Quand cet ouvrage a été imprimé à Anvers en 1553, Christophe Plantin vivait depuis quelques années dans la métropole scaldienne. Il exerçait alors le métier de relieur et d’artisan du cuir et s’y était acquis une réputation d’excellence : on lui confia notamment la reliure de luxueux ouvrages destinés à la reine d’Angleterre Marie Tudor, à Charles Quint et à son fils le prince Philippe. Bien que présentant une décoration beaucoup plus modeste, le livre exposé est peut-être un témoin de cette période de la vie de Plantin : en 1964, un spécialiste a en effet proposé d’attribuer la réalisation de sa reliure au futur patron de l’officina Plantiniana.

À ce jour, une cinquantaine de reliures ont été attribuées à Plantin – avec une certitude plus ou moins grande. Les attributions reposent sur des éléments techniques et stylistiques, principalement sur l’identification des fers employés pour marquer le cuir de la reliure. Les livres dotés de ces reliures ont pour la plupart été imprimés dans les années où Plantin exerçait comme relieur, mais quelques-uns sont des exemplaires des tout premiers ouvrages produits en 1555-1556 dans son imprimerie. On sait par les registres comptables qu’il exécuta personnellement des travaux de reliure jusqu’en 1561.

Le livre exposé présente une reliure de veau brun. Les compartiments du dos sont ornés d’un fleuron que l’on retrouve sur une autre reliure attribuée à Plantin. L’élément le plus intrigant de la décoration est l’aigle bicéphale couronnée au centre des plats, emblème héraldique du Saint-Empire romain. Ce même motif, imprimé par le même fer, est présent sur deux autres reliures qu’on attribue à Plantin. Pourquoi celui-ci – s’il est bien le relieur – a-t-il choisi cet ornement ? Pure décoration ou marque de sympathie politique ? Bien des questions restent ouvertes.