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Fait partie de Natura Mosana. Année 2020. Tome 73. Nouvelle série
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P904020
BE ISSN 0028-0666

NATURA
MOSANA
Revue de sciences naturelles en Wallonie

73
nouvelle série

2020

Natura Mosana, nouvelle série, n° 73 (2020) : 1-6

François POURFOUR DU PETIT (1664-1741),
un botaniste ‘namurois’ méconnu
Jean Louis DE SLOOVER

RÉSUMÉ
François POURFOUR DU PETIT (1664-1741), médecin et botaniste parisien, a publié à Namur en 1710 trois ‘lettres’ dont la dernière
est son seul texte botanique imprimé. Il y signale, décrit et figure plusieurs plantes dont six espèces récoltées aux environs de Namur,
deux d’entre elles étant rares ou disparues aujourd’hui.
ABSTRACT
François POURFOUR DU PETIT (1664-1741), a Parisian physician and botanist, published three 'letters' in Namur in 1710, the last of
which is his only printed botanical text. He reports, describes and illustrates several plants witch six species harvested around
Namur, two of which are rare or extinct today.
* rue des Hautes Voies 35, Résidence Sérénia, B-6830 Bouillon
______________________________________

INTRODUCTION

Connu en médecine moderne par le syndrome oculaire qui
porte son nom2, chirurgien, anatomiste, et ophtalmologiste,

François POURFOUR DU PETIT (FIG.1), également nommé
François P. DuPetit, Franciscus Petit, Franciscus Petitus,
François Pourfour ou encore Petit le médecin…, est né le
24 juin 1664 à Paris et y est décédé le 18 juin 1741. Une
biographie détaillée a été écrite jadis par DORTOUS DE
MAIRAN (1747) et, beaucoup plus tard, notamment dans
une publication de neurosciences (BARBARA, 2006) et une
thèse de doctorat (THURLOY, 2018).
Bien que reçu docteur en médecine à Montpellier (1690),
POURFOUR DU PETIT perfectionne sa connaissance de la
botanique, essentielle pour la médecine de l’époque, à Paris
avec PITTON DE TOURNEFORT1 qui semble l’apprécier. En
1693, il s’engage comme médecin militaire dans l’armée de
Louis XIV et se retrouve sur le champ de bataille comme
médecin de campagne, dans le conflit des Flandres, à
Nervinde, Charleroi, Mons, Namur et finalement Dinant
(LAMBERT, 1751). Rentré à Paris en 1713, il est reçu
membre associé (1722) puis pensionnaire (1725) de
l’Académie royale des sciences.

1

Joseph PITTON DE TOURNEFORT (1656-1708) est un botaniste
français connu pour son travail de classification, basée sur les
caractères floraux, et jetant les bases du concept de genre et
d’espèce, préfigurant ainsi les concepts de LINNÉ. Il fut titulaire
de la chaire de botanique du Jardin des Plantes de Paris.

Fig. 1. – Portrait de POURFOUR DU PETIT, par J.B. RESTOUT
(1ère moitié du 18e s. ; source : Wikimedia Commons).

2

Syndrome inflammatoire des faisceaux nerveux liés au système
oculaire, d’étiologies diverses, mais décrit initialement par P. DU
PETIT comme une conséquence de blessures cervicales par les
coups de sabre (d’après http://dictionnaire. academie-medecine.fr.
version 2020).
1

POURFOUR DU PETIT est l’auteur de plus de 20 mémoires,
dissertations ou lettres, dont une quinzaine concernent
l’œil.
LE BOTANISTE
POURFOUR DU PETIT était aussi un naturaliste, avec un
intérêt particulier pour la botanique, même si les
catalogues, dictionnaires ou autres recensements le
signalent rarement comme botaniste. Il s’intéressa surtout
aux plantes médicinales, mais il étudiait en fait toutes les
autres, et laissa à sa mort un herbier «de trente gros volumes
in-folio» (DORTOUS DE MAIRAN, 1747).
Il ne disserte de botanique que dans un opuscule intitulé
« Lettres d’un médecin des hôpitaux du roy, à un autre
médecin de ses amis » (Fig. 2).
L’ouvrage, d’une cinquantaine de pages et 8 planches, a été
publié à Namur, chez Charles Gerard Albert, imprimeur du
Roy en 1710. Tirée à 200 exemplaires, cette publication
semble devenue très rare. Elle est composée de trois volets,

deux consacrés à des sujets médicaux, le troisième traite
uniquement de botanique et reste un des rares témoignages
de son activité botanique3. Il est d’autant plus intéressant
qu’il fait non seulement allusion à des observations
notamment en région namuroise mais qu’il a été publié à
Namur.
Curieusement, DOYEN (1887) dans sa Bibliographie
namuroise ignore l’activité locale du médecin-botaniste. Le
curé bibliographe namurois, qui cite les trois lettres, ne lui
reconnait que les maladies du cerveau. Il ne renseigne
même pas les apports botaniques de l’auteur ! Cependant,
des botanistes postérieurs, et non des moindres, le citent,
ainsi Linné, Flora lapponica, 1737 : «Pet. gen. Petiti Petri,
Namurc. 1710 Nova plantarum Genera, Rarius allegantur»;
von Haller, Iter helveticum, 1739, repris en 1749 : von
Haller, Opuscula sua botanica, 1749 : 233 : Petitum, Lettres
d’un Médecin Namur 1710, lettre III, p. 39 ; Linné,
Philosophia botanica, ed. 3, Berlin 1790, page 153 : Petiti ;
Sprengel C., Historia Rei Herbariae tomus II. 1808 page
207 : Petit, Namur 1710.
Moins loin dans le temps, J. J. KICKX4 (1863) fera connaître
son opuscule et le commentera, tout en le considérant
comme un ouvrage anonyme. Il faut dire que la signature à
la fin du texte y est assez sibylline (Fig. 3), comme l’est tout
autant le destinataire de ces lettres

Fig. 3. – Fin de la troisième lettre.

Fig. 2. – Page de titre de l’ouvrage de P. DU PETIT.

3

THURLOY (2018) signale dans sa thèse le dossier biographique
de POURFOUR DU PETIT À l’Académie des Sciences, qui contient
une lettre non publiée sur le fruit de ‘moschatellina’ (Adoxa
moschatellina ?).

2

On lui a reproché une écriture «négligée & sans aucun
agrément» (DORTOUS DE MAIRAN, 1747). Notre auteur
rapportait simplement ce qu’il avait vu. Ses descriptions
des plantes sont longues mais précises. Les illustrations
sont presque toutes remarquables pour l’époque. Les
plantes renseignées par Pourtour du Petit se trouvent cidessous sous les noms suivant la nomenclature de
LAMBINON et VERLOOVE (2015) suivis, entre crochets, des
4

Jean-Jacques KICKX (1842-1887), botaniste à l’Université de
Gand, dont il fut le recteur de 1865 à 1887. Il achèvera l’œuvre de
son père Jean, la Flore cryptogamique des Flandres.

périphrases utilisées par l’auteur qui rappellent la
désignation des plantes en vigueur avant le binôme linnéen,
et de quelques commentaires qui s’y rapportent.
Plus de quatre pages de texte serré discutent des
Chrysosplenium de TOURNEFORT, qui y voyait trois
espèces. POURFOUR DU PETIT décrit les deux espèces
connues (sans illustrations), qu’il appelle Saxifrages d’Or,
et ‘…trouvées aux environs de Namur…’, mais trouve
toutes les excuses pour atténuer l’erreur de son maître et
ami le plus illustre Botaniste de tous les siècles passés :

Espèce hygro-acidiphile des sols argilo-sablonneux
saturés en eau et ouverts, le Pourpier d’eau est assez
commun en Campine, mais se raréfie fortement dans les
autres districts.
 Lamium maculatum L., Lamiacées
[Lamium purpureum, flore majore. … Je l’ay trouvé
dans le Jardin des Capucins de Namur] (Fig. 5).

 Chrysosplenium oppositifolium L., Saxifragacées
[Saxifraga rotundifolia, aurea, minor, montis aurei
H.R. Par.]
 Chrysosplenium alternifolium L., Saxifragacées
[Saxifraga rotundifolia, aurea C.B. Pin.].
Le genre Chrysosplenium compte une soixantaine
d’espèces à l’heure actuelle, dont six en Europe.

Fig. 5. – Lamium maculatum.

Cette espèce nitrophile croît sur des limons et argiles.
En Belgique, elle n’est réellement présente que dans la
vallée de la Meuse où elle est asse commune.
 Luronium natans L., Alismatacées
[Ranunculus paluftris, foliis gramineis & subrotundis
… lorsfque j’ay trouvé cette Plante nous étions fur le
point d’étre effiegé, je n’ay pû la décrire fur les lieux.
J’en fait la defcription fur une Plante feche. La Figure
a été tirée fur la méme Plante feche. Elle croit au fond
de l’eau dans les Marêts autour de Ruremonde. Je l’ay
trouvé en fleur au mois de Septembre. Il n’y avoit point
encore de fruit] (Fig. 6).
Fig. 4. – Lythrum portula.

D’autres espèces sont évoquées :
 Lythrum portula (L.) D.A. Webb, Lythracées
[Glaux paluftris, flore ftriato, claufo, Foliis Portulacae
Inft. rei Herbar. 88. Cette Plante qui croît proche de
Bondi à deux lieuës & demi de Paris, n’a point été
rapportée avec les plantes qui naiffent aux environs de
Paris ; mais Mr. Tournefort l’a citée dans fes Inftituts.
Je l’ay trouvé aux environs de Ruremonde, & aux
environs de Namur] (Fig. 4).

Cette espèce n’est plus associée, depuis Linné, aux
Renonculacées. Le Flûteau nageant est lié aux milieux
aquatiques oligotrophes, et en subit donc directement
l’altération drastique. L. natans n’est plus guère présent
qu’en Campine.
 Tephroseris helenitis (L.) Nordenstam, Astéracées
[Jacobaea maritima, non laciniata, lanuginofa,
latifolia. Inft. rei Herbar. 486 : Elle croit dans des
terres argilleufes qui font prés l’Abbaye de Geronfar à
un demi quart de lieu de Namur ] (Fig. 7).
Cette espèce médioeuropéenne est inféodée aux prairies
humides non amendées. Il n’est donc pas étonnant
3

qu’elle soit en voie de disparition en Wallonie : on n’y
comptait plus, au début de ce siècle que deux stations en
Wallonie (http://observatoire.biodiversite.wallonie.be)
et le site de l’abbaye de Géronsart, a connu, depuis la
Révolution française, bien des vicissitudes qui
n’auraient pu permettre la moindre survie de cette
espèce.

On peut considérer cette espèce comme une
archéophyte, son installation en Europe occidentale
datant de la fin du Moyen Âge. Depuis, elle a lentement
colonisé le réseau fluviatile où elle occupe le même
biotope que Iris pseudacorus, dont les feuilles
ensiformes pourraient porter à confusion, d’autant
qu’elle fleurit rarement, mais qui ne présentent pas

Fig. 6. – Luronium natans.

Fig. 6. – Luronium natans.

Fig. 8. – Acorus calamus.

d’odeur citronnée au froissement, caractéristique
évoquée dans l’épithète initiale et qui a valu à la plante
un ensemble d’usages

Fig. 7. – Tephroseris helenitis.

 Acorus calamus L., Aracées.
[Calamus Aromaticus officinarum. Acorus verus, five
Calamus Aromaticus officinarum C.B. Pin. 34. Acorus
Dod. 249.] (Fig. 8).

4

Fig. 9. – Phegopteris connectilis.

 Phegopteris
connectilis
(Michaux)
Watt,
Thélypteridacées.
[Filix non ramosa, minor, & fylveftris] … je l’ay trouvé
proche de Geronfart, & proche les Forges de Wepion à
un demi quart de lieuë de Namur] (Fig.9).
Espèce silicicole, des rochers frais et forêts, que l’on
rencontre essentiellement dans le district ardennais.
L’Atlas de la Flore belge et luxembourgeoise (VAN
ROMPAEY et DELVOSALLE, 1979) ne signale pas sa
présence dans le district mosan.
On retiendra enfin deux nouveaux genres créés par
POURFOUR DU PETIT, avec :

 [Prouvenzalia palustris]
= Calla palustris L. (Fig. 10).
Le genre est dédié à PROUVENZA, inspecteur général des
hôpitaux du Roy avec qui il était lié. Il l’évoque ainsi
dans sa lettre : Il [Prouvenza] me détermina en 1702 de
reffervir dans les Hôpitaux, & d’aller à Ruremonde
pour y être Medecin des Hôpitaux du Roy. J’avois une
extreme envie pendant mon voiage de trouver quelque
nouveau genre de Plante pour luy donner fon nom, &
pour luy témoigner par cét endroit une foible
réconnoiffance de l’affection qu’il m’a toujours porté.
C’eft ce que je trouvé avant d’arriver à Ruremonde. Je
paffé par Bruxelles, par Louvain, par Dift, en paffant de
Dift à Peer, je trouvé les Campagnes toutes couvertes
de Ros Solis. Lorfque je fus proche de Wert, j’apperçeu
au bord d’une petite Rivière une Plante, dont les feüilles
avoient la méme couleur que celles du Plantin d’eau,
mais elles n’en avoient pas la figure. Je m’en approche,
je l’examine, & je trouve qu’elle porte une fleur
irréguliere d’un caractere tout different de tous les
genres raportez dans les Inftituts de Botanique. Je l’ay
nommé fur le champ Prouvenzalia. J’ay trouvé plus de
deux mille pieds de cette Plante dans les Foffez du
Château d’Horn à une demi-lieuë de Ruremonde.
Cette espèce à affinité boréale, ici en limite d’aire, est
liée à l’écosystème des tourbières ou aux pièces d’eau
oligotrophes, et a largement souffert de la pression
exercée sur ces milieux, même en Campine où elle
régresse considérablement. En Wallonie, elle est
rarissime, par exemple aux Troufferies de Libin.

 [Dantia palustris]
= Ludwigia palustris (L.) Elliott, Onagracées,
[Je ne connois qu’une efpece de Dantia. Dantia palftris.
Glaux palftris, flore herbaceo, major Boccon. Muf. Tab.
84. Cette Plante ne peut être rapportée aux Glaux qui a
une fleur à feüille dont le Piftile devient le fruit ; ce qui
m’a obligé de luy donner un nouveau nom, & de la
nommer Dantia du nom de Mr. Danti D’Ifnard Docteur
en Medecine, qui depuis longtemps eft mon ami. Il eft
très-fçavant dans l’Histoire des Plantes, dont il a fait la
démonsftration l’année dernière au Jardin du Roy]
(Fig. 11).

Fig. 10. – Calla palustris.

Fig. 11. – Ludwigia palustris.

CONCLUSION
François POURFOUR DU PETIT, médecin membre de
l’Académie, connu à juste titre pour ses travaux et
publications en ophtalmologie, était aussi médecin
militaire. À ce titre, il séjourna entre autres à Namur, où il
publia son unique contribution botanique, ce qui nous
autorise à considérer cet auteur comme un botaniste
‘namurois’.
Ses descriptions sont fort soignées mais ses dénominations
botaniques, forcément prélinéennes, n’ont pas été retenues
par LINNÉ. Elles n’apparaissent donc pas comme basio-

5

nymes dans la littérature5, d’où la méconnaissance de cet
auteur. On signale tout aussi rarement ses gravures
botaniques pourtant très fidèles.
Parmi ses récoltes namuroises, on retiendra surtout
Tephroseris helenitis (L.) Nordenstam et Phegopteris
connectilis (Michaux) Watt, deux espèces qui sont

devenues très rares ou en voie de disparition dans notre
région.
La ‘lettre’ de POURFOUR DU PETIT est particulièrement
intéressante car peu d’observations botaniques effectuées
au début du 18e s. dans la région namuroise nous sont
parvenues.

BIBLIOGRAPHIE

BARBARA J.-G., 2006. – Mais qui était Monsieur François
Pourfour Du Petit (1664-1741) ? La Lettre des
Neurosciences, Bull. Soc. Neurosciences 31 : 4-6.
DORTOUS DE MAIRAN J.-J., 1747. – Éloges des académiciens de
l’Académie royale des sciences, morts dans les années 1741,
1742 & 1743, année 1741. Histoire de l’Académie royale des
sciences, Paris, Durand : 169-179.
DOYEN F.-D., 1887. – Bibliographie namuroise indiquant les
livres imprimés à Namur depuis le XVIIe siècle jusqu’à
nos jours, les ouvrages publiés en Belgique ou à l’étranger
par des auteurs namurois, ou concernant l’histoire du comté
de Namur ou de la province actuelle de Namur suivie d’une
liste chronologique et analytique des placards et ordonnances
relatifs à l’ancien Pays de Namur, 3 tomes, Namur, 18871902 : p. 360 n°581.
KICKX J.J., 1863. – Quelques extraits d’un livre peu connu.
Bull. Soc. r. Bot. Belg. 2 : 238-240.

5

Le Code international de Nomenclature pour les Algues, les
Champignons et les Plantes stipule, à l’article 13.1 (Code de
Shenzen, 2018) que la validité d’un nom d’une plante débute à la
date de la publication du Species Plantarum de LINNÉ, en 1753.
6

LAMBERT (abbé), 1751. – Histoire littéraire du règne de Louis
XIV dédiée au Roy. Tome second. [consulté sur
https://books.google.be/
googlebooks].
LAMBINON J. & VERLOOVE F., 2015. – Nouvelle Flore de la
Belgique, du Grand-Duché du Luxembourg, du Nord de la
France et des Régions voisines. Sixième édition, deuxième
tirage, avec corrections. Édition du Jardin botanique national
de Belgique. Meise. CXXXIX + 1195 p.
THURLOY J.-F., 2018. – Pourfour du Petit (1664-1741) ou les
prémices de la physiologie expérimentale : un homme au
cœur du renouveau médical au Siècle des lumières. Thèse
doct. Université de Picardie Jules Verne – Amiens. 413 p.
VAN ROMPAEY, E. et DELVOSALLE, L., 1979.- Atlas de la flore
belge et luxembourgeoise. Ptéridophytes et Spermatophytes,
2ième édition revue par L. Delvosalle (et coll.). Meise. Jardin
Botanique national de Belgique. 1542 cartes.

Toute désignation antérieure, fusse-t-elle binomiale (ce qui est le
cas ici, par l’influence de TOURNEFORT qui avait anticipé le
concept de LINNÉ), ne peut dès lors bénéficier du principe de
priorité.

Natura Mosana, nouvelle série, n° 73 : 7-20

Le ruisseau de Falmagne (prov. de Namur, Belgique)
Un triste exemple des malheurs de nos cours d’eau

Guy BOUXIN *

RÉSUMÉ
La flore, la végétation et les caractéristiques environnementales du lit mineur du ruisseau de Falmagne et de ses affluents s ont décrites
dans un ensemble de 28 relevés de végétation. Le tableau de relevés, comprenant les Anthophytes, Ptéridophytes, Bryophytes, Algues,
Cyanobactéries et Lichens a été analysé par des techniques d’analyses multivariées. Les relations avec quelques paramètres
environnementaux des lits mineur et majeur, et de l’eau du ruisseau ont été précisées. Les résultats sont présentés sous forme de quatre
groupements végétaux. L’incidence des rejets d’eaux usées des villages de Falmagne et de Falmignoul sur la qualité de l’eau est très
importante. Cette eau polluée disparaît dans trois pertes à la sortie du village dans une région riche en phénomènes karstiques.
ABSTRACT
The flora, vegetation and environmental characteristics of the minor bed of the Falmagne stream and its tributaries are described in a
set of 28 sites. The data table, including Anthophytes, Pteridophytes, Bryophytes, Algae, Cyanobacteria and Lichens was analyzed by
multivariate analysis techniques. The relationships with some environmental parameters of the minor and major beds, as well as of the
stream water have been clarified. The results are presented in the form of four plant groupings. The impact of wastewater discharges
from the villages of Falmagne and Falmignoul on water quality is very significant. This polluted water disappears in three losses at the
exit of the village in a region rich in karst phenomena.

