sert
de support à la seconde pierre posée horizontalement. Sur
celle-ci on a représenté Colars Jacoris, les mains jointes, la tête
appuyée sur un coussin; un chien repose à ses pieds. L'inscri1ltion taillée en minuscules gothiques en relief, sur deux
lignes, occupe la partie de la bordure de la pierrc supérieure
qui se troure en dehors de l'arcade. Une plus longue description
est inutile, grâce au dessin exact qui accompagne cette notice.
1 Jci gil Marie de Marbais, sœur de céans jadis , ((Ui trépassa en l'an
de g1·âce 1300. Priez pour son âme. Amen.
• Ici gil Colars Jacoris, tailleur d'images el frère de celle maison ((Ili
trépas~a en l'an dr grare 1395. la nuit du saint jour(?).

- 429 -

Les mots tailleur d'images sont, comme on le sait, synonimes de sculpteur en bois; les sculpteurs en bois formaient
une des catégories du métier des écriniers, ou menuisiers.
Quant aux mots le nut cais ioul's, j'avoue que leur signification m'est inconnue. Faut-il les entendre dans le sens de la
nuit du saint jour? Je n'ose l'affirmer et préfère en laisser
l'interprétation à de plus habiles que moi.
Je crus un jour tenir la clef de cette inscription. M. Hyacinthe
Fallon venait de s'apercevoir qu'il existait également des caractères sur la partie de la bordure posée contre le fond de l'arcade.
Comme on ne pouvait les voir, il voulut bien faire déplacer la
pierre et alors nous lûmes sur ce bord, jusqu'alors caché, la
continuatio11 de la première ligne de l'inscription, c'est-à-dire,
les mots TREPACAT. EN. LAN. DE GRACE.~,. ccc.. ; le reste n'est pas
achevé. Cette circonstance prouve que la tombe de Colars Jacoris a été faite pour la placo qu'elle occupe de nos jours. L'artiste, parait-il, avait d'abord projeté de continuer son inscription
sur tout le pourtour de la pierre; mais s'apercevant qu'il allai!
commettre une bévue puisque la moitié seulement en serait
visible, il s'interrompit et grava la fin sur l'extrême rebord de
la tombe qui n'était nullement destiné à cet usage.
· Comme la pierre supérieure se trouvait déplacée, nous voulûmes nous assurer si le tombeau avait été violé comme on le
disait. Hélas, ce n'était que trop vrai : nous trouvâmes l'intérieur rempli de décombres de toute espèce qui devaient y avoir
été jetés depuis peu d'années. Dans cet acte d'impie vandalisme,
malheureusement trop commun chez nous et qu'on ne saurait
assez flétrir, la pierre qui sert de support a été brisée en deux ;
mais du moins les fragments existent encore et la restauration
serait facile. Lorsque l'administration des hospices a vendu la
chapelle, elle s'est réservé le droit d'en retirer les tombes. Avec
55 '

- .uo -les amis de l'antiquité, nous la supplions d'user au plus
tôt de ce droit et de faire placer le monument de Colars Jaco1·is
soit dans la chapelle de l'hospice S1 Gilles, soit dans l'église
S1 Nicolas. Elle sauvera ainsi de la destruction l'un des plus
anciens spécimens de ce genre qui existent dans la province.
D'ordinaire les vieux monuments ont leur tradition particulière. En voici une qui se rattaclle à celui-ci. Sans s'inquiéter ni
du nom ni de la date gravés sur la tombe, les anciens du village disent que c'est li vourtrait d'un Namurois nommé Ponty,
lequel, voyageant un jour au delà de la mer, faillit perdre la vie.
Au moment du danger et selon la louable habitude du temps, il
lit vœu de fonde1· un hospice si jamais il revoyait sa ville na-:
tale et les chers pays qu'il y avait laissés. Revenu sain et sauf à
Namur, Ponty tint sa promesse; on n'était pas alors dans le
siècle du progrès et ces bonnes gens si simples n'avaient pas
encore songé à abolir le serment. Il fonda donc l'hospice des
Grands-Malades, lui fit don de la cense de Ponty et gralifia également l'hospice Notre-Dame des fermes de Weez et de Basseilles. C'était, comme on le voit, un bommc scrupuleux que
notre compatriote et qui ne badinait pas avec les vœux. Aussi,
à sa mort, la communauté reconnaissante lui vota un magnifique tombeau, et non contente de reproduire sur celui-ci les
traits de son bienfaiteur, elle voulut que ses trois enfants y
figurassent également : ce sont les personnages sculptés sur la
pierre inférieure de la tombe. Enfin , depuis cette époque on
célébra, tous les samedis, une messe en l'honneur de Ponty.
Il peut y avoir du vrai dans cette légende; mais où est-il?
Cela n'est pas facile à démêler.
Je n'ai pas besoin, sans doute, de faire observer que ce Colars Jacoris ne peut Otre le fondateur des Grands-l\lalades. En
fu t-il un des bienfaileurs? La chose est assez probable; je
LOUS

-43 1 -

dois dire cependant que je n'ai jamah, rencontré ce nom
dans les divers manuscrits de l'hospice que j'ai eus sous
les yeux. Mais, en revanche, on troûve des Jacoris dans
d'autres documents des XIV• el xve siècles, car c'était un
vrai nom de terroir s'il en ft1t jamais 1 •
x.

N° 4. CHI. GIST. GILCIION. DE. !IUT. MALADE. QUY. TREPASAT. LAN.
ecce. xxx. rnnss. POR. LI. - 1. 62 de longueur sur 1. H de

largeur; minuscules gothiques en relief.
Cette inscription ne se trouve ,as sur la bordure, comme
celle des autres dalles tumulaires : elle est sculptée sur un
cercle de O. 27 de diamètre lllacé ,,ers le milieu de la tombe.
Ce Gilson de Huy était un frère malade, c'est-à-dire, un lépreux
qui mourut à l'hospice.
N° 5.

CY. GIST. IIOXEST. IIO)llnE. GUILL.\UME. TROY ••• NES. l'IU:-

llEIIDES. DE. GRAND. MALADE. QUÏ. TREPASSAT. LE. XI. DOCTOBRE. 156:;.
ET. PIRET. DE. BROU ••••.. oui. TRESPASS.\. L.\N. 1578. LE. 6. DE.

2m. de long
sur O. 86 de large; minuscules gothiques en relief.
Cette inscription et celle de la tombe suivante sont indéchiffrables en plusieurs endroits. Je dirai en passant que
c'est avec beaucoup de difficulté qu'on parvient à lire les
caractères tracés sur les dalles, à cause de l'obscurité et de
la malpropreté qui règnent dans la chapelle. Ces dalles mises
au jour et nettoyées, il est probable que l'on découvrirait
quelques lettres qui m'échappent. Quoiqu'il en soit, les
comptes de l'hospice m'apprennent que celle pierre est
consacrée à Guillaume Troyenne frère baitié lequel «termina ,1ic
• par mort • le 4 octobre 15Go, et à Piereue de Broux sa
femme également sœur de l'hospice laquelle épousa, rri

JUIXG. AMAX. STI. LE •••.••••••• COlffRER. DE. LI EU. -

• Vvy. 110l,1mmenl llial du Comte ,te

l\'n111111.

JI· 1~t 1111l1".

- U2 --

secondes noces, un autre frère bailié nommé Amand Slier el
mourut, selon le compte, le H juillet 1578 1•
N° 6. CY. GIST. GUILL.UIB. DU. VERO. BOY. QUI. TRE •••••••••• OR.
NOVEmBRE. LA..'i. 157•• ET. DAI\BE DE ..•..• SO.'i. BSPEUZE.

oui

TRE-

2. 26 de long sur O. 68 de large, minuscules
gothiques en relief.
Celte inscription se trouve sur la bordure de la pierre.
A peu près au centre, un écusson orné porte les lettres
ms. 11A (Jesus, !Uaria). Les comptes de l'hospice nous apprennent que ce Guillaume du Vert Bois habita quelque temps
une petite maison située près de la carrière des GrandsMalades 2 ; c'était bien probablement un frère baitié. L'inscription finit brusquement au mot le et n'a 1>as été terminée.
C'est là une omission que j'ai fréquemment observée sur les
Lombes communes à deux époux : elle iodique que la veuve
d'abord inconsolable, s'était réservé une place, pour l'avenir,
à côté de son mari, et qu'elle a ensuite convolé à un nouvel
hymen ou renoncé pour quelqu'autre motif à son premier
projet Il y a là dedans, pour un moraliste, matière à plus
d'une observation. Mais nous parlons vieilles pierres, comme
on dit à Namur; continuons donc notre examen.
PASSA. LE. -

N• 7.

CY. GIST. YSAOBAU. DE. BOVOZ. JOENNE. FILLE. QUÎ. A.

PASSEZ. SA. IOENNESSE. EN. 00 •.•... PASSA. 1576. LE. 7. 7EORE. -

Minuscules gothiques en relief.
Les caraclères de celle inscription sont encore fort nets;
malheureusement la tombe n'est pas entière. Les comptes de
l'hospice de celle époque mentionnent une sœur malade appelée
Ysabeau bou nom qiu mourut en décembre 1574 3 • Ce ne peut
1

Compte, C . M. 151i5, fol. 18 v•.
• Compte C . .~/. 1584.
J Compte C. Il . t51i8.
1:;75_ fol

15i5. fol. 37
~

, •.

1·•

-

1578.

-433 -

~tre la même, à moins qu'il y ait erreur d'un côté ou d'autre.
Les recherches que j'ai faites à ce sujet ne m'ont pas appris de
quelle manière cette pauvre lépreuse avait passé sa jeunesse.
N• 8. CY. GIST. VENERABLE. SIRE. NICOL. MIGIO. EN son TEMPS.
CURRB. OB. GRAND. MALADE. QUÎ. TRESPASSA. LAN. DE. GRASSE. 1578.

·priez. Dl.. POR. son. AME. - t. 40 de long
sur O. 87 de large; minuscules gothiques en relief.
L'inscription est sur la bordure. Dans le centre on voit,
comme sur les pierres tumulaires des prêtres , un calice surmonté de l'hostie.
Ce qui suit est du siècle dernier et fort insignifiant ; je n'en
parlerais pas si toutes -ces tombes n'avaient attiré autrefois
l'attention. Ce sont quatre dalles assez petites dont les inscriptions sont en capitales romaines gravées en creux.
LE". iS. DB JUING.

N° 9.

ET JENNE DU

N° H .

D. O. M.

CUESNE SON

ICY REPOSENT LE

EPEUSE QUI EST

CORPS DE IERARD JOSEPH

DECEDEE LE 2i

COOEAVX DECEDE LE

DE JUILLETTE 170:;

9.6 AOVST 17:lO AGE DE
36 ANS.

REQUIESCANT IN
PACE.
JCI
REPOSE LE COR

REQUIESCA'T IN PAC'.

N° 12.

O. 0, M.

ICY REPOSE LE CQRPS

PS DE CATHE

DE IEAN BAPTISE

RINNE JOSEPH

IACQVEMART DECEDE

JACQUEMART

LE 21 DE SEPTEMBRE

DECEDEE LE

175'1 AGE DE 74 ANS

10 DE DECEM

ET MARGVERITTE

BRE 1747 AGEE

HAVTIAVX SON EPOVSE

DE « ANS
REQUIES

DECEDEE LE 20

rnvRmn

1763 AGF.E

CATIN

DE 89 ANS.

PACE.

R. 1. P.

-434-

Jc copie scrupuleusement. Le lecteur se gardera donc de
voir une malice de typographe dans l'arrangement des lettres
de la tombe n• 10. Comme, à coup sûr, il n'existait plus de
lépreux ni de frères haitiés au XVIII• siècle, il est assez
probable que ce sont là les tombes de quelques bienfaiteurs
qui auront demandé à être ensevelis dans l'antique chapelle
de la léproserie. A ce titre, ils méritaient bien que leurs
noms fussent tirés de l'oubli.
Puisque j'ai mentionné ces inscriptions modernes, j'en rapporterai deux autres du même siècle qui présentent plus
d'intérêt.
Tout Namurois connaît, au moins de réputation, les carrières des Grands-1\laladcs qui appartenaient autrefois à l'hospice et que le propriétaire actuel a remises en pleine activité.
Les touristes étrangers manquent ra1·ement de s'engager
dans ce dédale de routes qui se croisent sous l'énorme
rocher. Et dans le fait, ces carrières méritent véritablt:ment
d'être vues, car, si l'on en excepte celles de Folz-les-Caves
maintenant abandonnées, je ne sache pas qu'il en existe de
semblables en Belgique.
Au dessus de l'entrée de cette exploitation qui remonte à
plusieurs siècles, on voyait encore, il y a quelques années,
une vierge et une date toutes deux fort anciennes. Au dire
des ouvriers, la date précisait l'époque où leurs laborieux
prédécesseurs, cessant d'exploiter à jour, avaient hardiment
poussé leurs travaux sous la roche. Malheureusement, a la
suite d'une gelée, le banc de pierre qui portait cette antique
inscription s'écroula avec fracas et nul ne songea , parait-il ,
à en conserver le souvenir.
Sur.. le côté droit de la même entrée, au milieu de chiffres
et de letlres de toute espèce, M. Il . Fallon a récemment

- 485-

découvert deux inscriptions qui avaient échappé jusqu'ici à
Lous les explorateurs, voire même à l'auteur du Guide du
vvyageur sm· la lieuse lequel a cependant donné une assez
longue liste de repères de~ eaux de la Meuse à différentes
époques. L'une de ces inscriptions se trouve à 2m. 03 au
dessus du chemin d'entrée; elle porte :
LE JoVR DE SAl:sT THOl\[ AS LES BA

vx

FVRBNT IVsQVICI.

Comme on le voit par le chronogramme, il s'agit de la
Lerrible inondation de 1740, et ce fut effectivement le jour
S1 Thomas (2i décembre) que la :Meuse atteignit son plus
haut période.
Au dessous de cette inscription, à i. 04 du sol on en lit
une seconde qui indique probablement quelque autre crue
de la même année :
LAN 1740 LA MEUSE A VENU IUSQUA CETTE L .....

X II.

Depuis longtemps je n'avais plus visité l'antique léproserie
des Grands-Alalades lorsque je m'y rendis, l'été dernier, pour
l'aviver mes souvenirs.• Quels changements! Un chemin de
fer côtoye les rives pittoresques de notre chère lieuse
et les murs de la Maladrerie; la chapelle a été convertie en magasin de houille; et un des bâtiments est transformé en une fort jolie guinguette portant pour enseigne :
Aux Grancls-bfalades, estaminet, vend bierre et liqueurs!
Godefroid d' Assesses, Marie de Marbais, Colars Jacoris et

- 4a6 -

vous tous qui dormez dans vos froides tombes, n'entendezvous pas ces chants profanes, ce bruit des quilles et des
verres? N'apercevez-vous pas ces couples amoureux qui, le
soir, se glissent furtivement sous les arbres du préau des
ladres? Levez-vous donc et venez secouer vos poudreux suaires
sur cetle foule impie qui trouble votre sommeil.
Ah! Jérôme Pimpurniaux, vous avez bien fait de quitter
ce monde : ce dernier coup vous eût achevé.
Décembre 1848.
JULES BORGNET.

-

-437-

ANNEXES.
1.

Privilége accordé par l'antipape Grégoire VIII à la Léproserie
de Namur (14 mars 1H8).
Gregorius e1,iscopus, servus servorurn Dei. Dileclis filiis rnagistro el
fratribus domus leprosorum namurccnsium,salutcm et aposlolicam hcnedictionem. Sacrosancta romana ecclcsia devotos et humil1>s filios ex assuetc pielalis officio propensius diligerc consucvit, el ne pravorum
hominum molesliis ai;itentur eos lanquam pia mater sue protect,onis
munimine confovere. Ea propter. dilecli in domino filii nos tri, juslis
postulationibus r,rato concurrentes assensu, personas vcstras et locum
in quo dh ino eslis obse<1uio mancipali, cum omnibus bonis que in presentiarum ralionabilitcr possidelis aut in futurum justis modis prestantc
Domino poteritis adipisci, suh bcali Petri et nostra proteclionc suscipimus, districtius inhibentes ne quis de orlis, virr,ultis et vestrorurn
animalium nutrimentis decîmas exigcrc vel extorquere presumal. Nulli
ergo hominum liccat hanc var,inam nostrc protectionis et inhihilionis
infringere. vcl ei ausu temerario contraire. Si quis autem hoc atlemptare
presumpserit, indignationcm omnipotentis Dei el beatorum Petri et
Pauli apostolorum ejus se noverit incursurum. Datum Lateran'i, Tl idus
martii, pontificatus nostri anno primo. - (Gregorius papa VIII). Deux copies du XIV•siècle sur parchemio,aux archiv. de l'État à Namnr (Cha,·tl'ier des Gmndslllalades).

Il.

P,·ivilége octroyé par le pape Innocent III aux lép,-eux de
Namur (16 novembre f210).
Innocentius episcopus, servus servorum Dei. Dîleclis filiis leprosis
namurcensibus, salulem el apostolicam hencdiclionem. Cum a nobis
pelilur quod justum est et honeslurn, fam ,·iç-or equilatis quam ordo
cxigil rationis ut id pcr sollicitudi11em officiî noslri ad debitum perducatur elfectum. Ea propter, dilccli in Domino lilii, vr,stris juslis postulationihus grato concurrentes assensu , domum et J)ersonas rcslras cum

06

-4\\8omnibus bonis que in 1H·csentiarum ralionabiliter possidetis aut in futurum juslis modis, Deo propilio, poleritis adipisci. sub heali l'elri et
noslra proleclione suscipimus. Specialiler autem locum ipsum el omoes
possessiones quas eadem do mus hahet, sicut eas juste possidet et quiete,
,•obis et per vos eidem domui aucloritate apostolica con6rmamus et
presentis scripli palrocinio commuoimus, prohibentes ut de orlis, virgultis et nulrimenlis a nimalium vestrorum oullus a vobis "decimas
exigere vel exlorquere presumat. Nulli ergo omnino hominum liccal
banc par,inam noslrc proteclionis, con6rmalionis seu prohihilionis
infringere, vel ci ausu temcrario contraire. Si quis autem hoc attemptare
presumpserit, indignalionem omnipotentis Dei et beatorum Petri el
Pauli apostolorum ejus se noverit incursurum. Dalum Latcrani, XVI
kalendas clecembris, ponlificatus nostri anno tertio decimo. - (Innoccntius papa Ill). Trois copies des XIV• et XV• siècles sur parchemin, aux arcbiv. de l'État à Namur. (Cha1·trie1· des
Grnwls-Ma/alles.)

III.

Sentence al'bitrale sut' un différend existant entre la maisou
des lépreux de Namur et la communauté de Gel'onsart relativement à la propriété cl'immeubles situés à Bovesse, Bouges,
Gelb1'essée et Beez.
Univcrsis Christi fidelibus prescntes lilteras inspecluris, W. decanus el
magister, L. canonicus sancte l\Iarir namucensis et J. dictus de Aish in1·cslilus de Niel, salutem in omnium Salvatore. Noveril universitas vestr;i
quocl cum, inter ecclesiam de Gerodisarlo et domum leprosorum namurcensium , controversia verterelur super tota hereditale llelindis vid11e liberorumque cjus Segardi el Deatricis, videlicct super octo bonariis terre
apud B01·ech et clecem honariis cum quodam pomerio apud ]lurges, tribus
bonariis apud Gelebrecees el uno honario aputl Bebz, in nos compromiserunl, !ide data ah utraquc parte, quod q11ic<1uid composilione vel arhitrio dixcrimus, ralum a par li bus babcbilur cl acceptum el sub pena viginli
lihrarum namurcensium a resiliente de noslro arbitrio vel compositione
parti adverse reddenda rum. Nos autem, quihusdam inspeclis que fuerant
inspicienda , de voluntate et assensu ipsarum partium ita ordinavimus :
quodDealrix fi lia dicte 1!. fructus percipiet oclo honarium terre de Bovech
quamdiu vivel; post vero deccssum ipsius . terra eadem ad dictam ecclesiam de Geroclisarto et dictant domum leprosorum revertetur, quam inter
se equaliler d(videnl perpctuo possidendam; reliquum vero lolius hereditatis supra,Jicte el si quid in hac pagina insertum non hahetur quod

-430 ipsam U. vel ejus librros conllngere debeat, sive sinl census, sive corliha
si\·e a lia posses iones, ipsa JJelindis quam cliu vi1 el possidebit; po,t au lem
decessum ejus, ~epedicle ecclesia el domus ipsam habebunl beredilalem
per1}(?tuo possideodam et eam inter se, sicut superius dlctum est de octo
bonariis, equaliler partientur. Et hanc terram. quam diu Yixeril toliens
rlicta Il., excolet domus leprosorum sine seminis repcllllone. Ul outem
bec firma permaneant que per nos sunt et rie volunlatc ipsarum partium
ordinata, requisili a partibus cum earum sigillis nostra duximus prei.enli
pa61ne apponenda. Actum in claustro beale Marie namurcensis, anno
Domini M• CC• lricesimo, feria sexta in Pentecoste.
Deux orit;ioaux sur parchemin,cinq sceaux enle•
,·és; archives de l'Etat à Namur (Clrartrfers des
Cra,11l1-Jllalade1 et de Geronsart).

