Flora Sinensis, fructus floresque humillime porrigens, [...] in publicum a R. P. Michaele Boym, [...]
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La Flora Sinensis a été rédigée par Michael Boym (1612-1659), l'un des premiers missionnaires de la Compagnie de Jésus en Chine. Ce jésuite polonais, issu d'une famille de riches marchands et de médecins, entre dans la Compagnie en 1631. Envoyé en Chine à sa demande, il quitte l'Europe en 1642 et séjourne à la Cour du dernier empereur Ming. L'impératrice et son fils, convertis au christianisme, le chargent d'ambassade auprès du Souverain Pontife et du Père Général de la Compagnie (1650). Arrivé à Venise en 1652, il repart en 1656 pour la Chine où il meurt trois ans plus tard.
Par ses écrits, Michael Boym fait découvrir divers aspects de la Chine à l'Europe, notamment la médecine, par la traduction de plusieurs traités médicaux chinois. Longtemps méconnue et sous-estimée, son oeuvre est aujourd'hui reconnue comme la première grande contribution au développement de la sinologie en Europe. Ses écrits furent mis en valeur mais aussi "pillés" par Athanase Kircher († 1680), notamment dans sa China illustrata (Amsterdam, Johannes Jansson van Waesberge et Elizeus Weyerstraten, 1667; Bibliothèque du Centre de Documentation et de Recherches religieuses à Namur, Rés.1A.9).
Avant de regagner une dernière fois la Chine, Michael Boym publie chez Matthaeus Rictius (alias Matthäus Rickhes) à Vienne, en 1656, la Flora Sinensis, un livre illustré consacré aux plantes chinoises – surtout aux fruits – et à quelques animaux. Pour la première fois dans l'histoire de la botanique, le mot "flora" est utilisé pour désigner tout ce qui concerne le monde végétal. Les plantes y sont étudiées pour leur rapport avec la médecine et, parmi celles-ci, plusieurs sont indissociables de la pharmacopée traditionnelle, comme le thé, la rhubarbe et le ginseng.
Cet ouvrage – l'un des premiers consacrés à l'histoire naturelle de la Chine – est très rare, à tel point qu'en 1730, l'éminent sinologue Siegfrid Bayer († 1738) le croyait encore à l'état de manuscrit (note d'Abel Rémusat dans B. Szczesniak, The writings of Michael Boym, dans Monumenta Serica. Journal of oriental studies, t. 14, 1944-1955, p. 492, note 41). Intitulée Flora Sinensis, ou traité des fleurs, des fruits, des plantes et des animaux particuliers à la Chine, la traduction française est rapidement publiée par Melchisédech Thévenot († 1692) qui l'insère à la fin de la seconde partie de ses célèbres Relations de divers voyages curieux, parues à Paris en 1664. Ce texte, sans illustration, comporte 15 pages numérotées de 15 à 30.
Le contenu de l'ouvrage de Boym est ainsi exposé dans l'introduction: "[...] je présente icy à mon Lecteur les plus curieux fruits des Indes Orientales et de la Chine; mais je luy dois faire remarquer que la pluspart des arbres et des plantes de nostre Europe, ne peuvent profiter dans les Indes, et dégenerent tousjours lors que l'on les y transplante [...]. Mais la terre de la Chine a cet avantage que non seulement elle a des arbres qui luy sont particuliers, mais qu'elle produit aussi ceux des Indes, et avec cela beaucoup de ceux de l'Europe" (Bibliothèque du Centre de Documentation et de Recherches religieuses à Namur, Rés.1E.7, p. 15).
La Flora Sinensis est consacrée presque exclusivement aux fruits de la Chine qui sont décrits et représentés: "J'ay crû devoir inserer icy principalement les figures des plantes, qui sont particulieres aux Indes et à la Chine, et qui ne sont point décrites dans la pluspart des herbiers, et je l'expose icy à mon Lecteur, auquel je souhaitte fort qu'elles puissent plaire" (p. 16).
Michael Boym témoigne par ailleurs de son étonnement devant la façon dont certains arbres portent leurs fruits sur le tronc et même sur les racines. Les "manières de multiplier les fruits"retiennent aussi son attention:"[...] pour le Papaya, ils en plantent les feuilles, qui en peu de temps deviennent de grands arbres" (p. 16). Il décrit ainsi la papaye en ces termes: "FANYAYCU, ou le PAPAYA. Les fruits et l'arbre que les Indiens appellent Papaya, est appellé Fan yay çu dans la Chine, il y en a une grande abondance dans l'Isle d'Haynam habitée par les Chinois et dans celle de Iunnam, Quam-sy, et dans les Provinces de Canton et de Focien qui sont vers le Midy: cet arbre porte beaucoup de fruits attachez à son tronc, qui est fort poreux, il n 'y a point de ces fruits qui ne soient plus grands qu'un grand melon, la chair en est rousse, d'un goût très-agréable, si molle au reste, que l'on en peut prendre avec une cuillier [...]; il se multiplie de la semance de son fruit lors qu'il tombe, et des rejettons qu'il pousse à ses racines: l'on voit souvent sur le mesme arbre des fleurs ouvertes semblables à nos Lis, des boutons, des fruits encore tous verds, et d'autres qui sont jaunes et tout à fait meurs: il a cela de particulier qu'il ne pousse point de branches, mais seulement des feuilles qui naissent au haut de la tige, au mesme endroit d'où elle pousse ses fleurs blanches et ses fruits: elle meurit en tout temps, l'on en peut avoir des fruits meurs tous les mois de l'année" (p. 19).