* rue des Sorbiers 33, B-5101 Erpent, Belgique. Courriel : guy.bouxin@skynet.be
_________________________________________________
INTRODUCTION
L’étude de la végétation aquatique et amphibie du ruisseau
de Falmagne a été entreprise en vue d’évaluer le risque que
présente, pour les nappes souterraines, la mauvaise qualité
de l’eau d’un ruisseau se perdant dans un système karstique
après la traversée d’un village. En effet, les exemples de
pertes d’eaux usées en région karstique sont nombreux ;
citons notamment l’agolina ou chantoir de Xhendelesse
(POLROT & MICHEL, 2014 ; MICHEL & POLROT, 2017) ou
la Noire Fontaine à Gérin (LIÉGEOIS & MICHEL, 2017). Le
problème des chantoirs de Falmignoul est bien connu
depuis la parution de l’Atlas du Karst wallon, bassin de la
Haute-Meuse Dinantaise (MICHEL & THYS, 2017) : les
auteurs y réclament des mesures d’assainissement pour les
eaux usées qui menacent tout le système classé du Colébi
et encouragent ce genre d’étude.
L’état actuel des ruisseaux, en particulier celui de
Falmagne, est d’abord le fruit d’une longue histoire ; il est
aussi une sorte de synthèse de la vie et des activités
humaines d’un bassin versant dans son intégralité et ce,
depuis des décennies. Le problème général a été clairement
résumé par DEN DONCKER (2018) : « Dans les années 1950,
la politique de reconstruction a favorisé le tout à l’égout, et

au même moment, les produits ménagers en provenance des
industries chimiques ont vu leur apparition, tout comme les
engrais de synthèse et les premiers pesticides chimiques en
agriculture. Les quelques fossés épurateurs ont alors
disparu, remplacés par des pertuis souterrains rejoignant
directement le cours d’eau ! En effet, la construction des
stations d’épuration n’a pas suivi l’assainissement des
villages et donc la pose progressive des égouts en zone
rurale. L’épuration ne s’est manifestée que trop souvent
dans les grandes et moyennes agglomérations laissant les
campagnes au second plan ».
Les ruisseaux de nos régions sont victimes du processus
d’eutrophisation. Reprenons la définition de PINAY et al.
(2018) : « L’eutrophisation des écosystèmes aquatiques est
une succession de processus biologiques enclenchés en
réponse à un apport excessif de nutriments. Elle se traduit
par des réponses complexes de l’ensemble des écosystèmes
aquatiques. Les effets les plus notables sont des
proliférations de producteurs primaires (plantes aquatiques,
algues, Cyanobactéries), des phénomènes de toxicité ou
d’anoxie, des pertes de biodiversité. Le recouvrement de
macroalgues filamenteuses peut approcher 100 % de la
surface de l’eau. De plus, les préférences écologiques de
cohortes permettent à ce groupe d’occuper le milieu par
7

vagues successives : par exemple, Vaucheria sp. en début
de saison végétative, puis Cladophora glomerata lorsque la
température augmente ». À la suite des mêmes auteurs, il
faut distinguer l’eutrophisation naturelle de l’eutrophisation anthropique induite par des apports en phosphore
et en azote dûs aux activités humaines. Certains apports de
nutriments sont diffus, comme ceux liés à l’agriculture ;
d’autres sont ponctuels comme ceux amenés par les égouts.
En Europe, grâce aux mesures effectuées depuis les années
1960-1970, la tendance générale montre une augmentation
importante des concentrations en azote et en phosphore
(PINAY et al., 2018), à des degrés divers d’une rivière à
l’autre.
La qualité d’un ruisseau ne peut pas s’évaluer à partir de
quelques prélèvements rapides en un ou deux sites avec
l’établissement d’un indice biotique simple et pratique. Les
méthodes d’étude actuelles ont montré la nécessité
d’entreprendre la description des ruisseaux à l’échelle du
bassin versant, seul moyen pour bien comprendre les
relations entre les végétations aquatique et amphibie et la
qualité de l’eau (BOUXIN 2004, 2011a, 2011b, 2013a,
2013b).

LE RUISSEAU DE FALMAGNE
Le ruisseau de Falmagne est formé par la réunion de trois
ruisselets à un peu plus d’un kilomètre au nord du village
de Mesnil-Saint-Blaise, situé à 10 km au sud de Dinant. Les
sources de ces trois ruisselets se trouvent à une altitude
d’environ 270 mètres, en milieu agricole. Le ruisseau coule
vers le nord en un cours sinueux, traverse un massif boisé,
un domaine privé entre deux murets, et atteint le village de
Falmignoul. Après sa traversée, il disparaît dans trois
pertes, la troisième ne fonctionnant que lors des fortes eaux,
à une altitude de 185 mètres (Fig. 1).

bord de Meuse ; il y a une diffluence possible vers un
second site très proche, dit « le Chestia ».
Sur le plan géologique, le ruisseau de Falmagne adopte un
tracé globalement rectiligne du sud vers le nord,
perpendiculaire aux structures géologiques (couches quasi
verticales), en s’écoulant d’abord sur les formations
famenniennes suivantes : la Formation d’Esneux (grès
fins), de Souverain-Pré (calcaires nodulaires à ciment siltoschisteux et de Ciney (grès fins et siltites). Il disparaît
ensuite dans des pertes karstiques successives localisées
dans les formations principalement calcaires du
Tournaisien. Cet ensemble géologique s’intègre dans le
flanc sud du Condroz (DELCAMBRE & PINGOT, 1997).

MÉTHODOLOGIE
L’étude a été réalisée suivant la méthode habituelle des
relevés de végétation de ruisseau (BOUXIN, 2013a). Les 28
relevés, régulièrement répartis dans le bassin versant, ont
été notés CP1 à 20 pour le cours principal et A1, A2-1, A22, A2-3, A3, A4, A5 et A6 pour les affluents, (Fig. 2). Le
long des petits affluents, seuls les sites qui présentaient un
courant d’eau au début de la période de végétation (marsavril) ont été investigués. Dans les affluents A1, A3, A4,
A5 et A6, un seul relevé a été possible, tandis que trois ont
été analysés en A2 (Fig. 1).
Chaque relevé correspond une section du lit mineur du
ruisseau d’une quarantaine de mètres, ce qui leur assure une
bonne homogénéité physionomique. La description porte
sur l’ensemble du lit mineur, jusqu’aux têtes de berge. La
liste des Anthophytes et Ptéridophytes (hydrophytes,
hélophytes et espèces nettement hygrophiles), des
Bryophytes hygrophiles et des algues aisément
reconnaissables du lit mineur, est établie sur le terrain. Les
Bryophytes aquatiques et amphibies sont récoltées et
séchées pour une identification ultérieure. Les cailloux
porteurs de lichens aquatiques sont aussi récoltés. Les
algues filamenteuses benthiques visibles à l’œil nu sont
prélevées et examinées rapidement au microscope, souvent
photographiées et parfois conservées dans du formol pour
examen ultérieur. Quelques cailloux sont emportés au
laboratoire où ils sont grattés en vue d’une observation
approfondie. Dans la mesure du possible, les Algues et les
Cyanobactéries sont identifiées au niveau spécifique.
L’abondance des espèces macroscopiques est estimée
visuellement et traduite en un coefficient d’abondancedominance comme dans les relevés de l’école sigmatiste
(ROYER, 2009), suivant l’échelle habituelle :

Fig. 1. – Chantoir de Falmignoul, perte inférieure du
ruisseau de Falmagne en janvier 2018.

Plusieurs petits affluents alimentent également le cours
d’eau. Certains ne montraient qu’un faible débit en 2018 et
2019 et étaient même à sec en été. Lors des crues majeures
(décennales), les eaux poursuivent leur trajet aérien vers les
cuves du Colébi (MICHEL & THYS, 2017). La résurgence
principale, dite de Naiwy, se trouve juste au nord de la noue
du Colébi, au pied de la colline à une centaine de mètres du
8

+, i ou r : espèce peu abondante, à recouvrement très faible,
1 : recouvrement de l’espèce inférieur à 5 %
2 : recouvrement de l’espèce compris entre 5 et 25 % de la
surface totale
3 : recouvrement de l’espèce compris entre 25 et 50 % de la
surface totale
4 : recouvrement de l’espèce compris entre 50 et 75 % de la
surface totale,
5 : recouvreent de l’espèce compris entre 75 et 100 % de la
surface totale

Fig. 2. – Répartition des 28 relevés de végétation le long du ruisseau de Falmagne et de ses affluents, à partir du site
Walonmap. Les relevés CP1 à 20 se trouvent sur le cours principal et les relevés A1 à 6 sur des petits affluents.

Dans nos relevés, seuls les coefficients 1 à 5 ont été utilisés.
Pour la plupart des algues et cyanobactéries, seule la
présence est notée car la biomasse est faible. Toutefois, les
genres Vaucheria formant des tapis verts et Melosira des
masses brunâtres bien visibles sur le fond de l’eau,
reçoivent un coefficient d’abondance.
Chaque site a été visité plusieurs fois, en dehors des
périodes de fortes eaux et lorsque l’eau était suffisamment
transparente, au moins deux fois par année pour les
Anthophytes et les Bryophytes, une fois au printemps et
une fois en été. Pour certaines Algues et Cyanobactéries,
des passages ponctuels complémentaires ont été
nécessaires. Toute espèce vue au moins une fois a été
intégrée dans le tableau de relevés ; en effet, en un même
site, les individus de Batrachospermum arcuatum, par
exemple, se développent de manière irrégulière d’une
année à l’autre, en fonction du débit et de la transparence
de l’eau.
Pour décrire l’environnement de chaque relevé, plusieurs
paramètres ont été enregistrés : ordre du ruisseau, type de
vallée, lithologie, occupation de la vallée, largeur de la
plaine alluviale, éclairement du ruisseau, encaissement du
lit mineur, largeur et profondeur maximales du cours d’eau
en été, nature du fond (blocs, cailloux, gravier, sable, argile
et limon), vitesse du courant, pente de berge, occupation de
la berge, caractère plus ou moins rudéralisé, présence de

clôtures, arrivée d’égout, piétinement par le bétail, présence
d’une couverte d’algues ou de mousses. Seules des données
qualitatives sont enregistrées. Certains paramètres
représentés à divers degrés (par exemple l’ordre du ruisseau
est représenté ici par les niveaux 1 et 2) sont traduits par
deux ou plusieurs variables qualitatives (0 pour l’absence,
1 pour la présence). Dans sept sites, des analyses chimiques
d’eau semi-quantitatives ont aussi été faites à deux reprises
à partir d’une valise de terrain Merck, portant sur le pH, la
dureté totale (degrés allemands), le pH et les ions
ammonium, nitrite, nitrate et phosphate.
Le tableau floristique, avec ses abondances-dominances, a
d’abord été transformé en un tableau disjonctif simple pour
être adapté aux analyses statistiques (BOUXIN, 2016 ;
BOUXIN, 2020). Cela signifie que chaque espèce est
représentée par une ou plusieurs lignes : une pour la
présence, quelle que soit son abondance, une pour les
abondances supérieures à 1 et une pour les abondances
supérieures à 3. Le tableau est ensuite divisé en trois soustableaux, un premier pour les Anthophytes et
Ptéridophytes, un deuxième pour les Bryophytes et un
troisième pour les autres organismes ; leurs importances
relatives sont définies dans notre analyse par la densité des
présences. Dans ce genre d’étude, c’est l’analyse factorielle
multiple basée sur l’analyse non-symétrique des
correspondances qui est la mieux adaptée ; elle rééquilibre
le poids des sous-tableaux en fonction de leurs densités
9

respectives. L’analyse statistique transforme un tableau de
28 relevés définis par un grand nombre de variables, ici les
espèces, en un nombre réduit de variables transformées,
traduisant les changements importants dans la dispersion
des espèces le long du cours d’eau, depuis les plus
contrastés jusqu’aux variations locales. Le nombre de
variables transformées est fixé par un test par permutations.
Les tableaux, l’un floristique et l’autre environnemental ont
ensuite été réunis pour établir le lien entre ces deux
composantes.
Le tableau de relevés a également été soumis à plusieurs
logiciels de classification afin d’établir des classes de
relevés. Deux classifications ont été testées, une
hiérarchique descendante avec réallocations et une
hiérarchique ascendante (BOUXIN, 2016 ; BOUXIN, 2020).
Les classes de relevés obtenues n’appartiennent pas
directement à des associations végétales au sens
phytosociologique du terme puisque la technique utilisée
est très différente, mais bien à ce qu’on appelle des
syntaxons élémentaires (ROYER, 2009). Ils correspondent
parfois à une association végétale décrite ou, plus souvent,
à une subdivision de l’association, voire à aucune. Un
syntaxon élémentaire est défini par la présence d’un certain
nombre d’espèces, principalement par ses espèces
constantes, et relativement par ses espèces différentielles
(sensu DE FOUCAULT, cité par ROYER, 2009). Les espèces
compagnes se retrouvent dans un grand nombre de relevés
du syntaxon élémentaire, mais aussi dans d’autres
syntaxons. Les espèces différentielles sont les espèces

présentes dans le syntaxon et absentes des syntaxons
proches.
Les variables floristiques et environnementales des
groupements obtenus sont soumises à un test par
permutation comme défini dans BOUXIN (2016). Ce test
donne la liste des espèces dont la fréquence est
significativement supérieure à celle de l’ensemble des
relevés. Chaque groupement est ainsi défini par une
combinaison caractéristique d’espèces. Le test porte sur les
28 relevés et les résultats ne sont significatifs qu’à cette
échelle.
La nomenclature botanique suit LAMBINON & VERLOOVE
(2012) pour les Anthophytes et Ptéridophytes, SOTIAUX,
STIEPERAERE & VANDERPORTEN (2007) pour les
Bryophytes, ELORANTA, KWANDRANS & KUSELFETZMANN (2011) et SALOMAKI et al. (2014) pour les
Rhodophytes (Algues rouges) et Phaeophytes (Algues
brunes, JOHN et al. (2011) pour les autres algues et KOMÁREK & ANAGNOSTIDIS (2005) pour les Cyanobactéries.

RÉSULTATS
Les trois premiers axes de l’analyse factorielle multiple du
fichier floristique sont significatifs. Le long du premier axe,
on distingue deux groupes d’espèces avec des répartitions
bien différentes, à savoir d’un côté, des espèces sciaphiles
comme Athyrium filix-femina, Carex remota, Dryopteris
carthusiana, Hildenbrandia rivularis, Hygroamblystegium

Fig. 3. – Position des espèces et de sept paramètres environnementaux
dans le plan des deux premiers axes de l’analyse factorielle multiple.
10

tenax, Kindbergia praelonga, Pellia sp., et de l’autre, des
espèces héliophiles, de prairies ouvertes, pâturées, en tête
de ruisseau comme Agrostis stolonifera, Cirsium palustre,
Glyceria notata, Ranunculus repens et Veronica
beccabunga, et l’algue Melosira varians.

borgei et Pseudanabaena catenata. À droite, autour de
l’axe 1, apparaissent les espèces de sites boisés. En bas à
gauche, on trouve les espèces des ruisselets en prairies,
dans des vallées étroites en V ou simplement ombragés et
celles des milieux ouverts, éclairés.

Sur le second axe, et avec des coordonnées positives, on
note les variables Chantransia (prothalles des genres
Batrachospermum et Sheathia), Cladophora glomerata,
Leptodictyum riparium, Oocystis borgei, Platyhypnidium
riparioides. Avec des coordonnées négatives, on trouve
Cirsium palustre, Cardamine pratensis, Glyceria notata
(abondance > 1), Poa trivialis (abondance >1 et >3) et
Stellaria alsine.

La classification hiérarchique descendante avec réallocations a été conduite à partir des coordonnées des relevés
sur les trois premiers axes de l’analyse factorielle multiple
du fichier floristique. Cinq sous-ensembles apparaissent
dans la classification hiérarchique descendante (Tabl. 1).

Le troisième axe réunit d’un côté des espèces liées au fond
du ruisseau dès qu’il quitte la zone forestière des cours
moyen et supérieur pour entrer dans la partie urbanisée du
ruisseau, et des espèces liées aux petits affluents en milieu
agricole, avec principalement Ranunculus ficaria
(uniquement avec une abondance >1), Vaucheria sp.,
Urtica dioica, Plagiomnium rostratum et Platyhypnidium
riparioides ; de l’autre côté, citons la Rhodophyte Sheathia
arcuata que l’on ne trouve au stade gamétophyte que dans
des eaux très claires.

CP6
CP7
CP8
CP9
CP10
CP11
CP12
CP13
A4

CP1
CP3
CP4
A1
A22
A6

CP14
CP15
CP17
CP18
CP19
CP20

CP2
CP5
A21
A23
A3

CP16
A5

Tableau 1. Classification hiérarchique descendante avec
réallocations. Résultats avec cinq sous-ensembles.

Fig. 4. Classification hiérarchique ascendante, avec quatre sous-ensembles.

Les liens principaux entre végétation et environnement
apparaissent grâce à l’analyse des deux fichiers réunis
réunis (Fig. 3). La figure 3 résume très bien les liens entre
la dispersion des espèces et celle des facteurs
environnementaux. En haut à droite, apparaissent les
espèces liées principalement aux cours moyen et inférieur
du petit ruisseau, occupé par des espèces rhéophiles comme
Chantransia, Cladophora glomerata ou Platyhypnidium
riparioides. En haut à gauche, apparaissent les espèces
occupant préférentiellement les sites urbanisés, recevant les
eaux usées non ou peu traitées des habitations, à savoir
Agrostis stolonifera, Leptodictyum riparium, Oocystis

Le même fichier est soumis à la classification hiérarchique
ascendante et on obtient le dendrogramme défini à la Fig.
4. Dans ce cas, ce sont quatre classes de relevés qui sont
retenues. Les relevés CP16 et A5 semblent très proches des
relevés CP2, CP5, A21, A23 et A3, ils sont réunis dans le
même sous-ensemble. Les syntaxons sont décrits.
1. Glycéraie à Glyceria plicata
La végétation est bien typée, avec un petit nombre
d’espèces caractéristiques. Glyceria plicata présente une
abondance supérieure à 1 dans presque tous les relevés.
11

L’ensoleillement est optimal. Cinq des six relevés se
trouvent sur des roches gréseuses. Pendant la période
estivale, seul le cours inférieur des ruisselets présente un
peu d’eau ; les parties supérieures deviennent des vallons
secs. Les espèces compagnes sont : Cardamine pratensis,
Poa trivialis, Ranunculus repens et Rumex conglomeratus.
Dans ce groupement, trois sites subissent le piétinement par
le bétail, en CP1, en A1 et en A22. C’est dans ce dernier
que le piétinement a le plus d’incidence sur la qualité de
l’eau ; plusieurs fois par jour, l’eau devient trouble et cette
perturbation se prolonge dans le cours principal, ce qui nuit
à la vie benthique.
Fig. 5. Ruisselet A1.

Ce groupement se développe le long des ruisselets
traversant des occupées par du bétail pendant la bonne
saison et subissant un piétinement important.

Il est facile d’associer ce groupement à l’association
Glycerietum plicatae des eaux eutrophes et plus ou moins
riches en calcium (DETHIOUX, 1980).

Fréq.
tot.

CP1

CP3

CP4

A1

A22

A6

Fréq.
syn.

Prob.

5

1

1

1

0

0

0

3

0,0469

Cirsium palustre

7

1

1

1

1

1

1

6

0

Epilobium hirsutum > 1

2

1

1

0

0

0

0

2

0,0402

Glyceria notata >1

5

1

1

1

1

1

0

5

0,0001

Mentha aquatica

2

0

1

1

0

0

0

2

0,0397

Persicaria hydropiper

5

0

0

1

1

1

0

3

0,0492

Poa trivialis >3

2

1

0

0

0

0

1

2

0,037

Stellaria alsine

3

1

0

1

0

0

0

3

0,0082

Veronica beccabunga

13

1

1

1

1

1

1

6

0.0048

prairie

8

1

1

1

1

1

1

6

0,0002

ordre 1

13

1

1

1

1

1

1

6

0,0045

Algues

Closterium ehrenbergii
Spermatophytes

Biotopes

Tableau 2. – Espèces et paramètres environnementaux caractéristiques de la glycéraie. Fréq.tot = fréquence dans les 28
relevés. Fréq.syn = fréquence dans le syntaxon. Prob. = probabilité associée à la fréquence dans le syntaxon.