IV.

Privilége octroyé par le pape lmwceul IV à la maison des lépre11:r
de Namur. ( 18 janvier t24ï).
Innocentiu, e1>iscopus , servus servorum Dei. Dileclis filiis magislro et
fratribus domu, leprosorum de Namurco. leodyensis dyocesis. salutem et
apostolicam henediclionem. Devotionis 1eslre precibus inclinali ut posses•
siones el alia hona mobilia et lmmobilia, exce11lis feodalilius, que perso11as fratrum ad domum veslram mundi relicla ,anilale volanlium el
professioaem facienlium in eadem si remansisent in seculo, ralionc suc,
cessionis vel quocumque alio juslo lytulo conligissent, Jlclcre ac rellncrc
libere valealis auctorilale vobis 11resealium indulgemus. Nulli er1;0 omoiao homiaum liceat hanc pai;inam noslre concessioais infriagere ,,el ei
ausu temerario contraire. Si quis autem hoc allem1Jtare presum1iserit, indii;nationi omoipotenlis Dei et bealorum Petri el Pauli apostolorum ejus
se novPril incursurum. Dalum Lu!Jdini, XV kalendasfebruarii, poalific.itus
noslri au no quarto.
- (lnnocenlius papa UU). Deux copies du XIV• siècle sur parchemin. aux
archiv. de l'État à Namur. ( Chartrier de$ Grands•
,llalade1.)

V.
C01we11tion avemte entre la communauté des Grn,uls-i)Jalarles et_
Bawllmi11, fils de Colin Louial veneur du comte.
Saichent loi cilh <juî sunl el 11u1 avenir sunl et qui cest 1►réscnl escrit
,·crront el oro11l,ke lez est li coi cnscntrc le maison les mal;1dfS de lia mur

--UOet Baude,1 in le filh Coliu Lovial qui ful vennercs le conte : I.e li fr~re de
la maison des Malades doient avoir le chamhre bresscresse qui est de là
le porte l'\ostrc Dame qui fut son père Colin Lo,•ialet le corlilh en Bordial,
et par tclh covenl que li maisons des Malades etli frère doienl à l}audewin
dc,ant dit, chascon an tant com ilh I iverat, !\. libres de Lo, icnois, et par
manire 11ucn que ilh avigne de la ohambre ne del corlilh, ne par feu ne
par guerre, ades se tient Baudewios à le de\'anl dite maison des IX libres
tlllieur dites à paier le moitiet à Noel el l'autre à le saint Ioban. Et saichent
encor luit que après le décès Baudcwin que les IX libres irenl mortes, et
Ji maisons des Malades devant dite en ierl quite; et si remanral à le maison li chambre el li cortis qui tes et rn pais à toi iors mais. Et ciste co1eoance si fut faite 11ar l'otroi de la mère Baudewin l'l de ses frères Picron
el Ioban; cl là u ce fut fait el ordenel fut Robiers Donechose, con maires
el com e~ke\'ins de Namur, Johaos Bounans, Jobans do Pool, FraoJ.es de,
Changes, Phelippes Do Pont, lot com eske\in de Namu r ; el Iohans Bonechose, Jakcmes Branche, Plcrars Juliane, Johans de Warez, luit quatre
comme jurés de Namur. El si furent li frère et li poneor de la dei aul dite
maison d!'S llalades. El por ce que ce soit ferme chose el estauble, en
1esmoig11nir,e de véritel ces lettres préscns sunL saielées do saiel delr
1·ille de l\amur et do saiel de la de,·anl dite maison du 'Ualades Et ce fui
fait en l'an del incaroasion Nostre-Sain6flor, milh CC. L:\X, le dieminche
de, ant le "arrdalaine, cl mois de julel.
Original a, ec fracments du sceau communal ;
sceau de l'bospict> enle1·é.
Archi\, de l'État à
Namur. (Chartrie1· lies Gmmls-1lla/adea).

VI.


La communauté des Gra11ds-.Malades déclare qu'elle tient eu acce11se hél'ilable, <lu chapitt·e S'-Aubain,un bo11ier de terre situé
ii Bretegny.
Littera c11justlam co11troursie q1umtlam habite inte, capit11/1111i

sancti Albani et magi.strum donms leprosorum. A tous chiaus <1ui ces
lettres présent 1ieronl el oront. 'os frère 'licholcs de Vedrinch. maistres
,telle maison de, ,1alade, de Namur, ~t luit li frères delle d1rle maison ,
salut et cognoistrc,de vérlteit. Sachent luit cum débas eusl csteil lonr,cment entre nos en nom de 11ostre maison d'un ne 11art, et les hommes honorables et discreis le pré\'osl, le doien et le capitle delléglisc de oainl
-1.lbain dtl Namur d'autre , de un bonier de terre c111i sieL en lcr~ur dt•
llretrig11ry, en lieu •1ur on dist ~ Tcncul, qui muet delle court de Drt•lini;ury, 11111rourt nt 11' pré10~1 dfs1•urd1I. nos 11orhi11 ,le pays cl de couronh.nous ,umnu•~ à rhu :lfOHh•it ;1mhrclr11s lt·s 1•~rlirs . <111c nos et noslre

- -- -~-- --- - --- - -- - - - - - -

-.\41maison tenrons ledit bonier ùe terre hyrelaublemenl delle dicte église de
saint Albain, parmi un muy d'espiaulte à le mesure de Namur bonne et
• paiable; le quele muy nous tenus serons, nos et nostre maison, à l'aiier
cbascun an à le dicte église de saint Albain, le jour dt>! anniversaire
lleribier t clerc et père jadis monsii:nour Denis •Jui fut chanones de saint
Albain. Et nos al li dicte éi:lise rendut le dit bonier de terre, parmi le muy
d'espialle dessus dicte, en le dicte court,par le main monsignourClamenl
prestre et canonne del dicte église qu i portoitet porte le vesture del dict~
terre pour le sovent nomée éi:lise et en son nom , plr ensy que nons le
devons déwnsier à conrt, el llar teil ausi que se en nostre maison estimes
en défaute de paiier le muy d' espianlle, si comme dit est, li église de saint
Albain dessus nomeil iroit à le dicte terre si comme à son hyrelage sens
déhas. En tesmoignage de laquele chose nos avons llendut nostre saial
à ces JJrésentes lellres, el 1>rions aus hommes sateS' et discreis nos deseurlrains le maienr et les esquevins de Namur qu'il y pendent le leur.
El nos li maires et li esquel'ins delle ville de Namur, qui loons et gréons
l'aco1•de deseur escriple, si comme leur mambour, ayons pendut, à le
requesle des frères delle dicte maison , nostre saial a,,oec le leur à ces
lettres en tesmoingnage de vé1·iteit; lesquell1:s furent faites et douées
l'an de grasce mil deus cens el quatre vins el neuf, le venredi après le
saint Mathieu aposlle.
Cartulari1t111S1• Alba111·, fol. 1!I v•. - Archi\'. de
l'État à Namur.

VII.

Legs {ails à la Pitance des Grands-Malades et à d'autres commmumtés par Jehan le mal moine.
Nos Pierons a Lovingnis et Jebans JJenolins, eskevins de Namur, fai sons savoir à tous ke 11ar de\'3nt nos comme par de,•anl aiwe delle villr
de ;-!amur est venus mes sires Jebans li mal moines prestes, et là en présent conul el dist de sa pleine volenteil qu'ilh avoit almoneitet laiel après
son ,lécès, purement pour Deu et en almoune. aile pitanche des Grans~lalades de Namur cinquante cink sols de cens par an qu'ilh lenoit sor
une maison el porprise ki siet en Bu lei , ki fut aquise as enfans Lovial
jadil le coureur, delle quele maison el tenure cilh des Grans-Malades
rcnrloienl arier de treffons à covent de Salezines qnaloze sols de cens par
an el trois chapons, le jour saint Eslievene. Et encor laat li dis mes sires
Johans aile pitanchc do covenl des ;ualades deseur nomeis, pour Deu ,,1
en ahnounc, cink sols de cens par an les ,,ueis ilh assennat à llrcndre sor
le maison cl lenure ki fut Agnès Duran,lc ki sicl en Jamhes, <1u'ilh linenL
celles 1lcllc laule des pones bé1,ines clr Saint Symphrin ; lequeilh ccn,

-

-U2-

descur dit li dis mes sires Jehans at almouneis par teilh condisiou ke li
chapelains , ki chanterai al ~lalades IJOur le lens , serai tenus de dire
cbascon mois une messe pour larme do dit monsingneur Jehan d de
damoiselle Ysabial sa femmll jadit, se loias espeuse; et pour tant qu'ilb
ie1·t plus tenus do chu affaire, li dis chapelains des Malades, ki sarat pour .
le lens, ilb araL do cens deseur dit cink sols cbascoo an, et li sorpl us demoral allt: pitanche do dit covenl à los jours mais. Encor laal li dis mes
sires Jebans aile taule des povres Nostre Dame de Namur cinck sols de
cens par an , à prendre d'an en an sor le dite maison ki fut le Durande.
Encor reconul li dis mes sires Jehan qu'ilb avoit aquis diis sols de cens
par an sor une maison el porprise ki siet aile Nutville où ens demorat
jadis Braches li bresseres qu'ilh lient Jebans de Sourendial, les gueis diis
sols ilb at almouneis et laiés, pour Deu et en almouoe à lot jours mais,
aile taule des povres bégines de saint Allain de Namur. El de lotes <.~s
, almounes et ces laisses deseur dites faites en nostre présenche, eosi ke
dit est, se mist li dis mes sires Jehans en noslre racort par le lesmoior,
de C<'s letres saelées de nos saias, ki furent fa iles en l'au de grasce 111ilh
trois cens trente el quatre le nuit sainte Auguisse virgène, dedens le mois
de févr·ier.
Original avec sceaux d'éche\·ins, aux archiv. de
l'État à Namur. (Chartrier cles Grnttda-11/alades).

Vlll.

Lellres do vain acordeit à I homme haitiet en le maison dez
Grans-ilfaladez et saieleie do grant séal dele ville.
A tous chiaus qui ces présentes lellres verront ou orront. Nous li
rnaires el lez eskevins dele ville de Namur, salul en Dieu avoec cognissance de vérileit. Sachent luil que au jour dele dautle de cez lellres,
viorentelse comparurent pardevant nous saiges el honnorahlez personnes
Joha n Malconfesseit el Colar Fellar dit de l'image, borgois de Namur,
amMeuz esleus, commis de par haut, noble et 1>ouissant 1>rince et sei11gneur monseingneur Guillaume de Flandres.coule de Namur et seingneur
de Bethune, nostre très chièr el très redobteit seiogneur, et aussi de par
nous mayeurs et eskevios dessusdis, jureis, quatre dez mesliers et de
lote la communalteil dele dicte ville el franchise de Namur, au régiment
el governemenl, pour l'année prés<'nle, dele maison dez Graos-1\laladez
de Namur. EL nous ont dil et remoslreil que, pour le proulil et ulilileil
évident et a1111arant de la dicte maison !lez Grans-Jlaladez,il a voient donneil etolroiicl ,) llcnrylloisselialcleNamècbe lepaio,pilancc etprovendc en

- .u.s la dicte maison dez ~Ialadez, pour prendre, leveir el recevoir aussi a~anl
cl lelez franchieses el droilures, comme li au Ires frèrez hailiez d'icelli maison l'ool acoslumeil d'avoir prendre el recevoir du temps passeil el aronl
en temps advenir; et l'ont recbul à frère bailiet'en la dicte maison par teil
serimenl sollempneemenl faisant qu'il y appartient que lez biens, cens.
rentes et re,•enuez de la dicte maison il aiderai à deffendre, deffenderal
el warderat et aiderat à resieuwir à son loyal pooir; aussi qu'il serai
obéissans à sez soverains governeurs d'icelle maison qui sont ad présent
ou seront en temps advenir, comme les autres frêrez et sP.reurez hailiez
l'onl uzeil el acoulumeit do faire do temps passeil; et ausoi qu'il doit et
deverat clore de nuyl et ovrir de jour le porte dele dicte maison et aidier
à renclore, laborer et aourner bonnement et loyalment à son pooir sens
malenghien lez corlils el jardins dele dicte maison, aidier aile saison
loyalmenl à soiier el fauchier lez preis apparlenans à ycelle maison, cl
quant les preis de la dicte maison seront soiiez el nient devant, il puel
el porat aller, s'il li plaisl, soiier, faucbier cl waign ier as hierbez aulroparl, et aller lez mois d'aousl wair,nier as bleidz tout en bone foid el sans
malenghien, el que de ce la dicte maison ne les frèrez el se1·eures d'icelli
nel puissent aslraindre qu'il nait le Jicense d'aller waignier son aousl et
aller as preis waii;nier après se service des preis dele dicte maison fail et
acomplil, comme dit est. Se doil el devcra le dit llenry commenchier à
lever les prou fis de la dite provende, pour le premier mois, ce présent moi~
d'avrilh et avoir à cesti premier prochain venant se livrée de lingne.
Encores li esl accordeit qu'il arat, pour lantost ens entrer et aller clemorer, le chambre que Johan Meerial de Melin le parmenlier jadis, frère
hailiet de la dicte maison, at eul el tenut en la dicte maison. El parmy
ce, le dit Henry Boissetial at paiiet et délivreil as dis governeurs, pour et
en nom de la dicte maison, pour mellre et convertir en ou proufit el ulilitcit d'icelle, vint Horins d'or co ntlisl mailhes arméez do vray coin& el.
forge le dux Guillame de Hollande jadis, boins, loyals, el de juste pois.
que les dis e;overneurs coe;nissoienl avoir eut et rechul dudit Henry el
se s'en tenoient pour soit, contens cl bien 1>aiiez, et si l'en avoicnl quilLeit et quille clammeit, quilloient et quille clammoient bonnement luy el
son remanant et tous cbiaus à cuy ou as <rueils qi.ittance en doit ou puet
appartenir à faire. Et arnec ce. doit el deveral ledit Henry, de dedens le
jour et terme enssuivant le jour dele dautte de cez leltrez,assenner bonnement el loyalmcnl, au proufit dele pitance de la dicte maison, demi
muy d'espialle de rente hiretable en bonne foid et sans malcne;hien. Encores deveral ledit Henry se chambre dessus dicle- telement esloffer que.
après son décez, on puisl relrover au proufilde la dicte maison dez GransMaladez, sur lez biens de sa dicte chambre, le valleur de diies ftorins
mailhes d'or de Hollande, telez que dit sont par desseure. Et la parmy,
ledit Henry Boisselial poral distribuer et faire loi son_ boin plaizir de

-.U-4toussez autres hiens meublez et héritahlez, sans ce que la dicte maison
y puist ne doie riens plus a,,ant demander se dont n'estoit que ledit Jrenry
li vouzist donner, laissier ou almonner de son greil. Et porat yestre, s'il
li plaist, bol'goy de Namur 1>army se borgesie paya nt d'an en an en le
manière acostumée sans malen3hie11. Et tout chu ont fait, r,ratiiet,
acordeit el otroiiet adit IJenry les dessus dis governeurs dele maison
dez Grans-i'Ualadez , si arnnl que faire le puellenl J>ar le verlut de leur
élection el dez chartrez sur cc faites, si comme il dissoi~nt. tant 1>our
l'amour de Dieu comme 11our le boin espoir qu'il el les frèrez el sereurez
dele dicte maison ont d'avoir de luy boin service, labeur et ayde, lequeîl
il doit faire à la dicte maison à son loyal pooir par le manière dessus
escripte. Si ont les dessus dis governeurs priiet el requis à nous , les dis
maycurs et eskevins, que nous YOuzissimez donner de lot ce que dit est
adit Henry, pour plus grant seghure faire à luy, lettrez saieléez do grant
seal delc ville de Namur. Et nous, li maires et lez eskevins dessus nommeis, ale priière et requeste dez deus esleus et governeurs dessus nommeis, arnns adit Uenry donneil ces présentes letlrez saiel€ez de nostre
dit grant seal. Faites cl don néez en l'an de grasce mi I quatre cens et seze,
le premier jour do mois d'avrilh.

Registt·e aux trnnsports de la cour de Namur,
tle 1413 à 1418, fol. 342. - Archiv. de la ville.

IX.

Bail de (a cense de Ponty .
A tous chiaus qui ces présentes lettres verront ou orront, nous li maires
et les eskevins dele ville de Nam ur, salut en Dieu avec cognissance de Yériteit. savoir faisons q ue par devant nous sont venus et comparus sages
hommes et honorables Thiry aux Lovingnis et Colar Gatier , borgois de
Namur amhdeus esleus, commis de par noble et pou issant prince el scingneur monsingneur Johan de Fland rez, conle de Namur et seini;neur de
nethune, nostre très chier et très redohtel seini;neur, et aussi de par nous
mayeurs et eskevins desseurdis , jureis, quatre des mesliers el de lote le
communalleit dele dite ville et franchise de Namur, au r éi;iment et gouvernement pour l'année présente delc maison des Grans-Maladez de
Namu r ; el nous ont dit et remostreit que pour le prou fit E>l utiliteil dele
dite maison des Grans-Mala,Jez et par Je greil, conscent cl acort des
frèrez et sereures hailiés et maladez dicelle, il avoienl donneit à Colin
d'Emines, fil IJE'nry d'Eminez de Bourgez jadis, ce prendant et acceptant à
loyal trcccn,as us et costumes do pays dele conteit de Namur, le maison de
Pontich apparlenante à le dite maison des Grans-Maladez cl lotes les terres,
preis el hos à ycellt- maison de Ponlich appartenantes, le terme el espause

...