Sur les 17 planches de végétaux, 14 illustrent des fruits dont certains – la papaye, le litchi, l'ananas, la mangue, la goyave – font déjà l'objet d'une description botanique détaillée. Chaque planche représente l'arbre accompagné de son fruit et le plus souvent d'une coupe de celui-ci. Les noms y sont mentionnés en latin et en chinois. Viennent ensuite les "aromaticae arbores" avec une représentation du poivre, de la cannelle, du gingembre et de la rhubarbe. Celle-ci, inconnue encore en Europe, est illustrée pour la première fois par Boym qui décrit l'utilisation par les Chinois de sa racine séchée. Cinq gravures d'animaux – dont celles d'un hippopotame, d'une tortue et d'un léopard – ainsi que la représentation d’une stèle en pierre portant une croix ("Gloria Regni Sinensis Crux in Provincia Xensi Anno 1625 inventa") complètent cette publication. La Flora Sinensis comprend au total 23 gravures en pleine page exécutées en taille-douce et ici coloriées à la main de teintes vives et fraîches. Si le dessin paraît parfois naïf, la représentation des fruits est cependant fidèle et certainement originale.
La Flora Sinensis est conservée dans plusieurs bibliothèques mais quelques-unes seulement en possèdent aujourd'hui un exemplaire colorié. Quelques exemples : l’Osterreichische Nationalbibliothek à Vienne, l’Arnold Arboretum de l’Harvard University à Boston, la bibliothèque de l’Institut de France à Paris ou encore la Bibliothèque Interuniversitaire de Montpellier (BU Pharmacie).
La copie de la Bibliothèque Universitaire Moretus Plantin a été acquise en 1860 par le R. P. Auguste Bellynck (1814-1877), jésuite belge, botaniste de renommée internationale et professeur au Collège Notre-Dame de la Paix de Namur. En face de la page de titre, le Père Bellynck a écrit : "Liber rarissimus, ex bibliotheca Wallrothii, anno 1860 acquisivit A.B. Soc.Jesu, pro semin.Prov.Belg.-Namurc." La vente de la bibliothèque du médecin botaniste allemand Carl Friedrich Wallroth (1792-1857) n’eut lieu qu’en 1860.
Anne-Marie Bogaert-Damin
Conservateur honoraire - Bibliothèque Universitaire Moretus Plantin (Université de Namur)
Décembre 2016
Céline Van Hoorebeeck
Conservatrice - Bibliothèque Universitaire Moretus Plantin (Université de Namur)
Mars 2013
Pour en savoir plus
- Livres de fruits du XVIe au XXe siècle dans les collections de la Bibliothèque Universitaire Moretus Plantin, cat. exp. A.-M. Bogaert-Damin et J. Piron, Namur, 1992, p. 76, n° 19, p. 77-83 et p. 251.
- L. Carrington Goodrich et B. Szczesniak, Boym, Michael Piotr, dans Dictionary of Ming Biography, 1368-1644, t. I, New York, 1976, p. 20-22.
- E. Józefowicz, Boym universities consortium, http://www.boym.org/consort/patron (consulté le 15/03/2013).
- Seventeenth-century Polish Jesuits in China: Michal Boym S.J. (1612–1659), Jan Mikolaj Smogulecki S.J. (1610–1656) and Andrzej Rudomina S.J. (1596–1633), a report by Barbara Hoster and Dirk Kuhlmann on a conference held in Kraków, Poland, 26-30 September 2009, dans China heritage quarterly, n°20, december 2009, China Heritage Project, The Australian National University
http://www.chinaheritagequarterly.org/scholarship.php?searchterm=020_magnum_cathay.inc&issue=020 (consulté le 15/03/2013).
- H. Walravens, Michael Boym und die Flora Sinensis, dans Flora sinensis, Wien, 1656, Erlangen, Harald Fischer, 2002 (CDRom) et www.haraldfischerverlag.de/hfv/Digital/walravens.pdf (consulté le 30 août 2012).
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