2. Aulnaie riveraine en milieu forestier
Onze relevés composent ce syntaxon bien individualisé par
rapport aux autres.
La végétation se développe au sein d’un massif boisé, avec
de très petites ouvertures sur des pâtures, le long de
ruisselets ou de petits ruisseaux le plus souvent d’ordre 2,
coulant sur des roches calcaires ou autres. Le tableau 3
montre une combinaison caractéristique très riche. Les
principales espèces compagnes (fréquence relative > 0,4)
sont : Alnus glutinosa, Angelica sylvestris, Brachythecium
rutabulum, Chrysosplenium oppositifolium et Ranunculus
ficaria.
12

Sur le plan phytosociologique, l’association végétale la
plus proche est l’aulnaie riveraine à Carex remota et Sur le
Fig. 6. – Ruisseau en sous-bois CP10.

Sur le plan phytosociologique, l’association végétale la
plus proche est l’aulnaie riveraine à Carex remota et

Cardamine amara
(NOIRFALISE, 1984).

ou

Carici

remotae-Alnetum

Fréq.
tot.

CP6

CP7

CP8

CP9

CP10

CP11

CP12

CP13

A4

Fréq.
syn.

Prob.

Chantransia

17

1

1

1

1

1

1

1

1

1

9

0,0036

*Heteroleibleinia kuetzingii

3

0

0

1

1

0

0

0

0

1

3

0,0251

Hildenbrandia rivularis

5

0

0

1

1

1

1

0

0

0

4

0,0229

Verrucaria aquatilis

10

1

1

0

1

1

1

0

0

1

6

0,0285

Verrucaria funckii

7

1

1

1

1

0

0

0

0

1

5

0,0197

Hygroamblystegium tenax

7

1

1

1

1

1

1

0

1

0

7

0,0000

Kindbergia praelonga

17

1

1

1

1

1

1

1

1

1

9

0,0044

Lophocola bidentata

5

0

0

0

1

1

0

1

1

1

5

0,0008

Pellia sp.

12

1

1

1

1

0

1

1

1

1

8

0,0014

Plagiothecium succulentum

6

1

0

1

1

0

1

0

1

1

6

0,0002

Athyrium filix-femina

13

1

1

0

1

1

1

1

1

1

8

0,0030

Dryopteris carthusiana

11

1

1

1

1

0

1

1

0

1

7

0 ,0080

Cardamine flexuosa

4

1

1

0

0

0

0

0

1

1

4

0,0056

Carex remota

13

1

1

1

1

0

1

0

1

1

7

0,0303

Filipendula ulmaria

16

1

1

1

0

1

1

1

1

1

8

0,0233

ordre 2

15

1

1

1

1

1

1

1

1

0

8

0,0131

site boisé

20

1

1

1

1

1

1

1

1

1

9

0,026

vallée\--

3

0

0

1

1

0

0

0

0

1

3

0,0268

Algues -*Cyanobactéries

Lichens

Bryophytes

Ptéridophytes

Spermatophytes

Biotopes

Tableau 3. – Espèces et paramètres environnementaux caractéristiques de l’aulnaie riveraine. Fréq.tot = fréquence dans les
28 relevés. Fréq.syn = fréquence dans le syntaxon. Prob. = probabilité associée à la fréquence dans le syntaxon. Vallée\-- :
présence d’une plaine alluviale d’un côté et ruisseau longeant un pied de colline.

3. Aulnaie riveraine secondarisée
La combinaison caractéristique de l’aulnaie riveraine
secondarisée est peu diversifiée. La Ficaire fausse
renoncule est généralement abondante et les berges
agréablement fleuries au début du printemps. En été, la
Ficaire n’est presque plus visible. Deux espèces de
Plagiomnium caractérisent aussi les berges. Cette
végétation s’observe principalement le long de ruisselets ;
elle y est plus facilement fragilisée. Les principales espèces
compagnes sont : Athyrium filix-femina, Carex remota,
Cratoneuron filicinum, Dryopteris carthusiana, Filipendula ulmaria, Kindbergia praelonga, Platyhypnidium
riparioides, Poa trivialis, Vaucheria sp. et Urtica dioica.

Fig. 7. Arrivée de l’égout de Falmagne en CP16.

13

Fréq.
tot.

CP2

CP5

A21

A23

A3

CP16

A5

Fréq.
syn.

Prob.

Plagionium rostratum

6

1

0

1

1

0

0

1

4

0,0216

Plagiomnium undulatum

4

1

1

0

0

1

0

0

3

0,0383

7

1

0

1

1

1

0

0

4

0,0423

Fraxinus excelsior

9

0

1

1

1

1

0

1

5

0,0178

Ranunculus ficaria >1

10

0

1

0

1

1

1

1

5

0,0344

13

1

1

1

1

1

0

1

6

0,0215

Bryophytes

Spermatophytes

Alnus glutinosa >3

Biotopes

ordre 1

Tableau 4. – Espèces et paramètre environnemental caractéristique de l’aulnaie riveraine secondarisée. Fréq.tot =
fréquence dans les 28 relevés. Fréq.syn = fréquence dans le syntaxon. Prob. = probabilité associée à la fréquence dans
le syntaxon.

Bryophytes
Algues
– *Cyanobactéries
Plagionium

rostratum incerta
*Aphanocapsa
Plagiomnium
Chantrasia
undulatum
Spermatophytes sp.
Chlamydomonas
Alnus glutinosa >3
Chlorococcum sp.
Fraxinus excelsior
Oocystis borgei
Ranunculus ficaria
>1
Microspora
pachyderma

Fréq.
CP2
CP5
tot.Fréq.
CP1
tot.

6

2

4 17

1
1

2
7
9
10

2
4
2

1
0
0

A23
CP4

A3
A1

1

1
1

0
0

0

1 1

10

10

11

0 1

0

0

0
1
0
1
0
1
0

0
1
0
1
1
1
1

0

0
0
0

0

0
1
1

A21
CP3

0

0
1
1

1
1
0

CP16
A5
A22

1

1
0

1
0
0
1

1
1
0

Fréq.
Prob.
Fréq.
A6 syn.
syn.

0
1

4

0,0216
2
0,0381

3

60,0383 0,0352

1
0
1
1

1
0
0

Prob.

4
5
5

2
0,0380
0,0423
2
0,0389
0,0178
3
0,0234
0,0344
2
0,0394

Biotopes

Phormidium chalybeum
2
0
0
0
0
1
1
2
0,0410
ordre 1
13
1
1
1
1
1
0
1
6
0,0215
Phormidium
2
1 caractéristique
1
0
0
0
2Fréq.tot0,0410
Tableau 4.incrustatum
– Espèces et paramètre
environnemental
de l’aulnaie
riveraine
secondarisée.
=
fréquence
dans
les
28
relevés.
Fréq.syn
=
fréquence
dans
le
syntaxon.
Prob.
=
probabilité
associée
à
la
fréquence
dans
*Planktothrix suspensa
2
0
0
1
1
0
0
2
0,0393
le syntaxon.
*Pseudanabaena catenata
3
0
1
0
1
1
0
3
0,0060
Schizothrix criacea

2

1

1

0

0

0

0

2

0,0410

Leptodictyum riparium

4

0

0

1

1

1

1

4

0,0006

Pellia endiviifolia

2

1

1

0

0

0

0

2

0,0380

Agrostis stolonifera

13

1

1

1

1

1

1

6

0,0040

Angelica sylvestris

12

1

1

1

1

1

1

6

0,0016

Epilobium roseum

3

0

1

0

0

1

1

3

0,0071

Epilobium tetragonum

7

1

1

0

0

1

1

4

0,0192

Lycopus europaeus

2

0

1

0

0

0

1

2

0,0381

Phalaris arundinacea

4

0

1

0

1

1

0

3

0,0234

Salix ×rubens

5

0

1

0

0

1

1

3

0,0492

Urtica dioica >3

2

0

0

0

0

1

1

2

0,0389

vallée \--/

13

1

1

1

1

1

1

6

0,0042

ordre 2

15

1

1

1

1

1

1

6

0,0120

site urbanisé

6

0

1

1

1

1

0

4

0,0089

Bryophytes

Spermatophytes

Biotopes

14

Tableau 5. – Espèces et paramètres environnementaux caractéristiques du groupement à Angelica sylvestris et Agrostis
stolonifera. Fréq. tot = fréquence dans les 28 relevés. Fréq. syn = fréquence dans le syntaxon. Prob. = probabilité
associée à la fréquence dans le syntaxon ; vallée \--/ : plaine alluviale assez étroite et ruisseau serpentant entre deux
collines.
Tableau 5. – Espèces et paramètres environnementaux caractéristiques du groupement à Angelica sylvestris et Agrostis
stolonifera. Fréq. tot = fréquence dans les 28 relevés. Fréq. syn = fréquence dans le syntaxon. Prob. = probabilité
associée à la fréquence dans le syntaxon ; vallée \--/ : plaine alluviale assez étroite et ruisseau serpentant entre deux
collines.

4. Groupement en milieu urbanisé
Les sites traversés varient fortement les uns des autres à la
suite de l’occupation humaine (Fig. 8 et 9).

verte sur la vase temporairement découverte au printemps
et en été, avec Chlamydomonas sp., Chlorococcum sp.,
Closterium moniliferum, Desmodesmus communis,
Dictyosphaerum sp., Oocystis borgei et Pediastrum sp.
D’autres particularités méritent d’être mentionnées, comme
la formation de tuf calcaire dans le prolongement d’une
chute d’eau de plusieurs mètres. Le ruisseau entre alors
dans une propriété privée : il coule sur une centaine de
mètres entre deux murs en moellons, au milieu d’une
pâture, en site bien éclairé, avec un courant prononcé. De
nombreux cailloux tuffeux s’y sont formés et sont colonisés
par une flore particulière de Cyanobactéries comme
Phormidium incrustatum, Rivularia hematites et
Schizothrix coriacea. Il faut aussi mentionner une
Phaeophyte, Pleurocladia lacustris.

Fig. 8 – Relevé CP14 entre deux murs en moellons.

Ce groupement végétal apparaît dès la sortie du bois à
l’entrée du village de Falmignoul, le plus souvent en milieu
bien éclairé. Il se prolonge jusqu’aux trois pertes
inférieures. Il s’agit du cours principal dont les berges sont
en partie artificialisées ; le ruisseau reçoit des rejets directs
d’eaux usées non ou peu traitées, comme l’égout venant de
Falmagne et divers autres rejets directs à Falmignoul. L’eau
est souvent trouble et l’odeur qu’elle dégage est
typiquement celle des eaux d’égout. Parmi les espèces
caractéristiques du tableau 5, remarquons que les prothalles
de Batrachospermaceae (ou stade Chantransia) sont
présents sur les cailloux dans tous les relevés. Les espèces
compagnes sont nombreuses, avec parmi les plus
fréquentes : Cladophora glomerata, Platyhypnidium
riparioides, Urtica dioica et Veronica beccabunga.

Fig. 9. – Relevé CP18 bordé d’un muret et d’un sentier.

De nombreuses espèces sont le reflet de la très mauvaise
qualité de l’eau avec notamment la mousse Leptodictyum
riparium, l’ortie (Urtica dioica) très abondante par places
sur les berges, et Epilobium roseum. Plusieurs
Cyanobactéries des milieux eutrophisés ou pollués sont
bien présentes comme Geitlerinema amphibium,
Pseudanabaena catenata, Phormidium chalybeum,
Planktothrix suspensa et Aphanocapsa incerta. Plusieurs
Chlorophytes planctoniques forment une fine couverture

Fig. 10. – Arrivée d’un égout entre CP18 et CP19.

ANALYSE DE L’EAU
Les analyses d’eau sont ponctuelles et ne reflètent
qu’imparfaitement les caractéristiques physico-chimiques
de l’eau. Néanmoins, certaines variations d’un site à l’autre
sont suffisamment importantes pour être prises en compte.
Le pH varie peu, de 7,5 à 8. La dureté totale est comprise
entre 10 et 14,6 degrés allemands, soit entre 178 et 260 mg/l
de carbonate de calcium ; cela correspond à la dureté des
têtes de ruisseau en région condrusienne. L’ammonium est
détectable dans les ruisselets en prairie pâturée, avec une
concentration élevée en aval du site le plus piétiné, dans le
petit affluent A2. L’ammonium réapparaît dès que l’on
entre dans la partie urbanisée du bassin versant ; la
concentration est très élevée dans la traversée du village de
Falmignoul. Les concentrations en nitrites sont élevées
dans tous les petits affluents en milieu agricole et dans le
village de Falmignoul ; les valeurs les plus faibles ont été
mesurées dans le massif forestier. Les concentrations en
nitrates sont les plus élevées en aval du site piétiné par le
bétail en A2. Les fortes concentrations en phosphates
concernent principalement l’affluent A2 et le cours
inférieur du ruisseau, en aval du centre du village. Il n’est
pas nécessaire que la concentration en carbonate de calcium
soit très élevée pour qu’il y ait formation de tuf calcaire ;
dans ce ruisseau, le calcaire se dépose dans le lit de la
rivière après une chute d’eau de plusieurs mètres, dans un
courant rapide, en milieu bien éclairé.
15

Relevés
Paramètres

A1J

A1S

A2-3J

A2-3S

CP5J

CP5S

CP10J

CP10S

CP14J

CP14S

CP15J

CP15S

CP19J

CP19S

pH

7,5

8

7,5

8

7,5

7,5

7,5

8

8

8

7,5

7,5

8

7,5



14,6

13,4

10,4

13

13

12,2

12,2

11

12,4

11,6

13

11,8

12,8

10

ammonium
mg/l

0

>0

1

0-0,5

0,5

0

0

0

0

0

1

0

5

1

nitrites mg/l

0,5

0,6

0,6

0,3

0,5

0,2

0,1

0,05

0,08

0,05

0,3

0,08

>1

1

nitrates mg/l

>10

25

50

50

25

25

25

25

>10

25

25

25

>25

25

0

0

0,5

0

0

0

0,25

0

0

0

0

0

1

0,75

orthophosphates
mg/l

Tableau 6. Analyses d’eau dans les relevés A1, A2-3, CP5, CP10, CP14, CP15 ET CP19 en juillet 2018 (J) et septembre 2018 (S).
Tableau 6. Analyses d’eau dans les relevés A1, A2-3, CP5, CP10, CP14, CP15 ET CP19 en juillet 2018 (J) et septembre 2018 (S).

LA RÉSURGENCE DE NAIWY
La résurgence au pied de la colline, au niveau de la Meuse,
est située dans l’axe du ruisseau de Falmagne au nord de la
noue du Colébi. Le ruisseau est encaissé sur un à deux
mètres et fait environ deux mètres de large ; il est bordé de
quelques arbres. Il ne court que sur quelques dizaines de
mètres. Le fond est d’abord couvert de cailloux et blocs
puis devient vaseux.
À la résurgence, l’eau est très claire. Sur les cailloux, on
trouve la mousse Hygroamblystegium tenax et trois espèces
de Rhodophytes : des petites touffes de quelques
millimètres de long d’Audouinella chalybea au milieu de la
mousse, de très nombreuses petites touffes de quelques
centaines de µm de long de Chantransia ainsi que quelques
taches rouge sang d’Hildenbrandia rivularis. On retrouve
toutefois la Cyanobactérie Phormidium chalybeum et
l’algue filamenteuse Microspora tumidula. Quelques
cailloux sont couverts d’un film vert foncé de l’algue verte
Gongrosira sp. La qualité de l’eau est meilleure que celle
du ruisseau de Falmagne à hauteur des trois chantoirs.
Il a donc encore beaucoup à investiguer sur la circulation
souterraine des eaux provenant de chantoirs.

PARTICULARITÉS FLORISTIQUES
À la sortie de Falmignoul, dans une petite chute d’eau, se
trouve une touffe de Potamogeton pectinatus (Fig.11),
espèce réputée résistante à la pollution et commune dans la
Meuse (BOUXIN & ABRAS, 2018). Elle est rarement
observée dans des petits ruisseaux.
Trois Rhodophytes sont présentes dans le bassin versant, à
savoir Audouinella chalybea (Fig. 12), Hildenbrandia
rivularis (Fig. 13) et Sheathia arcuata. Le stade
Chantransia est aussi très fréquent, on le trouve sur presque
tous les cailloux, même dans les zones polluées, où il

16

apparaît en violet assez vif lorsqu’il est éclairé par une
lampe LED (Fig. 14). Le stade gamétophyte de Sheathia
arcuata n’a été observé qu’en deux endroits, et encore de
très petite taille, non directement visible à l’œil nu. Dans de
nombreuses rivières du Condroz, le stade Chantransia des
Batrachospermaceae est présent sur les cailloux et blocs
(observations personnelles). Sheathia arcuata et S. boryana
sont deux espèces fréquentes, mais lorsque seul le stade
Chantransia est observé, on ne peut l’associer à aucune des
deux espèces sans observer d’attache entre les stades
prothalle et gamétophyte, ce qui est très rare.

Fig. 11 – Touffe de Potamogeton pectinatus.
Fig. 11couvrant
– Touffe de
pectinatus
La végétation
lesPotamogeton
cailloux tuffeux
en CP14 et
CP15 est aussi remarquable avec quelques espèces
caractéristiques de ce milieu calcaire particulier : la rare
Phaeophyte Pleurocladia lacustris (Fig. 15), les
Cyanobactéries Phormidium incrustatum (Fig.16),
Rivularia haematites (Fig.17) et Schizothrix coriacea (Fig.
18 et 19) ainsi que l’hépatique Pellia endiviifolia. Ce milieu
mérite une attention particulière.

Trois espèces de lichens épilithiques ont aussi été
rencontrées dans le bassin versant : Aspicilia aquatica,
Verrucaria funckii et V. aquatilis (Fig. 20), ces deux
dernières espèces sont très communes en milieu forestier.

Fig. 12. – Filaments d’Audouinella chalybea, de 10 µm de large. ×400.

Fig. 12. – Filaments d’Audouinella chalybea, de 10 µm de large. ×400.

Fig. 13. – Hildenbrandia rivularis sur un caillou. (1,5 et 2 cm de
diamètre).
Fig. 13. – Hildenbrandia rivularis sur un caillou. (1,5 et 2 cm de
diamètre).

Fig. 14. – Chantransia sur caillou (champ de 1 cm de long).
Fig. 14. – Chantransia sur caillou (champ de 1 cm de long).