-445 de douze ans conlinucls et enssuivans l'un après l'alre donl le llrcmire
anneie commenchal el entrat au jour de tous les sains derrain passcil qui
fut en l'an de rrrasce mil qualre cens et diies sept, parmy douze treeens
paiiant, c'est assarnir eascuo an la somme de quatre vins muis d'espealte
bonne, loyale et payable,hio commournée de van, de rerre et de flayal, tele
et ossi suffissanle que do terroir dudit lieu de Ponlich et à le mezure de
Namur, à livrer el paiier cascun an au jour S• Andrieu l'a1loslle en ou
grenier rlele maison desrlis Grans-Malades ou à Namur, que li dit Colin en
doit rendre et rP.ndera chascun an les dites douze annéez durantes, et devera le dit Colin c.iscun an, la dite sliete duranle,les terres dudit cheruar,e
bin et loyahnentcheruer, waingnier et lahorer de temps,de heure el de
saison, ensi que on ferai les autres desseur et desous. Et est asavoir que
li dit Colin Lro1•at à l'entrée de sa dite sliete siies boniers des terres desseur diles vierseez; lesqueils siies boniers de terre et ossi toles les terres
à le dite maison dePonticb appartenantesdeverat il laissier en atel point,
à l'issuwe de sa dite sliete, que il lez troval à son entrée. Item, est assavoir que lotes les bleid:t qui ont estet seméez sur les dites terres, à le premire anneie de sa dite sliete, furent et ont esteit prisiéez, rewardées et
exliméez par bonnez gens ad chu cognissans , assavoir Stassar de Seron
escuier , Wallier de Seron son frère, Jamar Guizelin eske,•in do Fei:t el
Clarembal fil dudil Stassar de Seron, el fut la ,lite exlimalion et prisic
faites le diies noefemme jour do mois de may derrain passeit, cascun bo•
nier d'emblavures à bleid sept muis et demy, c'est le paire de- bonier
quinze muis, lesquelez bleidz ledit Colin dcverat relivreir à le derrainne
anneie ossi suffissantes; et s'il advenoil que les bh!idz qui seront semécz
sur les ditez terres en le dite derrainne anneie valoient miech que celles
qui y sonl lrovées emhlavéez en la dite premire anneie,ce seroil au proufit
dudit Colin, et eu deveroil avoir el emporter le miech; et s'elle valoient
mains, lidis Colin seroil tenus del parfaire et restorcr do sien par le prisie
de bon nez gens ad chu cognissans, la queile prisie et extimalion se deverat
faire en le derrainne année dele issuwe dudit cheruar,e età tel jour qu'elle
as esleit faite à l'entrée de la dite sliete , \"Oire que les pasturez des bleids
tic la dite prisie, se miecb valoient, deveroient demorer à le dite maison de
Ponlich en bonne foid et sans malenghien avoec les autres pastures dudil
cberuage. Uem est assavoir qu'il at une pièce tic terre contenante chincq
boniers ou environ gissant à Granlselle en le culée; par quoy s'il advenoit
que Je dit Colin le chcruaisl et waingnaist , ce seroit à son prou6t parmy
le somme desseur dite rendant, comme dit esl,et seroit li grain qui sur èez
dis boniers venroil et creisleroit en le derrainne année adit Colin, sans
riens rendre ne paiicr; et li paslure d'iceulx doit el dcvera demorer à la
dite maison de Ponlich avoec lotes les autres pasturez qui sur le dit cheruwage ve111•ont et crcsteront. Encor est assal'oir que le dit Colin cencisseur doit cascun an paiier el délivreir siies cens de wals, lote la dile

1>7

-U6 sliete durantc, 11our metre et covertir en le réfection et retenue de la dite
maison de Pontich, et deverat ledit Colin paiier et délivreir les frais de
boche des ovriers qui en oevre lez meteront, et la dite maison des IIJaladez
devera paiier les jourD\\ez des dis ovriers. Encor est assavoir que s'il advenoit qu'il fauzist merriens aucuns ou plussieurs,chauchez ou savelon pour
covertir et metre en l'enmidris.e de la dite maison de Pontich, li dis Colin
cencisseurserat tenus de les aller querre et amener sur l'oevre a ses chevals
chars et harnaix. Encor est assavoir que le dit censisseur puet et pora
taillier ou faire taillier tous lez bos à le dile maison de Pontich appartenant une fois dedens la dite stiete, de temps et de saison , lequcil bos le
dit cencisseur porat et deverat resaiwer deux ans après l'issuwe de sa dite
stiete. Encor est il ordineit et acordeil que la dite maison dez GransMaladez doit et deverat faire faire en la dite maison de Pontich, là il
s'appartenra, une bar tel et si suffisant que pour le dit Colin ens aizier, ou
quel bar devera avoir une planchiet pour le dit Colin herbegier ses grains
011 autres choses se meslier li est, pour lequeil bar le dit Colin serai tenus
de paiier les frais des ovriers qui entour overont , et d'amener l'estoll'ez
sur le lieu tant seulement, et la dite maison des Grans-Malades devera
paiier lotes les atres costeni;ez. Encor est assavoir que s'il advenoit ensi
que on fezist aucune justice en le ,,me de Namur de malfaiteurs dedehs la
dite sliele durant, et on prendezisl aucun des chevals dudit cencisseur, la
dite maison des Maladez seroit tenue de rendre et paiier adit Colin , pour
le paine et tra1•ailh de son dit cheval, une muy d'espealte et son cheval
ravoir sans maleni;hien , et par tele manière el condition que s'il advenoit
que on prendezist deus des che\'als le dit Colin cencisseur ou plus pour
faire justice, si que dit est, le dit cencisseur deveroit ravoir ses deus ehevals et pour chascun cheval unk muy d'espealte,et sur teil si et condition
que s'il avenoit que li une ou plusseurs des dis cl1evals, en faisant la dite
justire, so affoloit ou afoloient telement que on ne s'en pozist plus aidier, 011 que en ce faisant il morisl ou morissent, ravoir en deveroit le dit
cencisseur, au dit et ordinance do mayeur et des eskevins de Namur sans
malenr,hien. Et la parmy , al fait la dite maison de prest adil eencisseur
la somme de sept vins jarbez de rougrains, c'est assa,·oir quarante jarbez
de pois, quarante jarbez de vechez et sissante jarbez de meloude à rendre
a tous ses boins poins dedens le derrainne anneie de la dite sliete; et s'il
advenoit ensi que li rougrain n'adiercbaist point , le dit Colin cencisseur
seroit et deveroit yestre quitte de paiier pour cascune jarbe deus deniers
d'argent condist wihos, monnoye et payement dele ville de Namur. Pour
tous lesqueils covens desseurdis tenir, paiier et ayempllr, comme dit est,
en ont le dit Colin d'Eminez et Margritte sa feD1lDc obligiet et abandonneit
yaus et le leur, par tout et chascun pour le tout, et la dite femme du greit
et volenteit son dit marit, soient meublez ou hirtablez, présens et advenir,
et par espécial tous les biens adit cheruage et accense appartenant, tote la

-447dile sliete durante , ossi bin en ban de fteste que four ban de fteste ; et s'il
linentcovent de leurs corps,paiier doient leu1·s frais de quinsaine enquinsaine; s'on prenl leurs corps, pour ce ne sont nient leurs biens quillez;
s'on prent leurs biens, pour ce ne sonl nient leurs corps quittes ; el
s'on prent à l'une diaus, pour ce n'est nienl li autre quitte. El de tout chu
se sont il mis en notre recort, et si le mist li dis maire en le warde de nous
les eskevins desseur nommeis par le tesmoing de ces présentes JeLlres
saieléez de nostre urant seal dele dite ville de Namur, qui furent faites et
données en l'an de grasce mil quatre cens et diies wyt, le premier jour do
mois de jung.
Original avec fragments du sceau communal, aux
arch. de l'Étal à Namur. (Chartrier· cles Gra,1</s/lfaladeJ).

X.

Le comte Jean Ill modifie, en faveur de la cense de Ponty, certains articles de la chatte octroyée par Guillaume 1 aux

villages de Vedrin et de Frizet.
Jehan de Fland1·e comte de Namur, seigneurdeBethunes, sçayoir faisons
à Lous que comme Les mambours et procureurs de la maison de Ponty
apartenans aulx Grands-Malades, pour et en nom d'iceulx, nous ayent remontré les grands domaiges et amendes que souvent encourent les
bestiaux a11artenaut à ladite maison envers ceulx de noz ville de Vedrin et
de Frizet là joindant, par la vertu d'une certaine chartre à eulx donée et
octroyée par feu de bone mémoire nostre très cher et très redoublé seir,neur el père, en son vivant comte de Namur et seigneur de l'Escluse, que
Dieu face vray merchy, et par eulx à luy en partie impétrée à grant crief,
préjudice de ladite maison, comme il poeut telemenl aparoir par l'inspection d'icelles, et nous pour ce très bumbltment suplianl que ad ce
pourveoir voilsiemes de nos convenables remèdes , ou autrement, come
ils disoient, ladite maison fait apparant de cheoir en ruine et deslruction
inrécupérable, par le cause de ce que on ne trouveroit personne qui tenir
ne censser volsisse lallite maison, s'il n'étolt qu'ils poissent raisonablement faire prou fil de leurs bestes sansètretrop grandement asservie, nous.
désirant à no~tre 1>ooir tenir et conforter chacun en droit et en justice ,
somes inclinés à la raisonahle suplication des dessusdis mambonrs et procureurs,tt leur avons de noslre r,ré espécialle, huysur ce bon avis et conseil,
par grande et meuer délibération, par l'acord el consentement de ceulx d,•
nous dite ville de Vedrin ~l de Prizé pour ce fSpécialment huchiés et

-.usappeliez, modéré cl adouchy el par ces oostr es présentes modé1·011s, adoucbissons, pour et au prouffit de lad ite maison, trois poincts conteuus el déclarés esdiles chartres qui préjudiciables leur estoient, assçavoir : Premier
celly J>oinct là où il est dit que chacune beste, chevau tx, vaches alforains
qui serroient trouvés esdites conmoingnes desdites villes et raporlés par
leurs sergeaut, soient d'amendes à quatre vies esterlins, avons modéré el
adoucbies en la manière qui s'ensuit.C'est assçavoir que se trouvé estoit
esdiles conmoingnes la moitié ou plus deschevaulx ou vaches apartenants
à ladite maison, à warde faites et raporté par lesdis sergeants toutelfois
el quantelfois que ce seroit, seroienl lesdites bêtes ensembles à chacune
fois à l'amende de quatre vies ester lins et non plus. - Item celly poincl
où il est dit que chacune hierde de brebis trouvée esdites comoingnes et
raportée par lesdis sergeants, soient d'amende de cincq sols de Lovegnis,
avoes modéré el adouchy en la manière quP cy s'ensuit : c'est assavoir que
chacune hierde de brebis apartenant à ladite maison qui troul'ée seroient
csclites comoingnes , wardes faites et raportées par lesdis sergeants
touleffois el quantelfois <1ue ce fusse , seroient à l'amende de quat re vies
esterlins el 11011 plus.- Hem celly poincl où il est dit que tous pourcheaux
el toutes chièvres a/forains trouvées el r•aportéès par la manière desusdile
devisée soient acquizes à icelle parchon à monseigneur et ausdiles ,·illes ,
avons modéré el adouch~e en la manière qu'il s'ensuit: c'est assçavoir que
pourcheaux apartenant à ladite maison qui trouvés seroient esdites comoingnes et ra portés comme dit est, ne debvroienl quelques amendes, ne
ne seroient aucunement acquis pour la cause de ce ,1u'il n'a esdites comoingue quelque paschon, ne que ils n'y poeulent faire aucuns domaiges.
Mais les chièvres apartenaut à la dite maison , que trom,é seroienl esclites
cou1oingnes el raporté comme dit est, seroienl acquise ér,allement à nous
et à noslre dites villes, comme seroient les autres forraines. Et d'iceux
1 rois poincts ainsi que par nous modérés et adouchys, et <1ue dit est, volIons par nous, nos hoirs et successeurs, contes de Namur, ,1ue les manans
el ayaus cause en la dite maison de Ponty goissenl à tousiours hérilablemenl de leur prouffil sans pour ce, au regard d'autruy, aucu nement
enfra-indre le contenu esdites chartrcs. Si comandons el enjoiudons très
eslroilement à nos manans et babitans en nos dites villes de Vedrin et
de Frizé el à tous cheulx ausqucls il poeut toucher ou apartenir, qu'il
laissent et soeulfrcnl paisiblement goir et ·rossesser à tousiours héritablemenl les mambours et procureurs manant ayant cause en ladite maison
de Ponty, des modérations et adouchemens que faits leur avons sur les
troix 1Joincls déclarés et contenus esdites charlrcs, ainsi que par la m:inière que déclarés sont pJai nement en cestes nos présentes sans les pour
ceste cause aucunement, que dit est, en temps advenir molest1•1· ou cmpescher. Car ainsi de nostrc gré espécial nous plaisl il eslre fait cl tenu.
réservé tousiours à nous, nos hoirs et successeurs, com l~s lie Namur. la

-449moitié esdiles acquises el amendes, par le &.esmoing de ces lettres ausqueles avons fait melre el appendre noslre propre seel. Doué en noslre
chaslea de Namur, l'an de la nativité Noslre-Seigneur Jésus Christ 1410,
le 4• jour du mois de février. El est escril sur le hord de la lettre : par
monseigneur le conte, présens en son conseil messire llenry de Boullan
seigneur de Rolle el de Daves, llenry de Loncbamps grand hailly de sa
conté de Namur el Henry de Sorines son bailly de Waseges. El ainsi
signé : J. de Melain.
Copie du 17• siècle sur papier, aux archiv. de
l'ttat à Namur (Gra11ds-Malades).

XI.

Sensieull la manière et comment homme, femme Ott enfant se
doit wnduire avant qu'il pa1·viengne à la pl'ovende des GrnnsJlalades à Namur, si avant qu'il soit letre et natifz de la ville
de Namttr.
Premiers , la personne doit aller à son curé parocllien el soy faire fili
de Sainte Eglise. En après, doit prendre de ses amis ou voisins el lui traire
aveucq iceulx devers maieur el eschevin de Namur,ausquelz il doit monslrer et faire apparoir à souffisance où il a élé né el baplisié en l'un des
<1uatre fons de ladite ville. Ce fait, l'on doit mander les gouverneurs
ou gouverneur desdils Maladt!S cl remostrc1· à yceulx ce que dil est. En
oullre, d'un commun accorl, l'on doit envoiier les maislres desdils Malades aveuc le requérant, se il le requiert, au Cornillon, aux frais , couslz
el despens dudil requérant, el ung des frères de la maison en sa conpaingnie. S'il est trowé enlachié dele maladie, lui revenu et ce remonstré
par ledit gouverneur des Malades aux esleuz de ladite ville, il doit avoir la
pro\·ende dele maison comme les autres frères , parmi tant <1u'il doit porter en ladite maison, pour lui à aidier tout sa vie, ung lit stoffet, pos,
pelles, escuelles d'eslain, lot , demi lot, cousins, tables el chambes et ce
dont il se puisl aidir raisonnablement. Hem, el se de ce faire il n'cstoit
puissant, il ne doit avoir ne lever nulz des biens de ladite maison à son
proffit, jusque à tanl que sa dile chambre soit eslorée et appareillié des
bins de sa dite provende, comme dit est, au plus apparilliez. El si doit
ledit requ érant pour sa pasle à chascun des frères el suers de ladite
maison, ung ,•ics gros; item au ,•esli d'illec,deux vies gros; et au maislre.
deux vies gros. El se on requéroit à le 1>erson11c qu'il allaisl à l'cspreuv<'
oullres sa volenté, pourtant que on le cnidroit malade par l'informacion

- 41\0 ou donner entendre de seij voisins ou d'autres, et il raporlaisl letlrt!s
qu'il fuist hailié, cellui qui le envoyeroil ou envoyeroient et reque1Toient
de l'envoiier doivent donner si bonne fin que pour débiter cellui sans
ce qu'il en payast riens. Et doit on telle malade mener par son curé
parochien à crois el bénit eauwe hors de la ville, à veue de chacun , à la
~elacion aussi du mayeur et eschevins de Namur qui saulvent et wardenl
les choises cy desseur escriptes. Et à la fois, selon la misérableté des cens,
puelt on faire i;r:\ce par le conseil des jugeurs el maistres.

Répertoire des causes et qt~ations... fol.
84 vo. - Archives de la ville.

XII.
Appi·obacion d'une ladre estt·e natifve et baptisié es fons de
Nostre-Dame, pour le vain des malades.
Ledit jour, à requeste du frère de Catherine le hccghe, femme de
Uanresch le mounier, furent.et ont esté oys certains tesmoings dii;nes
de foy lesquelz ont dit et rapporté , par le présence de monseigneur le
maire de Namur et eschevins, parins de la dite Catherine, el ce par leur
serment, que icelle fut el a esté baptisié es fons de Nostre-Dame à Na mur.
De quoy le tout oy, aiant messeicneurs sur le tout eu bon ad1•is el conseil à la poursuite du frère de la dite Catherine, ont dit el dienl par jucement qu'ilz ne scevenl chose que la dite Catherine ne ait bien à avoir,
pour Dieu el en aumoisne, son pain et provende aux Grans-Malades de
ceste ville, tantost que par gré de son curet elle se partira de la ville.
Qui fut mis en warde.

Registre aux trat1aporta de la cour de Namur de
1485 à 1487, fol. 337,

vo. -

Arch. de la ville.

Xlll.

Recettes et dépenses des Grands-Malades à différentes époques (a).
ANNÉES

RECETTES

CHAPONS

ARGENT

GRAINS
otPElfSES

&ECETTES

• DtPElfSl!S

RECETTES

.
- .

D2PEJl'SES

muid,, tellon, quarlot rouid1, tcliert, quute,1 obolc,t heaume,, ,vibou. obole•, beeume,, wihoh. ct1•poa,, poulet. obepoo,, poule,.

1415 (b).
1451.
1502.

205-7-•
263 - 3 - 2.
228-6-•

344 186 174 -

5 -

1554.

280 -

!.

244 -

1602 {c).
1651.

193 ~ 3 - 1.
14:S - 1 - 5.

86 20 -

1700 (d).
1750 (e).
1791 (f).

62-2-•
123 - 5 - 2.

4 - 5 - •
23-4-•

• -

G-

2.


4 -



5 -

2.

4 -

6 -

115 158 427 c.trolu1.

697 -

li.l"CI,

2. 1784 • 16i0 florin,.

485 700 2035 -

25 27 22 101,.

1 tub.

2.
3.
4.

112 138 MO -

10.

944 -

deoier,. carof.
deD.

3 - 3.
8 - 5.
001,.

den.

liv.

611 230 Oor,

11 29 28 fOlt.

16 1011.

2.

2.
2.
den.

5.
dco.

12 - 6.
5 - 2.

aol,.

-

34
25
21112 -

den.

27 - 10 - 10.
9 - 8.
6. 1065 - 7 - 8.
10 4. 333-11- 6.
13 -

10

.
..


»

1.


40
- 1.
311/2 - •
31172- •
31172 -



.
..




-------

•• Ce• déleil, aoot tif'U de• compttt do l'bospioo, le1quel1 f'!Ommcn.ceot au jou-r Sl Andril (30 ao•embre) et finitteat à la St André tUÏTante. A partir
do 16021 cea compte, ,ont intitulib: Comptt1 dtt Gro..d1-ftfalad1•, te&bl, d11 pauvr,, ,t pita.nc, ill1c9. Oo a n6gtigé quelque. mi11ime1 trac1ion1, teHn
que lu demi~wiboh, Ica dou1io1 d'épeautre •.
b Let re.c.ettH do celte innée, Téduite1 en .i:nonn,io doa complet da •ille .. monleot à 727 mouton,. 3 he1ua>et. 2 wihotl. La re~elte du compte co1nm11n1l de 1414 etl de 6.213 .i:noutoo• 3 hcaiu111e1, 1 wihot.
o. Pot11" 1602 et 1651, la lino •eut 20 eot,, le 101 Taut 12 denier,.
d . Pout" 1700 et 1750, le floTin est do 201011, lo t<'I de 24 dcnieu.
•· Le d68cit lotit, ,-éJuction dei l"•in• op4!iréo, ctl 293 florin,, 10 10h, 1 denier.
r. ln 1791\ le recn•eu,- • lui-mdme réduî.t loute, le• tflmmt'I on monn1io de compte.

...

Cl<
~

-

.452 -

XIV.

Tableau indiquant le nomb,·e des frères et sœu1's des Grnnds.llfalades à dive,·ses époques.
HAITltS ttPREIIX

ANNÊES

~

....

F.

S.

...<
...
0

1409

6

3

1

2

12

1415
u2g
1451
1454

5
5
2
1

5

5
2
3

2
2
2
3

2
3
2
2

12
15
8
9

1474

4

2

2

1

9

1484
1502
1506
1~16
1520

3
3
4
4
4

3

2
1
1



8
9
14
13
11

1533
1554

0
5

3

2

3
5

1

4

10
14

1565

3

5

1

4

13

1568
1575

2
1

5
4

1
1

3
2

11
8

1578

t

3



1

1585

• • • •
• • 1 •

1594

1600

1602, 1605, 1607.
1615, 1621, 1651,

3

6
4
2

• •

•1

1

2
3
5
4

.

• • 1 •
• • • •

OBSERVATrONS.

Tous ces chiffres sont tirés des
comptes de l'hospice. Les comptesantérieursà 1409 sont perdus.

Un frère lépreux morldansl'an née.
Deux prê tres parmi les haitiés;
un parmi les lépreux.

Deux sœurs lépreuses mortes
dans l'année.
Deux sœurs lépreuses mortes
dans l'année.
Trois frères morls dans l'année,donlun hailiéetun lépreux.

Une sœur lépreuse morte üans
l'année.
5
Une sœur lépreuse morte dans
l'an née. li y a encore deux servantes.
• Le compte ne mentionne aucun hospitalier.
2
Les deux hospitaliers sonlJean
de Marneffe, lépreux, el sa
femme donll'élal sanitaire n'est
pas indiqué.
1
Le malade est le flls de ce Marneffe, suspecté de l~re. Il n'y a
plusque la servante es malades.

1
>)

Le même malade.
Il n'y a plus ni hailiés, ni malades, ni servantes.

..

- 4!S3 - .

AFFLICHE

'

llE L.\ COllPORATrON DES MENUISIEllS DE NAM UII.

La corporation des menuisiers de Namur, qui .exist~it déjà
en 1386 1 , comprenait dans le principe les écriniers ou menuisiers, les cuveliers, les tonneliers, les tourneurs et les
tailleurs d'images ou sculpteurs en bois. Leur plus ancienne
charte connue fut octroyée, le H mai 1608, par Albert et
Isabelle 2 • Un siècle plus tard, les tonneliers et les cuveliers
demandèrent à former une corporation distincte, et, à cet effet,
ils reçurent de l'empereur Charles VI une charte spéciale qui
porte la date du 9 octobre 1724 3 •
De nos jours, les menuisiers et les tourneurs conservent
encore quelques Yestiges de leur organisation d'autrefois : un
• Notice su,· les corps ile métiers el lea serments tle la ville cle Namur,
par J. Bor&net.
• Galliot. VI. 41;;.
Jbicl. 5:57.

3

58



-4li4-

des plus considérables d'entre eux a la garde des anciens
attributs du métier; chaque année, ils font, à frais commims,
célébrer une messe dans l'église de la paroisse Saint Joseph;
enfin, lorsqu'un confrère meurt, les autres assistent à ses obsèques et l'un d'eux suit le cercueil portant J'antique affliche
du métier suspendue sur sa poitrine.
C'est à ce reste d'organisation que nous devons la conservation des divers objets dont nous allons parler, objets curieux
qui furent sauvés d'une destruction certaine, il y a quinze ou
seize ans, par i\J. Golenvaux, un des anc~ens de la corporation.
La pièce principale, l'a[fliche, dont nous donnons un dessin
réduit, appartient à cette belle période de l'art qui fleurissait
à la fin du XV0 siècle. Elle est en argent doré; sa forme générale est, lrilobée, suivant le symbole de l'architecture religieuse du moyen âge. Le centre du médaillon est occupé par
une niche renfermant la statuette du patron du métier,
Saint l\lathieu, portant d'une main une hache qu'il appuie sur
J'épaule, et de l'autre, un livre. Le lobe supérieur est rempli
par le dais ou couvre-chef qui surmonte l'image du saint; les
deux lobes inférieurs sont évidés et contiennent deux petites
figurines d'artisans, l'un frappant du maillet sm· une espèce
d'établi ou banc, l'autre achevant à la varlope un meuble ou
bahut sculpté.
Bien que ces figures, toutes trois en ronde bosse, ne soient
ni finement sculptées ni d'un dessin bien pur et qu'elles soient
évidemment l'œuvre d'un obscur ounier en orfévrerie, elles
portent cependant l'empreinte d'un remarquable sentiment
artistique. Les attitudes sont pleines de vérité et de mouvement; les d1·aperies sont largement disposées; enfin, l'imagination et la délicatesse qui ont présidé à l'ornementation et
à l'ordonnance de cette pièce la rendent tout-à-fait digne

-

4olS -

d'attention, et prouvent que son auteur appartenail à cette
admirable pléiade d'artisans qui sont la gloire du moyen-âge.
A ceite époque, l~rt n'était pas, comme aujourd'hui, une
excepti~n, un objet de luxe inconnu aux masses. Il étendait
ses ramifications jusqu'aux extrémités de l'échelle sociale,
attachant ses rameaux fleuris non seulement au splendide
manoir, à l'opulente église; mais encore aux plus humbles
demeures dont il ciselait les gonds et les serrures, dont il
sculptait l'escabeau, la dresse et le foyer. Il ne dédaignait
même pas, dans sa popularité, d'orner le modeste vase de
terre dans lequel buvait le joyeux ouvrier, à l'égal de la riche
·coupe qui décorait la table du seigneur châtelain. N'était-ce
pas là une ·noble égalité? Les œuvres de Benvenuto Cellini,
cet artiste hautain qui ne condescendait à ciseler ses coupes
merveilleuses que sur les pressantes sollicitations d'un pape,
d'un empereur, ou tout au moins d'un roi, ont-elles plus de
renommée que les admirables poteries de Bernard Palissy,
cet « ouvrier en terre, » ainsi qu'il se qualifie lui-même?
Non, vraiment·.
.l\lais les choses sont bien changées. L'Art, ce merveilleux
niveau qui mettait sur la même ligne l'argile, l'or et les
pierreries, l'Art a disparu ne nous laissant à admirer que
d'informes déb1·i~ disséminés sur le sol par les révolutions.
Il faut fermer les yeux si on veut revoir, au moins en imagination, ces vieux temples chrétiens où le bois et la pierre,
l'or et l'airain, le verre et l'émail étalaient à l'envi leurs
sculptures, Jeurs couleurs splendides; - ces halles sévères
surmontées de leur beffroi populaire sur lequel flottait le drapeau de la commune; - ces serments d'archers et d'arbalétriers, fidèles soutiens de nos franchises; - ces corps de
molicrs (véritable organisation du travail au moyen-:\ge)

-.4!56-

marchant, bannières déployées, pour célébrer l'alliliation d'un
nouveau maître, et promenant en triomphe la pièce d'œuvre
qui a valu, à un digne apprenti, cette dignité enviée.
Il a passé bien des veilles, le jeune artisan, à l'étude des
secrets du métier; mais enfin, il a mis la dernière main à son
chef-d'œuvre 1 ; les vieux maîtres l'ont proclamé leur égal!
Le souvenir de ses fatigues est déjà bien loin de lui, et son
cœur est inondé d'une douce joie lorsque Je prévôt et les
anciens du corps le mènent par la ville en le tenant par la
main. Il chemine ainsi précédé du valet du métier portant la
bannière et l'affiiche de la corporation; des cris d'allégresse
éclatent sur son passage; la foule enthousiaste se presse dans
les rues, sur les places; elle encombre les fenêtres et grimpe
jusqu'aux w-ibieges des ,•ieilles maisons sculptées dont les
• La charte de 1608, laquelle n'est sans doute que la reproduction d'une
charte plus ancienne, indique de la maoièresuivante les divers chefs-d'œuvre ou pices-d'ouve qui doivent être faits par les compagnons du métier.
« Tous les compagnons queh1ues qu'ils soient, étrangers ou autres
• venant en la ville el franchise de Namur , pour ouvrer comme maitres
,, écriniers et tenir ouvriers, seront tenus préalablement de faire trois
» pièces d'ouvrage, l'une un buffet ou une garderobe, ou une table li• rante de huit il douze pieds de !oing les bras assis il queue d'aronde.
• lesquelles trois pièces d'œuvre respectivement seront munies de bonne
• esbassemens, cornisses et de hÔnne ordonnance, et les faire honnête• ment aux devises et choix des prévôt et maitres, demeurant la visitation
• desdits chefs-d'œuvre il la rrénéralité. - Les cuveliers SCl'Onl tenus
• faire ùn tonneau il l'huile tenant justement une aime, ou nne cuvt•
» baigneresse, ou une saloir à trois pieds, lesquels trois pieds seront
• départis au compas.... - Les tailleurs d'images, soit en tendre ou
• blanche pierre ou bois, seront tenus de faire une imarre de (Juatre pieds
" av<'c drapperie, ou uno histoire à bonne miue d'homme ou de fJ>.mme,
~ des pieds et des mains quarez avec bonne maçonne1·ie, aux choix
" comme dessus. - El les tourneurs seront tenus de faire une bomw
" pièce d'œuvre de quelle sorte qne ce soit de leur métier des futailles,
., comme deux grosses boules de deux pieds en rondeur après le compas,
• ùu un mon lin haspanl , ou une chaire d'homme les pieds de derrière de
• deux pi~c~s. :. "


- 4o7 -

grimanciens de bois, la bouche fendue jusqu'aux oreilles, semblent prendre part à la fête. Plus loin, voici la demeure du
patron qui a guidé son apprentissage; la verdure et les fleurs
la dérobent presqu'aux yeux; l'enseigne en panonceau se balance au dessus de l'huis et étale au soleil l'image du u ciseau
» d'or » ou de la \1 hache couronnée 1>. Sur le seuil où le
cortége s'arrête, la coupe d'honneur, remplie de vin de Buley,
est offerte à notre héros. En la recevant son cœur se
gonfle , sa main tremble ; il a rougi et pâli successivement : c'est qu'il vient d'entrevoir, derrière le contrevent entrebaillé de la boucanière, la tête blonde et les yeux bleus
de la jeune fille du patron. Il songe, le brave ouvrier, qu'en
dépouillant sa robe d'apprenti, il vient d'acquérir bien des
droits, de fortifier bien des espérances; il songe...... l\lais je
songe aussi par trop moi-même, et c'est pour le coup, que les
fortes têtes de l'endroit vont dire que je suis possédé du démon
des vyes pfres. Réveillons-nous donc, puis qu'il le faut, et
laissons bien loin derrière nous , dans les vapeurs encore mal
dissipées de ma rêverie, les vieux clochetons de notre antique
cité; laissons s'évanouir dans les airs les derniers · sons du
carillon de la porte Hoyoux célébrant le passage des tireurs à
l'arc, des l\Jélans, des Avresses et des Aurjouhans ! Adieu,
poésie du peuple!
Je reviens à ma table où gît, quelque peu bossuée et mutilée, l'affiiche des menuisiers dont j'avais commencé à ,,ou~
entretenir. Cette pauvre affiiche a échappé, comme par miracle
à la destruction qui l'attendait inévitablement, et sans la
protection d'un généreux concitoyen, elle aurait éprouvé le
sort de sa sœur, l'affiiche de Sainte Anne qni fut fonclur
naguères. Vous voyez que je ne rêve plus.

-458-

Les figures de Saint l\tathieu portant sa hache et des ouvriers
taillant et rabotant manqueraient au médaillon, qu'il serait
encore facile de reconnaître la destination de ce dernier, tant
il y a eu unité et poésie dans la pensée qui a présidé à son
exécution. L'emblême de l'œuvf'e du bois s'y manifeste jusques
dans ses moindres détails. Le saint patron est, comme je l'ai
ùit, placé sous un couvre-chef supporté par d'élégantes colonnettes; le tout est formé de branches d'arbres ingénieusement
entrelacées, simulant dans leurs combinaisons un dais de style
ogival tertiaire. Cette ordonnance se continue par un riche feuillage semé de fleurs qui serpente autour du médaillon, s'enroulant capricieusement dans tous ses contours, et par des
branchages entrelacés qui grimpent, en forme de chaîne, le
long d'une large bande de velours noir destinée à suspendre
l'afilicbe au cou de son porteur. Aux deux côtés du saint se
trouvent deux écussons suspendus aux brariches du dais et
blas_onnés aux armes d'Autriche et de Namur. Ces écussons
sont évidemme~t d'une date postérieure; ils·y ont été ajoutés,
je suppose, lors de la restauration que l'on a faite de cet antique bijou à la fin du xvne siècle, ainsi que l'indique l'inscription suivante gravée au do3 du médaillon mais effacée en
partie :
IAN FRANCOIS MVROM
PREVOT
NICOLAS ROSTENNE VIEVX MRE
FOVELAIN CANEL lllRE
NICOLAS FLAHVTEAVX MRE
ON FAIT RACOMODE LAFFLICIIE
A\'X DEPPENS OV ~IESTIER
1661.

' Maitre.

I

-.439 -

n est heureux que les vieux maitres n'aient pas poussé plus
loin leur zèle du mccommodage, car à cette époque les bonnes
traditions étaient déjà perdues. Nous n'en donnerons d'autre
preuve que l'appendice ridicule, espèce de grelot en argent,
qu'ils ont suspendu au bas de l'afiliche et que nous avons cru
devoir supprimer dans le dessin qui accompagne cette notice.
Maintenant que nous avons examiné auentivement l'affiiche,
jetons un rapide coup d'œil sur les divers objets qui, avec ce
reste curieux du moyen-âge, constituent cc qu'on pourrait
appeler la trésorerie de l'antique corporation des menuisiers.
Ces objets sont :
i 0 Un Saint Mathieu, statuette en bois, que l'on dépose sur
l'autel le jour de la messe annuelle; c'est une œuvre peu remarquable qui parait dater de la fin du XVII• siècle.
2'> Une hachette en argent, d'un joli dessin, portant la date
de 1668; une auréole de même métal; enfin, quatre figurines
en argent, semblables l'une à l'autre et représentant Saint
Mathieu. Tous ces objets servent à la décoration de la statuette en bois que l'on dépose sur l'autel le jour de la fête
patronalè; les quatre figuWnes se placent aux coins du
piédestal.
5° Une planche en cuivre servant autrefois à imprimer les
gravures qui se distribuent le jour de Saint Mathieu; clic est
du siècle dernier et représente le patron du métier; on lit
en-dessous : S. Mathieu pal1·011 des menuisiers et tourneurs
p.JJ.

1WUS.

4° Un drapeau en soie blanche, avec franches et torsades en
or, hampe en bois de chêne sculpté. Sur un des côtés on a
peint Saint Mathieu a,•ec l'inscription : S. ~falhieu vatron des
menuisiers et lottmeurs; sur l'autre, on voit quelques outils,
et l'inscription porte : i7 - unit pour la patt'ie - 87.

'

...

- 460 -

Plusieurs de nos autres corporations ont également conservé
leurs anciennes afilicbes. Nous les examinerons quelque jour.
En attendant, félicitons sincèrement M. Golenvaux d'avoir sauvé
de la destruction une œuvre véritablement artistique, et formons des vœux pour que celle-ci se trouve toujours en
d'aussi dignes mains.
ALPHONSE BALAT •



--461-

BIBLIOGRAPHIE NAMUROISE

1

i. - PHILIPPE Il ET LA BELCIQCE. Résumé politique de l'histoire de la ,-évolution belge <lu XVJe si~cle (1555 à H'.>98) par

A. Borgnet, professeur à l'université de Liége, etc. 1 vol. in-4°
de i 67 pages, extrait des Mémoires de l'Académie; ou t vol.
in-Sode 234 pages, Bruxelles, l\Ieline, i.850.
Je ne sais pourquoi tout ce qui se rattache plus ou moins à l'histoire et
la littérature est, dans notre pro,·ince, frappé d'un ostracisme cruel.
Pourquoi celle indifférence ou plutôt pourquoi celle ingralilude envers
la Pro\idence?
Je dis ingratitude parce qu'il esl à r emarquer que nos rélébrilés contemporaines les plus en vogue en histoire, en Iilléralure cl en peinture,
sont sorties de ce petit coin de terre auquel on a donné le sobriquet lr~speu flatteur et surtout très-menteur de Bruyères de l'it1lelli9e11ce pour
faire pendant aux Bruyères 1le1 Ardenms. Suivez-moi,je vous prie, pendant quelques instants dans le domaine des muses; mais, rassurez-vous,
cellepelile course mythologique ne nous mènera pas à la moindre fiction;
nous allons arriver à de l'histoire, et à de l'histoire fraiche encore.
à

' 8ot11 oe titre Qou, rendront compte à 1'1Yenir de.t oun•ge, qui int6resaent 11 proYince de
?hmur1 1in1i que do ceus qui auront 6t6 (1it1 par de• N1muroi, el dont un exemplaire 1nra
1-1, ofl'ut à 1, Soeitl!~ A.trhNlogiq-ue.

(N•t• d• la c.....,,,. " .)

o9

-402C'est de ce petit coin de terre qu'est originaire noire ta Fontaine à nous,
noire e1Ccellent el dii;ne de Slassart dont la Iie et le talenl sont deux auréolh lumineuses qui en valent hien d'autres ma foi. desquelles on fait
grand cas, mais qui seron t de longtemps éteintes alors que les premières
rayonneront d'un éclat toujours nom•eau.
C'est dans ce petit coin de terre que naquit M. d'Omalius d'llalloy dont
la science est vénérée par l'Europe savante.
C'est dans ce pelil ooin de terre que naquit :V. Blondeau , doyen de la
faculté de droit, de Paris.
C'est dans ce petit coin de terre que naquit le Charles Nodi er de la Belgiqut', cet 3im;ible conteur qui a presqu'à lui seul le privilége de se faire
lire dans noire pays,~!. Grandgagnage enfi n dont les 1callom1a,lcs ont
eu, enlr'autres résultats heureux, celui de faire connaitre au public une
certaine quantité de jeunes prétendants à la gloire, tri!s-obscurs du reste,
comme, par parenthèse, ,·otre très-humble ser1 iteur.
C'est dans ce petit coin de terre que naquit l'homme dont nou~ allons
nous occuper tout à l'heure et dont le nom est destiné à faire école.
C'est dans ce pelil coin de terre que naquit un grand peintre, celui qui,
de tous nos artistes a, le mieui.:,de la gloire la vérilahle idée el 11ui attend
la mort pour être jugé.sans se dout!'rque la saine partie du public n'a pas
attendu cette catastrophe pour asseoir son jugement, \Viertz enHn,dont le
nom sera bien puissant dans nos annales artistiques.
C'est dans cc petit coin de terre que naquit un au tre peintre moins gram!
peut-étre, mais pénétré d'une poésie de talent ineffable el qui s'appelle
.11atbieu.
C'est dans ce petit coin de terre qu e .... mais arrèlons-nous·, il me
semble que pour des bruyères cela n'<'Sl déjà pas si mal!
Vous le ,,oyez, ô mon lecteur, pour quelques hommes de talent q ue la
Belgique 110,,sède ce sont nos steppu a,-idu, comme dirait un e"totique,
qui leur ont servi de berceau. J'cs11êre bien que quelque jour la Société
.tt,·chi!olOf}ique s'occupera d'unP. Biographie Namuroise étudiée dans laquelle tous ces noms apparaîtront a\Cc leurs litres au respect el à la
vénération dl' leurs concitoyens, et qu'elle l' fera ftgurer le rondateur
de l'école de paysage en Belgique, Joachim Patenier de Dinant; plus les
peintres llenri de Blès de nouvigncs, Bou\'eric, Nicolar el Juppin de Namur. Noe! de Waulrnrl ; le célèbre tribun Henri de Dinant ; les savants

-468J)elvaux ou Vallensis d'Andennt>s, Sohet de ChOOl el Paquol de Florennes;
l'bislOrien Dewez; F .•G, Pirson, ce patriotique Dinantais qui Lint tête à
Robespierre, el tant d'autres enfin qui appartiennent à l'histoire el à la
gloire de notre chère Belgique. La société suivra en cela l'exemple qui
lui est donué par la ,ille de Brur,es, laquelle a puissamment contrihué à
la publication des quatre précieux volumes biographiques consacrés aux
r,rands hommes de la Flandre Occidentale.Ces 1•olumes sont rédigés,si je ne
me trompe, par plu~ieurs memhresde la Sociétéd'Émulatic,n. Ce sera notre
Panthéon à nous, car nous pourrons écrire au fronton de ce lhre • aux
~

grands hommes, Namur reconnaissante! •
Cela dit, je reviens à mon mouton et quel mouton ? PhilippP Il !
Un grand nombre d'historhms ont parlé de cet homml' pr1tdet1t
comme disent ses panégyristes ou de ce démon du midi comme l'appellent les victimes de sa tyrannie. Depuis Watson el Dumesnil •, jus·
qu'à M. Borgnet, la liste des auteurs qui onl soumis le rllgnr de ce Roi
au creuset de l'analyse est longue el hien que nous avouerons franche•
ment ne pas les e1·oir lus tous, nous croyons cependant en a1·oir vu
assez pour acquérir el garder la conviction (Jue l'œuvre de M. Borr,net
est, dt: toutes celles que nous connaissons sur la matière, la page la
11lus instructive el la plus littérairement écrite.
Le plus grand mérite du livre de notre savant professeur esl de l'avoir
atproprié à la Belgique. En effet , les documents épars, les histoires
générales de ce rèi;ne, les pièces diplomatiques semées aull quatre
ooins de l'Europe et rappelél'S dans différents ouvrar,es, étaient devenus
à peu près inutilespartoulesles difficullésallacbées à leurpossession,à ceux
tfUi aiment à connaitre l'histoire de leur pays. Anjourd'bui cette rei;rellable lacune n'existe plus; Philippe U comme tyran de la Belr,ique est corn·
plel; le profil hideux de ce Caligula moderne qui semble avoir 11ris la devise
tlu caligula ancien, , tout m'ell permi,s et c-ontre IOU$, • est présent à
notre mémoire el nous n'avons plus, à l'hrure qu'il est, la moindre
excuse à apporter à notre ii;norance. Le livre de M. Bori;net commence
et se termine à la manière d'un récit. Pas de di1 i,ion , pas de chapitre,
des date~ en mari;e de la par,e el \"Oilà tout; c'est un journal des souffrances de notre pays sous ce joug justement flétri; c'est un agenda qui
'lliJIOry oftlt• rt,g,. of Plulipp l/1 bf Wat1on. 1777. Londroa Traduit pH le Cnmle dft
31••• 4 •ul.Amtterdam, li77. lli,r•îre ,le Plut,p/Hll, ra, d'E•JJ"i"~• par Dumtt1'il, Pari•, 18?:?

- -46.4 11résenle de sanglantes noles à chaque jour de l'année, qui respire un
air de désolation el qui remplit l'âme d'une légitime tristesse. Des notes
curieuses complètent la narration de l'auteur el apportent à ce qu'il
avance des preuves irréfragables. Ces notes sous ce dernier point de
vue nous importent peu, car l'exaclîtude de M. Borgnel comme historien
nous est depuis longtemps connue; ce n'est que sou~ le rapporl des renseignemenlshibliographiquesqu'elles nous ont paru avoir un puissantîntérèt.
Si,comme œuvre hislorique et philosophique, ce travail est un des plus
remarquables publiés sur la vie de ce roi dont les Caslillans disaient
qu'il allait régner sur la Belr,iqne avec un bâlon, nous ajouterons que
comme œuvre lilléraire il est égalemenl à une grande hauteur. Le slyle
de M. Bc,rgnel est agréable el sevèrc; point de longueurs, une rapidité
convenable qui sail se ralentir à des momenls donnés, une phrase harmonieuse, coupée adroitement el presque cadencée font éprouyer à la lecture
de sa prose un charme dont on suhit l'inlluence sans s'en apercevoir. Le
cadre rétréci de notre Reçue Bibliographique ne nous permet point de
suhre l'auteur pas à pas dans son œune; du reste il vaudra mieux pour
le public c1u'il fasse lui-m~me la d( couverte des hrillanles qualités d'un
livre <1ui, pour nous servir d'une expression emprunlée à un célèbre
critique français, est plein d'entraillea.
S.