17

Fig. 15. – Pleurocladia lacustris, filament ramifié (10 µm de large). ×1000
Fig. 15. – Pleurocladia lacustris, filament ramifié (10 µm de large). ×1000

Fig. 16. – Filaments de Phormidium incrustatum (5-6 µm de large). ×1000
Fig. 16. – Filaments de Phormidium incrustatum (5-6 µm de large). ×1000

Fig. 17 – Filaments de Rivularia haematites (3-6 µm de large). ×1000
Fig. 17 – Filaments de Rivularia haematites (3-6 µm de large). ×1000

18

Fig. 18. – Caillou recouvert d’une couche brun-jaune de
Schizothrix coriacea.
Fig. 19. – Filaments de Schizothrix coriacea (2 µm de large). ×1000
Fig. 18. – Caillou recouvert d’une couche brun-jaune de
Schizothrix coriacea.
Fig. 19. – Filaments de Schizothrix coriacea (2 µm de large). ×1000

Fig. 20. Verrucaria funckii (taches grises et vertes d’environ 1 cm de diamètre)
et Verrucaria aquatilis (taches noires) sur un caillou immergé.
Fig. 20. Verrucaria funckii (taches grises et vertes d’environ 1 cm de diamètre)
ehrenbergii.
Unimmergé.
cas particulier est observé en A5, en
et Verrucaria aquatilis (taches noires)
sur un caillou

CONCLUSIONS ET PROPOSITIONS DE
GESTION

La situation du ruisseau de Falmagne est assez typique
d’une pollution diffuse due aux activités agricoles,
principalement dans le cours supérieur, suivie d’une
autoépuration dans le massif boisé occupant le cours moyen
et finalement une agression sévère par des eaux usées
d’origine domestique, dès l’entrée de Falmignoul. Les
principaux témoins des deux types de pollution sont :
 pour la pollution diffuse, la présence ou l’abondance
d’espèces habituelles de ce type de milieux bien éclairés
comme Epilobium hirsutum, Veronica beccabunga,
Glyceria notata, Poa trivialis, Rumex conglomeratus,
Persicaria hydropiper, Urtica dioica mais aussi
d’algues filamenteuses comme Microspora tumidula et
Spirogyra div. sp., ou planctoniques comme Closterium

plein massif forestier, au pied de la colline : le ruisselet
apparaît à quelques dizaines de mètres du cours
principal et son lit est couvert d’un tapis dense de
Vaucheria sp. qui disparaît en été suite au
développement du couvert herbacé et au tarissement de
la source. On peut supposer qu’il y a ici un apport de
nutriments par la nappe phréatique. Le plateau bordant
la vallée est en effet occupé par des cultures intensives
(maïs et autres céréales).

 pour la pollution directe, la présence d’Epilobium
roseum, des mousses Leptodictyum riparium et
Platyhypnidum riparioides, des algues filamenteuses
Cladophora glomerata et Vaucheria sp. localement
abondantes, des Cyanobactéries Aphanocapsa incerta,
Geitlerinema amphibia, Phormidium chalybeum,
Planktothrix suspensa et Pseudanabaena catenata,
d’algues planctoniques proliférant sur la vase humide
19

en périodes de basses eaux comme Chlamydomonas sp.,
Chlorococcum sp., Closterium moliniferum, Desmodesmus armatus, D. communis, Dictyosphaerum sp. et
Oocystis borgei. Les Cyanobactéries susceptibles de
libérer des dermatotoxines, hépatotoxines et neurotoxines augmentent les risques que font déjà courir les
pollutions directes.
Un autre problème est le débit de l’eau qui, selon les
riverains, a fortement diminué depuis quelques dizaines
d’années à cause de la prise d’eau souterraine dans le cours
supérieur, à hauteur de Menil-Saint-Blaise. En outre, un
changement climatique qui semble produire des étés plus
secs, s’ajoute à ces importants prélèvements d’eau. Il en
résulte deux conséquences principales bien visibles : le
creusement du lit du ruisseau sous des fondations de berges
en moellons, menaçant l’ouvrage, et la difficulté à
alimenter les étangs. Le faible débit a aussi pour effet de
concentrer la pollution par les eaux usées.
La description précise de la végétation est un outil
analytique de l’évolution future de la végétation. Un suivi
régulier serait utile pour gérer ce milieu, avec la mise en
place de dispositifs de veille et de surveillance, de manière
à générer une dynamique sociale et une prise de conscience
de la gravité de la situation.
Les solutions pour améliorer la qualité des eaux du bassin
versant sont pourtant simples : pour le cours supérieur, il
suffit de clôturer tous les ruisselets à un mètre de la tête de
berge pour empêcher le piétinement par le bétail et éviter
les rejets directs de matières fécales et la libération
régulière d’argile et de limon qui troublent l’eau (principalement à hauteur du relevé A22). Pour le cours inférieur,
il faudrait détourner tous les rejets directs des eaux usées de
Falmagne et de Falmignoul, en les conduisant vers une
station d’épuration, avec épuration tertiaire. C’est le seul
moyen pour éviter de contaminer dangereusement les eaux
souterraines pénétrant dans les chantoirs. Cette analyse met
en évidence le peu de respect accordé encore aujourd’hui
aux eaux de surface.
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Natura Mosana, nouvelle série, n° 73 (2020) : 21-26

L’étang du Fraity (Roly, Prov. de Namur, Belgique) : excursion de la
Société des Naturalistes de Namur-Luxembourg en septembre 2020
André SMOOS *

RÉSUMÉ
Une visite de l’étang du Fraity à Roly par la Société des Naturalistes de Namur-Luxembourg, lors d’une mise en assec, a permis de
recenser une liste d’espèces très intéressantes au niveau botanique mais aussi zoologique. Ce compte rendu rappelle l’importance
essentielle de l’assèchement temporaire des pièces d’eau pour le maintien d’une riche biodiversité.
ABSTRACT
A visit to the Fraity pond in Roly by the Namur-Luxembourg Naturalists Society, during an assec setting, detailed a catalogue of species
that are very interesting at the botanical but also zoological level. This report recalls the essential importance of temporarily drying up
water in maintaining a rich biodiversity.
* Rue de la Chapelle Lessire 63 B-5020 Malonne, Belgique. Courriel : andre.smoos@skynet.be

_______________________________________________

INTRODUCTION
Depuis son acquisition par le propriétaire actuel, il y a une
vingtaine d’années, l’étang du Fraity à Roly (Fig. 1) n’avait
plus été vidangé1. Après la mise en assec, en novembre
2019, le manque de précipitations a laissé de très larges
plages de vases exposées à l’air durant une longue période.
Ces grandes surfaces se sont recouvertes d’une végétation
pionnière dense, opportunité pour effectuer des relevés,
botaniques et autres, lors d’une excursion de la Société des
Naturalistes de Namur-Luxembourg, le 8 septembre 2020.

DUVIGNEAUD (1986 ; 1990) a largement insisté sur l’importance de cette forme de conservatoire d’espèces rares et
d’associations
phytosociologiques
exceptionnelles.
Rappelons que cette mise en assec faisait partie des
traditions agro-pastorales permettant la réparation des
ouvrages hydrauliques (berges, moines,…) et une
minéralisation des vases par l’action oxydante de l’air.

SITUATION
L’étang du Fraity, d’une superficie d’environ 20 ha, est
situé sur le ruisseau du Fourneau d’Arche, lié au bassin du
Viroin (bassin de la Meuse). Il s’inscrit dans un ensemble
d’étangs situés au sud-est de la commune de Roly (entité de
Philippeville). Le ruisseau évolue sur des schistes
famenniens (assises de Senzeilles et de Mariembourg). Les
coordonnées de l’étang (centre) sont 50°07'40.6"N
4°31'01.4"E. Les relevés effectués lors de l’excursion
s’incrivent dans le carré J4.28.43 selon le carroyage IFBL.

Fig. 1. – Vue de l’étang lors de l’excursion. (Photo A. SMOOS)

L’intérêt d’une mise en assec est reconnu depuis longtemps
en raison de l’écosystème particulier qu’elle crée. Jacques

Souvent, le fond de l’étang était emblavé, permettant une
culture céréalière sur sol riche. Enfin, par la nature cyclique
de l’assec (5 ou 10 ans), le fonds piscicole était exploité2,
notamment dans les étangs appartenant aux communautés

1

2

L’ÉCOSYSTÈME ‘ÉTANG EN ASSEC’

La mise en œuvre de la pêche et des travaux de gestion a été
réalisée par l’équipe de Natagora, qui gère l’étang de Virelles,
sous la direction de Sébastien PIERRET.

Lors de la vidange de l’automne 2019, plusieurs tonnes de
poisson ont été récupérées, notamment des carpes de grande taille.
La grande partie du poisson a été vendue mais une petite
proportion a été conservée pour le rempoissonnement ultérieur.
21

religieuses, où cet apport protéique était le bienvenu.

FLORE ET VÉGÉTATION
Un relevé botanique a été réalisé par Olivier ROBERFROID
en 2019, mais il ne concernait pas l’étang lui-même3, d’où
l’importance des observations de la végétation (liste en
annexe) lors de cette période particulière.
Le retrait temporaire de l’eau d’un étang en assec permet la
germination de plantes inféodées initialement aux zones
d’étiage des grandes rivières, présentant une phénologie
éphémère, d’où leur qualification d’éphémérophytes. Il
s’agit donc de niches de substitution qui permettent
l’amplification des populations d’espèces rares. D’où
l’importance de ces mises en assec, malheureusement de
moins en moins fréquentes aujourd’hui.
Lors de la mise en assec, l’assèchement de la vase provoque
un phénomène de retrait des sédiments, avec des fentes de
retrait (mudcracks) et de polygones de dessiccation. C’est
au niveau de ces structures que se développent les éphémérophytes, en surface, avec notamment ici Physcomitrella
patens, bryophyte acrocarpe de très petite taille, assez rare
(Fig. 2), ou dans les fentes plus humides (Fig. 3).

espèces caractéristiques de la classe des végétations
pionnières annuelles estivales à automnales sur vases, plus
ou moins nitrophiles, hygrophiles du Bidentetea tripartitae,
à savoir Bidens frondosa, B. tripartita, Persicaria
hydropiper, P. lapathifolia et Rorippa palustris.
Çà et là, des espèces se rapportant à l’alliance des
végétations des grèves alluviales à bidents (Bidention
tripartitae) sont présentes, mais elles ne forment pas
vraiment des groupements bien localisés : Bidens tripartita,
B. cernua (vu lors d’un autre passage), B. frondosa, B.
radiata, Leersia oryzoides, Ranunculus sceleratus et
Rumex maritimus.
Echinochloa crus-galli est, avec Bidens frondosa, une
espèce caractéristique des communautés plus ou moins
nitrophiles, généralement sur substrats alluviaux, soumis à
des variations du niveau du plan d’eau (ordre du
Chenopodietalia rubri) (LEURQUIN, 2007). Dans ces
communautés, on trouve également Atriplex prostrata,
Chenopodium polyspermum et C. rubrum. Ces espèces ont
été observées sur la zone exondée. Echinochloa crus-galli,
graminée méditerranéo-atlantique en expansion vers le
nord-est, a été observée et présente la var. crus-galli à
épillets aristés et la var. submutica à épillets simplement
mucronés.

Fig. 2. – Physcomitrella patens. (Photo A. SMOOS)

Fig. 3. – Fentes de retrait et polygones de dessiccation.
(Photo A. SMOOS)

La dynamique de la végétation du bord de l’étang, à la
remise sous eau, marque le remplacement des groupements
pionniers par de grands hélophytes formant les ‘roselières’,
terme qui désigne un ensemble de formations végétales,
dont la phragmitaie, surtout présente en amont, au nord du
plan d’eau. Cette ceinture comprend : Phalaris
arundinacea, Phragmites australis, Schoenoplectus
lacustris, S. tabernaemontana, Typha latifolia et T.
angustifolia.

On observe aussi Veronica anagallis-aquatica dont la tige
est subtétragone, ce qui permet de la distinguer de V.
beccabunga (non observée ici), dont la tige est cylindrique
et souvent rougeâtre. Les populations de Rumex maritimus
et de Persicaria lapathifolia sont particulièrement denses,
de même que celles de Chenopodium rubrum à certains
endroits.

Mais ces formations sont assez fragmentaires, l’ensemble
prospecté se présentant comme une végétation pionnière
annuelle nitrophile des grèves humides. On y retrouve les
3

Une liste, assez sommaire, est également insérée sur la fiche du
SGIB n°804.

22

L’observation de Bidens radiata est intéressante car c’est
une espèce rare, découverte il y a peu d’ailleurs en Belgique
(en 2005, au nord du pays, dans des endroits anthropisés)
(LAMBINON & VERLOOVE, 2012). Les caractères qui le
distinguent de B. tripartita requièrent la présence de fleurs.

Toutefois, l’orientation des dents du bord du limbe des
segments de la feuille (tournées vers l’intérieur, c’est-àdire vers l’apex et appliquées) est un bon caractère à l’état
végétatif. On retiendra que les capitules sont aplatis,
entourés de plus de huit bractées (Fig. 4), et que les akènes
ne dépassent pas 5 mm de long (hors arêtes) (Fig. 5). Les
capitules sont gros et comptent plus de 130 fleurons (moins
de 130 pour B. tripartita).

Fig. 6. – Distribution de Leersia oryzoides (carte provisoire).
Source : http://observatoire.biodiversité. wallonie.be

Fig. 4. – Capitules de Bidens radiata. (Photo A. SMOOS)

Fig. 7. et 8. – Panicule de L. oryzoides et détail des épillets.
(Photo A. SMOOS)

simplement dentées, et Rorippa palustris, hygrophile
supportant mieux des conditions xériques estivales,
nitrocline, à feuilles dont le lobe terminal est supérieur au
¼ du limbe avec des siliques courtes et épaisses (Fig. 9).
Ces deux espèces s’installent sur la vase exondée, en
compagnie de Veronica anagallis-aquatica.

Fig. 5. – Akène de B. frondosa à g. et de B. radiata à d., sur
fond de papier millimétré. (Photo A. Smoos)

Rorippa sylvestris, qui se retrouve également dans les
groupements similaires et dans des conditions aussi
nitroclines, n’a pas été observé.

Une des espèces remarquables du site est une graminée :
Leersia oryzoides, la Leersie faux riz4, espèce pionnière
des vases eutrophes et souvent associée aux bidents, peu
fréquente, mais sa présence est probablement sous-estimée
(Fig. 6). La plante fleurie se reconnait par une panicule à
rameaux flexueux, ses épillets à une fleur et ses lemmes à
marge ciliée (Fig. 7 et 8). À l’état stérile, la plante forme
des touffes lâches et étalées, à tiges radicantes aux nœuds.
Les feuilles sont vert jaunâtre, à bords très scabres de bas
en haut dans la partie inférieure et de haut en bas dans la
partie supérieure. La panicule reste souvent enfermée dans
la gaine de la feuille, la plante étant alors cléistogame.
Deux espèces de Rorippa sont présentes : Rorippa
amphibia, amphibie plutôt nitrophile, à feuilles supérieures
4

Le riz cultivé en Asie est Oryza sativa et celui d’Afrique ou riz
de Casamance, O. glaberrima. La Leersie faux riz avait été classée

Fig. 9. – Feuille et siliques de Rorippa palustris.
(Photo A. SMOOS).
dans le même genre que le riz, sous le nom d’Oryza oryzoides,
avant d’être transférée dans le genre Leersia, très proche.
23

Une autre espèce a retenu également toute l’attention des
participants : Cyperus fuscus, le Souchet brun (Fig. 10),
discrète cypéracée des fossés humides, grèves alluviales ou
lacustres, voire des coupes et layons forestiers inondés.
Jadis, on le trouvait le long de la Meuse, particulièrement
dans les boues de dragage déversées dans des bassins de
décantation.

régression, voire en voie de disparition pour certaines
espèces. Les causes affectant la survie de ces végétaux sont
surtout liées au maintien du caractère naturel des pièces
d’eau dans un contexte d’exploitations agricoles et
piscicoles défavorable.

Fig. 11. – Lemna turionifera : la flèche montre la position de
la papille nodale. (Photo A. SMOOS)
Fig. 10. – Cyperus fuscus. (Photo A. SMOOS)

Flottant sur l’eau, des Lemnacées5 montrent des colorations
et des tailles différentes. Spirodela polyrhiza est facilement
reconnue par ses nombreuses racines. Lemna minor est
presque toujours verte sans coloration rouge. Cette espèce,
de large amplitude écologique, est favorisée par
l’eutrophisation de l’eau. L. turionifera présente souvent
une coloration rouge et elle est généralement plus petite.
L’examen délicat des papilles qui ornent l’axe longitudinal
de la face supérieure de la lentille conduit à la
détermination. Chez L. turionifera6, la papille située à
hauteur de l'insertion de la racine (papille nodale) est
nettement plus developpée que les autres papilles (Fig. 11).
Les hydrophytes immergées présentes dans les herbiers
aquatiques trouvent refuge dans les fentes de retrait qui se
réhumidifient par la fermeture de l’exutoire.
Fig. 12. – Chara vulgaris. Rameau fertile avec ses
anthéridies orangées. (Photo A. SMOOS)

C’est le cas de Chara globularis et C. vulgaris (Fig. 12).
Les Charophytes appartiennent à un groupe lié aux
Chlorophytes (Algues vertes) mais s’en distinguent par des
structures végétatives et reproductrices très particulières
les rapprochant des Embryophytes, qui comprennent tous
les autres phylums de la ‘lignée verte’ou Chlorobiontes.
(BAILLY & SCHAEFER, 2010 ; FERNEZ, 2018). La
détermination de ces végétaux fait appel à la microscopie,
et on se référera utilement aux documents précités. On
retiendra que Chara globularis et C. vulgaris comptent
parmi les espèces les moins rares, toutes étant souvent en

Dans l’eau libre, on observe aussi Potamogeton pectinatus,
un des potamots à feuilles linéaires, bien reconnaissable par
la longue ligule membraneuse entourant la tige sur 5 à 15
mm (Fig. 13), et Zannichellia palustris subsp. palustris
(Fig. 14), espèce beaucoup plus rare, proche des
Potamogétonacées mais qui s’en distingue par ses fleurs et
fruits réunis en verticille à la base des feuilles, alors que les
inflorescences forment un épi terminal au sommet de la tige
chez les potamots.

5

6

La structure de ces petites plantes aquatiques de la famille des
Lemnacées, incluses actuellement dans la famille des Aracées par
l’APG IV est extrêmement réduite, consistant en une lame, la
‘lentille’, flottante grâce à des cavités aérifères. Elles sont munies
ou non de racines, et se multiplient principalement par
bourgeonnement, la floraison (extrêmement discrète) étant
rarement observée chez les espèces indigènes.

24

Cette espèce, récemment reconnue, est originaire d’Amérique du
Nord. Son indigénat européen est discuté. Les premières
observations en Europe occidentale datent des années 90, mais il
est probable que sa présence a été méconnue, par sa ressemblence
avec L. minor (LAMBINON & VERLOOVE, 2012). L’épithète
évoque la présence de turions mais il faut souligner que ce terme
désigne des bourgeons souterrains chez certaines plantes vivaces.

(Machaon), et parmi les Orthoptères : Stethophyma
grossum (Criquet ensanglanté) et Tetrix subulata (Tétrix
riverain). Philippe DEFLORENNE a ajouté à ce catalogue
Hippodamia tredecimpunctata, la Coccinelle à 13 points,
rarissime en Wallonie, et Rhingia rostrata, Syrphidé très
rare sur l’ensemble du territoire.

Fig. 13 et 14. – Gaine de Potamogeton pectinatus à g. et
fruits de Zannichellia palustris subsp. palustris à d.
(Photo. A. SMOOS)

Enfin, les ornithologues ont aperçu notamment Ardea alba
(Grande Aigrette), Ardea cinerea (Héron cendré), Ciconia
nigra (Cigogne noire), Pandion haliaetus (Balbuzard
pêcheur) et Saxicola rubetra (Tarier des prés) en halte
migratoire.

FAUNE
La visite de l’étang du Fraity a permis quelques
observations faunistiques intéressantes. Parmi les
mollusques, Physa fontinalis, la Physe des fontaines (Fig.
14), petit gastéropode lacustre dont la présence est un
élément intéressant dans la biodiversité du site. La coquille
est sénestre, c’est-à-dire spiralée vers la gauche. Ce
gastéropode possède des appendices digitiformes qui
servent de branchies accessoires. Il peut remonter à la
surface grâce à l’air contenu dans le poumon. Ont
également été notés : Unio pictorum, la Mulette des
peintres et Lymnaea stagnalis, la grande Limnée.
Fig. 15. – Sympetrum fonscolombii. (Photo F. HELA)

Fig. 14. – Physa fontinalis. (Photo A. SMOOS)
Fig. 16. – Sympetrum meridionale. (Photo F. HELLA)

Au niveau entomologique, François HELA a relevé de
nombreux Odonates : Aeshna mixta (Aeschne mixte) très
présente à cette période, Chalcolestes viridis (Leste vert),
Enallagma
cyathigerum
(Agrion
porte-coupe),
Erythromma viridulum (Naïade au corps vert), Ischnura
elegans (Agrion élégant), I. pumilio (Agrion nain),
Orthetrum cancellatum (Orthétrum réticulé), Sympetrum
fonscolombii (Sympétrum à nervures rouges) (Fig. 15),
espèce rare, Sympetrum meridionale (Sympétrum
méridional) (Fig. 16), espèce rare, Sympetrum sanguineum
(Sympétrum sanguin), et Sympetrum striolatum
(Sympétrum strié).
Parmi les Lepidoptères, on peut citer : Aglais io (Paon du
jour), Gonepteryx rhamni (Citron) et Papilio machaon

CONCLUSIONS
Les observations réalisées au cours d’une seule journée
sont remarquables. Et la liste n’est sans doute pas
exhaustive et ne présente qu’une partie limitée de la
richesse biologique de l’étang du Fraity. Le chapelet
d’étangs qui se succèdent sur le cours du ruisseau du
Fourneau garantit la qualité naturelle de la zone. La gestion
raisonnée de ces propriétés par des mises en assec
périodiques apportera une valeur ajoutée en faveur d’une
biodiversité durable dans la région.