2. - Etudes historiques sui· l'enseignement dans les universités
du moyen-âge. 1\Iémoire lu à la Société littéraire de l'université
catholique de Louvain, par J .-D. Doyen, prêtre du diocèse de
~amur. 1 \'Ol. in-8, 98 et II pages. Gand, Vanhifte.
Il y a quelque chose de désespéranl dans le dédain qu'alfeclc, non-seulement le public,mais ta presse belge en race d'œU\res sérieuses conçub
laborieustmenl, au prix de travaux considérables, cl pour lesquels l'auteur ne reçoit pas même une mention plus ou moins honorable dans
ces puissantes feuilles du jour qui se donnent 1>011r mission la sau\·egarde des intérêts matériels et inlellectuels de la pairie. Yoici un livre
bon, cur1rux, d'un intérêt lrès-Yif, conçu sur un plan excellent, 1'11 bien!
c'est à pc111e si son exislcnce est connue. li est vrai qu'il y a compensation c>t que les romans français s'étalenl effrontément au bas des journaux belges , introduîsanl dam no~ familles dt tristes germes dr

-

46!S -

démoralisation el minant peu à peu le caractère essenliellemtnl sérieux
de notre pays.
Nos récriminations ne changeront rien à cet étal de choses, aussi
n'a,·ons-nous pas l'intention de raire à la presse un procès en due rorme,
nous nous contenterons de lui faire remarquer qu'en oubliant de parler
du mémoire de M. Doyen , elle a négligé l'occasion de signaler un bon
livre.
Ne pouvant entrer dans tous les détails de l'ouHage qui nous occupe,
nous nous bornerons à faire remarquer le plan adopté par M. Doyen.
Les titres de ses deux grandes dil'isions diront assez le vif intérêt
que doit inspirer leur lectu re. Première partie. Les 1:,rofcsseurs et les
étudiants dam les unir:ersité, <lu moyen-âye. La condition des professeurs, leurs distinctions, leurs priviléges, la conduite el les lra,aux des
étudiants, sont retracés avec une concision heureuse et nécessaire au
sujet qui demande parfois de nombreuses citations. Seconde partiJJ. Les
dit:er,cs branches d'enseignement dan$ les unir:enités du moyen-âge.
Celle partie est la plus compliquée el la plus intéressante. ED effet, l'auteur y passe successivement en revue l'étude des a1·ts, de la médecine,
du droit el de la théologie; celle revue est faite consciencieusement el
avec un luxe de rechercb~ capahle d'effrayer un bénédictin.
Nous le répéton~, nous n'a\'Ons pu voir sa ns douleur ce li\ re, auquel
nous n'avons à 1·eprocher que quelques inégalités de style, passer comme
lanl d'autres el aller avec la feuille de laurier el la feuille de rose
d'Arnaud. lllais que M. Doyen se console, l'indifférence n't>st pas dt>
l'ouhli.
s.

5. - Chanso11s wallonnes, par Charles Wérottc. 2• édition,
Namur, i850, Lelon~, 2, Ill et 256 pages.
Rien de plus touchant selon nous que ce qu'on est com·cnu d'appeler
la poésie du terroir et ce qu e nous appellerons la mu~e du pays.. Le
peu))le avec ses instincts se ré\èlP, tout enlier dans ces chants dont il est
le héros autant que l'auteur; sa foi, ses amours, ses haines, ses sarcasmes
retentissent dans ces refrains tendrf'S ou \ igourcux et l'étranger qm
,·oudrail connaitre les mœurs d'une nation trouverait mieux le résultat
de ses recherches dans ses annales poétiques que dans son hi~loire Jll'O·
11rement dite, laquelle est plus §OU\ ent celle de M'~ maîtl'cs.

- -466 ill. Wérolte a dit comme Béranger: le peuph: voilà ma muse! Comme
lui il a saisi les notes prorondes que le peuple a dans le cœur el dans la
\Oix. C'est ainsi que dans la chanson : Li cri des P(roea, dans li ,·eue tlos

Sarrasi1ia, dans Marie qui file el dans d'autres encore, il a rendu a\'ec
bonheur ce caractère tout particulier qui distingue la parole du wallon
namurois quand elle vole sur les mélodies traditionnelles d'airs po1rnlaircs, héritage de nos areux, lesquels a,·aient, il faut l'avouer, plus tic
respect que nous n'en a,·ons aujourd'hui pour ces franches émanations
de la localité.
D'un autre côté nous sommes obligés de faire voir le revers de la médaille et d'engar,er Ill. Wérotte à ,c montrer sobre de publier des chansons telles que l'inauguration el l'Homme. Elles sont plus que médiocres, elles déparent son vol ume el si,comme c'est probable,une 3• édition
rie ses chansons se publie c1uelquejour, nous espérons qu'il tiendra compte
lie notre observation.
En attendant nous constatons a, ec bonheur pour notre amour-propre
na mu rois le succès de l'œuvre de M. Wérotte.
S.

4. - Dictio11nail'e étymologique èle la langue wallonne, par
Ch. Gra11dgagnage. t•• partie; Liége, Oudart, i847, pp. VII et
558.-Tome n, t••tiv.; Liége, Desoer, 1850, in-86, pp. XXXVIII
et i78.
Nos vieux p:tlois s'en vont. Encore un certain nombre ,!'années, el ils
auront sans doute cessé d'e:l.ister. Les progrès de l'instruction et la faci lité des communications l.èndenl à faire disparaitre insensihlemenl cc
langage tout Il la fois nalf cl expressif de nos pères, et à faire pré,•aloir
la langui' usitée par les classes éclairées. Déjà beaucoup de mots wallon,
sont tombés dans l'oubli , ou ne se rencontrent plus que dans la bouche
lie quelques rares \'ieillards. li était donc plus que temps qu'un écrivain
consciencieux s'occupât d'un sujet si utile il l'élude de l'histoire et de,
mœurs des habitants de nos provinces.
C'est la Lâche qu'a entreprise M. Ch. Grandgai;nage, en publiant la
11remière et le commencement de la seconde p~rtie de son Oictionnairc
éty111o!ogiqt«J tle la la11gtui wallon11e. Commr on le \Oit, l'au teur ne s'est
point hornc ici à une sim11le nomenclature , mai- il a joint, autant que

- .46ï possible, à côté de chaque mol, des recherches étymologiques sur son
origine. Ces recherches constituent, on le pense hien la partie la plus
imporlante el la plus ardue de l'ouvrai;e. L'allemand, l'anglais, le ftamand, le la lin, le celtique, Je cymrique, le bas-hrelon, et bien d'autres
langues encore, dont l'énuméra lion serait trop longue, ont été mises à
contribution dans l'œuvre scientifique qui nous occupe. En présence d'une
pareille érudition, nous nous avouons de honne foi incompétents pou!'
nous liner à une critique des étymologies indi!Juées par M. Grandgagnage. Nous nous bornerons donc à quelques observations générales
qui seront plus à notre portée, et vraisemblablement aussi à celle de la
plupart de nos lecteurs.
~
I.e Dicti01t,naire étymolo,Jique de la langue wallonne renferme des
recherches sur chacun de nos trois idiOmes wallons; savoir : le Liégeois.
le Namurois el le Rouchi, ou ilialecte d'une partie t.lu Hainaut. Toutefois
les mots liégeois y occupent la place principale. Ce sont eux qui se trouvent en tête de chacun des alinéas, de sorte que si l'on veut connaitre la
signification de <tuelque mol rouchi ou namurois, il faut le chercher
généralement sous la forme liégeoise. Nous disons généralement, car
certains mots namurois se rencontrent aussi à l'endroit que leur assigne
l'ordre alphabétique.
Au point de vue du dialecte de notre province, nous dernns exprime!'
ici le regret que l'auteur n'ail pas jugé à propos de transformer en règle
ce qu'il n'a fait qu'eiceplionnellemenl; d'autant plus qu'il ne parait pas
avoir eu de plan bien arrêté à cet égard, ainsi qu'on peul le remarquer
en maintes occasions. La lacune que nous venons Ile signaler s'applique
également à l'idiôme rouchi, el nous semble notable dans un livre qui
s'intitule Dictionnafre rie la la11gue 1oallon11e.
Le désir de se montrer concis el de resserrer les hornes de 5on ouvrage, a
aussi engagé il. Grandgagnage dans un système d'abréviations et de phra~es écourtées, et parfois obscures , qui devient une source de fatigue et de
découragement pour le lecteur. TanlOl ces abré\•iations portent sur les
explications tendant à indiquer la valeur des mols, tantôt sur les nombreuses langues, dialectes, ouvrages, etc., auxquels il a élé fait des emprunts. Nous n'en finirions pas si nous voulions mentionner ces innombrables combinaisons de lettres dont il faut chercher l'explication dans
la liste p1'0rnsoire des abrér;iatiottB placée en têle du premier volume,



- -468 liste qui contient au delà de deux pages, sans compter le supplément
précédant les additions et cor,-ections dans la troisième livraison , et IPs
nouvelles sources indiquées à la suite de l'avertiaaement de la seconde
partie. Nous ne parlerons pas non plus de la signification attribuée aux
caractères italiques ainsi qu'aux petite& capitales. Nous en avons dit
assez pour faire com1>rendre ce qu'une pareille complicalion crée d'ennuis à ceux qui ,,eu lent consulter le Dictünmaii'e étymologique.
On nous objectera , nous le savons, la nécessité de donner le moins
d'étendue possible à l'ouvrage, afin de pouvoir le livrer à un prix qui en
assure le débit;· mais cette raison est de peu de valeur ici, puisque le
Dictionnaire étymologique ne comptera pas, selon les prévisions, au
delà de 190 à 800 1>ages d'un format in-8°. Il faut considérer d'ailleurs
qu'un dictionnaire n'est point un de ces li\'res qu'on lit de suite. On ne
fait que le consulter, parfois même à de rares intervalles; en sorte qu'il
est impossible à celui qui a besoin d'y recourir de posséder, une fois pour
toutes, la clef d'une multitude de signes conventionnels dont l'auteur
aura trouyé com·enable de se servir. Force est alors de compulser la
table des abréviations, et de perdre ainsi son ttmps en recherches que
l'on aurait pu éviter.
Nous nous permettrons également d'adresser une observation à M. Grandgagnage. par rapport à l'orthographe qu'il a cru devoir adopter. • Elle
" suit, dit-il, généralement l'analor,ie de l'orthographe et de la pronon,, cialion frança:$es, sauf certaines exceptions. » La première de ces exceptions consiste à rendre l'e surmonté d'un accent grave (è), href (comme
dans ne·, b,·ef, etc.). L'autre exception supprime les lettres doubles
" par plusieurs raisons, dont la principale est que leur emploi entraine• rait trop d'arbitraire. » L's conserve donc toujours un son dur, el partout où il s'adoucit, il est remplacé par le z. Nous avouons ne pas
comprendre les motifs qui ont dicté un pareil système, doot les avantages
ne peuvent, nous semble-t-il, surpasser les inconvénients. En effet, le
lecteur français, pour qui le Diction11aire étymologique a été écrit, se
lrouvant en présence de mols tels que Agase, Ba&e, Boise, Ba,•bakène,
Pucez, Rayez, Scaïez, etc., sera tout nalurellement tenté de prononcer: Agaze, Daze, Boize,Ba,-bakaine, Pucés, Rayés, Scaiéa, etc.,
el il n'apprtndra qu'il doit dire Agasse, Basse, Boisse, Barbakentie,
Puces, Haïes, Scaïes, etc., que s'il recourt à l'aYerlissement en tête d11

L__

- 469premier ,·olume. Remarquons encore le gn, que l'auteur admet, par
exemple, dans les mols tels que: Bagni, Cafougni, Dag11ie (qu'il fallait,
soit dit en passant, écrire Dag1ie, mot qui désigne non seulement une
aire de grange, mais encore le sol atferm i d'une prairie, d'un champ,
d'un chemin , etc.), et qu'il rejette , pour cause d'étymologie, dans Baniï
(baigner), sans que nous nous rendions compte comment il peut, à l'aide
d'un tréma sur l'i, obtenir la prononcialion véritable, qui est bien
Bagni. Observons d'ailleurs que, puisque les Français et les llaliens ont
conservé le gn dans baigner et bagnare ( dérivés aussi du latin balneare), aucune raison n'existait pour le supprimer ici dans la langue
wallonne.
Nous pourrions aussi signaler ça et là, dans le livre de M• Grandgagnage quelques lacunes portant sur l'idiôme namurois. Ainsi l'on
ne trouve pas indiqués les mots: Bocalle, Chauke, Chippe, Gasgazar,
etc. Ainsi encore, à côté des mots liégeois : Bouhéïe , Cla,;ai, Cleuse'..
laNercnne, ont été omis les synonymes namurois : Bohé"ie, Clavia,
Cloïe , Jausere1111e, etc., el il n'a pas été fail mention non plus que
les mots A1·vau el Bragar appartiennent aux deux patois.
Il est à regretter égaleml'nl que l'auteur ni' fournisse pas plus souvent de cilalions des sources imprimées ou manuscrites auxquelles il a
puisé.Dans une langue livrée jusqu'ici à l'arhilraire, ces citations seraient d'un grand poids pour prouver le sens véritable, l'orthographe,
et parfois même l'étymologie de certains mots.
Enfin, il semble que quelques lacunes étymologic1ues aient échappé
au savant auteur du liyre qui nous occupe. Ne pourrait-on pas, entre
autres, faire dériver le mot Aplé (marché aux poissons, à Namur) du
roman .dplet, Aplait , .dplu,·t (filet de pêcheur), ou de Apletage ,
.;Jpleïtage (place, lieu où l'on dépose les marchandises que l'on débarque
ou qui sont destinées à être embarquées) , origine qui s'applique parfaitement à l'.dplé de Namur, situé près du con8uent de la Sambre et de la
Meuse? Ne peut-on penser encore que le mot Keu1·e ou Cure (soin ,
souci) vient tout naturellement du latin Cura. dont le sens est le même ?
Cette langue , que M• Grandgagnage a peut-être trop négligée, n'a-t-elle
pas également produit le verbe wallon Rig1ie1· ( qu'il faudrait plutôt
écrire lgmr) venu , sans grande transformation de /gnis , feu. Serait-ce
aussi une erreur de croire que le mot Dmwcate (cuvelle) est un composé

60

-470de rat, qui en anglais el en bol landais désigne une cuve, un tonneau ?
Enfin Canibostia, que nous avons entendu prononcer Caniboestia ( étui
à aiguilles, ou plulôl , vieille boite), n'est-il pas simplement un composé
de Boesse, boite?
Nous bornerons là nos observations. Notre intention n'est pas de
nous livrer à un examen trop séi•ère du Dictionnaire étymologique.
Le travail qu'il renferme est, pour ainsi dire, entièrement neuf, cl
hérissé de difficullés. Il n'est donc pas étonnant que nous ayons pu y
signaler quelques inco1:rcclions ou quelques lacunes. Mais, ainsi qu'on
l'a remarqué, notre critique n'a porté généralement que sur la forme de
l'ouvrage, el non pas sur le fond, qui en constitue évidemment la partie
·principale. Au reste , nous avons déjà déclaré notre incompétence pour
juger sur ce point l'œune de l'auteur. Nous pensons toutefois qu'elle
est appréciée à sa juste valeur par les personnes versées dans la science
des étymologies. En tous cas, nous pouvons constater les longues et fatigantes recherches Je 111• Grandgagnage ainsi que son érudition philologique. Nous devons surtout lui savoir gré d'avoir, en réhahilitant Pn
c1uelque sorte nos anciens patois , ou\'crt une source nouvelle aux éludes
archéologiques dans notre pays.
w.

5. - De l'inféodation du comté de Namur au comté de Hainaut, par Alexandre Pinchart. l\Ions, Hoyois, f850. in-8° de
79 pages.
Ce \'Olume est un mémoire, couronné par la Société des sciences, des
arts el lies lettres du Rainant, en réponse à la question suivante : Narrer
les éi;énements qui, dcp1.ûs lfenri-l'.Af!eugle iusqu'a Philippe-le-Bon,
ont p,·éparé la fusion des comtés de Nanm,· et de Hainaut, en discutant leur importance et l'infl1w11ce q1l ils ont pti exercer sur la civilisation. - Dans le principe notre ancien comté était, comme la plupart
des autres provinces des Pays-Bas, un fief relevant directement des empereurs d'Allemar,ne. Ce fut là h• seul lieu qui assujétit les princes héréditaires de Namur de la première race; ce fut aussi la seule restriclion
apportée à l'exercice de leur autorité pendant les 10•. 11• el 12• siècles.
:Uoins puissants, à la vérité, que les comtes de Flandre el les ducs de Brahant, les comtes de Namur marchaient donc de pair avec eux comme
princes et grands feudataires de l'Empire , et ils jouissaient des mêmes

- 471pri\•iléges. cet étal de choses subsista jusqu'à la mort du dernier souverain de celle race. Henri-l'Aveugle, dont Baudhuin V, comte de llainaul,
s'assura la succession (1190). Baudhuin sentant approcher sa lin, assir,na
le marquisat de N'àmur à son second fils, Philippe-le-Noble, à charge de
le tenir en fief du comte de Hainaut son frère ainé. A partir ile celle
époque, nos marquis de\"enus vassaux des comtes de Uainaut, leur prêtèrent hommage comme à leurs suzerains, el ces derniers firent relief de la
terre de Namur aux empereurs d'Allemagne, en leur propre nom. JI est
probable que nos souverains naiburois de la 2• race s'acquittèrent sans
résistance de l'obligation de l'hommage dO aux comtes de llainaut; Daudbuin de Courtenay seul s'en abstint, el celte omission fut la cause ou le
prétexte des difficultés les plus sérieuses. L'affairr. du 1·elicf donna lieu à
plus de contestations encore lorsque la maison de Flandre parvint à son
tour au comté de Namur (1204). Guy de Dampierre, à la fois 'comte de
Flandre el marquis de Namur, refusa nettement de faire hommage au
comte de Ilainaut. Jean I son successeur, moins puissant qut son père, y
consenlil par prudence et il fut probablement imité par ses trois premiers
61s, successivement comtes de Namur. Mais il n'en fut pas de même du
quatrième, connu sous le nom de Guillaume-le-1\icbe. Celui-ci, qui "vail
considérablement augmenté ses étals et sa puissance par d'utiles acquisitions, demanda à l'empereur Charles IV de relever son comté immédiatement de l'Empire, ce qui lui fut accordé par un diplôme du 18 janvier 1303. Le pays de Namur fut ainsi reJ)lacé sur te pied où il se trouvait
avant l'avénement des pl'inces bennuyers, et les deux success~urs de
Guillaume I suivirent son exempte, sans qu'il y eOt, parait-il, réclamation de la part des comtes tle Hainaut. Il n'est pas probable que J>hilippele-Bon, comte de Namur en 1429. se soit départi de celle nouvelle règle,
et d'ailleurs comme il devint lui-même souverain du llaioaul quelques
années plus tard (1436), la mouvance de Namur à ce dernier pays cessa
naturellement.- Tel est, en peu de mots, l'objet du travail de M. A. Pincbarl. On pense bien que l'auteur ne s'est pas borné à rapporter sèchement
les différents actes d'hommage prMés par nos souverains; il a de plus examiné en détail tous les fa ils qui se rattachent à celle inféodation . en
se basant sur les meilleures sources, et il l'a fait de telle sorte que son mémoire est devenu un lil're auquel devront avoir recours tous ceux qui désirentconnailreà fond les anciennes institutions de notre province. J. B.

-

472-

MÉLANGES.