25

Remerciements
La SNNL remercie vivement Sébastien PIERRET qui a
permis cette visite, Marie-Thérèse ROMAIN et Robert
ISERENTANT qui ont déterminé les hydrophytes, et Claude
VILVENS, président de la Société Belge de Malacologie, qui
a confirmé la détermination de la Physe.
BIBLIOGRAPHIE
DUVIGNEAUD J., 1986. – La gestion écologique et traditionnelle de
nos étangs. Pour la coexistence des deux écosystèmes “étangs”
et “étangs en assec”. Naturalistes belges 67(3) : 65-94.

DUVIGNEAUD J., 1990. – Importance de l’écosystème “étang mis
en assec” in Actes du Colloque “Gérer la Nature ?”. Minist.
Région wallonne. Service de la Conservation de la Nature.
Travaux 15(2) : 647-656.
FERNEZ Th., 2018. – Les Characées du Bassin parisien : état des
connaissances et clé de détermination. Symbioses N.S. 35-36 :
21-34. hal-01807431. En ligne sur https://hal.archivesouvertes.fr/hal-01807431/document
LAMBINON J. & VERLOOVE F. (et coll.), 2012. – Nouvelle flore de
la Belgique, du G.-D. de Luxembourg, du nord de la France et
des regions voisines. 6ème édition. Édition du Jardin botanique
national de Belgique. CXXXIX + 1195 p.
LEURQUIN L., 2007. – Synopsis des végétations de Belgique et des
regions limitrophes. 242 p. Non publié.

ANNEXE
Liste des végétaux observés
Agrostis stolonifera, Alisma plantago-aquatica, Alopecurus
myosuroides, Apium nodiflorum, Atriplex patula, A. prostrata,
Bidens frondosa, B. radiata, B. tripartita, Brassica oleracea,
Callitriche sp., Capsella bursa-pastoris, Carex acuta, C.
acutiformis, C. remota, Chara globularis, C. vulgaris,
Chenopodium album, C. polyspermum, C. rubrum, Cyperus
fuscus, Echinochloa crus-galli, Eleocharis palustris, Epilobium
hirsutum, Equisetum arvense, Eupatorium cannabinum, Fallopia
convolvulus, Galium palustre, Gnaphalium uliginosum,
Hypericum dubium, Iris pseudacorus, Juncus articulatus, J.
bufonius, J. effusus, J. inflexus, J. tenuis, Leersia oryzoides,
Lemna minor, L. turionifera, Leontodon autumnalis,
Leptodictyum riparium, Lotus corniculatus, Lycopus europaeus,
Lysimachia vulgaris, Lythrum salicaria, Matricaria maritima

26

subsp. inodora, Mentha aquatica, M. arvensis, Myosotis
scorpioides subsp. scorpioides, Myosoton aquaticum, Persicaria
hydropiper, P. lapathifolia, P. maculosa, Phalaris arundinacea,
Phragmites australis, Physcomitrella patens, Plantago
lanceolata, P. major, Polygonum aviculare, Potamogeton
pectinatus, Ranunculus flammula, R. repens, R. sceleratus,
Robinia pseudoacacia, Rorripa amphibia, R. palustris, Rumex
maritimus, R. sanguineus, Salix caprea, Schoenoplectus lacustris,
S. tabernaemontani, Leskea polycarpa, Scrophularia nodosa,
Sedum telephium, Solanum dulcamara, Spirodela polyrhiza,
Stachys palustris, Stellaria aquatica, Succisa pratensis,
Syntrichia latifolia, Tanacetum vulgare, Typha angustifolia, T.
latifolia, Trifolium hybridum, Tussilago farfara, Urtica dioica,
Veronica anagallis-aquatica subsp. aquatica, V. serpyllifolia.

Natura Mosana, nouvelle série, n° 73 : 27-42

Contribution à la connaissance de l’Habitat d’Intérêt Communautaire
« Les végétations pionnières des bancs d’alluvions » (code EUR_28 « 3270 ») en
Wallonie.
Le cas de la Lesse : description de l’habitat et mise en évidence des espèces
indicatrices.
Jean-Marc COUVREUR *

RÉSUMÉ
Une étude systématique a été menée sur la Lesse en 2019 et 2020 avec comme objectif une meilleure connaissance botanique de l’Habitat
d’Intérêt Communautaire « Les végétations pionnières des bancs d’alluvions » (code EUR_28 « 3270 »). Sur les îlots étudiés, deux faciès
de végétation ont été précisés : un faciès à végétation éparse sur sol vaseux recouvert de galets et correspondant à l’habitat « 3270 »
proprement dit, et un faciès à végétation herbacée nettement plus dense, correspondant à l’Habitat d’Intérêt Communautaire « mégaphorbiaies alluviales » (code EUR_28 « 6430 »). L’utilisation de l’indice IndVal a permis de mettre en évidence les principales espèces
caractéristiques de ces deux milieux.
ABSTRACT
A systematic study was carried out on the Lesse river in 2019 and 2020 with the aim of improving botanical knowledge of the Habitat
of Community Interest " Rivers with muddy banks" (code EUR_28 "3270"). On the islets studied, two vegetation facies were identified:
a facies with sparse vegetation on muddy soil covered with pebbles and corresponding to the "3270" habitat, and a facies with a much
denser herbaceous vegetation and corresponding to the Habitat of Community Interest " Hydrophilous tall herb fringe communities of
plains and of the montane to alpine levels" (code EUR_28 "6430"). The use of the IndVal index has made it possible to highlight the
main characteristic species of these two vegetation types.

* Département d’Étude du Milieu Naturel et Agricole (Service Public de Wallonie, DGO3). Courriel : jeanmarc.couvreur
@spw.wallonie.be
_________________________________________________

INTRODUCTION
Dans le cadre de la cartographie détaillée des habitats repris
dans les sites Natura 2000 en Wallonie, nous avons
rencontré, en septembre 2019, des plages de galets à
végétation éparse sur plusieurs îlots ou presqu’îles situés le
long de la Lesse au sein du site répertorié « Vallée de la
Lesse » (BE35023), entre Houyet et Villers-sur-Lesse (Fig. 1).
Un rapide examen des espèces présentes nous a convaincu
que nous étions en présence de l’habitat d’Intérêt
Communautaire « Rivers with muddy banks with
Chenopodion rubri p.p. and Bidention p.p. vegetation »
dont le code officiel européen est « 3270 » (European
Commission, 2013).
Cet habitat est connu de presque toutes les régions ou pays
voisins (BENSETTITI & al., 2002 ; JANSSEN & SCHAMINÉE,

2003 ; LEYSSEN & al., 2008 ; Deutschlands Natur, 2020 ;
European Topic Center/BD, 2020) à l’exception du GrandDuché de Luxembourg (TR Engineering, 2004). En
Wallonie, ce type d’habitat a été décrit de longue date
(LEBRUN & al., 1949), et il est dénommé « Les végétations
pionnières des bancs d’alluvions » dans un chapitre qui lui
est consacré dans les Cahiers d’Habitats dédiés aux habitats
aquatiques wallons (KEULEN & al., 2020).
Cet habitat naturel d’Intérêt Communautaire, bien qu’officiellement renseigné en Belgique le long de la Meuse
mitoyenne et en Flandre le long de l’Escaut (LEYSSEN &
al., 2008 ; European Topic Center, 2020), est mal connu en
Wallonie et il n’existe jusqu’à présent que très peu
d’informations concernant sa localisation exacte (KEULEN
& al, 2020).

27

Fig. 1. – Presqu’île située entre Vignée et Ciergnon sur la Lesse avec ses deux faciès caractéristiques, la
‘gravière’ pauvre en végétation à l’avant-plan et la ‘phalaridaie’ nettement plus herbeuse au centre. (Photo
prise le 17 août 2020 depuis le pont du RAVeL).

Face à ce constat, nous avons décidé dès septembre 2019
ainsi qu’en 2020, de rechercher, de cartographier et de
décrire cet habitat sur tout le parcours de la Lesse afin de
présenter une première étude descriptive détaillée de cet
habitat en Wallonie.

MÉTHODES
La découverte de ces zones s’est faite à la fin de la période
de végétation 2019, après un été particulièrement sec. Ces
conditions météorologiques ont eu comme conséquence un
abaissement substantiel du niveau des eaux des principales
rivières wallonnes et de la Lesse en particulier, ce qui a mis
à nu de vastes plages de galets mélangés à de la vase. En
2019, les inventaires systématiques ont débuté le 19
septembre pour se terminer le 15 octobre à cause de la forte
remontée du niveau des eaux de la rivière, consécutive à
d’abondantes pluies les jours précédents. En 2020, l’été
ayant encore été un peu plus déficitaire en précipitations,
nous avons pu poursuivre et terminer l’inventaire sur le
reste des tronçons non parcourus en 2019, entre le 10 août
et le 30 septembre.
La cartographie de ces biotopes et leur description ont été
préparées à partir des orthophotoplans de l’année 2016 qui
montraient particulièrement bien les zones de galets, et qui
ont facilité le repérage des principaux îlots et presqu’îles où
l’habitat était potentiellement présent. L’examen de ces
photos aériennes nous indiquaient que ces îlots étaient
1

Le terme ‘gravière’ concerne spécifiquement des sites de
carrière. Le terme ‘phalaridaie’ désigne un groupement herbacé
de grande taille dominé par Phalaris arundinacea, bordant le

28

présents depuis la confluence de la Lesse avec la Meuse à
Anseremme en aval et jusqu’à Éprave en amont, soit sur 43
km, ce que nos prospections de terrain ont confirmé.
Une fois sur le terrain, les îlots et presqu’îles repérés sur les
photos aériennes ont tous été cartographiés, et une
description a été réalisée pour la plupart d’entre eux,
certains n’étant que très difficilement accessibles. La
cartographie a consisté à délimiter le plus précisément
possible le périmètre des îlots et presqu’îles avec de ces
informations dans le logiciel de cartographie ArcMap
(version 10.5.1).
La description a permis de définir un ou deux faciès (les
plages de galets à végétation éparse ont été dénommées
‘gravières’ et les zones à végétation herbacée nettement
plus dense ‘phalaridaies’1) auxquels a été rattaché un relevé
phytosociologique complet (liste des espèces avec leur taux
de recouvrement respectif). Les recouvrements ont été
notés suivant l’échelle de Braun-Blanquet (coefficient
d’abondance-dominance) légèrement remaniée. Les classes
suivantes ont été utilisées :
5 : 75 à 100 % (médiane = 87,5 %)
4 : 50 à 75 % (médiane= 62,5 %)
3 : 25 à 50 % (médiane = 37,5 %)
2b : 12,5 à 25 % (médiane = 20 %)
2a : 5 à 12,5 % (médiane = 10 %)
1 : 1 à 5 % (médiane = 2,5 %)
+ : moins de 1 % (médiane = 0,2 %)
cours de certaines rivières, par assimilation aux phragmitaies
(Phragmition communis) entourant marginalement les sites
lacustres. Les deux termes sont donc utilisés ici par convention.

Fig. 2. – Dendrogramme issu du clustering et indiquant la classification en deux groupes de
l’ensemble des relevés. Le groupe de relevés compris dans le rectangle rouge de gauche
correspond aux faciès à végétation herbeuse dense (phalaridaies) et le groupe de droite aux
faciès à végétation éparse (gravières). Détails dans le texte.

Les relevés ont été intégrés dans un tableau Excel
(stations/espèces) et les abondances ont été converties en
pourcentage médian (cf. ci-dessus) pour faciliter les
traitements statistiques ultérieurs.
Tous les traitements statistiques ont été réalisés via le
logiciel libre R Studio (version 1.3.1093). Ces analyses ont
consisté en un « regroupement hiérarchique agglomératif »,
aussi appelé clustering, et en la recherche des espèces
indicatrices par groupe. Ce regroupement répond à un
double objectif. Il permet de valider le classement
empirique des deux faciès tels qu’observés sur le terrain, et
il prépare les données de manière à pouvoir extraire les
espèces indicatrices pour chacun des groupes.
Pour qu’un clustering puisse être réalisé, nous avons
d’abord construit une matrice des distances entre les
différentes stations après avoir réalisé une transformation
d’Hellinger (LEGENDRE & LEGENDRE, 2012)2 . De plus,
comme les abondances très différentes entre les deux types
de faciès étaient susceptibles d’occasionner des distorsions
mathématiques à la fois dans le clustering et dans la
recherche des espèces indicatrices, nous avons
préalablement transformé les abondances (médianes) en
leur racine carrée, procédé très recommandé dans pareil cas
de figure (BORCARD & al., 2011).

La recherche des espèces indicatrices a été effectuée en
utilisant l’indice IndVal (« Indicative Value Index ») mis
au point par DUFRÊNE et LEGENDRE (1997) et transcrit en
langage R par D. W. ROBERTS dans le package « labdsv »
de R Studio. L’indice IndVal combine deux paramètres,
l’un appelé fidélité (= rapport entre le nombre de sites dans
lesquels l’espèce est présente au sein d’un groupe et le
nombre de sites au sein de ce groupe), l’autre appelé
spécificité (= rapport entre l’abondance moyenne d’une
espèce dans un groupe et de la somme des abondances
moyennes dans tous les groupes).
Le résultat du calcul de cet indice fournit deux informations
pour chaque espèce et pour chaque groupe issu d’un
clustering. La première information est la valeur de
l’IndVal proprement dite et est comprise entre 0 et 1. Plus
la valeur est élevée, plus l’espèce peut être considérée
comme une espèce vraiment significative du groupe
considéré.
La seconde information fournie par le calcul est le degré de
fiabilité de chaque valeur de l’indice, exprimée en « p-value
». Plus cette p-value est faible, plus l’indice calculé peut
être considéré comme fiable. Par convention, nous avons
retenu les espèces qui avaient à la fois un indice IndVal
supérieur ou égal à 0,25 et une p-value inférieure à 0,05.

2

Le clustering proprement dit a été effectué à l’aide de la fonction
«hclust» du package «vegan» et en utilisant la méthode
«Ward.D2».
29

Espèces indicatrices

groupe

indice « IndVal »

p-value

Poa annua

1

0.74

0.002

Chenopodium polyspermum

1

0.66

0.009

Atriplex prostrata

1

0.63

0.005

Rorippa palustris

1

0.63

0.008

Leersia oryzoides

1

0.55

0.011

Plantago major

1

0.54

0.045

Cardamine flexuosa

1

0.5

0.008

Senecio vulgaris

1

0.49

0.022

Echinochloa crus-galli

1

0.45

0.032

Alnus glutinosa

2

0.81

0.001

Phalaris arundinacea

2

0.78

0.001

Urtica dioica

2

0.76

0.001

Calystegia sepium

2

0.74

0.001

Salix sp.

2

0.65

0.006

Scrophularia nodosa

2

0.62

0.045

Cirsium arvense

2

0.52

0.004

Stachys palustris

2

0.51

0.016

Galium mollugo

2

0.48

0.024

Brachypodium sylvaticum

2

0.45

0.006

Iris pseudacorus

2

0.43

0.046

Solidago gigantea

2

0.32

0.034

Filipendula ulmaria

2

0.27

0.027

Tableau 1. – Espèces indicatrices des deux groupes issus du clustering et déterminées par
l’indice IndVal. (groupe 1 = espèces du groupe ‘gravières’, groupe 2 = espèces du groupe
‘phalaridaies’).

RÉSULTATS
Les différents îlots et presqu’îles répertoriés présentent tous
un ou deux faciès de végétation très reconnaissables et
comparables sur l’ensemble de la Lesse (Fig. 1). Il s’agit
d’une part de ce que nous avons nommé gravières sur le
terrain et qui correspond à des plages presque entièrement
recouvertes de galets (taille moyenne 10 cm) et de graviers,
déposés sur une couche de vase humide. Le recouvrement
moyen de ces gravières par la flore est de 35 %. Le second
type de faciès observé correspond à des formations
herbeuses parfois parsemées de quelques espèces ligneuse,
situées directement en contact avec le faciès précédent mais
légèrement plus en hauteur par rapport au niveau des eaux.
Le recouvrement moyen total de ces formations herbeuses
est de 123 %.
Au total, 31 îlots ont été inventoriés occupant chacun une
superficie de 0,3 à 23,5 ares, pour une moyenne de 4,4 ares.
30

La surface des gravières varie de 0,5 à 7,5 ares (moyenne
de 2,9 ares) et celle des phalaridaies de 0,75 à 5 ares
(moyenne de 2,3 ares).
Il est important de signaler qu’en plus de ces îlots bien
repérables sur les photographies aériennes comme sur le
terrain, nous avons constaté à maintes reprises la présence
de ce type de biotope sous la forme de fins bandeaux
linéaires le long de la rivière, souvent moins d’un mètre de
large.
L’ensemble des relevés effectués est repris dans le tableau
2 en annexe. Au total, 191 espèces ont été inventoriées
(quelques taxons non déterminés jusqu’à l’espèce), soit 167
espèces pour les gravières (relevés typés « a ») et 114
espèces dans les phalaridaies (relevés typés « b »). Bien que
de petite taille et très homogènes, ces îlots et presqu’îles
abritent donc une très grande diversité botanique, en
particulier les gravières. Cela s’explique notamment par

l’aspect très dénudé du substrat où la compétition est quasi
nulle et par le fait que la rivière charrie probablement de
nombreuses graines emportées à l’occasion des crues de la
Lesse et qui germent à la faveur de conditions favorables, à
partir d’une banque de graines ainsis constituée.
(THOMPSON & al., 1997 ; SCHAMINÉE & al., 1998).
Le résultat du clustering (regroupement des stations en
deux groupes) est illustré à la figure 2 sous la forme d’un
dendrogramme, les deux rectangles rouges regroupant les
stations les plus semblables à l’intérieur de chaque groupe.
Sans surprise, on voit que toutes les stations qui avaient été
typées comme des phalaridaies se retrouvent dans le groupe
de gauche (stations terminées par un indice « b »). En ce
qui concerne les stations étiquetées gravières sur le terrain
(stations terminées par l’indice « a »), toutes sauf une (la
station 3270_38a)3 se retrouvent dans le groupe de droite,
ce qui confirme que les deux types de faciès sont bien
distincts, à la fois en termes de composition et
d’abondances des différentes espèces.
Le tableau 1 présente les espèces qui ont été retenues
comme indicatrices des 2 groupes par l’indice IndVal
(valeur de l’indice égale ou supérieure à 0,25 et p-value
inférieure à 0,05, cf. § Méthodes). Dans le groupe
correspondant aux gravières (groupe 1), quatre espèces
communément renseignées dans la littérature (ELLENBERG,
1996 ; SCHAMINÉE & al., 1998 ; JANSSEN & SCHAMINÉE,
2003; LEYSSEN & al., 2008 ; European commission, 2013 ;
KEULEN & al., 2020) comme espèces caractéristiques de
l’habitat « 3270 » sont retenues: Atriplex prostrata (Fig. 3),
Chenopodium polyspermum (Fig. 4), Leersia oryzoides
(Fig. 5) et Rorippa palustris. Les cinq autres espèces
retenues pour ce groupe sont des espèces pionnières
annuelles plus ubiquistes.
Dans le groupe correspondant aux phalaridaies (groupe 2),
plusieurs espèces retenues par la procédure IndVal sont
typiques des mégaphorbiaies alluviales au sens large :
Calystegia sepium, Filipendula ulmaria, Phalaris
arundinacea, Stachys palustris et Urtica dioica. Les autres
espèces sont plus opportunistes mais indiquent qu’on est en
présence d’un faciès plus sec que le sous-groupe 1
(Brachypodium sylvaticum, Cirsium arvense, Galium
mollugo, Scrophularia nodosa, Solidago gigantea). La
présence dans la liste d’Alnus glutinosa et des saules (Salix
div. sp.) comme espèces indicatrices confirme ce diagnostic
de milieu alluvial en voie de colonisation forestière.
À côté des espèces retenues par la procédure IndVal, il nous
paraît intéressant d’épingler a contrario pour le groupe 1
(celui des gravières qui correspond à l’habitat 3270) qui
nous intéresse ici, l’absence dans la liste de quelques
espèces considérées par les auteurs cités précédemment.