Nous avions d'abord projeté d'insérer à la fin de ce premier
volume des Annales l'énumération des objets qui ont été offerts
à notre naissant musée , depuis la fondation de la Société
Arcbéologique. Depuis , nous avons réfléchi que cette sèche
énumération tiendrait beaucoup de place, et qu'elle n'offrirait
aucune espèce d'intérêt. II est à remarquer d'ailleurs : 1° que
conformément à l'art. 26 des statuts, le secrétaire tient un
registre spécial dans lequel il inscrit tous les dons fail3 à la
Société ainsi que les noms des donateurs; 20 que nous avons
déjà commencé et que nous continuerons à placer dans
chaque livraison des Annales un cahier de Mélanges où les trouvailles et les principales acquisitions sont examinées avec plus
de détails qu'elles ne pourraient l'être dans une simple liste
des dons. En conséquence nous nous contentons d'adresser
ici nos plus sincères remerciements à toutes les personnes qui,
dans le cours des années 1846-1850, ont bien voulu enrichir
de leurs dons la bibliothèque, le médaillier et la collection d'objets d'art et d'antiquité. Ces personnes sont : A NAMUR, 1\11\L Ad.
Balai, Alph. Balat, B011 J. de Baré de Comogne, F.Bayet, Berchem,
J. Borgnet, A. Bourdon, J .-B. Brabant père, J .-B. Brabant fils,
Ch. Brabant, F. Brabant, L. Briard, Capelle, F .-J. Cornet,
Il°" de Crassier, Th. Dandoy, Deschamps avoué, Dhermine !miss.,
J.-D. Doyen, J. Eloin père, J. Eloin fils, F. Eloin, J.-B.FallonPiron, Fallon-1\fohimont, Franck, de Gerlache, GolenvauxVanderesse, Gonot, Grégoire prêtre, L. Haut, Henry-Larnbotte,

-

473 -

L. Hubert, Jeger , Jourdain orfèvre , Krothauzen , Lagauche
prêtre, P .-J. Lambotte, H. Lambotte, C. Lambotte, Ph. Lambotte, Laurent, Léanne, Lecocq, L. Legros, Mahaux horloger,
Malevé serrurier, Marchal , F. Marinus , J. 1\larinus, J. M. G.
l\larique, P. l\Iassart, l\foncheur , Ch. Montigny, V. Pirson, Baron de Pitteurs de Budingen, A. Siret, J. Tl1onar, ThirionnetThémon, J.-B. Tonneau, Trépagne de Roisin, Vierset, J .-N.
Warnon, Warnon menuisier, A. Wasseige, J. Wautlct, Ch. Wérolte, A. Wesmael-Legros, P. Wilbrant, Wodon-Bourdon,
Wodon-Gilles, B00 Ed. de Wœlmont. - A CINEY, l\lM. Dinon,
N. Hauzeur. - AFEROLZ, l\lr le C16 de Rom rée. - AFLAWIN~ES,
MM. Pirot, Pirotte. - A FOSSES, M. Blaimont. - AnEnMETONsun-MEuse, l\f. l\laterne. - A MARCHE-LES-DAMES, l\lr A. Bénoîl.
A NAMÊCHE , .l'I[. Wauthier. - APROFONDEVILLE, l\L Wérotte.
- A s1-MARc, M. E. Del l\Jarmol.-A SURICE, l'if. Buzin. - A wéPto~,
1\1. Materne père. - A A.'.VERS, 1\11\1. de Kerckhove, Vander Heyden.
- ABRUGES, 1\1. J. Gaillard. - A BRUXELLES, l\lM. R. Chalon, A.
Demanet, Gœthals, A. Pinchart, B00 de ReifTenberg, A. de
Reume, A. Scbaepkens, B00 de Stassart, le département de
l'Intérieur. - A GAND, 1\1. Serrure. - A LIÉGE, l\11\1. Ad. Borgnet,
J. Dejardin, Alb. d'Otreppe de Bouvette. - A CHERBOURG, 1\1. le
Chanteur de Pontaumont. - A GIVET, 1\1. de Contamine. - A
LUXEMBOURG, 1\1. A. Namur. Nous remercions également les sociétés savantes et les directeurs de revues périodiques qui ont eu l'obligeance d'échanger
leurs publications contre les nôtres. Ces sociétés et revues sont:
l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts
de Belgique, - la Commission royale d'histoire, - l'Académie
d'archéologie de Belgique à Anvers, - la Société pour la
recherche et la conservation des monuments historiques du
Grand-Duché de Luxembourg, à Luxembourg,- le Messager
des sciences historiques et archives des arts de Belgique à
Gand, - la Revue de Belgique à Bruxelles, - la Société Olyftak
à Anvers, - le Journal historique et littéraire à Liége, - la
Société de la Numismatique belge, - la Société liltéraire de
l'université de Louvain, - la Société historique et littéraire de

-474 -

Tournai, - la Société d'Émulalion pour l'étude de l'histoire cl
des antiquités de la Flandre à Bruges, - la Société académique
de Cherbourg, ,- la Société historique (bistorisch gezelschap)
d'Utrecht, - le Bulletin du bibliophile belge, - la Société
royale des beaux-arts et de littérature de Gand. - L'échange
est en outre contracté, pour l'avenir, avec la Société pour la
conservation des monuments historiques et des œunes d'art
à Arlon, et l'Institut archéologique liégeois.
Note de la Commission directrice.
ANTIQUIT~S PROVENANT DE LA .S.l.'JBRE A NAMUR. Le lit de- la
Sambre à Namur continue à fournir son contingent habituel
d'antiquités. Cette année, la désastreuse inondation du mois
d'aoùt et les travaux que l'on a dù exécuter pour en faire disparaitre les traces ont amené la découverte d'une foule d'objets
curieux. i\lalheureusement la Société Archéologique n'était plus
seule à recueillir : de nombreux amateurs avaient surgi de
toutes 1>arts collectionnant pour leur propre compte. Je dis
malheureusement, car on sait ce qü'il advient d'ordinaire de
ces petites collections privées : au bout de quelques mois, de
quelques années, elles finissent par se perdre. Qui de nous, aux
temps de sa jeunesse, n'a pas possédé au moins une vingtaine
de pièces de monnaie romaine? i\lalgré cette concurrence nous
avons encore fait une assez ample moisson, grâce aux bons
soins de 1\11\I. Eug. del l\Iarmol, Bourdon et Jourdain orfèvres,
P.-J. Cornet et P. l\fassart, grâce surtout et principalement à
l'activité et à l'obligeance de !IIM. FélLx Eloin et J.-B. FallonPiron. Nos acquisitions se composent d'environ 560 médailles
ou monnaies de diverses époques et 80 objets de toute nature.
On jugera des richesses archéologiques que contient le lit de l:t
Sambre lorsque je dirai que ce n'est là qu'une faible partie de
ce qu'on a découvert cette année : les amateurs étaient nombreux, bien des objets ont été fondus et sur v'ingt pièces de
monnaie que l'on venait offrir à M• Eloin et à moi, nous n'en
prenions te plus souvent qu'une ou deux, le reste étant cornpiétement fruste, ll'OJ) moderne on de nulle valeur. Examinons
maintenant nos acquisitions.

-

475-

0BJETS DIVERS. Parmi ces objets je signalerai les suivants : deux fibules ou agrafes romaines en cuivre, de la forme la plus
simple; une est admirablement bien conservée;- neuf clefs antiques dans le genre de celles qui sont figurées ci-dessus, page
367; - deux manches de couteaux, époque de la Renaissance;
- deux. éperons en fer ; - deux énormes projectiles en pierre,
grossièrement taillés en forme de boulets; - une longue épingle surmontée d'une fleur de lis, un petit chandelier de cuivre
et une agrafe gothiques; - un fer de flèche ou de dard de
forme plate; - des épées et dagues assez modernes; - des
sceaux gothiques, des bagues, des médaillons en cuivre et en
plomb ,de toutes les époques, etc.
MÉDAILLES., MONNAIES ET MÉREAux. Notre collègue l\L le baron
de Pilleurs a déterminé toutes les pièces romaines; quant aux
pièces du moyen âge qui préseutaient quelque intérêt elles ont
été classées par M. Piot 1 •
1. Gauloise. Une pièce au type d'Avaucia.
Il. Romaines; 161 pièces, savoir : 8 en argent, 1 Vespasianus, 1 Caracalla, 2 Elagabalus, 1 Gordien III, i Gallien us,
1 Postbumus et une fruste; - 4 grands bronzes, 1 Trajan us,
i Faustina junior et deux fruste~;-4 moyens bronzes, 1 Titus,
3 Magnentius; - 145 petits bronzes de Gallien us, Tetricus
senior, Tetricus junior, Aurelianus, Constantinus magnus,
Constans I, l\lagnentius et Magnus-Maximus.
III . .Méreaux. 12 méreaux en plomb dont deux de S1• Aldegonde de Maubeuge; sur un autre qui est un méreau de
pauvres , on distingue une besace; - 1 méreau en cuivre de
l'abbaye S1 Martin de Tournai, 15• siècle.
IV. Deux poids en cuivre, très-bien conservés, des écus d'or
de Hollande dits Willelmus.
V. Pièces de monnaie du moyen âge et des XVJ• et XVII•
siècles. 26 en argent, Hi en cuivre. La plupart des pièces du
moyen âge sortent des ateliers belges. Je Giterai pour le Hainaut quelques pièces de Jeanne A; Guillaume I, et Guillaume IV

• Lorsque le mélal n'est pas indiqué, la pièce est en cuivre. Je désigne
par la lettre A les monnaies d'argent.

-476-

frappées à Valenciennes A; Jacqueline de Bavière; - JJOur
le Brabant, Henri III A; Henti III frappée à Anvers A;
Jean II fr. à Louvain A; Wenceslas;-vour la Flandre, petit
denier fr. à Bethune, 2• moitié du i2è siècle A; petit denier fr.
par la ville d'Ypres vers la fin du 1.5• siècle A; petits deniers
fr. à Lille sous Jeanne A; Baudhuin IX fr. à Gand A; Charlesle-Téméraire comme comte de Flandre A; Marie de Bourgogne;
Philippe-le-beau. - Parmi les pièces étrangères je dois mentionner une pièce A, du midi des Gaules; une imitation d'une
Carlovingienne fr . à Lucques; Guy IV évêque de Cambrai;
Jeans• de Meghen 1 ; un bel exemplaire d'une monnaie muette
en argent d'un archevêque de Cologne, commencement du
1.5• siècle, etc.
VI. Namuroises. 2 en argent, 49 en cuivre et billon. La
plupart des pièces découvertes sont, comme toujours, des
monnaies de cuivre des deux Guillaume et de Philippe-le-Beau,
décrites sous les N°• 50, 51., 56, 57, 58, 68 à 7i du Catalogue
des monnaies de Namur (Revue de la Numismatique belge, 1.
297). Je ne signalerai ici que les espèces un peu rares.
1.0 Deux pièces d'essai, en plomb, d'une monnaie muette de
Namur frappée probablement, me dit 1\1. Piot, sous le comte
Henri de Courtenai (1.226-1.229).
2" Av. Cavalier de profil droit, couvert d'un bouclier et tenant une épée élevée de la main droite. Sous les pieds du cheval : MARCI, et sous le bras droit: s. -Rev. Grande croix perlée
séparant de ses branches les lettres NAMV. M. Lelewel attribue
cette pièce d'argent à Marie de Brienne femme de Baudhuin de
Courtenay; les auteurs du Catalogue des monnaies namuroises
(rev. num. 1. 297) la rangent parmi les monnaies anonymes.
L'exemplaire qui a été soumis à l'examen de M. Piot étant d'une
belle conservation, ce numismate nous a répondu qu'elle provenait certainement d'un prince namurois contemporain de
Henri III duc de Brabant (1.248-1261) lequel fit fabriquer une
monnaie semblable quant à l'avers (sauf qu'elle porte ovc1s},
, Depuis, nous arnns échangé celle rarissime pièce contre un Uenri
l'Aveugle jusqu'ici inconnu el appartenant à M. Cuypers.

- li77-

mais entièrement différente du revers de notre mounaie qui n'a
d'analogie avec aucune monnaie belge connue. « II faut donc,
» ajoute-t-il, l'attribuer à Baudhuin de Courtenay ou à un de
ces princes qui se disputèrent le comté de Namur jusqu'à
» l'avénement de Guy de Dampierre (i257-i265). »
5° Av...... AlllVR..... ·; dans le centre un grand c. - Rev.
Grande croix coupant la légende en quatre : 1110N/E .... M. Pipt
attribue cette petite pièce de cuivre à Guy II (1555-1556).
4° Av. c. COMEs NA.... ncN'; dans le champ un lion couronné
dans un entourage de 6 lobes.- Rev. Croix <lont les branches
terminées par une fleur de lis coupent la légende : 1110/NEITA ....
Petite monnaie d'argent de Guillaume 1 (1557-1591).
5° Av. Edifice à trois tours : ~IARIA.D ...A... .-Rev. Croix dans
un cercle : + MONETA MERAVD. - Av. Edifice à trois tours; une ·
aigle précédant la légende MONETA 111E1lAvo.- Rev. croix dans
un cercle, une aigle p1·écédant la légende MARJA.... .- Ces deux
petites pièces en cuivre, frappées à l\léraude, sont de ~forie
d'Artois femme de Guillaume 1. On a été de longues années
sans savoir ou pouvait être sit.ué cet atelier de l\léraude. Grâce
aux recherches de Mr de la Fontaine, on est maintenant fixé sur
ce point: Esmeraude, Emeraude ou Méraude est l'ancien nom de
Poilvache. Le lecteur n'a qu'à recourir à cet égard aux deux
notes de 1\1. de Coster et de M. Je comte de Robiano insérées dans
la Rev. de la Num. belge (VI, 555 et 458). Aux détails donnés
par ces numismates, j'ajouterai qu'une tour carrée en ruines,
séparée du château de Poilvache par un profond ravin , est
désignée sur les cartes de Ferraris par les mots tom· des monnayes, et qu'au bas de la montagne certain endroit s'appelle
encore de nos jours la porte de la monnaie. A la page citée, 1\11
le ci• de Robiano donne le dessin de la seconde de nos pièces.
6° Av. Ecu écartelé de deux aigles et de deux lions :
rneANNEs : co111Es : NAMVRC. - Rev. Croix entre les branches de
laquelle sont disposés deux lions et deux aigles semblables à
ceux de l'avers : MONETA : NOVA : NAMVRCENs. - Pièce d'argent
de Jean III , d'une belle conservation; le revers offre beaucoup
de ressemblance avec le revers de la pièce dont 1\1' de Coster
l)

61

-478-

donne le dessin dans la note citée plus haut. Je ne trouve nulle
part l'explication de ces aigles qui, à ma connaissance, apparaissent sur les monnaies namuroises pendant le règne de
Guillaume I ; ne serait-ce point là une allusion à cette circonst.ance qu'à partir de 1563, le prince namurois releva directement son comté de l'empereur d'Allemagne?
J. B:
MONNAIES DU MOYEN AGE DÉCOUVERTES PRÉS DE NAMUR. Une
intéressante trouvaille de monnaies du moyen âge a été faite
cette année dans la commune de (?) ..... , à 2 lieues de Namur.
Elle consistait en 220 petites pièces en argent qui ont été
acquises par 1\1• Bourdon , orfèvre à Namur. Il nous a permis
de les envoyer à l'examen de M• Piot lequel en a fait l'objet
d'une dissertation insérée, avec les dessins des différents types,
dans la Revue de la Numismatique belge (tome VI, P. 56-71).
C'était une rude besogne que celle de déterminer ces pièces
inconnues jusqu'alors, quelques-unes muettes, les autres
n'ayant pour la plupart que des légendes insuffisantes, embrouillées ou mal gravées. Il fall.lit toute la science de M• Piot
pour en sortir et pour établir la classification suivante que
nous extrayons de son travail :
N° L Monnaie indéterminée; un exemplaire très-usé.
2. Av. COMES. Buste à tête nue, à droite et tenant une épée.
- Rev. co-NHiv-cE. Croix coupant la légende. 4 exempl.
3. Av. co1o1Es. Profil casqué à droite avec drapeau. - Rev.
AGNV. Agneau pascal à droite. 34 exempl.
4. La moitié de la précédente. 1 exempl., très-usé.
5. Av. noT. Buste mitré et crossé à droite. -Rev. Abside
d'église flanquée de deux tours. 4 exempl.
6. Av. Eglise. - Rev. Croix avec crosse et deux lis. 8 exempl.
7. Av. NAMv. Profil droit casqué et inscrit dans un grenetis.
- Rev. NAM ••• Croix pattée cantonnée de quatre globules et
inscrite dans un grenetis·. 5 exempl.
8. Av. NA •••• Profil casqué, plus grand que le précédent. Rev. Comm(le~précédent. 7 exempl.
9. Av. Dragon à droite, la tête tournée à gauche. - Rev.

-

.479 -

NAM .... c1. Croix pattée, dentée et cantonnée de deux globules
et de deux annelets. 77 exempl.
.
10. Av. NAMMVCBNS. Eglise flanquée de deux tours. - Rev.
MARcmo. Croix pattée cantonnée de deux globules et de deux
croissants. 5 exempl.
H. Variété. avec MARCts. 7 exempl.
12. Variété. Av. NAMvn. Les toits de l'église moins pointus.
- Rev. MAnc1s. Même croix. 61 exempl.
15. Variété. Même bâtiment, avec MAnc1s à l'avers, et NAMvn
au revers. 5 exempl.
14. Variété avec NAMVR à l'avers et llfAnc1s à rebours au revers. 4 exempl.
15. Variété ayant à l'avers : M+ NMV. 1 exempl.
Circonstance bien précieuse pour nous, la presque totalité
de ces pièces est namuroise. C'est ce qu'établit M. Piot par des
considérations qui nous paraissent justes. Il attribue donc à
Hem'i-l'Aveugle, comte de Namur (H59-H 96), les n° 2, 5 et 4;
- à Raoul de Zeringen, évêque de Liége (H 67-H91) le n° 5;
- à Baud/min V, comme comte de Namur (H 94-H 95) les
n 7 et 8; - à Philippe-le-Noble, comte de Namur (1196-1.212)
.les n01 1.0 à 15; - le n° i reste indéterminé; - enfin M. Piot
ne se prononce pas quant au n• 6 qui est du 12C siècle, et quant
au· n° 9, pièce namuroise contemporaine du n° 8.
Le savant numismate nous remercie chaudement de lui avoir
communiqué l'ensemble de la trouvaille; il n'y a là aucun mérite, car nous ne sommes ni collectionneur pour notre compte
ni marchand d'antiquailles. C'est à nous, au contraire, à le
remercier publiquement de l'obligeance avec laquelle il veut
bien déterminer la plupart de nos monnaies et nous guider
dans l'arrangement de nos collections. Nous devons également
des remercîments à ~L Bourdon qui a consenti à nous vendre
celles de ces pièces qui convenaient à la Société Archéologique.
Notre petit musée s'est donc enrichi à cette occasion d'un ou
deux des plus beaux exemplaires des monnaies indiquées cidessus sous les n• 2 à 15 , en tout 20 pièces représeotanl i4
espèces et variétés.
05

-480 -

Depuis lors, M. Bourdon a encore recueilli de la même trouvaille un assez bon nombre de pièces semblables à celles qui
ont été déterminées par M. Piot. Il y avait peut-être quelques
petites variétés, mais du moins aucun type nouveau, sauf une
pièce en argent d'assez grand module et d'une magnifique conservation que ftl. le Baron de Pitteurs a acquise pom sa collection particulière.
J. B.
ANr1au1rts DE sumcE. Nous avons mentionné, dans les
./llélanges de notre dernière livraison (page 572) les précieuses
découvertes d'antiquités faites sur le territoire de la commune
de Surice. Depuis lors, l'if. le curé Buzin, possesseur d'une
grande partie de ces trouvailles, les a cédées, moyennant certaines conditions, à la Société Archéologique, dont il est un des
plus zélés correspondants.
Voici l'énumération de ces différents objets : quatre spatules
de cuivre, déjà indiquées; - un fragment de meule à bras; un morceau de tuile qui fcsait partie de l'enveloppe où se trouvaient enfermées les monnaies énumérées ci-contre, et qui
constituait vraisemblablement un tombeau; - 158 médailles
petit bronze, dont voici la liste, par ordre chronologique :
21 Gallienus, 4 Salonina, 2 Posthumus, 16 Victorinus senior,
1 Madus, 29 1'et1'icus senior, 14 Telf'icus junior, 52 ClaudiusGothicus, 2 Quintillus, 1 Aurelianus, 16 frustes; - enfin, un
pied de griffon et un bas-relief d'environ un pied carré, en
pierre de sable. Ce bas-relief qui représente un fragment de la
cène, et paraît dater de la période romane, était probablement
un rétable ou une pierre d'autel.
Au reste, nous croyons ne pouvoir mieux faire que de transcrire ici les utiles renseignements fournis par l\f. Buzin à l'égard des découvertes qui nous occupent :
« Toutes les pièces romaines (petit bronze) ont été trouvées à
» Surice, en 1847, sous une cépée de charmille entourée d'un
» monce._au de pierres peu apparent, contre une propriété boi» sée, sur une légère éminence formée par la nature. Il n'y
» avait donc point de tumulus proprement dit.



- -481-

)) Déjà j'ai eu l'honneur de vous dire que le fragment de la
cène provient du cimetière de Surice. Vers t842, je fus appelé à faire l'inhumation du corps d'un enfant, lorsqu'arrivé
près de la fosse, j'aperçus, dans la longueur de celle-ci, un
» parquet de pierres bleues, mesurant environ 1 1/2 pouce de
» largeur sur 2 1/2 pouces de longueur, symétriquement arran» gées, telles qu'on en rencontre parfois dans d'anciennes de» meures. Je ne pouvais pas différer l'enterrement, et, à mon
» grand regret, je dus faire enfouir ce petit trésor archéolo» gique; mais ce m'était un avertissement pour l'avenir. Aussi
» recommandai-je instamment au fossoyeur de m'avertir lors» qu'il trouverait quelques pierres extraordinaires, et dans l'an» née même, il découvrit, près de la fosse susdite, le morceau
» de la cène que vous connaissez. Vous pensez que les dilfé» rents fragments dont il est question pourraient bien être les
» restes d'un dessous d'autel. Cela n'est pas improbable, car
» je me rappelle que, en t840, en creusant les fondements de
» l'église que nous avons rebâtie (sauf la tour) , on trouva deux
» morceaux de colonne, de même picne que celle de la cène,
» d'environ trois pieds de long sur dix pouces de diamètre. Je
» voulus, peu d'instants après, les faire prendre, mais ils
» avaient disparu.
» Permettez-moi d'émettre une autre supposition. C'est une
» tradition constante ici que des religieux ou chanoines ont
» existé à Surice, dans des bâtiménts joignant l'église, et
» qu'ils dépendaient d'une abbaye ou d'un chapitre de Dinant. Cc
» qui semble prouver cette existence, c'est que dans les jardins
» environnant le cimetière , et dans ce dernier même , on
» retrouve des fondations de bâtiments. Or les objets dont il
» s'agit ayant été découverts, ainsi que le parquet prérappelé,
» près de la tour qui est très-ancienne (et dont les murs ont,
» jusqu'à une hauteur de 10 à 15 pieds, l'épaisseur de 7 à.8
» pieds) ces religieux n'avaient-ils pas fait un calvaire contre
» cette tour, oü ils allaient satisfaire leur dévotion de temps en
» temps? Et la trouvaille ne se composerait-clic pas des débris
» de cette espèce d'oratoirç? Je laisse celle supposition à votre
»
»
»



-- 482 -

appréciation ..... La paroisse de Surice passe pour une des
plus anciennes des environs; aussi l'appelle+on encore, dans
» les villages voisins, li pa1'0che.....
» Les spalules onl élé découvertes, en défrichant, sur le ter» ritoire de Surice, dans deux endl'Oits différents, distant l'un
» de l'autre d'environ trois quarts de lieue. - Le fragment de
» tuile en terre. rouge contenait les médailles trouvées en 1847
» que je vous ai fait passer. - Quant aux morceaux de meule
» gallo-romaine, ils étaient mêlés à des pierres communes qui
» recouvraient les monnaies précitées.
»..... Une femme presque centenaire m'a assuré que ses an» cêtres lui avaient dit qu'il existait autrefois à Laut.enne (petiL
» hameau dépendant de la commune de Surice) une église ou
» chapelle dont on indique encore l'emplacement; j'y ai fait faire
» des fouilles sans aucun résultat. Le cimetière contigu à ladite
» chapelle est remplacé par un jardin où l'on trouve des mor» ceaux de planche et des clous de cercueil; et un jour que je
·» visitais ce village, j'ape1·çus, au-dessus de la porte d'entrée
» d'une petite maison, une pierre polie à peu près carrée. On
_» me dit qu'elle était placée au-dessus de la porte de l'ancienne
» chapelle. (Tradition). Il y avait sur cette pierre, quatre croix,
» une à chaque coin, et des lettres gravées que voici: N. o. E. 1.
» - v. L. o. A:. E. Je laisse à votre sagacité le soin de dire cc
» que signifient ces initiales ..... »
E. D. 1\1.
»
»

MÉDAILLES ROMAINES TROUVJl:ES A l'ETIG:>,Y. Huit médailles
grand-bronze, trouvées à Petigny (arrondissement de Philippeville), étaient aussi dans la collection cédée par 1\1. Buzin à la
Société Archéologique; mais nous n'avons pas de renseignements sur cette découverte. Voici l'énumération des médailles:
2 Trajanus, 1 Hadrianus, i Antonius pius, 1 l'llarcus Aurelius,
i Faustina junior, 1 Lucilla, 1 Crispina.
E. D. 1\1.
ANTIQUITÉS ROMAINES DE VODELÉE.- Ce n'est pas en vain que
nous avons adressé un appel à l'obligeant curé d'Hermcton-sur1\Ieusc, au sujet des antiquités romaines découvertes dans un

- ..mi -

Lumulus de Vodelée. M' l\laterne s'est empressé de nous
transmettre tout cc qu'il a pu recueillir de cette trouvaille
laquelle a déjà fait l'objet d'une note insérée dans nos précédents mélanges (voy. plus haut , p. 574). Les antiquités qu'il
nous a envoyées sont : une petite urne funéraire dont la
partie supérieure est un peu dégradée, - deux ·fragments
considérables d'une grande agrafe ou fibule en acier, - une
- pièce de monnaie en argent à l'effigie de Néron, - enfin , un
morceau de poterie rouge qui, au dire de 1\1' l\Jaterne, recou. vrait les objets découverts.
J. B.
ANTIQUITÉS o'AGJMONT. - A l'envoi précédent, 1\1' le curé
Materne a eu l'obligeance d'ajouter : un fer de flèche triangulaire, - un petit boulet en fer, - et un fragment d'un autre
projeclilc en pierre, trouvés dans les ruines du château d'Agimont, près de Givet.
J. B.
TOMnEs no~1A1NES DB SILENRIEUX. - Pendant les mois de mars
et avril i850, l\f. Augustin François, propriétaire à Silenrieux,
défrichant le bois dit la Forêt situé au midi de ce village, à
environ 800 mè:res de la route royale de l\lons à Luxembourg, a découvert plusieurs tombes romaines.
Malheureusement les ouvriers ont., comme d'ordinaire, brisé
une quantité considérable d'urnes, d'amphores et d'autres antiquités précieuses. Tout ce que M. François a pu recueillir de
cette trouvaille consiste dans les objets suivants: 1• Huit urnes
remplies d'ossements c;1Jcinés, de différentes formes et dimensions - 2° Trois amphores, dont deux très-petites. - 5° Six
plateaux, dont deux en terre rouge. - 4° Un vase également
en terre rouge avec bas-relief très-bien travaillé. - 5° Diverses agrafes en bronze et en fer. - 6° Deux poignards assez
bien conservés. - 7° Un style en bronze. - 8° Un ornement
en bronze avec deux trous. - Dix médailles romaines, moyen
bronze, dont une d'Auguste et une de Trajan; les huit autres
sont frustes et indéchiffrables.
B0" D. P. D. B.

-484-

DÉCOUVERTE D'ANTIQUITÉS ROMAINES~ LAUTENNE. - Dans le courant du mois de mars 1850, un cultivateur labourant un champ
à Lautenne, commune de Surice, a mis au jour une boîte
en cuivre qui fut brisée par le soc de la charue; il n'en reste
plus qu'un fragment. Cette boîte contenait : 1° Une bague
en argent, très-forte, dite Chevalière, d'un travail remarquable
et ciselée à jour. Une médaille en argent, module ordinaire
ù'Antonin le-Pieux au revers de !\lare-Aurèle, est renfermée dans •
un cadre octogone placé au-dessus de celte bague, de telle
façon qu'on peut voir le revers. - 2" Deux médailles en or,
module ordinaire de Probus: l'une au revers de VICTORIA. Pnom.
AUG. (Victoire couronnant un trophée; au pied, deux captifs).
L'autre au revers de SECURITAs. SAECULI, (Femme assise), à l'exergue sis. Toutes deux sont fleur de coin.
Je dois cette précieuse découverte à l'obligeance de Mm• la
Baronne de Cartier d'Yve qui possède une ferme à Lautenne
et qui s'est empressée de me faire hommage de ces objets antiques, pour en orner ma collection. Depuis vingt-cinq ans, on
a trouvé, dans la province de Namur, une quantité prodigieuse
de médailles romaines de différents modules; mais, à ma connaissance, aucune en or.
B00 D. P. D. B.
DÉBRIS OE POTERIES PROVENANT D'UNE GROTTE, A FRi::NE, PRÈS OE
PROFONDEVILLE.- Dans le courant du mois d'octobre 1849,
quelques jeunes gens résolurent, par fanfaronade, d'escalader
les rochers qui dominent la vallée de la .l\leuse au hameau de
Frêne, vis-à-vis de Profondeville, et d'explorer uue grotte dont
l'orifice apparait vers l'extrémité supérieure de ces rocs escarpés. Parvenus à leur but, à l'aide d'une série d'échelles, ils ne
tardèrent pas à jeter sur le rivage plusieurs vases de terre, qui,
on le pense bien, furent complétement brisés. Les explorateurs
;
ayant aussi parlé d'un cadavre pétrifié qu'ils disaient exister
dans la grotte, la Société Archéologique pria deux de ses membres, messieurs Eloin et l\Iontigny, de se rendre sur les lieux
pour vérifier le fait. Ces messieurs rencontrèrent une caverne
qu'il leur fut impossible de parcourir bien loin , à cause du

'

-485 -

resserrement des rochers, mais rien n'indiquait qu'elle eût été
habitée, et aucun débris humain n'y ful remarqué.
Grâce à l'obligeance de M• Wérotte, de Profondeville, la
Société Archéologique possède quelques fragments des poteries
mentionnées plus haut. Ils sont d'une terre grisâtre, se rapprochant de la couleur de nos pots de grès. L'un des fragments
présente une couleur noire à l'intérieur; l'autre est orué, vers
la base , d'un cercle de pelites lignes parallèles. Les morceaux
sont malheureusement trop peu considérables pour que l'on
puisse reconnaître la forme primitive et l'ancienneté de ces
poteries, qui paraissent cependant dater de la période romaine,
ou au moins d'une époque fort reculée.
La grotte de Frêne est, comme la plupart de celles du même
genre, connue sous le nom de Trou des Nutons; une autre à
côté s'appelle la Gra11de Eglise. Cette dénominatton lui vientelle de sa forme? Ou bien, ces cavernes ont-elles servi jadis de
refuge aux chrétiens persécutés, qui y célébraient les mystères
de leur culte? C'est un problème que nos documents incomplets ne nous permettent pas de résoudre.
E. D. l\J.
FOUILLES DANS LE VOISINAGE DE LA FERME DE DRICNIOT. Parmi
les terreins dépendant de la ferme de Bricniot (commune de
S1 Servais), il en est un nommé le Long-Sart, situé sur une
crête qui s'avance dans la pittoresque vallée du Ilouyoux, et se
termine, en forme de promontoire semi-circulaire, non loin de
la Fontaine des Chats, bien connue jadis des étudiants namurois. L'extrémité de ce terrein, couvert dès longtemps de bois,
et contourné par la route de Namur à Gembloux entre les
bornes kilométriques n"' i4 et Hi, présente, sur une surface
d'environ cent pieds carrés, de nombreux vestiges de fondations qui s'élèvent jusqu'au niveau du sol. Là , au dire de quelques vieillards, existait autrefois la ferme de Bricniot, qu'ils
désignent encore sous le nom de Vieille Cense ( Vie Ci11-Se) .
Néanmoins, en l'absence de tout document écrit qui mentionnât ces constructions, et eu égard au voisinage de l'ancienne
forteresse d' Haste<lon ( l'Atuaticorum oppidum de plusieurs

02

-486-

..

historiens), la Société Archéologique résolut de faire pratiquer
des fouilles à l'endroit désigné, avec la permission du propriétaire, l'tl. le sénateur Piéton.
Les recherches, dirigées vers la partie septentrionale qui
paraît avoir été principalement habitée, ont mis à jour une
cave avec des débris épars de voûtes en briques, ainsi que différen tes murailles de pierrt- d'inégale épaisseur, mais dont
l'ap11areil et le ciment sont analogues à ceux encore en usage.
Les briques, plus lisses et d'un rouge plus vif que celles confectionnées actuellement, ont de H à 12 centimètres de largeur,
sur 22 à 23 de longueur. Les ardoises, généralement de grande
dimension et de ·grande épaisseur, sont -très-nombreuses, et
semblables à celles employées dans les Ardennes. L'une d'elles,
mesure Qm 40 de longueur sur Qm i5 de largeur.
Les autres objets trouvés dans le~ fouilles, sont : - Des
conduits ou Chêneaux en pierre, tailfés à angle aigu, profonds
de 0"' 10 ;- Des carreaux à paver, en terre cuite, de plusieurs
dimensions; - Des montants de pierre présentant une face
quadrangulaire , et ayant vraisemblablement servi de supports
de cheminée; - Des clous à tête longue et épaisse; - Une
spatule de cuivre, genre moyen âge; - Une clef, peu différente de celles de nos jours; - Quantité de débris de pots
vernissés de plusieurs couleurs, aussi analogues à ceux d'aujourd'hui ; - Enfin, des fragments de briques réfractaires
portant sur une de leurs faces une aigle à deux têtes chargé
des armes de la maison d'Autriche et de Bourgogne. L'écusson
est accosté de deux croix de Saint André.
Cette trouvaille doit donc faire penser que la destruction des
bâtiments dont nous parlons n'est pas antérieure aux règnes
de l\laximilien d'Autriche ou de Charles-Quint, c'est-à-dire, à la
fin du i5•, ou au commencement du 1.6° siècle, ce que les autres
·circonstances mentionnées tendent du reste à confirmer. Rien
ne contredit non plus le dire des vieillards qu'il s'agit ici d'une
ancienne ferme, peut-être transférée plus tard à l'endroit qu'occupe aujourd'hui la ferme de Bricniot, dont les constructions
ne semblent pas remonter à une époque bien éloignée.

-487-

L'extrémité de la terre du Long-Sart devant être bientôt défrichée, ces travaux pourront amener de nouvelles découvertes,
que nous aurons soin de consign~r.
E. D. M.
~IONNAIES NAMUROISES TROUVÉES PMS DE BRUGES. - Au moment
où nous nous disposions à envoyer ces mélanges à notre
excellent imprimeur, il nous arrive un gracieux don que nous
nous empressons d'enregistrer. Les journaux. nous avaient
appris qu'une importante _trouvaille de monnaies du moyen
âge venait d'avoir lieu dans les environs de Bruges et nous
avions demandé des renseignements au propriétaire de ces
monnaies, 1\1' J. Gailliard, auteur de !'Histoire du Saint-Sang,
des Ephémérides brugeoises et de la RevlJ_e pitto1'esque des anciens nwnuments de Bruges. En réponse à notre lettre, l'estimable écrivain s'est empressé d'offrir à la Société Archéologique,
avec un exemplaire de son dernier et intéressant ouvrage,
trois pièces namuroises qui faisaient partie de la trouvaille.
Ces pièces sont les suivantes.
i 0 Av. Edifice à trois tours : MONETA NAMVRCE. - Rev. Croix
dans un cercle : cv1LLELMvs co~rns; petite monnaie de cuivre
attribuée à Guillaume II.
2<> Av. ·Ecusson couronné. PHS : DE .... ARCHIDV: AVS: DVX : BYR:
co : NA. - Rev. Grande croix fleuronnée, posée sur quatre
demi-cercles et portant au centre un briquet. s1T : NO)IIEN :
DNI: 1BENEDICI .... {499.
5° Av. Ecusson couronné. PHS+ DE+ GRA + ARCIIID + AVS +
ovx + ..... c + NA -t - Rev. Comme la précédente. s1t + NoiME +
DOJMN + BEINEOTVI.
Ces deux. dernières pièces de Philippe-Je-Beau sont en argent et d'une belle consen•ation. Nous ne pouvons manifester
trop publiquement à Ill' J.~Gailliard la vive gratitude dont nous
sommes pénétrés à SOJ'! égard, et nous souhaitons que sa généreuse obligeance soit imitée par nos compatriotes. J. B.
MONNAJE RO:IIAl'.'iE EN OR TROUVÉE DANS LACOMMUNE O'ANDENNES.DanS le courant de cette année on a trouvé dans une fosse /1
Heer, commune d'Andennes, nne belle pièce d'or de Gratien.

-488 -

Les découvertes de monnaies romainès en or étant excessivement rares dans notre province, nous avions offert de ce Gratien
un prix assez élevé; malheureusement les prétentions du propriétaire étaient par trop exborbitantes, et nous avons dû nous
contenter de prendre une empreinte de la pièce.
A voir la rapacité parfois incroyable des possesseurs d'antiquités, on dirait vraiment que la Société Archéologique dispose de ressources inépuisables et qu'elle agit dans un but
mercantile. Tout cela n'est guères encourageant, il faut l'avoue,·. Il nous semble que lorsque des concitoyens dépensent
leur temps et leur argent dans un but d'utilité publique, on
devrait bien leur en savoir quelque gré et ne pas les exploiter
de telle façon. Heureusement il y a des exceptions bien honorables, et la généreuse obligeance d'un compatriote vient de
temps en temps consoler des outrecuidantes prétentions des
autres.
J. B.
DÉCOUVERTE où CHARTnlER DE L'ABBAYE DE GÉRONSART. - Jusqu'à
présent le dépôt des archives de l'État à Namur, ne possédait
qu'une assez faible partie des archives de cette abbaye fondée
en 1130, à un quart de lieue de Namur. La presque !totalité du
chartrier, enfouie pendant 55 ans, vient d'être sauvée d'une destruction certaine. Inutile de faire l'histoire de cette découverte.
Je me contenterai de dire que la Province s'est empressée
d'acquérir, pour le dépôt de l'État, environ 530 diplômes et
titres sur parchemin dont 4 du XII 0 siècle, 46 du XIII•, 51 du
XIV• , 55 du XV•, etc. Une quarantaine de pièces du même
chartrier ont en outre été données à la province par l\I' Grégoire ancien curé de Wancenne, M' Eloin et un anonyme.
Cette utile acquisition fait le plus grand l1onneur à 1\1' le
Gouverneur et à la Députation permanente ; ce n'est là, du
reste, que la continuation des généreux efforts que la province
fait depuis 1842 pour réparer les pertes immenses causées par
la négligence des adminislrations antérieures.- Pendant que
se faisait celle acquisition, l\r' Felix Eloin, celui de nos confrères qui a la main la plus hcu1·cuse, achetait pour la Société

-489-

Arcbéologique, une centaine de ~ceaux autrefois appendus aux
chartes de Geronsart et qu'on avait coupés avant de vendre les
(larcbemins. Parmi ces sceaux je signalerai ceux de Henri!'Aveugle et de la ville de Namur, tous deux d'une admirable
conservation, ainsi que ceux de Guy de Dampierre, de Guillaume 1, de trois souverains baillis du XIII• siècle, du conseil provincial de Namur (XVI• XVII• et XVIII• siècles) de
la collégiale S1 Pierre, du prieuré de Geronsart, de diverses
autres communautés religieuses , de familles nobles , d'échevins, etc. Au moyen de ces empreintes et de celles qu'elle
possédait déjà, la Société Archéologique pourra réaliser en
partie le projet qu'elle avait conçu depuis longtemps, de former
une collection de sceaux de souverains, de communautés et
de familles.
J. B.
TABLEAU DE L'ÉCOLE FLAMANDE, ATTRIBUÉ A BREUGHEL.- Le musée
de la SociétéArchéologique a reçu dernièrement de i\l. l\farinus,
directeur de notre Académie de peinture et de dessin, un tableau assez original dont voici la description :
Une grolle spacieuse occupe le milieu du panneau. Cette
grotte ouverte en face est divisée en deux parties. Dans la partie
supérieure on voit des moines à genoux aux }lieds d'un autel;
c'est la chapelle. La parlie inférieure représente la cuisine; un
moine attise le feu, un autre prépare des légumes. Au dessus
de la grotte se trouve une forêt où plusieurs lapins broutent le
thym et le serpolet avec une tranquillité qui ferait supposer
qu'ils n'ignorent pas que les pères de cet ermitage se privent
de viande. Vers la gauche, la forêt se prolonge; un ruisseau
sort du bois et vient tomber en cascade au premier plan et
permettre à un moine de puiser à une eau dans laquelle
se désallèrent des lapins et s'ébattent des canards. A l'extrême gauche, nouvelle grotte ouverte de face; c'est l'infirmerie. On y aperçoit un père malade soigné par un de ses
collègues. Au premier plan à droite, une femme de la camragne, d'un type ignoble et suivie d'un enfant, paraît donner ou
accepter un vase des mains d'un moine couvert du capuchon.