3

La raison qui explique que la station « 3270_38a » est ici classée
par l’analyse statistique dans le groupe des phalaridaies peut être
trouvée lorsqu’on examine de plus près sa composition. Ce relevé
se distingue en effet par un nombre et des recouvrements
d’espèces du groupe des phalaridaies légèrement plus importants

La raison de ces absences dans la liste des espèces
indicatrices retenues par la procédure IndVal tient soit au
fait qu’il s’agit d’espèces :
 qui ont des taux de présence et/ou de recouvrement trop
faibles dans les deux groupes étudiés
 qui sont bien présentes également dans l’autre groupe
(celui des phalaridaies)
 qui ne sont présentes que dans le groupe des gravières
mais avec des recouvrements très faibles.
Dans ces trois cas de figures, l’indice IndVal avec les seuils
choisis ne sélectionne pas ces espèces, mais nous verrons
dans la discussion la place qu’il faut leur réserver. Les
espèces sont les suivantes :
 Bidens cernua, repris dans le groupe 1 par le calcul de
l’indice IndVal, mais avec des valeurs trop faibles pour
être indicatrice : elle est seulement présente dans 15 %
les gravières, et est complètement absente dans les
phalaridaies.
 Bidens tripartita (Fig. 6), présent dans 85 % des
gravières et 55 % des phalaridaies, mais dans les deux
cas, avec des recouvrements très faibles.
 Polygonum hydropiper, présent 90 % des gravières et
dans 55 % des phalaridaies, mais avec des recouvrements moyens très faibles dans les deux cas.
 Ranunculus sceleratus, repris dans le groupe 1 par le
calcul de l’indice IndVal, mais avec des valeurs trop
faibles pour être indicatrice. On l’observe dans
seulement 15 % des gravières avec 0,2 % de
recouvrement moyen et est totalement absente des
phalaridaies.
 Persicaria lapathifolia, présent dans 45 à 50 % des
stations dans les 2 groupes et avec des recouvrements
inférieurs à 10 %.
En plus de ces espèces qui concernent spécifiquement
l’habitat intitulé « Les végétations pionnières des bancs
d’alluvions », on peut brièvement décrire plusieurs autres
groupes d’espèces accompagnatrices.
Les espèces alluviales : ces sont des espèces que l’on
rencontre dans la plupart des végétations des plaines
alluviales, et que nous avons trouvées également dans les
deux types de faciès. Il s’agit notamment de :
 Myosoton aquaticum (Fig. 7) : présent dans 100 % des
stations gravières et 100 % des stations phalaridaies,
mais avec des recouvrements moyens de 3 à 5 % dans
les 2 groupes.

que pour les autres relevés du sous-groupe (par exemple : Urtica
dioica, Salix sp., Stachys palustris, Lycopus europaeus,
Epilobium hirsutum, Trifolium pratense, Senecio ovatus) et
inversement par l’absence de quelques espèces plus typiques du
groupe des gravières (Leersia oryzoides, Persicaria lapathifolia).
31

 Lycopus europaeus : occupe les 100 % des gravières et
91 % des phalaridaies avec des recouvrements se situant
entre 2 et 5 %.
 Symphytum officinale : observé dans plus de 60 % des
stations dans les deux types de milieux avec des
recouvrements inférieurs à 5 %.
Les espèces pionnières ou de lisières : un autre groupe
d’espèces largement représentées dans les relevés
concernent des espèces pionnières de milieux ouverts ou de
lisières qui trouvent dans les deux types de faciès des
conditions idéales pour germer et fleurir. Citons notamment
Alliaria petiolata, Arctium lappa, Barbarea vulgaris,
Capsella bursa-pastoris, Cerastium fontanum, Cirsium div.
sp., Rumex obtusifolius, Solanum dulcamara. Sonchus div.
sp., Tanacetum vulgare, Taraxacum sp., et Tussilago
farfara.
Les espèces forestières : parmi les espèces indigènes, on
notera enfin que les espèces forestières sont peu présentes
dans l’ensemble des relevés et presque uniquement dans le
faciès phalaridaies. Il s’agit notamment de Alnus glutinosa,
Betula pendula, Carpinus betulus, Glechoma hederacea,
Festuca gigantea, Salix div. sp., Silene dioica, et Stachys
sylvatica.
Enfin, à côté des très nombreuses espèces indigènes
recensées, on remarque la présence de vingt espèces
exotiques (voir Tableau 3), soit un peu plus de 10 % du
nombre total des espèces recensées. En dehors d’Impatiens
glandulifera (Fig. 8), ces espèces n’ont presque jamais de
recouvrements importants (dans une seule station cartographiée mais non inventoriée, située à Wanlin, nous avons
noté une zone de quelques ares d’un Aster appartenant au
groupe salignus/lanceolatus).
Impatiens glandulifera est présente dans 14 relevés
gravières sur 20 (70 % des relevés) et avec un recouvrement
moyen de 1,6 % (fourchette de 0,5 à 10 %). Elle est plus
présente dans les phalaridaies puisqu’elle y a été notée dans
10 relevés sur 11 (91 %) avec un recouvrement moyen de
7,5 % (fourchette : 2,5 à 20 % de recouvrement). On voit
donc que même cette espèce réputée envahissante n’est ici
présente qu’avec de faibles recouvrements.
DISCUSSION
L’étude qui a été effectuée sur la Lesse a mis en évidence
l’existence de l’Habitat d’Intérêt Communautaire « Les
végétations pionnières des bancs d’alluvions » (code
EUR_28 «3270 ») depuis sa confluence avec la Meuse à
Anseremme jusqu’à la localité d’Éprave en amont. Plus en
amont, cet habitat n’est plus présent ou seulement présent
sous forme de bandes très étroites en bordure de la rivière.
Le gabarit et le débit plus faibles dans cette partie amont de
la rivière, ainsi que les rives plus ombragées, ne sont
visiblement plus propices au développement de cette
végétation.

32

Il ressort des relevés effectués sur une grande partie des
îlots ou presqu’îles, que deux faciès bien distincts peuvent
être individualisés. Ces deux faciès sont largement
confirmés par la méthode du clustering utilisée pour
analyser les relevés pris dans leur ensemble.
Afin de préciser les espèces qui peuvent être retenues
comme les meilleures indicatrices de ce milieu, l’indice
IndVal combine un paramètre de spécificité et un paramètre
de fidélité de chaque espèce à chaque groupe étudié. Cet
indice prend explicitement en compte non seulement les
données de présence/absence des espèces dans les
différents groupes (ici 2) mais aussi leur coefficient
d’abondance (taux de recouvrement).
Le premier type de faciès, les gravières, est celui qui nous
intéresse a priori le plus ici. Il est constitué de zones de
galets de taille moyenne (10 à 15 cm de long) reposant sur
une couche de vase humide. C’est dans les interstices entre
ces galets que la végétation de l’habitat 3270 a été observée
et décrite. Le faible recouvrement général par la végétation
de ce type de milieu (35 % en moyenne) s’explique par la
présence des galets eux-mêmes, mais aussi par la nature
transitoire de cet habitat pionnier qui ne permet la
germination et la floraison des plantes que pendant
quelques semaines par an, en fin d’été et en début
d’automne, lorsque les conditions météorologiques le
permettent, après un étiage plus ou moins important et plus
ou moins long. Outre la présence fugace de l’habitat, tous
les auteurs signalent son caractère vaseux, humide,
eutrophe et ensoleillé (POTT, 1995 ; ELLENBERG, 1996 ;
SCHAMINÉE & al., 1998 ; European Commission, 2013 ;
Deutschlands Natur, 2020 ; KEULEN & al., 2020).
Les espèces retenues par l’indice IndVal pour le groupe des
gravières comprennent à la fois des espèces considérées par
beaucoup d’auteurs comme caractéristiques de ce biotope
comme Atriplex prostrata, Chenopodium polyspermum,
Leersia oryzoides et Rorippa palustris, mais aussi des
espèces pionnières plus banales comme Plantago major,
Poa annua et Senecio vulgaris. Ces espèces pionnières
banales ont été retenues par l’indice IndVal par
comparaison avec le faciès phalaridaies dans lequel elles
sont très peu présentes et ne doivent a priori pas être
considérées comme espèces caractéristiques, mais plutôt
comme espèces compagnes fréquentes. Signalons
d’ailleurs que SCHAMINÉE & al. (1998) retiennent Poa
annua et Plantago major comme espèces compagnes
fréquentes de cet habitat aux Pays-Bas.
Il est intéressant de prendre également en compte plusieurs
espèces non retenues par la procédure IndVal (présence
trop faible et/ou recouvrement trop faible dans notre
échantillonnage), mais considérées par beaucoup d’auteurs
(ELLENBERG, 1996 ; SCHAMINÉE & al., 1998 ; JANSSEN &
SCHAMINÉE, 2003 ; LEYSSEN & al., 2008 ; European
commission, 2013 ; KEULEN & al., 2020) comme
également caractéristiques. Il s’agit des cinq espèces
suivantes : Bidens cernua, B. tripartita, Persicaria lapathifolia, Polygonum hydropiper et Ranunculus sceleratus.

Comme ces cinq espèces sont citées par au moins un auteur
comme espèces caractéristiques, nous considérons qu’elles
peuvent également faire partie des espèces liées à cet
habitat en Wallonie, mais avec quelques nuances. Ainsi, si
les deux espèces de Bidens sont reprises par la plupart des
auteurs et peuvent faire partie des espèces caractéristiques,
en revanche Ranunculus sceleratus ne doit sans doute être
considérée que comme une compagne fréquente,
puisqu’elle n’est citée que par un seul auteur (ELLENBERG,
1996). La valeur caractéristique de Persicaria lapathifolia
et de P. hydropiper pour les gravières est moins nette dans
nos relevés puisque la première espèce est présente de
manière équivalente dans les deux faciès et que la seconde
est très présente dans le faciès gravières et nettement moins
dans le faciès phalaridaies, mais avec de faibles
recouvrements dans les deux cas.

des espèces des milieux pionniers plus secs comme Rumex
obtusifolius et Artemisia vulgaris.

Le second type de faciès, les phalaridaies, est reconnaissable sur le terrain par sa position légèrement plus en
hauteur par rapport au niveau de la rivière et par son taux
de recouvrement herbacé qui tourne autour de 100 %. Ce
type de végétation correspond à un faciès seulement inondé
pendant les grandes crues annuelles. La végétation y est
donc mieux installée et elle est principalement constituée
d’espèces vivaces.

Les espèces compagnes répertoriées par COUVREUR & al.
(2020) et fréquemment rencontrées sont, pour nos relevés,
Phalaris arundicacea, Iris pseudacorus, Lycopus
europaeus (espèce indifféremment observée dans les deux
faciès le long de la Lesse) et Solanum dulcamara. La
plupart des espèces qui viennent d’être citées sont
également retenues par plusieurs auteurs dans les régions
ou pays frontaliers (POTT, 1995 ; ELLENBERG, 1996 ;
LEYSSEN & al., 2008 ; European Commission, 2013 ;
SCHAMINÉE & al., 1998 ; Deutschlands Natur, 2020).

Les espèces retenues par l’indice IndVal comprennent à la
fois des espèces herbacées typiques des milieux alluviaux
plus ou moins ouverts comme Brachypodium sylvaticum,
Calystegia sepium, Filipendula ulmaria, Iris pseudacorus,
Phalaris arundinacea, Stachys palustris, Scrophularia
nodosa et Urtica dioica, accompagnées d’espèces
ligneuses comme Alnus glutinosa, et Salix div. sp. À côté
de ces espèces typiques des milieux alluviaux, on notera la
présence d’espèces différentielles comme Cirsium arvense,
Galium mollugo, et Solidago gigantea qui indiquent qu’on
est clairement dans un faciès moins humide que le faciès
gravières.
La position phytosociologique que donnent les différents
auteurs aux deux faciès observés varie quelque peu, ce qui
s’explique par le gradient continu que constitue l’ensemble
de ces végétations alluviales depuis les zones de vases
exceptionnellement exondées jusqu’aux aulnaies alluviales
en passant par les différents types de faciès de
mégaphorbiaies. Du point de vue phytosociologique,
l’habitat « 3270 » que nous avons observé le long de la
Lesse correspond à des végétations faisant partie tantôt de
l’alliance du Bidention tripartitae (= végétations pionnières
nitrophiles sur substrat limoneux ou argileux) (European
Commission, 2013 ; KEULEN & al., 2020), tantôt de
l’alliance du Chenopodion rubri (= végétations pionnières
nitrophiles sur substrat sableux à graveleux) (European
Commission, 2013 ; KEULEN & al., 2020). Cependant, la
limite entre ces deux types de végétation est souvent floue,
les distinctions faites notamment par les Cahiers d’Habitats
français (BENSETTITI & al., 2002) semblant parfois quelque
peu artificielles. Dans le même ordre d’idée, SCHAMINÉE &
al. (1998) incluent par exemple dans la classe des
Bidentetea tripartitae, à la fois des espèces appartenant aux
milieux vaseux stricts et des espèces plutôt caractéristiques
des mégaphorbiaies comme Phalaris arundinacea, voire

En Wallonie, la végétation des phalaridaies observées le
long de la Lesse correspond aux mégaphorbiaies alluviales
(habitat d’Intérêt Commu-nautaire EUR_28 « 6430 »), et
plus particulièrement à l’alliance du Convolvulion sepium,
c’est-à-dire des mégaphorbiaies eutrophes des plaines
alluviales, avec comme espèces caractéristiques
représentées dans nos relevés : Calystegia sepium,
Dipsacus pilosus, Epilobium hirsutum, Eupatorium
cannabinum, Galium aparine, Scrophularia umbrosa et
Urtica dioica, de même que Myosoton aquaticum
Symphytum officinale, ce deux dernières espèce étant
indifféremment observées dans les deux faciès le long de la
Lesse (COUVREUR & al., 2020).

Enfin, une vingtaine d’espèces exotiques ont également été
notées tout au long du parcours de la Lesse. La présence de
ces végétaux à l’intérieur du cortège des espèces indigènes
est renseignée comme une constante par plusieurs auteurs
(POTT, 1995 ; COUVREUR & al., 2020 ; KEULEN & al.,
2020). Ces espèces sont présentes avec des recouvrements
très faibles, excepté dans une station où une xénophyte,
Aster salignus/lanceolatus, couvrait quelques dizaines de
mètres carrés.
L’espèce exotique la plus présente dans nos relevés,
Impatiens glandulifera, ne semble pas représenter un
véritable danger pour l’habitat, puisque son recouvrement
moyen dans le faciès phalaridaies, où elle est la plus
abondante, est de 7,5 %. Dans une étude récente,
BIEBERICH & al. (2020) ont montré que I. glandulifera, bien
que fort visible dans certaines vallées alluviales, ne
provoquait pas de disparition nette d’espèces indigènes,
mais pouvait, dans certains cas, diminuer l’abondance
(recouvrements) de certaines espèces comme Urtica dioica
et Filipendula ulmaria. Elle n’en reste pas moins une
xénophyte invasive, avec les risques qui en sont liés.
Pour conclure, il nous semble important d’insister sur le fait
que cette étude sur la Lesse ne devrait être qu’une première
étape dans la connaissance plus fine de l’habitat rivulaire
classique en Wallonie. En effet, même si celui-ci a sans
doute complètement disparu des plus grandes rivières à
cause de la rectification des berges et de la régulation des
débits (Sambre, Meuse, Escaut), il est très probable qu’on
le retrouve dans d’autres rivières de plus petit gabarit, qui
présentent encore comme la Lesse un parcours et une
dynamique hydrologique relativement naturels (Semois,
Ourthe, et Viroin notamment).
33

34

Fig. 3. – Atriplex prostrata

Fig. 4. – Chenopodium polyspermum

Fig. 5. – Leersia oryzoides

Fig. 6. – Bidens tripartita

Fig. 7. – Myosoton aquaticum

Fig. 8. – Impatiens glandulifera

Remerciements
Enfin, l’application des analyses statistiques utilisées dans
ce travail (« clustering » et indices IndVal) sur ces autres
rivières devrait également permettre d’analyser la
composition botanique spécifique de ce type de milieu,
d’avoir une vision plus globale de ses espèces
caractéristiques,
et de
(re)préciser
la
valeur
syntaxonomique de certaines espèces. Le Département
d’Étude du Milieu Naturel et Agricole projette donc de
poursuivre ce travail d’inventaire dès l’été 2021.

Nous souhaitons remercier le Professeur Marc DUFRÊNE
(Université de Liège – Gembloux Agro-Bio Tech) et le Dr
David W. ROBERTS (Department of Ecology, Montana
State University) pour leurs conseils concernant
l’utilisation de l’indice IndVal et du package « labdsv »
dans le logiciel R Studio. Nous remercions également notre
collègue Louis-Marie DELESCAILLE (DEMNA/DGO3/
SPW) pour sa relecture du document et pour ses
suggestions pertinentes.

35

BIBLIOGRAPHIE

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Crédit photographique : J.-M. COUVREUR

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19
18
18
17
17
17
16
16
16
16
16
16
15
14
14
14
13
13
12
12
12
12
11
11
11
11
11
11
10
10
9
9
9
8
8
8
7

0,2

0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

0,2

0,2
0,2
2,5
0,2
0,2
0,2
0,2

0,2
2,5
0,2
2,5
2,5
0,2

0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
2,5
0,2

0,2
0,2

0,2
0,2

0,2
0,2

0,2

0,2
0,2
0,2
0,2

0,2
0,2
0,2
0,2

0,2

0,2

0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

0,2

0,2
0,2
0,2

0,2
0,2
0,2

0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

0,2

0,2
2,5
0,2
2,5
2,5
10
0,2
2,5
0,2
2,5
2,5
0,2
0,2
0,2
2,5
2,5
0,2
0,2
0,2

0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

0,2
0,2
0,2
2,5
0,2
0,2
0,2
2,5
0,2
0,2
0,2
2,5
0,2

0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

2,5

0,2

2,5
0,2

2,5
0,2

0,2
0,2

0,2

0,2
0,2

0,2
0,2
0,2

0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

0,2
0,2
0,2
2,5
2,5
0,2

0,2
0,2
0,2
0,2

2,5
0,2

0,2
0,2
0,2

0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

0,2

0,2
0,2

2,5
0,2
0,2
2,5

0,2

0,2
0,2

2,5
0,2
2,5
0,2
0,2

0,2
0,2
0,2

2,5

0,2
0,2

0,2

0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

0,2
0,2

0,2

0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

0,2
0,2

0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

2,5
0,2
0,2
0,2
0,2

0,2

0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

0,2

2,5
0,2
0,2
2,5
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

2,5
0,2
2,5
0,2
0,2
0,2

0,2
0,2
0,2

0,2

0,2
0,2
0,2
0,2

2,5
2,5
2,5
0,2
2,5
0,2
0,2
0,2
0,2
2,5
10
0,2
0,2
0,2
2,5
0,2
2,5
0,2
2,5

0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
2,5
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

0,2

0,2

0,2

0,2
10
0,2
0,2
2,5

2,5

0,2
0,2
0,2
2,5
0,2
0,2
0,2
0,2
2,5
0,2
0,2

10
0
10
0
10
0
95
95
90
90
85
85
85
80
80
80
80
80
80
75
70
70
70
65
65
60
60
60
60
55
55
55
55
55
55
50
50
45
45
45
40
40
40
35

Moyenne_rec

3270_1a

Agrostis stolonifera L.
Urtica dioica L.
Persicaria hydropiper (L.) Spach
Chenopodium polyspermum L.
Poa annua L.
Sonchus asper (L.) Hill
Bidens tripartita L.
Ranunculus repens L.
Rumex obtusifolius L.
Scrophularia nodosa L.
Rorippa palustris (L.) Besser
Myosotis scorpioides L.
Taraxacum sp.
Atriplex prostrata Boucher ex DC.
Lythrum salicaria L.
Impatiens glandulifera Royle
Plantago major L.
Calystegia sepium (L.) R. Br.
Eupatorium cannabinum L.
Lysimachia vulgaris L.
Symphytum officinale L.
Salix sp.
Solanum dulcamara L.
Leersia oryzoides (L.) Swartz
Senecio vulgaris L.
Equisetum arvense L.
Tanacetum vulgare L.
Scrophularia umbrosa Dum.
Artemisia vulgaris L.
Persicaria lapathifolia (L.) Delarbre
Cardamine flexuosa With.
Echinochloa crus-galli (L.) Beauv.
Barbarea vulgaris R. Br.
Cirsium vulgare (Savi) Ten.
Mentha arvensis L.
Holcus lanatus L.
Tussilago farfara L.
Cardamine impatiens L.

3270_17a

Lycopus europaeus L.

3270_16a

Myosoton aquaticum (L.) Moench

3270_15a

Phalaris arundinacea L.

3270_12a

Taxons/Relévés

Nb
occurences_s
p
Fréquence_sp

Annexe 1. – Relevés des habitats de type ‘gravières’

2,7
2,4
2,1
2,3
1,3
4,1
1,8
0,6
0,5
0,3
0,8
0,6
0,6
0,5
0,5
0,3
0,7
1,7
1,6
0,4
1,4
0,6
0,8
0,6
0,6
0,4
2,1
0,4
0,4
0,4
0,4
0,2
0,9
0,2
0,7
0,5
0,5
1,4
0,2
0,2
0,9

37

Arctium lappa L.
Plantago lanceolata L.
Lapsana communis L.
Dactylis glomerata L.
Galium aparine L.
Glechoma hederacea L.
Gnaphalium uliginosum L.
Rumex crispus L.
Salix caprea L.
Epilobium sp.
Trifolium pratense L.
Chenopodium album L.
Poa pratensis L.
Scutellaria galericulata L.
Galinsoga ciliata (Rafin.) S.F. Blake
Galium mollugo L.
Linaria vulgaris Mill.
Stellaria media (L.) Vill.
Trifolium repens L.
Potentilla anserina L.
Achillea ptarmica L.
Alnus glutinosa (L.) Gaertn.
Carex sp.
Cerastium fontanum Baumg.
Solanum lycopersicum L.
Polygonum aviculare L.
Epilobium tetragonum L.
Stachys palustris L.
Alisma plantago-aquatica L.
Betula pendula Roth
Geranium robertianum L.
Iris pseudacorus L.
Lolium perenne L.
Medicago lupulina L.
Petasites hybridus (L.) Gaertn., B. Mey. & Scherb.
Rubus sp.
Rumex conglomeratus Murray
Verbena officinalis L.
Veronica beccabunga L.
Epilobium ciliatum Rafin.
Angelica sylvestris L.
Bidens cernua L.
Cardamine hirsuta L.
Chelidonium majus L.
Juncus effusus L.
Lotus pedunculatus Cav.
Mimulus guttatus DC.
Ranunculus sceleratus L.
Sonchus arvensis L.
Sonchus oleraceus L.
Epilobium hirsutum L.
Juncus articulatus L.
Salix purpurea L.
Achillea millefolium L.
Agrostis capillaris L.
Capsella bursa-pastoris (L.) Med.

38

2,5

0,2

0,2

0,2

0,2
0,2
0,2

0,2

0,2
0,2

0,2
0,2

0,2
2,5
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
2,5
0,2

0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

0,2
0,2

0,2
0,2
0,2
0,2
2,5

0,2
0,2

0,2

0,2
0,2
0,2
0,2

0,2
0,2
2,5

0,2
0,2
0,2

0,2
0,2
0,2

0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

0,2

0,2
0,2

0,2

0,2
0,2

0,2
0,2
0,2
0,2

0,2
0,2

0,2

0,2
0,2

0,2
0,2

0,2

0,2

0,2
0,2
0,2

0,2
2,5

0,2
0,2

0,2

0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2
0,2

0,2
2,5
0,2

0,2
0,2

0,2
0,2
0,2

0,2

0,2
0,2

0,2

0,2
0,2

0,2
0,2
0,2

0,2

2,5
2,5
0,2
0,2

0,2

0,2
0,2

0,2

0,2
0,2

0,2

0,2

0,2
0,2

0,2

0,2
0,2

0,2

0,2
0,2

0,2
0,2
0,2

0,2
0,2
0,2

0,2
2,5
0,2

0,2

0,2
0,2

0,2

0,2

0,2
0,2

0,2
0,2

0,2
0,2
0,2
0,2

0,2

2,5
0,2

0,2

0,2

0,2
0,2

0,2
0,2
0,2

0,2

0,2

0,2
0,2

0,2

0,2
0,2

0,2
0,2

2,5
2,5

2,5
0,2

0,2

0,2
0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2
0,2
0,2
0,2

0,2

0,2

0,2

0,2
0,2
0,2

0,2

0,2
2,5
0,2
0,2

0,2
0,2

0,2

0,2
0,2

0,2
0,2

0,2

0,2
0,2
0,2

0,2

0,2
0,2

0,2
0,2

0,2

0,2
0,2

2,5
0,2
0,2

0,2

0,2
0,2
0,2

0,2

0,2

0,2
0,2

0,2
0,2

0,2
0,2

0,2
0,2

2,5
0,2

0,2
0,2
0,2

0,2

0,2

0,2
0,2
0,2

0,2

0,2

7
7
7
7
7
7
7
7
7
6
6
6
6
6
6
6
6
6
6
5
5
5
5
5
5
4
4
4
4
4
4
4
4
4
4
4
4
4
4
3
3
3
3
3
3
3
3
3
3
3
2
2
2
2
2
2

35
35
35
35
35
35
35
35
35
30
30
30
30
30
30
30
30
30
30
25
25
25
25
25
25
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
15
15
15
15
15
15
15
15
15
15
15
10
10
10
10
10
10

0,5
0,5
0,5
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,6
0,6
0,6
0,6
0,6
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
1,1
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,8
0,8
0,8
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
1,0
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
1,4
1,4
1,4
0,2
0,2
0,2

Carex hirta L.
Carex remota Jusl. ex L.
Chaenorhinum minus (L.) Lange
Cirsium arvense (L.) Scop.
Crepis capillaris (L.) Wallr.
Dipsacus fullonu L.
Galeopsis tetrahit L.
Humulus lupulus L.
Hypericum perforatum L.
Hypericum quadrangulum L.
Impatiens parviflora DC.
Lamium purpureum L.
Lotus corniculatus L.
Medicago sativa L.
Picris hieracioides L.
Rumex acetosa L.
Sagina apetala Ard.
Sagina procumbens L.
Scirpus sylvaticus L.
Scrophularia auriculata L.
Silene dioica (L.) Clairv.
Stachys sylvatica L.
Vicia cracca L.
Alliaria petiolata (Bieb.) Cavara et Grande
Epilobium parviflorum Schreb.
Mentha ×verticillata L.
Amaranthus sp.
Anagallis arvensis L.
Arenaria serpyllifolia L.
Buddleja davidii Franch.
Cardamine sp.
Carex cuprina (Sandor ex Heuffel) Nendtv.
Carex vesicaria L.
Carpinus betulus L.
Cerastium glomeratum Thuill.
Cruciata laevipes Opiz
Cymbalaria muralis Gaertn., B. Mey. & Sch.
Daucus carota L.
Epilobium montanum L.
Epilobium roseum Schreb.
Erigeron sp.
Festuca gigantea (L.) Vill.
Geranium columbinum L.
Glyceria notata Chevall.
Glyceria sp.
Hypochaeris radicata L.
Juncus bufonius L.
Leucanthemum vulgare Lam.
Lychnis flos-cuculi L.
Malva sylvestris L.
Matricaria discoidea DC.
Mentha aquatica L.
Mentha sp.
Oxalis fontana Bunge
Petunia integrifolia (Hook.) Schinz et Thell.
Phleum pratense L.

0,2

0,2
0,2

0,2

0,2

0,2
0,2

0,2
0,2
0,2

0,2
0,2
0,2

0,2

0,2

0,2
0,2

0,2

0,2
0,2

0,2

0,2

0,2

0,2
0,2
0,2

0,2
0,2
0,2

0,2

0,2

0,2
0,2

0,2

0,2

0,2
0,2
0,2
0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2
0,2

0,2
2,5

2,5
2,5
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
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1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1

10
10
10
10
10
10
10
10
10
10
10
10
10
10
10
10
10
10
10
10
10
10
10
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5

0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
2,5
2,5
2,5
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

39

Polygonum amphibium L.
Prunella vulgaris L.
Robinia pseudoacacia L.
Rorippa sylvestris (L.) Besser
Rumex sp.
Senecio ovatus (Gaertn., B. Mey. et Scherb.) Willd.
Senecio viscosus L.
Setaria verticillata (L.) Beauv.
Setaria viridis (L.) Beauv.
Sonchus sp.
Verbascum sp.
Verbascum thapsus L.
Veronica anagallis-aquatica L.
Vicia sativa L.
Nb espèces/relevés

0,2

1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1

0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
35

19

35

35

25

39

69

61

27

65

38

66

42

43

58

42

40

68

51

45

Recouvrement total par relevé

20,8

3,8

32,3

20,8

5

7,8

92,3

52,5

5,4

24,5

45

43,7

17,6

36,2

85,3

8,4

8

102,8

50,5

53,3

Recouvrement total moyen

35,8

40

3270_39b

3270_40b

3270_42b

3270_43b

3270_5b

3270_8b

20
2,5
10
20
2,5

37,5
10
2,5
10
10
2,5
2,5

20
10
2,5
2,5
10
2,5
0,2
0,2

2,5
2,5
0,2
20
2,5
10
10
0,2
2,5
2,5
0,2
0,2
2,5

20
2,5
2,5
2,5
2,5
10

20
10
0,2
20
2,5
20
10
10
2,5
10
0,2

20
2,5
10

37,5
2,5
2,5
10
20
2,5
2,5
2,5
2,5
2,5
0,2
2,5
2,5
0,2
20
2,5

37,5
0,2
2,5
2,5

0,2
0,2

0,2

2,5
2,5
2,5
2,5
2,5
2,5
2,5
0,2
10

2,5
2,5
2,5
2,5

2,5
0,2
2,5
2,5

2,5
0,2
37,5

0,2

10
2,5
0,2

10
0,2

0,2
2,5
2,5

2,5
2,5
2,5
2,5
2,5
0,2
10
0,2

10
2,5
10
0,2
2,5
2,5
0,2
20
0,2

2,5
2,5
10

20
2,5
10
2,5
2,5
2,5
2,5

2,5

0,2
0,2

0,2
10
0,2

2,5

2,5

2,5
10

0,2

2,5
0,2

20
2,5
10

2,5
2,5
10
2,5
2,5
0,2
2,5
2,5
0,2
20
10
0,2
0,2
10
2,5

Moyenne_rec

3270_38b

62,5
2,5
2,5
2,5
2,5
0,2
0,2
0,2
2,5

Fréquence_sp

3270_36b

62,5
2,5
2,5
2,5
2,5
0,2
2,5
0,2
0,2
2,5
0,2
2,5
2,5
0,2
2,5

Nb_occurences
_sp

3270_32b

Phalaris arundinacea L.
Calystegia sepium (L.) R. Br.
Myosoton aquaticum (L.) Moench
Urtica dioica L.
Impatiens glandulifera Royle
Lycopus europaeus L.
Lythrum salicaria L.
Alnus glutinosa (L.) Gaertn.
Scrophularia nodosa L.
Tanacetum vulgare L.
Artemisia vulgaris L.
Salix sp.
Symphytum officinale L.
Taraxacum sp.
Agrostis stolonifera L.
Stachys palustris L.
Mentha arvensis L.
Rumex obtusifolius L.
Polygonum hydropiper L.
Cirsium arvense (L.) Scop.
Galium mollugo L.
Rubus sp.

3270_2b

Taxons/Relevés

3270_1b

Annexe 2. – Relevés des habitats ‘phalaridaies’

11
11
11
10
10
10
10
10
10
9
9
8
8
8
7
7
7
7
6
6
6
6

100
100
100
91
91
91
91
91
91
82
82
73
73
73
64
64
64
64
55
55
55
55

30,9
4,3
3,4
9,3
7,5
5,3
4,3
3,8
2,3
3,9
1,0
2,2
2,2
0,2
16,1
2,9
2,3
1,5
6,3
5,9
3,8
3,5

5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5

0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

0,5

Bidens tripartita L.
Iris pseudacorus L.
Eupatorium cannabinum L.
Persicaria lapathifolia (L.) Delarbre
Solidago gigantea Ait.
Myosotis scorpioides L.
Equisetum arvense L.
Brachypodium sylvaticum (Huds.) Beauv.
Plantago major L.
Lysimachia vulgaris L.
Linaria vulgaris Mill.
Ranunculus repens L.
Achillea ptarmica L.
Trifolium pratense L.
Cirsium vulgare (Savi) Ten.
Sonchus asper (L.) Hill
Arctium lappa L.
Hypericum perforatum L.
Solanum dulcamara L.
Glechoma hederacea L.
Trifolium repens L.
Scrophularia umbrosa Dum.
Dipsacus fullonum L.
Epilobium hirsutum L.
Potentilla anserina L.
Alliaria petiolata (Bieb.) Cavara et Grande
Dactylis glomerata L.
Filipendula ulmaria (L.) Maxim.
Plantago lanceolata L.
Chenopodium polyspermum L.
Scutellaria galericulata L.
Barbarea vulgaris R. Brown
Cardamine impatiens L.
Petasites hybridus (L.) Gaertn., B. Mey. et Scherb
Rumex conglomeratus Murray
Scirpus sylvaticus L.
Angelica sylvestris L.
Atriplex prostrata Boucher ex DC.
Conyza canadensis (L.) Cronq.
Epilobium sp.
Lapsana communis L.
Melilotus officinalis Lam.
Oxalis fontana Bunge
Valeriana repens Host
Vicia cracca L.
Aster sp.
Chenopodium album L.
Cirsium palustre (L.) Scop.
Festuca gigantea (L.) Vill.
Galeopsis tetrahit L.
Juncus effusus L.
Mentha aquatica L.
Polygonum aviculare L.
Potentilla reptans L.
Salix caprea L.
Senecio vulgaris L.

0,2
0,2
0,2
2,5
2,5
0,2

0,2

0,2
2,5

2,5

2,5
2,5
2,5
2,5

0,2
10
2,5
2,5
0,2

0,2
0,2

0,2

0,2

0,2
10
0,2
2,5
2,5
0,2
10

0,2
2,5
0,2
0,2
0,2

0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

2,5
0,2

2,5
10
2,5
0,2
2,5
0,2
2,5

2,5
10

2,5
2,5

0,2
2,5

0,2

0,2

2,5

0,2
0,2
0,2

0,2

0,2

2,5

0,2
0,2
0,2
10

0,2

2,5

2,5
0,2

0,2
0,2

0,2

2,5
2,5
2,5

0,2
0,2
0,2

0,2
2,5

2,5

0,2
2,5
2,5
2,5
2,5

2,5

0,2

0,2

2,5
2,5
2,5
0,2

0,2

10

0,2

2,5
0,2

2,5

0,2
0,2

2,5
0,2

0,2
0,2

0,2

2,5
0,2

2,5
0,2

0,2

2,5

0,2
0,2
0,2

2,5
2,5

0,2
2,5

0,2
2,5
2,5

0,2
0,2

2,5

0,2
0,2

0,2
0,2

0,2
0,2

0,2
0,2

0,2
0,2
0,2

0,2
0,2
0,2

0,2
0,2

0,2
0,2

0,2
2,5

2,5
2,5
2,5
2,5
2,5
2,5
2,5
2,5
2,5
2,5

6
6
5
5
5
5
5
5
5
4
4
4
4
4
4
4
4
4
4
3
3
3
3
3
3
3
3
3
3
3
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1

55
55
45
45
45
45
45
45
45
36
36
36
36
36
36
36
36
36
36
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
18
18
18
18
18
18
18
18
18
18
18
18
18
18
18
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9

1,0
0,6
3,5
3,1
3,1
1,6
1,1
0,7
0,7
5,7
1,9
1,9
1,4
1,4
0,8
0,8
0,2
0,2
0,2
4,2
3,5
2,5
1,7
1,7
1,7
1,0
1,0
1,0
1,0
0,2
2,5
1,4
1,4
1,4
1,4
1,4
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
2,5
2,5
2,5
2,5
2,5
2,5
2,5
2,5
2,5
2,5
2,5

41

Tussilago farfara L.
Acer pseudoplatanus L.
Aethusa cynapium L.
Agrostis capillaris L.
Carex hirta L.
Dipsacus pilosus L.
Elymus repens (L.) Gould
Epilobium ciliatum Rafin.
Epilobium tetragonum L.
Fallopia japonica (Houtt.) Ronse Decraene
Galinsoga ciliata (Rafin.) S.F. Blake
Geum urbanum L.
Gnaphalium uliginosum L.
Helianthus tuberosus L.
Heracleum sphondylium L.
Holcus lanatus L.
Juncus articulatus L.
Juncus conglomeratus L.
Lactuca serriola L.
Lotus corniculatus L.
Lotus pedunculatus Cav.
Medicago sativa L.
Melilotus albus Med.
Mentha sp.
Oenothera sp.
Robinia pseudoacacia L.
Rorippa palustris (L.) Besser
Rumex crispus L.
Senecio inaequidens DC.
Setaria pumila (Poir.) Roem. et Schult.
Silene dioica (L.) Clairv.
Sonchus arvensis L.
Sonchus oleraceus L.
Stellaria media (L.) Vill.
Ulmus sp.
Verbascum sp.
Nb espèces/relevés

2,5
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
39

20

36

30

24

46

47

29

41

28

44

Recouvrement total par relevé

116,1

96,2

120,5

107,8

106,8

129,2

118,1

164,5

131,3

141,2

127,5

Recouvrement total moyen

123,6

42

1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1

9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9
9

2,5
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2
0,2

Natura Mosana, nouvelle série, n° 73 (2020) : 43-47

Hyoscyamus niger L., la Jusquiame,
entre sabbat et médecine
Philippe MARTIN* et André SMOOS**

RÉSUMÉ
La Jusquiame, Hyoscyamus niger, n’a jamais été très fréquente dans nos contrées, mais elle est aujourd’hui en voie de disparition. Son
observation dans un champ de betteraves dans le district mosan est l’occasion de rappeler l’historique et les caractéristiques de cette
plante particulière.
ABSTRACT
The Upiame, Hyoscyamus niger, has never been very common in our countries, but it is now endangered. Its observation in a beet field
in the Mosan district is an opportunity to recall the history and characteristics of this particular plant.
__________________________
* Collections botaniques - Université de Namur, rue Grangagnage 19, B-5000 Namur. Courriel : philippe.martin@unamur.be
** rue de la Chapelle Lessire 63, B-5020 Malonne. Courriel : andre.smoos@skynet.be
__________________________________
__________________________________________

INTRODUCTION
SOL ESO
LS

.

C’est à l’occasion d’une prospection floristique que l’un de
nous (A.S.) a découvert, en septembre 2019, quelques pieds
d’Hyoscyamus niger, la Jusquiame noire, à La Bruyère
(province de Namur, Belgique), en bordure d’un champ de
betteraves (Fig. 1). Les coordonnées du site sont 50° 30’
35.0’’N 4°47’47.7’’E. Un exemplaire a été déposé à
l’herbier de l’Université de Namur (NAM). La rareté de
cette espèce, probablement en voie de disparition, justifie
cette note qui explore ses propriétés particulières.
Fig. 1 – Bord du champ à La Bruyère.

La Jusquiame compte parmi les premières plantes signalées
à l’époque historique, que ce soient les Assyriens, les
Perses, les Égyptiens et bien sûr les Grecs et les Romains,
avec les Galien, Hippocrate et Dioscoride, qui
mentionneront ses propriétés avec le regard de l’époque. Le
Moyen Âge ne sera pas en reste, et SHAKESPEARE
l’évoquera dans sa pièce de théâtre Hamlet1.

1

C’est le suc de jusquiame, instillé dans l’oreille du roi du
Danemark, qui le fera périr. Le Spectre révèle à Hamlet la cause
de la mort de son père : …Ton oncle se glissa près de moi avec
une fiole pleine du jus maudit de la jusquiame, et me versa dans

DESCRIPTION
La Jusquiame appartient à la famille des Solanacées. On
décrit 15 espèces, eurasiatiques, mais seul Hyoscyamus
niger est présent en Europe occidentale. En région
méditerranéenne, on observe également H. alba.

le creux de l'oreille la liqueur lépreuse. Son effet est fatal…
Hamlet, acte 1, scène 5 (https://www.hamletultimetraduction.fr/).
Même si dans le texte original, le terme hebenon ne puisse pas être
traduit de façon formelle par jusquiame.