- .490 -

A l'extrême d1·oit.e, un calvaire devant lequel se trouve un des
desservants de l'ermitage; plus loin dans le fond, à droit.e et à
gauche, d'autres s'occupent des détails de l'exploitation de la
communauté. Un fond de paysage se prolonge à droite et se
termine en horizon.
Le ton général de cc tableau est assez lourd, cependant
quelques détails sont d'une grande finesse, tels que le paysage
du fond et les alentours du ruisseau. La manière flamande se
trahit dans cette œuvre ainsi que le procédé hollandais qui consiste, surtout dans les vieux tableaux à petites figures, à indiquer
les lumières par un point blanc non fondu dans la teinte intermédiaire. Ces points lumineux sont ici posés de façon à donner
un relief assez fort. Les rochers du milieu, formant la grotte,
sont d'un bleu-gris peu naturel.
Ce tableau n'est pas sans mérit.e. li nous paraît provenir de
l'école d'Anvers.' Le timbre de cette ville apposé sur le revers
du panneau vient corroborer notre opinion. En examinant avec
une attention persistante les bas-côtés de l'œuvre, nous avons
distingué les trois lettres microscopiques gel à peu près eflàcées. Cette trouvaille nous permet d'attribuer le tableau à
Breugel. Mais auquel? Voilà la question. Il y a eu un grand
nombre de peintres de ce nom et le genre seul de chacun d'eux
pourrait nous guider. Or le plus estimé d'entre eux est Breugel
ou Breughel-de-velours. Sa manière se rapproche beaucoup,
quoique plus brillante et plus fine, de celle qui distingue le
tableau de notre musée et nous sommes amenés à croire, sauf
plus ample information, que cet ermitage est une des premières
œunes de B1·eugel-de-velours, né à Bruxelles en 1568 et mort
en t622.
S.
GRAVURE REPRÉSENTANT LE SIÉGE DE NAMUR DE 1693. Veue en
perspective de la ville et citadelle de Namur avecq tous les fol'ts
cit'convoisins de la manière qu'ils ont esté assiégés et em71ortez le
J>' de septembre 1695 pat· l'annëe des Alliés commandëe var les
lt'ès S. E.R ..., princes Guillaume Ill•.. Roy d'angleterre, <l'écosse, de (rance et d'Y1'lande, etc., et iUaximilien Emanuel Ducq

- .491 -

et électeur de Bavière, etc., desiyné (dessiné) sur le lieu_ pendant
le siége et Dédié à son Ex<• l,lonseignem· le C-Omte d'A thlone
chevalie,· de l'ordre royal derElephant Général de la Cavallerie
des provinces uniës, etc.
Cette gravure magnifique que la Société vient d'acquérir est
d'une conservation et d'une netteté admirables. Sa longueur est
de im 65• sur 51 c. de hauteur; c'est une des plus belles
épreuves qu'il soit possible de voir. Le nom de Bernard Picard
dp Paris qui se trouve à gauche de l'œuvre avec la date de 1697,
est déjà, par lui-même, une garantie suffisante du mérite de
cette planche dont le dessin est d'une grande hardiesse et d'une
remarquable fermeté. La perspective de la ville de Namur et de
ses environs est exactement reproduite : on voit, en avant de la
ville assiégée, des groupes de combattants, des convois, des
morts et des blessés; vers la gauche, les principaux chefs de l'arm.ée à pied et à cheval semblent recevoir des communications
et donner des ordres; une animalion bien étudiée prête enfin à
ce plan historié l'aspect d'un tableau grandiose.
S.
LES DERNIERS SOUVENIRS DU JEU DE L'ÉCHASSE. -

Les échasseurs

namurois ont fait leur temps; nous ne les reverrons plus. li
ne nous reste qu'à recueillir soigneusement les rares vestiges
de ce jeu national; aussi signalons-nous avec plaisir le don
que :M. l'architecte Viersel vient de faire à la Société Archéologique. C'est un grand drapeau, en étoffe jaunâtre, d'une de ces
compagnies ù'écbasseurs qui, au siècle rlernier, faisaient encore
le plus bel ornement ùe nos fêtes publiques. On y a peint d'un
côté les armes de l'Empire et de l'autre l'écusson de Namur
posé sur deux échasses en sautoir avec la date de i749.
l\I. Delmagdelcinc, de cette ville, est propriétaire de certain
tableau bien mauvais au point de vue artistique et cependant très-intéressant puisqu'il représente un combat d'échasses
donné sur la place Saint Remy, à la fin du i78 siècle ou au
commencement du siècle dernier. Le possesseur de cc tableau ne ferait-il point acte de patriotisme s'il imitait l'exemple rle I\I. Viersel? Pour moi j'espère bien voir cette curieuse

- 492 -

représenJation figurer quelque jour dans notre musée à côté
du glorieux étendard de 1749.
J. B.
QUELQUES MONNAIES NAMUROISES DÉCRITES DANS,LA REVUE DE LA

La 4• livraison du tome VI de la Revue
de la Num~matique belge contient de nouvelles indications sur
plusieurs monnaies namuroises inconnues jusqu'ici, ou du
moins fort rares. Dans la vue de faciliter les recherches de ceux
de nos compatriotes qui s'appliquent à l'étude de la numismatique de notre pays, nous signalerons brièvement les diverses
pièces mentionnées dans cette livraison.
1° III' Piot continuant ses curieuses et savantes recherches
sur les Ateliers monétaires des .Mérovingiens, des Carlovingie11s
et des empereu,·s cl'Allemagne décrit (p. 367 et 376) deux pièces
carlovingiennes uniques que possède notre Société et dont il a
été parlé ci-dessus , page 368 , savoir: une obole de Dinant au
monogramme de Karolus (Charles-le-Gros), et une monnaie de
Louis-d'Outremer sortie de l'atelier de Namur. Le dessin de
ces deux pièces se trouve à la planche IX, N° 2 et 22.
20 Page 553 et suiv. note de M' de Coster sur Deux monnaies
illédites du comté de Namur. Ces pièces dont il donne le dessin
sont un denier de cuivre de Guillaume I frappée à l\1éraude (Poilvacbe), et une demi-plaque d'argent de Jean III assez semblable,
pour le revers, à une pièce trouvée cette année dans la Sambre
et dont nous avons parlé au commencement de ces mélanges.
3° Lèttre de .nt' le C,. de Robiano, p. 438 et 439. Dessin et
description de deux monnaies frappées à Meraude; la première,
monnaie de billon de Marie d'Artois,est la même que celle que
nous avons décrite plus haut; la seconde est une monnaie noire
de Guillaume 1.
J. B.
NUMISMATIQUE BELGE. -

POTERIE ET MO~'lAIES DÉCOUVERTES A VISCHENET. Au mois
d'avril 1.850, un petit vase en terre et quelques pièces de monnaie en argent ont été découvertes à Vischenet (commune de
Bossières) dans une propriété de l\I. le comte de Rom rée, notre
co-sociétaire. Celui-ci vie.nt de nous transmettre ces objets en

-493-

IIOUS autorisant à conserver pour la Société tout ce qui pourrait lui convenir.
Les monnaies sont cinq variétés d'une pièce espagnole de
Ferdinand et d'Élisabetb, et deux pièces de Philippe II, une
au millésime de t564 comme duc de Gueldres, l'autre comme
comte de Hollande au millésime de 1572.
Le petit vase est plus curieux. C'est une poterie très-épaisse,
en terre d'un gris blanchâtre, qui nous paratt appartenir à la
période romane. Le col ainsi que l'anse, qui n'était attachée
que d'un seul côté, ont disparu. Le ventre est. orné de trois médaillons de forme ronde. Sur le médaillon qui fait face à l'anse
on voit deux sphinx adossés et surmontés d'ornements dans le
gotît de l'époque; les deux autres représentent la tentation
d'Adam et d'Eve, ce sujet si connu des artistes des 12• et
1.5• siècles. Bien que ce vase ne soit pas intact, c'est cependant
là un objet d'autant plus curieux que les poteries de ceue
époque ne sont pas communes; aussi félicitons-nous sincèrement
iU. le Comte de Romrée d'en avoir fait don à notre musée
d'antiquités provinciales.
J. B.
PIERRE TOMBALE RECUEILLIE PRÈS DES GRANDS-MALADES. - En
creusant le flanc de la montagne de Bouges, pour en tirer les
matériaux nécessaires au remblai du chemin de fer de Namur à
Liége, les ouvriers ont découvert une pierre tombale d'assez
grande dimension et fort bien conservée. Le dessin sculpté sur
la partie supérieure est assez mauvais; il représente trois
personnages (un homme et cieux femmes) en costume du
XVI• siècle, agenouillés au pied d'un prie-Dieu. Tous nos promeneurs sont allés voir cette pierre à laquelle j'ai entendu assigner une très-haute antiquité. Pour qu'à l'avenir il ne puisse
y avoir doute à cet égard, je donne ici l'inscription : cy GIST
HENRY DE 'fRY DIT COIENNE BOUfGOis ET MARCHAN DE NAmttR QUY
TRESPASSA LAN XV LXXV LE VI' JOUR DAOUST ET MARTIN THIERY SON
ESPEUZE oui TRESPASSA LE XXI' JOUR OE JULLET LAN XV LXXVI.
0

0

J. B.

0'3

-,Hl/4CARTOucnE EN l'IERRE TROUVt A NAMUR. 1\1. l'entrepreneur
Léanne a eu l'obligeance d'adresser à la Société Archéologique
un cartouche en pierre provenant d'une des maisons récemment
démolies pour la construction du futur abattoir de Namur. On
lit sur cette pierre : A. MIL. PERIS. i723. L'inscription a excité
assez vivement la curiosité publique; on a cherché à l'expliquer
en disant que mille soldats avaient pél·l en cet endroit lors d'un
siége. li n'y â là dedans qu'une petite difficulté : c'est que l'année f'i25 est une é1loque de calme et qu'après les siéges de
1692 et de 1695 il faut remonter jusqu'en 1746 pour en trouver un troisième. l\lais que signifie donc cette inscription au
moins singulière? Je l'ignore, et me contente de remercier
1\I. Leanne, espérant bien qu'il me fournira, sous peu, matière
à de nouveaux remercîments.
J. B.
Al'lTIQUITÉS PROVENANT DE SAMSON ET DE NA)IUR. Nous avons
reçu de l\Ie l'avocat Lecocq deux fers de flèche découverts autrefois dans les ruines du château de Samson ; - de l'if. Golenvai1x-Vanderesse deux fers de lance trouvés dans la Sambre, à
Namur, à l'époque de la canalisation; un de ces fers est d'une
forme très compliquée et paraît du rn• siècle;- de l\I.J. Thonm·
une ancienne clef d'un beau travail; - de 1\1. Trépagne-cle Roisin un pot en grès émaillé, malheureusement brisé en partie;
- de M. Fallon-Mohimont un énorme fer à cheval découvert
dans la forêt de .MarJagne, près du Vieux-1\Iur.
Si nos compatriotes rnulaient bien se dessaisir ainsi de tous
les objets de cette nature qu'ils possèdent et auxquels, la plupart du temps, ils ne tiennent guères, notre musée s'enrichirait rapidement. Combien d'antiquités assez insignifiantes en
elles-mêmes aussi longtemps qu'elles sont disséminées, acquièrent de la valeur lorsqu'elles viennent combler les vides d'une.
collection plus complète et du moins durable.

J. B.

-.4!)5-

LISTE DES SOCIÉTAIRES EN 18;'50.

Date de l'admission
28 décembre 1845. Alphonse Balat, architecte.
»
Jules Borgnet, conservateur
des archives de l'État. . .
»
Félix Eloin; sous-ingénieur honoraire ùes mines. . . .
»
Adolphe Borgnet, membre de
l'académie rôyale, recteur de
l'université. . . . . .
»
Ferdinand :Marinus, directeur
de l'académie de peinture.
>>
Eugène Du Pré, juge. .
»
Jean-Baptiste Brabant, avocat,
conseiller communal. . .
»
• Henri Lambotte, agrégé à l'université de Liége, professeur à l'athénée.
»
Baron Gustave de Pitteurs de
Budingen . . . . . .
»
Louis Briard. . . . .
»
Comte Charles de Romrée ,
bourgmestre . . . . .

Bruxelles.
Namur.
Namur.
Liége.

Namur.
Namur.
Namur.
Namur.
Namur.
Namur.
Fcrolz.

1

-.4~628 décembre 1845. Eugène Del 111armol, secré-

taire ·de la commission provinciale de statistique.
S'-1\Jarc.
»
Charles i\lontigny, professeur
à l'athénée. .
Namur.
»
Joseph Grandgagnage, membre de l'académie royale,
président à la cour d'appel. Liége.
A. Bénoît, directeur des établissements de M. le duc
d'Arenberg. . . Marche-les-Dames.
»
Armand Bourdon, orfèvre. . Namur.
»
Joseph Eloin, père, membre
du bureau de bienfaisance. Namur.
»
Edmond Dury, avocat, conseiller provincial. .
Namur.
»
" Joseph Thonar, fondeur en fer. Namur.
»
B •Jules de Baré de Comogne. Namur.
»
Sylvain Van de Weyer, ambassadeur de Belgique. . Londres.
»
Félix Kinet.
Gembloux.
22 mars 1846. Atmand Wasseige, avocat,conseiller provincial. .
A. Wesmael-Legros, imprimeut et libraire. .
Namur.
50 mars 1846. B0n Edouard de Spancll. .
Namut.
50 avril 1846. Paul Wilbrant, professeut de
musique ..
Namur.
f5 décembre 1846. B00 Léon d'Hooghvorst.
Bruxelles.
»
cw Théodore d'Oultremont.
Liége.
14 mars 1847. Fabri-Delvaux, inspecteur provincial de l'enseignement
primaire. . . .
Namur
»
cw~allemantde Levignen. . Namur.
l4 octobre t847. N.-J. de Cock, curé doyen. . Wavre.
15 janvier 1848. Nicolas Hauzeur, juge de paix. Ciney.
0

.

-- .49i -

Hi janvier 1848. Albert d'Otrepp!3 de Bouvette,

conseiller honoraire à la
cour d'appel.
5 juin 1848. François Piéton, attaché à
l'ambassade belge. . .
»
Auguste Lafontaine. . .
25 septembre 1849. Dinon, docteur en médecine.
14 octobre 1849. Comte Hadelin de LiedekerkeBeaufort, représentant. .
7 novembre 1849. Julien Wautlet, avocat, échevin et vice-président du conseil provincial. . . . .
50 novembre 1849. Baron Edouard de Woelmont,
chanoine honoraire . . .
25 janvier 1850. Charles Grandgagnage. . .
»
Vicomte Lambert de Baré de
Comogne.
. . . .
»
Adolphe Siret, secrétaire de
cabinet du Gouverneur de
la province. . . . . .
»
Xavier Lelièvre, avocat, représentant. . . . . .
f9 a,,ril i850. Victor Pirson, gouverneur de
la province. . . . . .
5 mai 1850. Renier Chalon, président des
Bibliophiles belges. . .
18 juin 1850. cierhéodore Van den StraetenPonthoz. . . . . . .
»
Duc de Beaufort. . . . .
23 juillet 1850. B00 Paul-André de Crassier,
ingénieur des mines du 5•
district. . . . .
FJ;>i DU TOME P!IEMIER.

'

Liége.
Francfort.
Bruxelles.
Ciney.
Noisy.
Namur.
Namur.
Liége.
Huy.
Namur.
Namur.
Namur.
Bruxelles.
Bruxelles.
Florennes.
Namur.

-

498 -



TABLE DES MATIÈRES

NOTICES ET OISSERTA110NS.

Le Déserl de iUarlagnc; par l'auteur d'Alfred Nicolas.
1
Une pierre mystérieuse; par E. D. M. . . . .
245
Considérations sur l'étude de l'ai·chéologie; par Ch. Montigny. . . . . . . . . . . . . . . . 252
Notice historique sm· les villages d'Aische-en-Réfail et
de Liernu; par Eug. Del Marmol.
260
I. Aische-en-Réfail. . . .
262
II. Liernu. . . . . . .
292
Les Grands-Malades; par Jules Borgnet.
55t et 581
Affliche de la corporation des menuisiers de Namur;
par Alphonse Balat . . . . . . .
455
BIBLIOGRAPHIE NAIIIUllOISE.

Philippe II et la Belgique; par Ad. Borgnet.
Études historiques sur l'enseignement dans les universités du moyen âge; par J.-D. Doyen. . . . .
Chansons Wallonnes; par Ch. Wérotte. . . . . .
Dictionnaire étymologique de la langue Wallonne ; par
Ch. Grandgagnage. . . . . . . . . . . .
De l'inféodation du comté de Namur au comté de Hainaut; par Alex. Pincharl. . . . . . . . .

46i
464
465
466
470

- -499 MÉLANGES.

Antiquités d'Agimont .
485
Trouvaille de monnaies à Amée.
578
i\Ionnaie romaine en or trouvée dans la commune d'Andennes.
. ...
487
Monnaies romaines trouvées à Bause.
578
Fouilles dans le voisinage de la ferme de Bricniot.
480
Monnaies namuroises trouvées près de Bruges.
487
Découverte d'antiquités romaines à Dourbes. . .
574
Hache celtique découverte dans la commune de Flawinne. 577
Débris de poteries provenant d'une grotte à Frène. .
484
Découverte du chartrier de Géronsart.
488
Pierre tombale recueillie près des Grands-Malades.
495
l\Iédailles romaines trouvées aux Grands-Malades.
371
Vase en bronze découvert à Hambraine.
577
Découverte d'antiquités romaines à Lantenne.
484
Antiquités de Marche-les-Dames.
560
Meules gallo-romaines de la l\Iarlagne.
575
Antiquités provenant de la Sambre à Namur. 567, 568 et 474
Antiquités provenant de Namur. .
494
Cartouche en pierre trouvé à Namur.
. . . . 494
Un vieux canon namurois. . . .
570
Démolition d'une partie du mur de la 5• enceinte de
Namur.
\.
571
~Ionnaies du moyen âge découvertes près de Namur.
478
Antiquités romaines de Niverlée. .
574
~lédailles romaines trouvées à Petigny. .
482
Monnaies du me siècle découvertes à si Germain.
579
Antiquités provenant de Samson.
494
Tombes romaines de Silenrieux.
485
Antiquités de Surice.
572 et 480
Poterie et monnaies découvertes à Vischenet.
492
Antiquités romaines de Vodelée.
574 et 482
Tuiles gallo-romaines trouvées 11 Walcourt.
577

-

ISOO -

Bas-relief de Wépion .
5i6
Monnaies brabançonnes trouvées à Yves.
5i9
Quelques monnaies namuroises décrites dans la Revue
de la numismatique belge.
492
Les derniers souvenirs du jeu de l'échasse.
491
Tableau de l'école flamande attribué à Breughel.
489
Gravure représentant le siége de Namur de 1695.
490
Frais d'exécution criminelle au 15• siècle.
580
Le prince des Ongnons.
580
Avis de la commission directrice sur les découvertes
d'antiquités. .
564
Remerciements adressés aux donateurs ainsi qu'aux sociétés savantes et revues périodiques.
4i2
Liste des sociétaires en 1848.
(en tête du volume.)
Liste des sociétaires en 1850.
495
GRAVURES DANS LE TEXTE.

Sceau d'un provincial des Carmes Déchaussés.
Sceau de la cour de Refays.
Sceau de la cour de S1 Lambe1't à Aische-en-Réfail.
Armoiries de Cracempach et de Scbroets.

250

275
285
296

PLANCHES.

Le désert de l\Iarlagne.
Le chevalier sans tête d'Hastimoulin.
Clefs trouvées dans la Sambre à Namur.
Plan de l'hospice des Grands-1\Ialades.
Vue de la chapelle des Grands-1\Jalades.
Tombeau de Colars Jacoris.
Affiiche des menuisiers de Namur. .



1

245

56i
419
421
428

455

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Lf-i,,,,, _. ..i: ,1/t,,.,,1,·. K .Aiw 11 : ,5;I?. 1'"./,,,,.,7,lt . L. /li,,,,,, . , \'. ,Il.
l .f.im, :, f. ,fl,JJl,,11,i.,1/. N../},rt~, '/';"• ,tw• ,ut, 1;;t,;,,,,,_, 0 ..6'rr111 ._·,): /),t.l,an;,,,,,., P..11m'a. {i:,,ai,w/11•·· QJi;·rlt,J·1,1. H. l-011,,· d lo, ~/..- 116(Jil111/ mllalt,,11eJ'. S.,llrm•· 1;,1,Nmi ,,.1,liui·ti,,alt:.·.) 'l'.B,rtrr r;ur, t"l11rl Va,,11Ù·1·1im \ "..;11,,,,.,f jlti,ùiù. X.,fl,!f"'' . Ï.. l/,i11ilt.'. ,)i11ll'll1.

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LES GRANDS-MALADES.