43

L’étymologie est, comme souvent, quelque peu obscure. Le
nom générique Hyoscyamus correspondrait au nom de la
plante en grec ancien, formé à partir des termes hyos
(génitif de hys), le porc, et kyamos, la fève, littéralement
‘fève de porc’, mais le lien avec cet animal semble ténu,
sinon par le rappel de l’empoisonnement des compagnons
d’Ulysse par la magicienne Circé, qui les changea en
pourceaux avec un philtre contenant de la jusquiame.
Certains commentaires étymologiques relient l’épithète
niger à la légende qui veut que la peau devienne noire au
contact de la plante (COOMBS, 1995), mais il est plus
crédible que LINNÉ ait été inspiré par la couleur noir violacé
du fond du tube de la corolle, et des veines qui en diffusent.
Le terme français dérive directement Jusquiamus,
transcription du grec en bas latin.

couleur que le tube. Le fruit est une pyxide, une capsule qui
s’ouvre comme un couvercle de marmite, libérant jusqu’à
500 graines (Fig. 3). L’odeur de la Jusquiame est
désagréable, nauséabonde, par la présence de
tétraméthylputrescine, au nom bien évocateur.

Fig. 3 – Calice et pyxide.
Fig. 3 – Calice et pyxide.

CHOROLOGIE ET ÉCOLOGIE

Fig. 2 – Sommité fleurie d’Hyoscyamus niger.

C’est une plante herbacée annuelle ou bisannuelle, haute de
quelques décimètres, à tige épaisse. Elle est hérissée de
poils glanduleux qui la rendent visqueuse. Ses feuilles,
grossièrement dentées, sont brièvement pétiolées à la base
de la plante et sessiles vers son sommet, se transformant
progressivement en bractées florales au niveau de
l’inflorescence. Celle-ci forme une cyme unipare hélicoïde
unilatérale. Le calice est campanulé et accrescent. La
corolle est gamopétale et pentamère, et présente une
symétrie légèrement bilatérale. Elle est particulièrement
reconnaissable (Fig. 2) : son tube est pourpre foncé,
presque noir, et les lobes sont jaune pâle marbré de la même
44

La Jusquiame est considérée comme un archéophyte en
Europe occidentale, à partir d’une introduction asiatique
probablement très ancienne. Il semble bien que la plante
soit fugace, malgré une production de graines importante,
mais dont la levée de dormance semble difficile. C’est une
espèce nitrophile calcicline, rudérale mais avec un
caractère thermophile, ce qui limite probablement sa
présence vers le nord.
La plante est déjà signalée dans les Pays-Bas par DODOENS
(16ème s.), mais elle n’a jamais été fréquente. BELLYNCK
(1855) signale la plante aux Grands-Malades à Namur. De
même, DE VOS (1885) la mentionne dans le Condroz, où il
l’indique assez rare, et rare ailleurs. Le Prodrome de la
Flore Belge (DE WILDEMAN & DURAND, 1899) la renseigne
comme assez rare à rare dans l’ensemble des régions, citant
une quarantaine de localités à l’époque.
Dans la première moitié du 20ème s., trois localités sont
documentées, dans les environs de Samrée, dans le village
de Breuvanne et à Meix-devant-Virton (D’ANSEMBOURG et
al., 1967). Mais il est évident que les avancées de la
cartographie floristique de l’époque étaient très lacunaires.

Natura Mosana, nouvelle série, n° 73 (2020) : 23-28
Après 1980, les données sont légèrement supérieures, avec
des indications aux environs d’Anvers, de Gand et la BasseMeuse pour le nord du pays (VAN LANDUYT et al., 2006),
et aux environs de Braine-l’Alleud, Court-Saint-Étienne,
Liège pour la partie francophone (SAINTENOY-SIMON,
2001, comm. pers.). La répartition de la Jusquiame noire est
donc manifestement très discrète en Belgique (Fig. 4 et Fig.
5).

Le Moyen Âge n’est évidemment pas en reste, et la plante
a été utilisée soit en thérapeutique, soit comme poison ou
hallucinogène, notamment par les sorcières, et on a souvent
attribué la fantasmagorie du sabbat aux onguents dont elles
enduisaient le manche du balai qu’elles enfourchaient…
avec la sensation de lévitation. Toutefois, les témoignages,
notamment dans les procès en sorcellerie, sont peu
nombreux pour conforter cette théorie.

Aujourd’hui, l’espèce est rare sinon en voie de disparition,
et elle est toujours observée, comme jadis, dans des
biotopes fortement anthropisés comme des remblais, des
décombres ou des cultures sarclées, ce qui lui donne
certainement actuellement un caractère adventice.

Par la suite, la Jusquiame n’a rien perdu de sa réputation
médicinale, étant utilisée sous forme de poudre (feuilles ou
graines), notamment en médecine populaire pour soulager
les douleurs dentaires (d’où un de ses nombreux noms
vernaculaires d’herbe de sainte Apolline, figure tutélaire
des professionnels de l’art dentaire), et plus largement
comme antispasmodique et analgésique. Et elle sera utilisée
aussi comme poison2, seule ou en mélange…

Fig. 4 – Répartition de la Jusquiame noire dans le nord de la
Belgique. Les données sont désignées par des points.
(source : VAN LANDUYT et al., 2006)

La cueillette ne comblera pas la demande croissante de la
médecine de la fin 19e s. au début du 20e : la plante sera
cultivée notamment en Belgique, qui en produisait 10
tonnes par an selon FOURNIER (1947). Ainsi dans la région
de Lessines, la culture de plantes médicinales (la
production de jusquiame arrivait en quatrième position) a
connu une certaine importance (jusqu’à 250 ha) à partir de
la moitié du 19ème s. jusqu’à sa disparition dans les années
1950 (https : //www.flobecq.be/acteurs-et-lieux-culturels/
656/ la-maison-des-plantes-medicinales). Aujourd’hui, il
n’y a plus de traces de cette culture de Jusquiame, et la
production d’alcaloïdes qui la caractérisent s’effectue à
partir de plantes comme Duboisia div. sp., Solanacées
australiennes, beaucoup plus productives.

TOXICITÉ ET UTILISATION MÉDICALE

Fig. 5 – Répartition de la Jusquiame noire dans le sud du pays.
(source : http://biodiversite.wallonie.be/fr/atlas-en-ligne)

HISTORIQUE
La plante était déjà connue des Égyptiens, comme en
témoigne le papyrus Ebers, sur lequel elle figure avec la
Mandragore et le Pavot somnifère, mais aussi des
Assyriens, qui l’utilisaient déjà comme plante médicinale.

Les Solanacées sont bien connues pour leurs alcaloïdes
physiologiquement très actifs, les solanidanes, alcaloïdes
de type stéroïdique (chez la Pomme de terre ou la Morelle
noire) et surtout les alcaloïdes tropaniques, présents chez la
Belladone (Atropa belladonna), les Stramoines (Datura
div. sp., incl. Brugmansia div. sp.) et la Jusquiame, qui
produisent toutes les trois les mêmes alcaloïdes. La
Jusquiame est plus pauvre en alcaloïdes totaux (max. 0,15
%, en poids sec, soit cinq fois moins que la Belladone), sauf
dans les graines où la concentration est doublée.

On dit que les oracles de la Pythie de Delphes auraient été
influencés par des fumigations de plantes hallucinogènes.
Les Romains pensaient que la plante rendait fou, à l’instar
de l’appellation allemande de la Belladone (Tollkirsche).

La toxicité de la Jusquiame apparaît donc moins importante
que celle de la Belladone3, et il faut préciser que la plante
présente aussi une dangerosité moindre en l’absence
d’élément d’appel, comme les baies douceâtres et bien
attractives de la Belladone, mais aussi en raison de sa
rareté. La confusion avec des plantes potagères étant peu
probable, c’est principalement de mauvais usages
thérapeutiques, essentiellement anciens, lorsque la plante

2

3

Un empoisonnement assez spectaculaire a été relaté en 1881, lors
de la mission Flatters, où les Touaregs ont empoisonné des dattes
offertes aux militaires avec la Jusquiame d’Égypte, H. muticus L.,
espèce d’Afrique du Nord et de la péninsule arabique, aux teneurs
en alcaloïdes plus importantes.

L’étymologie est particulièrement évocatrice de la toxicité de la
plante, puisque le nom de genre de la Belladone vient d’Atropos,
une des trois Parques, les déesses grecques de la mort, et qui plus
est, était celle qui coupait le fil de la vie.

45

était utilisée en lavement ou en suppositoires, qui étaient à
l’origine d’accidents.
On décrit trois alcaloïdes principaux chez ces Solanacées :
l’hyoscyamine qui est prépondérante, l’atropine et scopolamine. Ils sont de type tropanique, c’est-à-dire munis d’un
cycle à 7 carbones ponté avec un atome d’azote (Fig. 6).

hyperthermie (par blocage de la transpiration), suivis de
délire et d’hallucinations. La mort survient par arrêt
cardiaque.
Bien que la plante soit toujours inscrite à la 3ème édition de
la Pharmacopée européenne, l’usage de la Jusquiame est
tombé en désuétude.

UN PRÉDATEUR PARTICULIER,
LE DORYPHORE
Les pieds de Jusquiame observés à La Bruyère étaient
attaqués par des doryphores suffisamment voraces pour ne
laisser que les nervures principales de nombreuses feuilles
caulinaires (Fig. 7).

Fig. 6 – Formule de l’hyoscyamine (R et R2 = H), l’atropine
présentant la même formule mais avec une disposition 3D
différente. Chez la scopolamine les deux hydrogènes (R1 et
R2) sont remplacés par une fontion éther-oxyde (-O-).

L’activité physiologique de l’hyoscyamine et de l’atropine
est identique4. Elle est de type parasympatholytique, en
inhibant la transmission acétylcholinergique5
Pour la scopolamine, si l’action parasympatholytique est
identique aux deux autres alcaloïdes, on décrit une autre
action particulière sur le système nerveux central : elle est
sédative, amnésiante et hallucinogène. Cette dernière
propriété est à rapprocher des délires décrits lors de
l’empoisonnement à la Jusquiame : sensation de lévitation
et troubles de la perception de déplacement6, de même que
l’illusion de se transformer en animal.
On observe une sécheresse de la bouche à partir de 0,5 mg
d’atropine, une mydriase (dilatation de la pupille) et la
tachycardie à partir de 1 mg. La dose létale serait proche de
10 mg, mais il existe une susceptibilité assez variable selon
les individus (BRUNETTON, 2005). L’intoxication définit
des symptômes classiques : tachycardie sévère, mydriase et
4

En fait, les deux molécules sont des stéréoisomères, l’atropine
ayant la même formule brute que celle de l’hyoscyamine mais une
disposition des atomes dans l’espace différente. Il semble
d’ailleurs que l’extraction elle-même de ces alcaloïdes soit à
l’origine de la racémisation de l’hyoscyamine en atropine.
5

Les systèmes sympathique et parasympathique forment le
système nerveux autonome (ou végétatif) qui régule les fonctions
spontanées et involontaires des organes. Le système sympathique,
lié à l’adrénaline et à la noradrénaline, contrôle les mécanismes
du stress pour adapter le corps soumis à une situation
réactionnelle. Le système parasympathique, lié à l’acétylcholine,
modère le précédent, par sa fonction relaxante. Les
parasympatholytiques, tels que les alcaloïdes tropaniques qui sont
anticholinergiques, inhibent les fonctions propres au système
parasympathique (comme la salivation, la transpiration ou le
46

Fig. 7 – Doryphores attaquant un plant de Jusquiame.

péristaltisme intestinal) mais exacerbent aussi passivement les
fonctions du système sympathique, p. ex. le rythme cardiaque, qui
n’est plus équilibré par la correction parasympathique. Par
ailleurs, l’acétylcholine, comme tous les neurotransmetteurs, doit
être neutralisée pour que son effet neuronal soit limité dans le
temps, grâce à une enzyme, l’acetylcholinestérase. Les inhibiteurs
de cette enzyme, comme les insecticides organochlorés ou
certains gaz de combat (sarin), empêchent cette neutralisation qui
peut conduire à la mort par paralysie de la fonction respiratoire.
L’antidote en est l’atropine, par son action anticholinergique.
6

Il est remarquable de constater que, plusieurs siècles plus tard,
la pharmacopée moderne utilisera la scopolamine dans la
prévention du mal des transports, à l’aide de patches appliqués à
même la peau.

Natura Mosana, nouvelle série, n° 73 (2020) : 23-28
Dans l’imaginaire collectif, le Doryphore (Leptinotarsa
decemlineata : Chrysomelidae) est associé aux cultures de
pommes de terre qu’il a ravagées à partir de 1922, date de
son installation stabilisée à Bordeaux, probablement
importé avec un stock de pommes de terre nord-américain.
En Belgique, le Doryphore a été signalé à partir de 1935.
(https://fr.wikipedia.org/wiki/Doryphore ).
L’insecte est originaire du Mexique où il vivait initialement
aux dépens de Solanacées sauvages dans certains
écosystèmes forestiers. Il a envahi les États-Unis à la fin du
19e s. lorsqu’a démarré la culture de la pomme de terre à
l’est des Montagnes Rocheuses. Il y avait déjà été introduit
involontairement à la moitié du siècle tout en restant
cantonné aux Solanacées sauvages. Aujourd’hui, bien que
sensible au froid, il est devenu cosmopolite dans la quasi-

totalité de l’hémisphère nord tempéré, partout où la pomme
de terre est cultivée. En raison de son potentiel dévastateur
pour cette culture, il est considéré actuellement comme un
nuisible de première importance.
Le tropisme des doryphores pour les Solanacées, et pas
uniquement les pommes de terre, est lié à la production de
métabolites secondaires de type terpénoïdes spécifiques de
cette famille végétale. Toutefois, certaines Solanacées
comme les Datura, produisent des alcaloïdes toxiques pour
ces insectes par réaction traumatique.
Seule consolation, la rareté de la Jusquiame n’en fait pas
une candidate pour un réservoir de nature à favoriser
l’extension des doryphores.

BIBLIOGRAPHIE

BELLYNCK A., 1855. – Flore de Namur. Douxfils. Namur.
352 p.
BRUNETTON J., 2005. – Plantes toxiques. Végétaux
dangereux pour l’Homme et les animaux. 3ème édition.
Lavoisier. 618 p.
COOMBS A.J., 1995. – Dictionnary of Plants Names.
Timber Press. Portland. 195 p.
D’ANSEMBOURG V., DE ZUTTERE Ph., LOUETTE A.,
MATAGNE G. & PARENT G.H., 1967. – Quelques plantes
vasculaires intéressantes de l’Ardenne méridionale et du
district jurassique. Lejeunia N.S. 44 : 1-47.
DE VOS A., 1885. – Flore complète de la Belgique.
Manceaux. Mons. 739 p.

DE WILDEMAN ֤É & DURAND Th., 1899. – Prodrome de la
Flore belge. Tome III. Phanérogames par Th. Durand.
Alfred Castaigne, éditeur. Bruxelles. 112 p.
FOURNIER P.V., 1947. – Le livre des plantes médicinales et
vénéneuses de France. Lechevalier. Paris. [réimpression
anastaltique en 2010, éditions Omnibus]. 1047 p.
VAN LANDUYT W. et al., 2006. Atlas van de Flora van
Vlanderen en het Brussels Gewest. Instituut voor natuuren bosonderzoek, Nationale Plantentuin van België &
Flo.wer. 1007 p.
[Crédit photographique : Ph. MARTIN]

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COMMUNIQUÉ

Les Collections botaniques de l’Université de Namur possèdent un ensemble important de modèles de plantes
Brendel, véritables joyaux de précision botanique. Fabriqués entre 1866 et la première moitié du 20è siècle, ces
modèles ont accompagné l’enseignement de la botanique pendant des générations. Aujourd’hui, ce patrimoine
révèle un lien exceptionnel entre la science et l’art, comme le prouve un large regain d’intérêt des amateurs d’art.
L’Université de Namur possède une des plus belles collection Brendel d’Europe, avec près de 220 modèles sur les
quelque 250 fabriqués. Ces modèles ont fait l’objet d’une restauration et sont photographiés en vue d’éditer un
catalogue. Certains modèles sont proposés sporadiquement chez les antiquaires ou les salles de vente, mais les prix
atteignent des sommets. Dans ces conditions, l’acquisition de pièces manquantes demande des moyens
considérables. Et le mécénat est une des pistes potentielles…

N° 55 : Aesculus hippocastanum, le Marronnier

N° 56 : Colchicum autumnale, le Colchique

Si vous souhaitez aider les Collections botaniques à compléter son patrimoine Brendel, vous pouvez faire un don
en prenant contact avec le responsable à l’adresse suivante : philippe.martin@unamur.be. Tout don supérieur ou
égal à 40 euros est fiscalement déductible à hauteur de 60 %. Chaque donateur sera invité personnellement à visiter
la collection Brendel, non accessible au public.

NATURA MOSANA
reflète l’activité des naturalistes en Wallonie et est éditée depuis 1947 au nom de
la Société royale des Naturalistes de Charleroi
la Société Botanique de Liège
le Cercle des Entomologistes Liégeois
la Société des Naturalistes de Namur-Luxembourg
Les thèmes de la revue couvrent tous les aspects de la botanique, la zoologie, la mycologie et l’ethnobotanique
régionales, de même que les sciences de la Terre, et rendent compte de la prospection et de l’inventaire biologique de
la région, de même que de la conservation de la nature.

___________________________________________________________________________________
COMITÉ DE LECTURE
Pascale DEBRAS, mycologue
Wépion

Éric GRAITSON, herpétologue,
aCREA, Université de Liège

Michel DETHIER, entomologiste
Gembloux Agro-Bio Tech, Université de Liège

Michel LANNOY, botaniste
Mettet

Pierre GHYSEL, géologue
Namur

Jean MARGOT, botaniste
Chef de travaux honoraire à l’Université de Namur

Régine FABRI, botaniste
Bibliothèque du Jardin botanique de Meise

Annie REMACLE, botaniste, herpétologue et entomologiste
Châtillon

SECRÉTAIRE DE RÉDACTION et ÉDITEUR RESPONSABLE
Philippe MARTIN, botaniste
Bibliothèque Moretus Plantin, Université de Namur
rue Grandgagnage, 19
B-5000 Namur, Belgique
philippe.martin@unamur.be

En trame de couverture : Aristolochia clematitis, espèce d’une grande importance patrimoniale, présente dans un des hauts
lieux de la botanique mosane, les Grands-Malades (Beez, prov. de Namur, Belgique), où sa présence actuelle est bien précaire.
En médaillon : Hyoscyamus niger, la Jusquiame (La Bruyère, prov. de Namur, Belgique, 09/2019) (photo Philippe MARTIN).

NATURA MOSANA
La revue est distribuée aux membres des sociétés adhérentes, en règle de cotisation
L’abonnement annuel pour les non-membres est de 25 €
L’ensemble des volumes, de 1948 à 2018, est accessible sur la plateforme NEPTUN
de la Bibliothèque universitaire Moretus Plantin

NATURA MOSANA
est publiée avec le soutien de

NATURA MOSANA

nouvelle série, 72, 2019

SOMMAIRE
Jean Louis DE SLOOVER
François POURFOUR DU PETIT (1664-1741),
un botaniste ‘namurois’ méconnu
p. 1
Guy BOUXIN
Le ruisseau de Falmagne (Prov. de Namur, Belgique)
Un triste exemple des malheurs de nos cours d’eau
p. 7
André SMOOS
L’étang du Fraity (Roly, Prov. de Namur, Belgique) : excursion de la
Société des Naturalistes de Namur-Luxembourg en septembre 2020
p. 21
Jean-Marc COUVREUR
Contribution à la connaissance de l’Habitat d’Intérêt Communautaire
« Les végétations pionnières des bancs d’alluvions » (code EUR_28 « 3270 ») en Wallonie.
Le cas de la Lesse : description de l’habitat et mise en évidence des espèces indicatrices.
p. 27
Philippe MARTIN et André SMOOS
Hyoscyamus niger L., la Jusquiame,
entre sabbat et médecine
p. 43